Le Vent de la Chine Numéro 37

du 24 au 30 novembre 2008

Editorial : Splendeurs et misères de la crise en Chine

[1] Automobile US : la curée chinoise ? « SAIC (Shanghai Automobile Industry) et Dongfeng ont la capacité et l’intention d’acheter certains actifs des deux groupes américains en difficulté», Chrysler et General Motors : cette véritable bombe était lancée le 18/11, 8 jours après que les constructeurs chinois ait reçu le permis d’investir hors du pays. L’annonce est pour le moins prématurée, mais l’origine de la fuite (un cadre du MII, le ministère des Industries de l’Information, le super ministère de tutelle) lui donne du poids : Dongfeng, SAIC appartiennent à l’Etat, qui les finance à sa guise.  En quasi-faillite, GM et Chrysler ont peu de chance d’obtenir les 25MM$ qu’ils réclament, et même en ce cas, la rallonge ne ferait que retarder l’amère issue. Washington ne pourrait pas non plus s’opposer à la reprise -toujours meilleure que le démantèlement. Pour la Chine, ce rachat ouvrirait enfin la porte à l’export (que ses partenaires de JV lui dénient), et la technologie qui lui manque. Surtout, avaler ces marques emblématiques, signifiera jouer d’égal à égal, dans la cour des grands!

[2] Emeutes. Les 17 et 18/11, Longnan (Gansu) vécut sous des émeutes d’une choquante violence. Ses 2,7M d’âmes s’insurgeaient contre le rasage du centre-ville, imposé à la hussarde. Durant 48h, 20.000 émeutiers pillèrent le bâtiment du syndicat, celui du Parti, brûlèrent voitures et motos, lapidèrent les policiers. Pourtant, la mairie semblait de bonne foi, en imposant cette mesure à titre de sécurité : le 12 mai, le séisme avait aplati une partie de la ville, causant 275 morts…

Or, d’autres émeutes éclatent sporadiquement partout en Chine. Le spectre du chômage hante les esprits. Yin Weimin, ministre des affaires sociales annonce que «la stabilisation de l’emploi est la priorité n°1». Mais quand la crise arrive, les faiblesses du tissu social viennent soudain menacer la précaire stabilité. Selon ce rapport juste paru, de l’Institut de développement et de réforme, «les inégalités ont renforcé les obstacles à la croissance». Le fossé riches/pauvres commence à  menacer le ressort du développement, et la seule parade, pour Pékin est de renforcer l’accès des pauvres à la santé, l’éducation et la couverture sociale, le grand échec des années ’90 de Jiang Zemin. C’est justement ce qu’il tente  de faire à présent avec le grand plan anti-crise.

Il y a plus grave: un sondage de 6277 internautes par Sina.com établit que 96% des Chinois croient que l’injustice vient du pouvoir. Wu Xuecan, ex-journaliste au Quotidien du Peuple, évoque une entreprise de joaillerie qui serait possédée par l’épouse du 1er ministre, une compagnie d’assurance supposément propriété du fils, un contrat de 10MM¥ qui aurait été octroyé au fils du Président de la RPC. Tout cela, les Chinois croient le savoir, se le disent sur internet, hors censure, faisant gronder la colère!

[3]Baidu, main dans le sac: Baidu, n°1 de la recherche en ligne, est sous le coup de multiples accusations d’avoir biaisé les données sur les firmes qui acceptaient de le payer sous la table. Tel Sanlu, le laitier à la mélamine dont il avait caché les fautes jusqu’à ce qu’éclate le scandale. Le site médical Qmyyw. Com porte plainte contre lui, réclamant 171M¥ de dommages pour distorsion d’image. Baidu s’excuse platement. Mais l’affaire éclaire le lien délétère entre censure et délit commercial : ayant reçu de l’Etat le pouvoir de censure «franchisé», Baidu l’a détourné à ses propres fins…

 

 

 


A la loupe : La Chine pompier de l’incendie houiller

La Chine souffre d’une source d’émission de gaz à effet de serre (GES) millénaire, qu’elle découvre à peine: les feux souterrains houillers, atteignant jusqu’à 1500°C, causant jusqu’à 2 à 3% des gaz à effet de serre de la planète. Leur origine peut être naturelle ou accidentelle. Avec 50% des émissions globales et le plus grand nombre de sites, la Chine remporte -si l’on peut dire- la médaille d’or de cette combustion indésirable : résultat d’un effort d’extraction sans précédent depuis 30 ans, qui lui ont fait trois fois décupler  sa production de charbon à 2,3MMt/an, ouvrant des dizaines de milliers de mines sans grande technologie ni précautions. Le seul site de Shuixi Gou, au Xinjiang, émet 423.000t de CO²/an. Sur base nationale, le charbon perdu est estimé à 20Mt/an : ce seul chiffre a incité les pouvoirs publics, engageant des milliers d’hommes, à tenter de maîtriser 62 sinistres, surtout au nord du pays. Ils criaient victoire en septembre 2007, croyant avoir vaincu l’incendie de la veine de Rujigou (Ningxia), moyennant 53M$. Mais après vérification, il fallut déchanter : le foyer s’était rallumé.

Pour autant, il n’y a pas de raison de baisser les bras, estime l’experte indo-américaine A. Prakash. Obnubilée par sa course «au charbon», l’humanité ne s’est jamais penchée sur la faisabilité d’éteindre ces sinistres, action qui coûtait, et ne rapportait rien. Aujourd’hui avec le protocole de Kyoto, il en va tout différemment. La firme Huayu (Xinjiang) s’est mise en tête d’éteindre Shuixi Gou. En cas de succès, elle peut espérer, en vente de crédits carbones, 4,2M$ /an durant 7 ans (à 10$ la tonne de CO² épargnée). Huayu s’est adjoint les services de géophysiciens allemands. Les experts de l’ONU débattent encore pour octroyer ou non au projet le label « crédit carbone » -de toute manière conditionné au succès. Si c’est ‘oui‘, Huayu devra mettre 4 à 5M$ dans l’aplanissement de la surface pour installer les engins, puis forer 50 à 60 puits et refroidir à l’eau courante tout le massif rocheux durant des mois. Suite à quoi les puits seront comblés d’une combinaison d’eau, sable, ciment et autres produits chimiques, puis l’espace sera chapé d’argile et planté d’arbres, «preuve par neuf» de l’extinction des feux.

Huayu n’est pas la seule à attendre le verdict des experts du protocole de Kyoto. Plusieurs autres équipes et projets préparent leurs sites, leurs outillages et leurs banquiers, à travers la Chine et dans le monde : Shuixi Gou fera un précédent !

NB : parallèlement, la Chine poursuit son programme de fermeture forcée des petites mines sans licence, causant pollution et morts d’hommes. 6000 mines doivent être immobilisées d’ici 2010. Les fermetures autoritaires sont la raison probable de la baisse des accidents depuis janvier (-13,5%), mais les responsables ne se leurrent pas : les conditions de sécurité demeurent précaires.  

 

 


Joint-venture : Les malheurs d’un satellite afro-chinois

La bière belgo-américaine, encapsulée

Conclue en juillet aux USA, la reprise du 3ème brasseur mondial Anheuser-Busch (Budweiser, US) par le n°1 InBev, (Stella, belge) est avalisée (18/11) par le MofCom, le ministère du commerce.

Totalisant 13% de son marché de la bière, cette alliance n’a pas été jugée monopolistique par la Chine, qui permet donc sur son sol cette fusion ayant coûté 52MM$ à InBev, pour des ventes mondiales de 36MM$/an. A une condition : tout autre achat d’InBev en Chine nécessitera une autre licence -il détient déjà des parts dominantes dans Tsingtao (27%) et Zhujiang (28,56%), n°1 et 3 nationaux. C’était la 1ère enquête de concentration par le MofCom, sous le régime de la loi des monopoles. La réponse est donc complexe : encourageante par son rejet du protectionnisme (l’étranger sur ce dossier, aurait forcément interprété un refus comme abusif), mais inquiétante par sa volonté de brider tout achat ultérieur. Cette gestion du secteur rappelle celle des aciéries, et vise peut-être le même but : donner  à ce marché encore atomisé quelques années pour se concentrer, permettre à des outsiders chinois viables d’émerger.

 

Les malheurs d’un satellite afro-chinois

L’aventure spatiale nigériane sous l’aile de Pékin, vire au cauchemar. Produit par Great Wall, NigComSat-1, satellite géostationnaire, devait fournir du signal télécom à usage industriel, militaire et privé durant 15 ans. Mais sur orbite depuis 18 mois seulement, il connut une fin abrupte le 9/11. Ses batteries vidées après quelques semaines, il vient d’être déplacé sur orbite -garage- pour éviter des collisions avec d’autres engins spatiaux. Pour la Chine surtout, l’échec est douloureux : sur les 256M$ du coût du projet, elle en avait avancé 200M$, remboursables sur 20 ans à bas taux (2,5%, 5 ans de grâce). Or, le mystère plane sur les causes de la panne. Eruption solaire, disent les experts chinois, qui aurait grillé les capteurs solaires? erreur de navigation nigériane, privant les antennes du signal terrestre? Ou bien faute de design du satellite (interférence d’autres signaux), ou de la fusée Longue Marche 3B (trajectoire trop heurtée)? L’incident rappelle fâcheusement la perte du Dongfanghong-1, 1er satellite de cette série « DFH » en 2006, dans des circonstances très similaires. Au total, presque 50% des DFH ont subi des avaries graves sur orbite…Deux choses sont sûres.

[1] Pékin semble prêt à payer sans discuter le remplacement de l’engin, 500M$ sont déjà promis, pour financer les prochains lancements nigérians de NigComSat-2 et 3 (prix à payer pour s’assurer aujourd’hui la clientèle de pays pas encore payeurs)  

[2] Mais les experts mondiaux prédisent de lourdes modifications dans la suite du programme !  

 

 


A la loupe : La Chine pompier de l’incendie social

Tous azimuts, Pékin poursuit son Plan de relance, campagne volontariste où tous les niveaux et agences de l’Etat se mettent à  relayer le privé, puisant dans les riches réserves publiques pour financer 1000 projets afin de sauver l’emploi, rétablir la confiance :

S  Une priorité est de rétablir l’accès à la finance, par différentes mesures, classiques mais aussi parfois radicalement neuves.

L’Etat prépare « avec force » (sic) une politique d’émission de billets (afin de prévenir la panique), de baisses d’impôts (au textile), de refinancement (3MM¥) de China Eastern et China Southern.

En oct., il a lancé la «term auction facility», crédit de 300MM¥ à trois mois, en adjudication auprès des banques pour alimenter le refinancement des PME à court terme. L’offre gagnante est partie au taux de 3,89%, soit 0,74% de mieux que le taux au détail.

Pékin veut aussi légaliser un maximum de prêteurs privés, n’excluant que les plus usuriers et les moins pro. L’intérêt: remettre en circuit une partie des 3.000MM$ des «bas de laines» privés.

Enfin pour enrayer la fuite des capitaux, les paiements hors Chine sont très surveillés.

Enfin, l’Etat prépare la convertibilité du ¥uan – qui affiche déjà une ambition de s’imposer comme une devise internationale-, et la taxe au carburant, au 10 décembre 2008, suivie de hausses de toutes les énergies.

S Au plan social, l’Etat a ouvert 259 foires aux jobs à travers le pays (530.000 emplois). Shandong et Hubei tentent d’«interdire» (18/11) toute clôture de plus de 40 jobs – certainement un voeu pieux. Et pour favoriser l’emploi, le ministère bannit toute hausse des salaires minimum, voire encourage une réduction des couvertures sociales existantes : priorité à l’emploi, pas au bien-être !

S Toutes les provinces y vont de leur plan d’investissement complémentaire. Le Hubei présente ses 9 « éco-cités » autour de Wuhan, à bâtir d’ici 2020, pour 75MM$. Shanghai, d’ici 2010, met 73MM$ dans ses infrastructures. En JV avec Birmanie et CNPC, Le Yunnan monte un oléo- et gazoduc stratégique à 2,5MM$, qui permettra de transborder pétrole et gaz à Sittwe, les acheminer vers Kunming, évitant Malacca, les pirates—ou la 6 ème flotte américaine !

S Enfin les Grandes entreprises d’Etat font la fête, comme la CNBMC (China Nat’l Building Material Co), 1èr bétonnier du pays, dont le président Song Zhiping prévoit une demande nationale de 600Mt de ciment sous 2 ans, avec sa firme présente dans la plupart des contrats. La SGCC, distributeur électrique, 1er groupe du pays déclare qu’elle doublera à 179MM$ d’ici 2010 ses plans d’investissement, mais prévient déjà que les fonds débloqués par l’Etat au titre de la construction du réseau, ne suffiront pas, au vu des chantiers que l’Etat compte lancer à court terme : elle réclame 7,45MM$ de plus. Sa tutelle CERC répond qu’elle étudie vite la demande, et favorablement. Preuve qu’«on ne prête qu’aux riches» !

 

 

 

 


Argent : La banque et l’alcool chinois ont la cote

Dépression : n’achetez rien—sauf chinois

En période de crise, n’achetez rien—sauf chinois : c’est ce que semble prouver les affaires qui suivent!

[1] A peine refinancée (25MM$) par le Trésor US, Bank of America (BoA, n°3 national en dépôts), tout en peaufinant sa reprise (50MM$) de Merrill Lynch, exerce son droit de rachat de 10% de la banque chinoise China Construction Bank (CCB). Elle en avait déjà 10,8%, acquis en 2005 pour 3MM$, puis en juin dernier (1,9MM$). Ce dernier rachat laissant soupçonner que la BoA préparait dès lors cette opération triplement bénéfique car indirectement payée par le contribuable américain, à 40% de réduction sur le cours actuel, et sans risque (CCB, banque d’Etat est insubmersible). Pour la CCB aussi, l’affaire est bonne: tout crédit étant bienvenu. [2] Goldman Sachs, rebaptisée «banque commerciale» en catimini pour avoir droit au renflouage par Hank Paulson, paie 50M$ pour 25% du distillateur privé Kouzi (Anhui, 34M bouteilles en 2007) : ce n°15 du secteur va renforcer production et ventes, sur un marché ayant progressé de +61% en neuf mois.         [3] Pour 710M$, Itochu, le trader nippon achète 20% de Ting Hsin (fast-foods, nouilles instantanées). Entre ces deux géants, la relation est ancienne. Depuis 2004, via Ting Yi, filiale off-shore de Ting Hsin, et 1er conserveur chinois, Itochu avait une JV et 13 filiales de boissons non alcoolisées.

 

Les derniers jours d’un certain sport chinois

Pas à pas, le football chinois poursuit sa descente en enfer. Le 12/11 à Pékin, un match préliminaire de ligue d’Asie s’acheva en rixe télévisée entre le 11 local ‘Guo’an‘ et le ‘Kangshifu‘ de Tianjin -entraîneurs compris. Suite à quoi Jiang Heming, directeur de CCTV5, la chaîne sportive, interdit d’antenne (17/11) tout match de la Superligue, dénonçant la carence des joueurs en éthique professionnelle, et justifiant sa sanction par le souci de sauver le foot local d’une autodestruction autrement certaine.

Le bras de fer politique se poursuivit 8 jours après, avec Dong Hua, porte-parole de la CFA, (China Football Association) l’«association», en réalité l’organe de contrôle de masse. Dong minimise l’affaire à un simple incident d’athlètes dû à l’«esprit de compétition». Mais toute la presse s’en mêle, ressassant le bilan accablant: perclus de vices, incompétent, ce foot est 98ème mondial, au même rang que la Barbade (280.000 hts). Les matches truqués sont si fréquents que la Loterie du foot, depuis 2001, organise les paris sur les scores des ligues britannique ou italienne et non la Superligue. Et ce dernier scandale succède à un autre en octobre (VdlC n°32), quand le club Guanggu de Wuhan avait été exclu de la Superligue pour avoir contesté la suspension d’un joueur par la CFA – il s’était alors auto-sabordé.

Un détail insolite, dans cette affaire, est le conflit ouvert entre CCTV et CFA: généralement, les instances publiques préfèrent régler leurs affaires en interne. Autre réaction improbable : la décision du directeur de la TV d’exclure de ses programmes un corps professionnel très en vue. Mais dans un pays sous contrôle (surtout dans ses media), on peut supposer qu’un cadre même de ce rang, n’a pas un tel pouvoir—qu’une décision de ce type se prend collégialement, à plus haut niveau. Tout se passe comme si, au sommet, « on » avait décidé le grand ménage du ballon rond,dans un projet nationaliste (donner à cette Chine-là aussi la place mondiale qui lui revient), ou populiste (ne pas humilier la rue, surtout à un moment de grande tension économique). Pour l’instant encore la presse évite de citer la raison structurelle du dévoiement de ce sport : l’absence d’un réseau dense de clubs indépendants. Mais l’entrée en lice de la CCTV pourrait signaler un tournant…

NB: une autre affaire sportive défraie la chronique : Yu Fen, ex-entraîneuse nationale de plongée ayant généré bien des records olympiques et du monde, accuse sa successeur d’avoir détourné pour des M de ¥ de primes qui lui revenaient, et son administration la SAC, d’avoir commis des faux. Histoire glauque, qui prouve que la gangrène gagne tous les domaines du sport : après les JO, et le sport sous contrôle afin de produire des médailles pour le Parti, on passe à autre chose, le système expose son absence de rentabilité, tandis que les sportifs réclament leurs droits.  

 


Pol : Gouvernement—remaniement de crise

Gouvernement – remaniement de crise ?

En principe, le ballet des mutations, promotions, retraites et limogeages suit le plenum de l’ANP de mars. Cette année rompt avec la tradition—peut-être à cause des JO- : c’est le Plenum du Comité Central d’octobre qu’il suit, certainement inspiré par la crise, avec pour critère la compétence, plus que l’ancienneté ou le piston.  

À 55 ans, l’ex-vice-ministre du Commerce Yu Guangzhou passe secrétaire adjoint au Fujian. Jiang Jianguo, apparatchik du Hunan remonte à Pékin comme n°2 politique et civil (vice-directeur, vice-secrétaire) de l’AGPP, tutelle de la presse et du livre (censure). Chen Xi, l’ancien patron politique de l’université Tsinghua, est nommé vice-ministre de l’Éducation, et vice-secrétaire du Parti au ministère – les deux postes vont souvent de pair, afin d’éviter la paralysie du niveau décisionnel. Huang Wei, l’ex vice-ministre du logement et de la croissance urbaine-rurale, passe vice-maire de Pékin. Pour finir, ces trois promotions probablement liées au dossier mélamine : Ma Jiantang, l’ex vice-gouverneur du Qinghai, va diriger le Bureau national des Statistiques, Wang Yong, ex vice-secrétaire du Conseil  d’Etat, vient chapeauter l’AQSIQ (Administration pour le contrôle de la qualité, de l’inspection et de la quarantaine), reprenant le poste de Li Changjiang, et Yin Li, ex directeur au ministère de la santé, en devient vice-ministre…

Cône Sud : l’oiseau chinois fait son nid

Cuba, pour la Chine, c’est un des derniers pays communistes. C’est aussi sa revanche sur les USA pour leur soutien à Taiwan. A ce titre, l’île caraïbe a droit au traitement le plus privilégié de Pékin hors de ses frontières: il a pris le relais de l’URSS, pour le parrainage d’un Cuba sous embargo américain, trop petit pour être autosuffisant. Derrière le Venezuela, la Chine est son 2d partenaire, avec 2,3MM$ d’échanges.

Tout cela explique la liesse de La Havane accueillant Hu Jintao les 17-18/11, son avion rempli de 1600 couchages, partie de 4,5t d’aide humanitaire (2,5M$) suite à trois ouragans dévastateurs. A Raul Castro, le frère de Fidel promu Lider Maximo depuis février (Fidel étant atteint d’un mal secret), Hu apportait bien d’autres petits cadeaux, tels ces 78M$, pour restaurer une série d’hôpitaux et de ports, le gel de 10 ans d’une dette (secrète), le report à 2013 du paiement de 7M$ prêtés en 1998. La Chine renouvelle sa commande de 0,4Mt/an de sucre de canne et 75.000t de nickel (dans les 2 cas, 50% de sa production). Tout cela, au nom de la nostalgie -mais aussi du pétrole off-shore que Sinopec aide à explorer. 

Ce voyage de Hu Jintao se veut aussi le remake de sa visite de 2004 en Amérique Latine, sur laquelle la Chine mise lourd, ayant décuplé à 102MM$ les échanges entre 2000 et 2007 -par comparaison, les échanges Cône Sud-USA faisaient alors 560MM$.

L’étape du Costa Rica était un must, pour le gratifier d’avoir changé de Chine en 2007. Pour cette coopération où tout reste à faire, 11 accords furent signés (19/11), dont un chèque de 40M$, une JV avec la CNPC la compagnie pétrolière nationale pour restaurer la raffinerie locale (invest : 1,2MM$), et la construction d’un stade à San Jose. L’essentiel étant ce futur accord de libre échange, très utile pour la Chine en cette plaque tournante des Amériques, à négocier d’ici 2010. Les échanges atteignent 2,8MM$, dont 848M pour le Costa Rica.

 Puis dès le 20/11, Hu Jintao passait à Lima (Pérou), avec sa suite de 600 hauts cadres et patrons (mine, banque, télécoms).  Informellement conclu, l’accord de libre-échange, le second sino-latino (après le Chili en 2005), à signer en mars, pourrait porter la croissance péruvienne de 9% à 10%, en éradiquant 90% des droits de douane. Une dizaine d’accords bilatéraux ont été signés. Pékin veut investir 6MM$ d’ici 2011 dans les mines, dont un tiers par Chinalco sur le gisement de cuivre de Toromocho. 6MM, c’est aussi le montant des échanges annuels, à l’avantage du pays andin qui exporte pour 4,3MM$ (cuivre, fer et zinc). La visite fut conclue (22-23/11) par le sommet APEC, des 21 pays riverains du Pacifique. Tout en militant pour une issue rapide du round de Doha, accord de l’OMC en souffrance depuis 7 ans, Pékin pousse aussi pour créer une zone Pacifique de libre échange, plus facile à régler car excluant des partenaires tels Brésil, Inde ou Union Européenne. Ce qui s’appelle, très classiquement, garder deux fers au feu !

 

 


Temps fort : Mélamine, du scandale à l’entraide

Choquées par le scandale du lait à la mélamine, Europe et USA ont invité la Chine à négocier : à Bruxelles, le 17/11, la commissaire Meglena Kuneva (Union Européenne), la cheffe de la CPSC (Consumer protection and safety Commission USA) Nancy Ford, et le ministre Wei Chuangzhong, de l’AQSIQ (Administration pour le contrôle de la qualité, de l’inspection et de la quarantaine), ont jeté les bases d’un pacte tripartite de protection des consommateurs.

Avec d’abord une urgence dictée par le calendrier, Noël, et ses joujoux par milliers, dont 85% pour l’Europe, vient de Chine. Sur ce «trilogue» planait le spectre des 21M de jouets Mattel rappelés en 2007 pour cause de peinture au plomb et aimants détachables. Or, depuis lors, si les progrès sont nets (seuls 10% des lots en infraction ne permettent pas de remonter au producteur, contre 17% l’an passé), 56% des produits saisis en Europe demeurent made in China

 Pour lancer cette coopération, à étendre progressivement à tous les pays, Union Européenne, USA et Chine se sont engagés à :

intégrer leurs systèmes de traçabilité des produits, de manière à pouvoir  remonter toute la chaîne, l’assembleur, les produits de base etc. 

-intégrer leurs standards de qualité, normes d’hygiène etc.

-échanger leurs données sur les fournisseurs douteux, de manière à aider les occidentaux à affiner leurs inspections. L’Aqsiq aura accès à la base de données « aliments dangereux » de l’Union Européenne, et s’engage à lui fournir 4 fois l’an  les suites qu’elle donne aux alertes des 27 Etats membres. Jusqu’à présent, sur les 200 alertes par trimestre, la Chine n’a pu en contrôler que 80, et réagir sur 51.

Le ministre Wei exprime la volonté chinoise de sortir au plus vite de l’impasse. Concernant le marché des jouets à l’export, il a annoncé la nouvelle stratégie de « tolérance zéro », avec refonte du système de licences, d’audit du fabricant, de vidéo surveillance des usines, de test par lots, et de formation des patrons. Les premiers résultats sont déjà là : 701 usines ayant perdu leur licence, suite à inspection défavorable.  Concernant l’alimentaire, il a présenté la nouvelle loi phytosanitaire, à voter dès décembre, et l’investissement imminent de 83M$ dans une pyramide de labos centraux (18), régionaux (7), provinciaux (15) et de base (117). 

NB : l’avenir s’annonce plein de bouleversements pour le jouet chinois. Atomisé en millions de PME, le marché devrait voir disparaître la plupart des usines ne pouvant payer les tests et les codes barre : la concentration sera accélérée.

Les Etat-Unis enfin, en rajoutent en sévérité, par deux barrières de plus : – le blocage/contrôle immédiat à leurs frontières de tout produit au lait chinois, – l’ouverture à Pékin, Shanghai et Canton de bureaux de leur Food and Drug Administration – FDA-  pour conseiller et former les dizaines de milliers de firmes exportant des vivres vers les USA, à se mettre à leurs normes – programme de très longue haleine !  

 

 


Petit Peuple : A Guiyang, le trappeur de rats !

A Guiyang (Guangxi) en 1943, Zeng Qingguo, enfant de 8 ans, vit son chat blanc se tapir, bondir pour attraper un raton, jouer avec, le croquer enfin. La scène lui fit une si forte impression qu’il en découvrit la mission de toute sa vie : trappeur de rats !

Sans jamais se déjuger ensuite, durant ses années «tendres», il apprit le métier, à bastonner la bête, l’appâter au tofou puant, l’enfumer ou piéger.

Adulte, il vit la révolution embraser le pays, durant 30 ans qu’il passa à l’usine textile n°2 comme ouvrier, dans sa maison comme époux et père de trois beaux enfants : rien, en toute sa vie, ne put le détourner de sa rage exterminatoire.

A force de recherches, Zeng a créé sa propre méthode d’éradication. Ayant constaté que le poison détruisait aussi les prédateurs du rat, hibou, renard, serpent et chat, il proscrit l’usage du poison, et fait sa «chasse à la baguette», qui lui vaut dans son quartier le sobriquet du«hibou aux cheveux blancs ». Peu de jours ne se passent sans qu’il reçoive l’appel au secours de restaurants, commerces ou voisins. Car avec son climat humide et doux, Guiyang est un terrain idéal de prolifération des muridés dévorant le grain, faisant risquer toutes sortes d’épidémies. Une fois chez le client, Zeng commence par repérer les pièces préférées des parasites. Dans chacune, il y laisse ses «baguettes», en réalité des triques de 70 cm, et une planchette posée par un bout sur l’arrête d’une plinthe. Quand le rat entre, il ferme doucement la porte et puis se montre, forçant à la «baguette» la bestiole terrorisée à se réfugier sous la planche : il n’a plus qu’à sauter dessus, écrabouillant l’intrus.

A 73 ans, Zeng qui additionne depuis l’enfance ses tableaux de chasse, comme d’autres les conquêtes féminines, estime à plus de 5000, la cohorte des rats réduits par ses soins à l’état de fantômes. Soit une moyenne d’1 tous les 4 jours. Zeng a rassemblé sa vie de trappeur dans un livre, au titre du genre « moi et mes rats ». Il a aussi commis bon nombre d’articles touffus (jusqu’à 20.000 caractères), mais pour l’instant, nul éditeur ou rédacteur n’a voulu de sa prose. En désespoir de cause, faisant irruption dans la rédaction, il a réussi à intéresser le Journal de Guizhou qui a publié l’histoire de sa vie, sa prière qu’on lui trouve un éditeur, assortie d’une offre de conférences gratuites pour signer son oeuvre et former sa relève, des armées d’intrépides tueurs pour l’avenir…

Mais au fait, pourquoi telle passion mortifère? Selon nous, au nom d’une lecture idéologique du symbole du rat, insufflée par le régime, et qui fait le fil rouge de la vie de notre héros. En 1950, Mao donnait le (ra-)ton, traitant de «rats» les bourgeois et les propriétaires, puis lançant quelques années après une campagne d’éradication du rat (accompagné du moustique, de la mouche et du moineau). En 1978, Deng spécifiait que la couleur du chat n’avait pas d’importance : le bon chat était celui qui prenait la souris «抓老鼠的,就是好猫» (zhuā lǎoshǔ de, jiù shì hào māo). Enfin, dans les années ’80, un dessin animé par épisodes mettait en scène à la TV un commissaire-chat noir, brave et loyal, qui  débarrassait la Chine de ses rats fourbes et cruels… A l’instar de ses contemporains, Zeng avait saisi le message de l’appareil. Mais son propre génie, signe d’une intuition politique surdéveloppée, fut de passer aux actes : il s’assimila au chaton blanc de son enfance, au greffier noir de ses 50 ans pour éliminer la vermine ratière, assurant ainsi son humble et indéfectible contribution à l’édification du socialisme !

 

 


Rendez-vous : Pékin, le Salon de l’avionique

26-28 nov, Tianjin : Congrès sur les technologies de stockage du pétrole

26-28 nov, Canton : INMEX, Salon industrie maritime

27-29 nov, Pékin : Avionichina, Salon sur l’avionique et équipements de tests, CIAIE, CIRIE, Salons d’aménagement intérieur des avions, des trains