A la loupe : La Chine gagne son tronçon d’oléoduc

Le sommet Asie-Europe de l’ASEM avait permis à la Chine de se rapprocher spectaculairement de l’Europe, puis lors de son voyage à Moscou (27-29/10), Wen Jiabao en fait de même avec la Russie, obtenant un éclatant succès, annonçant des échanges commerciaux de 50MM$ cette année (+20%), et de «60 à 80MM$» sous 24 mois. En dépit des apparences, les deux démarches sont de nature très différentes. Car l’entente sino-russe était bloquée jusqu’à hier… par la trop bonne santé du partenaire nordique. Par préjugé séculaire, Moscou s’efforçait de ne pas favoriser la croissance du rival chinois, et surtout, de ne pas le raccorder à son oléoduc géant ESPO, Sibérie – mer du Japon, 4700km pour 14MM$, convoyant 600.000 barils/j, vers les marchés du Japon et de la Corée. Or, cet accord refusé depuis 10 ans, Wen Jiabao vient de l’obtenir le 28/10, juste à temps, 15 mois avant l’entrée en activité du tronçon maître. Comme signe de détente, les capitales avaient réglé dès juillet la dispute sur les îles sur le fleuve Oussouri (VdlC n°26). Mais pour céder l’oléoduc, il a fallu que Rosneft et Transneft, (propriétaire/gestionnaire d’ESPO) se trouvent coincés entre leurs 28MM$ de dettes (dont les créanciers exigent le remboursement), et la chute du marché du brut.

La Chine leur «prête» donc 25MM$ environ (les détails sont encore en négociation!), à rembourser en brut, 300Mt sur 20 ans: soit 15Mt/an (50% de plus qu’en 2007) et 4% des besoins nationaux. C’ est ainsi qu’elle obtient sa patte d’oie Skovorodino-Daqing, 67km jusqu’à la frontière, au coût de 800M$. Mode de transport plus à l’avantage du consommateur que du livreur, qui se lie ainsi à long terme avec son client. C’est pourquoi on a vu Moscou réclamer voire obtenir d’autres concessions chinoises. Al. Joukov, vice 1er ministre réclame pour ses pétroliers une partie de la valorisation de «leur» or noir en Chine : raffinage, distribution, chimie, matériaux de construction et entrée au capital de firmes célestes.

En nucléaire, la coopération progresse, confirmant deux tranches supplémentaires de 1000MW à la centrale de Tianwan (Jiangsu), en plus de la station d’enrichissement d’uranium et du réacteur à neutrons rapides , bâtis par Rosatom. On voit aussi émerger un projet de d’avion civil gros porteur dérivé de l’Iliouchine-96 ; un autre (HR/Aviacopter) pour un hélicoptère civil lourd… Et Pékin va «certainement» se joindre au projet russo-allemand de transsibérien, axe ferroviaire qui permet déjà d’écourter de 10 jours le voyage des conteneurs vers la côte chinoise. Autant de chantiers destinés à satisfaire les plaintes russes d’un déséquilibre des échanges.

Et ce n’est pas un mince paradoxe de voir, entre ces pays historiquement si méfiants l’un de l’autre, la coopération exploser ainsi : grâce à la crise, peut-être.

 

 

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