Le Vent de la Chine Numéro 35

du 3 au 9 novembre 2008

Editorial : Une semaine ordinaire sous la crise

La Chine après le monde, s’installe dans la crise. Témoin, cette yuppie shanghaienne qui vient de réduire de 70% ses notes de restaurants, soins du corps, taxi et nippes, de 8300¥ à 2600¥/mois. On voit aussi les incidents en tous genres s’exacerber et des réactions inédites, de type rupture apparaître: comme si la fonction 1ère de la crise était forcer les remises en cause, exigeant des solutions à de vieux problèmes hier traités par le mépris !

 [1] Soudain découragé, le Dalai Lama annonce (27/10)  avoir perdu tout espoir d’accord avec Pékin, sur l’avenir du Tibet, vu l’immobilisme du rapport de force et d’intérêts craignant, en cas de paix, se trouver marginalisés. Il est vrai que les Tibétains en exil n’arrangent rien, en conservant des attentes nostalgiques et irréalistes, comme sur le rétablissement des frontières historiques ou la démocratie… Dès le 28/10, Pékin et Daramsala rectifiaient le tir, annonçant leur fameux sommet «de la dernière chance» (29/10). Quoique les chances d’entente semblent minces, la partie chinoise prend le monde par surprise, en invitant ses hôtes à visiter d’autres ethnies genre Corée (chinoise), avec sa TV, son université, ses journaux dans la langue locale… et sa paix sociale. Manifestement, Pékin, pour sa région autonome, cherche des idées nouvelles !

[2] Parmi les dizaines d’affaires dans la presse (pollution, fraude, accident caché), celle de Tonggu (Jiangxi) frappe le plus, par sa violence -et sa prévisibilité. En 2004, Luhai, Cie privée achète le droit de coupe forestière sur 6700 ha de montagne, 3000¥/ha. Mais la réforme foncière et l’abolition des taxes rurales revalorisent ensuite la forêt de Tonggu, ce dont l’exploitant refuse de tenir compte. En conflit, les fermiers recommencent à abattre directement « leurs » arbres. La firme lance contre eux ses 30 nervis. C’est l’émeute (23/10), jusqu’à 1000 paysans contre les 30 gardes puis 100 policiers. Des voitures de police sont retournées, le QG de Luhai mis à sac. 15 blessés. Alors l’Etat (Nanchang, voire Pékin) réagit : 8 vigiles arrêtés, sans compter ceux en fuite. Lors d’une négociation express, Luhai rajoute 8% à son prix à l’hectare, les paysans lui restituent la centaine de meubles, PC et autres articles volés durant l’émeute…

[3] Pékin avait trop vite déclaré la fin du scandale de la mélamine du lait : il rejaillit, depuis Hong Kong, dont les services d’hygiène retrouvent le poison dans trois provinces. Il en résulte une crise de confiance (et de conscience) sans précédent : les langues se déliant, la mélamine pro-venait (« légalement ») de l’aliment des poulets et des vaches. Toujours positif, Wen Jiabao croit pouvoir rétablir le bon renom de l’aliment made in China « en deux ans ». Mais demandera-t-on, que ne l’a-t-on fait avant ?  

[4] L’agriculture lance à Quanzhou (Fujian, 26/10) ses 6èmes Jeux paysans. 3.500 villageois se mesurent à la course au pneu ou à la danse du Yangge. Cette rencontre qui vise moins le record que la fantaisie, intervient deux semaines après les Jeux de l’esprit à Pékin, où se mesurèrent les meilleurs experts mondiaux des échecs et autre bridge. Chaque délégation avait apporté un bidon d’eau de son pays. Mélangée, redivisée, elle repartit ensuite pour les 5 continents -symbole fécond de la vie et de l’esprit. La Fête de la Musique avait été inventée en France : en la matière, la Chine démontre des capacités d’imagination insoupçonnées, er prétend offrir au monde d’autres fêtes des temps modernes.

 

 


A la loupe : Deux bétonniers chinois à la conquête du monde

Trois ans de tentative de contrôle de Xugong (n°1 chinois du chariots élévateurs) par Carlyle (US) échouaient en juillet, suite au lobbying de Sany, second constructeur d’engins de BTP (1,4MM² de CA en 2007), qui réussissait ainsi, par ses appuis politiques, à enrayer la route du rival vers l’international. Depuis lors, renforcé par les travaux de Pékin-Olympique, aux 300 brevets et 28.000 employés, ayant sous sa coupe 56% du marché mondial de la pompe à béton, Sany devenu géant, ne fait lui-même rien d’autre, prenant pied en Inde et aux USA en 2007, en Europe cette année.

Sany choisit Cologne (Allemagne). Il y installe sa base logistique, une usine d’assemblage (centaines d’emplois) et un centre de recherche, pour un investissement de 100M². De là, il compte desservir les 27 Etats de l’Union Européenne et la Turquie. Entre ses pompes à béton (mobiles et stationnaires), ses grues à chenilles et ses pelles, il compte générer à terme 500M²/an de ventes. On assiste ainsi à un des premiers modèles chinois d’intégration mondialisée, où les éléments construits à Kunshan (pelles à chenille), Changsha (pompes à béton) reçoivent des moteurs Cummins ou Isuzu (aussi made in China), une hydraulique Kawazaki, avant d’être montés dans les continents de destination, portés aux normes européennes et modifiés selon les besoins locaux.

Autre stratégie chinoise de «Go global», celle de Zoomlion, à participation publique de 26%, n°2 chinois des machines de BTP. Vingt fois plus petit que Sany (1450 emplois), il n’a pas sa force de frappe dans l’innovation, mais il est riche de ses ventes intérieures en hausse de 50% par an. Aussi sa R&D, il va la chercher hors frontière, par acquisition. Soutenu par Hony, fonds privé de capital risque, il achète pour 375M², 60% de l’Italien CIFA, le n°3 mondial des machines à béton, détenteur de 20% du marché en Europe (300M² de chiffre en 2007). Suite à quoi, il espère quadrupler (de 11% à 40%) sa part d’export en deux ans, et se prémunir d’une saturation du marché immobilier chinois, attendue en 2012.

Au grand saut européen, les deux firmes se sont longuement préparées, Sany, en suivant les salons et en testant sa formule en Inde et aux US, Zoomlion en se soumettant à cinq ans de restructuration parfois délicate, tout en reprenant des firmes tels Huanggong (Shaanxi) ou Hunan Auto Axle (82% des parts). CIFA devrait lui permettre d’associer leurs atouts, l’high-tech européen et le bas salaire chinois. A cet effet, une usine CIFA se prépare à Changsha (Hunan) tandis que Zoomlion utilisera le réseau de l’Italien pour s’étendre en Russie, Inde et  Moyen-Orient.

La crise mondiale pourrait certes compromettre ces expansions à leur phase actuelle, la plus délicate. Mais gageons que les groupes  sauront trouver « au pays » la finance nécessaire.

 

 


Joint-venture : Conjoncture : Toyota persiste, Adidas hésite

Conjoncture: Toyota persiste, Adidas hésite

Face au ralentissement chinois, deux grands groupes mondiaux ayant misé lourd sur ce marché, révisent leurs stratégies.

Quoique le marché chinois de l’automobile ait ralenti en septembre de 1,44%, Toyota lance à Changchun (Jilin) sa 7ème usine, à 586M$. Avec confiance : passé 1er  mondial devant General Motors, il lui ravit aussi en Chine sa place de n°2 étranger, derrière VW. Boostées par la Corolla, ses ventes ont augmenté de 24% sur les trois 1ers trimestres, contre 11% au marché local, deux fois plus lent. Changchun produira 100.000 Corolla par an, en JV à 50/50 avec First Auto Works (FAW). Toyota espère atteindre les 700.000 ventes cette année (malgré 83.000 rappels, dus à un défaut de transmission), et rejoindre sous deux ans le leader allemand, au-delà du cap du million.

Un autre Allemand, Adidas fait aussi ses comptes : depuis janvier, ses 264 usines chinoises à façon (300.000 emplois, et 50% de sa production mondiale) lui coûtent 20% plus cher en matériaux, 5% de plus en salaires. Or les ventes globales plafonnent, empêchant de diluer ces surcoûts: 30% des profits y passent. Solution annoncée : sans fermer une usine, reporter les marchés futurs vers des pays moins chers, Inde ou Pakistan. Mais si la Chine produit moins de brodequins Adidas,  elle se trouve en acheter de plus en plus, avec son niveau de vie qui s’améliore. Adidas disposait de 4000 boutiques fin 2007 : il compte en avoir 6000 en 2010 -et un chiffre d’affaires ayant doublé le cap  du 1MM².

Un cheminement industriel et social déjà vécu par des voisins comme Japon et Corée, mais que la Chine aura parcouru à un rythme exceptionnellement haletant !

 

 


A la loupe : La Chine gagne son tronçon d’oléoduc

Le sommet Asie-Europe de l’ASEM avait permis à la Chine de se rapprocher spectaculairement de l’Europe, puis lors de son voyage à Moscou (27-29/10), Wen Jiabao en fait de même avec la Russie, obtenant un éclatant succès, annonçant des échanges commerciaux de 50MM$ cette année (+20%), et de «60 à 80MM$» sous 24 mois. En dépit des apparences, les deux démarches sont de nature très différentes. Car l’entente sino-russe était bloquée jusqu’à hier… par la trop bonne santé du partenaire nordique. Par préjugé séculaire, Moscou s’efforçait de ne pas favoriser la croissance du rival chinois, et surtout, de ne pas le raccorder à son oléoduc géant ESPO, Sibérie – mer du Japon, 4700km pour 14MM$, convoyant 600.000 barils/j, vers les marchés du Japon et de la Corée. Or, cet accord refusé depuis 10 ans, Wen Jiabao vient de l’obtenir le 28/10, juste à temps, 15 mois avant l’entrée en activité du tronçon maître. Comme signe de détente, les capitales avaient réglé dès juillet la dispute sur les îles sur le fleuve Oussouri (VdlC n°26). Mais pour céder l’oléoduc, il a fallu que Rosneft et Transneft, (propriétaire/gestionnaire d’ESPO) se trouvent coincés entre leurs 28MM$ de dettes (dont les créanciers exigent le remboursement), et la chute du marché du brut.

La Chine leur «prête» donc 25MM$ environ (les détails sont encore en négociation!), à rembourser en brut, 300Mt sur 20 ans: soit 15Mt/an (50% de plus qu’en 2007) et 4% des besoins nationaux. C’ est ainsi qu’elle obtient sa patte d’oie Skovorodino-Daqing, 67km jusqu’à la frontière, au coût de 800M$. Mode de transport plus à l’avantage du consommateur que du livreur, qui se lie ainsi à long terme avec son client. C’est pourquoi on a vu Moscou réclamer voire obtenir d’autres concessions chinoises. Al. Joukov, vice 1er ministre réclame pour ses pétroliers une partie de la valorisation de «leur» or noir en Chine : raffinage, distribution, chimie, matériaux de construction et entrée au capital de firmes célestes.

En nucléaire, la coopération progresse, confirmant deux tranches supplémentaires de 1000MW à la centrale de Tianwan (Jiangsu), en plus de la station d’enrichissement d’uranium et du réacteur à neutrons rapides , bâtis par Rosatom. On voit aussi émerger un projet de d’avion civil gros porteur dérivé de l’Iliouchine-96 ; un autre (HR/Aviacopter) pour un hélicoptère civil lourd… Et Pékin va «certainement» se joindre au projet russo-allemand de transsibérien, axe ferroviaire qui permet déjà d’écourter de 10 jours le voyage des conteneurs vers la côte chinoise. Autant de chantiers destinés à satisfaire les plaintes russes d’un déséquilibre des échanges.

Et ce n’est pas un mince paradoxe de voir, entre ces pays historiquement si méfiants l’un de l’autre, la coopération exploser ainsi : grâce à la crise, peut-être.

 

 


Argent : Aéronautique : péril pour un moineau shanghaien

  Microsoft sort ses « écrans de la mort »

Lassé de voir des dizaines de millions d’usagers utiliser sans payer ses logiciels, Microsoft sort le canon. Depuis des mois, son programme WGA (Windows Genuine Advantage sic!) se télécharge comme «mise à jour» sur tous les PC de Chine reliés au net, détecte les systèmes d’exploitation (Vista, XP) sans licence et leur inflige un écran noir, et toutes les heures, un message embarrassant. Action qui cause le tollé! Souvent, dit l’usager, c’est le marchand qui a fraudé. Souvent aussi, c’est WGA qui se trompe, classant «pirate» le légitime. Sur le fond, l’usager trouve Microsoft trop cher -malgré la baisse récente de 80² à 23². Le groupe lui, trouve son «coup de poing» justifié. Sous deux ans, la Chine aura dépassé les USA en ventes d’ordinateurs—temps de remettre de l’ordre dans la maison. Contre Microsoft, une vague de procès s’annonce!

Hors de Chine entre-temps, le groupe de Redmond souscrit, avec Google et Yahoo, à la Global Network Initiative, code de conduite de l’humanité sur la toile, destiné à protéger «liberté d’opinion et droits privés», notamment en pays non démocratique.

Microsoft semble ainsi plus intéressé à sa propre image dans le monde qu’en Chine. Cependant, aucune de ses deux initiatives n’a de chance de plaire au pouvoir  – la seconde, en le critiquant, la première, en se substituant à la justice socialiste!

Le rail, botte secrète anti-crise de la Chine

Le rail, c’est probablement  une des armes secrètes du régime contre la crise présente. Le ministère des transports vient d’annoncer une énorme rallonge, pour son plan ferroviaire 2004-2020 : à terme 224,5MM² de dépenses. Les trois années en cours sont les plus grandes bénéficiaires, avec 103MM² qui permettront dans la période, d’allonger le réseau de 22.000km (à 100.000km). Tout en rajoutant 20.000km, la décennie suivante. De la sorte, en 2020, la Chine aura le plus long réseau de TGV du monde. « Notre réseau routier  est à peu près complet », explique la NDRC, «mais le réseau ferré a du retard ». Sur l’équivalent du tiers du réseau nord-américain, il transporte le quart du fret (et des passagers) de la planète, créant une tension maximale sur ses lignes. Des millions d’heures de travail sont perdues en travail non presté dans les mines et les usines de provinces de l’intérieur, faute de wagons pour acheminer leur marchandise, rentable au demeurant. L’effort public arrivera à point pour relancer à ces régions, tout en maintenant des millions d’emplois peu qualifiés et peu payés, pour travailleurs peu recyclables ailleurs : un plan « halte au chômage ». Un bénéficiaire incontournable est China Railway (1,68MM² en commandes de rails, gares et tunnels, 8% de son chiffre de 2007). Les équipementiers n’y perdent rien, tel Sifang, ni les étrangers Bombardier, Alstom ou Siemens, et leurs fournisseurs.     

 

 Aéronautique : péril pour un moineau shanghaïen

Air China (AC), China Eastern (CE) et China Southern (CS) perdent des fortunes, obligés de voler avec un kérosène au prix himalayen, tandis que l’usager ne vole plus, ou en classe économique. Au 3ème trimestre, tous sont «dans le rouge», 90M² pour China Southern en juillet-août, 217M² pour Air China et pire que tout, 260M² au Shanghaïen China Eastern. A cela s’ajoute la vieille rivalité entre Air China et China Eastern, Pékin et Shanghai. Fort de son réseau mondial historique (privilège de la capitale), Air China vit mieux, et en profite pour s’efforcer d’étrangler China Eastern, et reprendre son territoire. En janvier, il avait torpillé la tentative d’alliance entre China Eastern et Singapour Airlines – en surenchérissant «à vide» sur le singapourien, histoire de priver le rival de fonds et de compétence gestionnaire étrangère.

Il se trouve par ailleurs que des années en arrière, Shanghai a laisser naître un second transporteur, Shanghai Airlines, qui détient aujourd’hui 17% du marché local (37% à CE) : erreur stratégique, qui affaiblit encore davantage China Eastern et permet aujourd’hui à Air China de guigner ce petit groupe, ayant perdu 79% en bourse et 49M² depuis janvier. China Eastern aussi bien sûr, est candidat pour la reprise. Pour Air China, gagner signifierait lui ouvrir grand l’aéroport de Shanghai, fief de China Eastern, et lui permettre une concurrence systématique à ce dernier, car 70% des lignes de Shanghai Airlines sont aussi desservies par China Eastern… Air China peut donc espérer abattre «d’une pierre, deux transporteurs», raison pour laquelle on l’appelle, dans le milieu, le «Terminator».

NB : aucun des deux groupes n’a le premier renminbi pour reprendre Shanghai Airlines. Mais tout cela est avant tout politique : c’est Pékin qui décidera, avec la mairie de Shanghai, détentrice de plus de 50% des parts du moineau shanghaïen…

 

 

 


Pol : Chine au Soudan : le prix du danger

Soudan : le prix du danger

Le 18/10, neuf ouvriers et ingénieurs de la compagnie nationale pétrolière chinoise – CNPC sur un gisement soudanais étaient enlevés (VdlC 34) dans l’Etat du Kordofan Sud. On s’attendait à une suite bon enfant, à l’africaine, à une libération un mois plus tard après rançon. Le scénario a été autre. Le repérage des fuyards par un avion militaire, (27 /10) s’est soldé par la liquidation immédiate des otages : trois exécutés, trois blessés libérés, trois disparus. Pour la Chine, le dernier doute est levé. Loin d’être motivée par l’appât du gain, l’attaque visait délibérément des intérêts chinois, par un groupuscule terroriste (peut-être le JEM – Justice and equality movement), ayant déclaré la Chine ennemi, dans cette guerre civile dont l’enjeu est l’or noir. GNPOC, le consortium mené par CNPC (incluant Inde, Malaisie, et Soudan) extrait 300.000 barils/j, 60% de la production nationale : la Chine se sait en ligne de mire.

L’attaque intervient lors d’une offensive de charme de Pékin, pour convaincre les juges de l’ICC (International Criminal Court) d’atténuer leurs charges contre le Président Omar el Bechir -qui risque un mandat d’arrêt international, sur 10 dossiers de génocide et crimes contre l’humanité. Pékin voulait convaincre l’Ouest de sa capacité de désamorcer le conflit, en maniant la douceur, plutôt que le bâton judiciaire. Ce dernier incident, suivi du meurtre dans la région (30/10) de trois Soudanais voire deux Yéménites (disparus), ne fera rien pour relâcher la tension : ce qui était peut-être un but du kidnapping !

Malgré sa colère, la Chine ne déviera pas d’un iota son action dans la région. Au Niger, elle perce un gisement à Ganaram en Agadem: 5MM$ dont 1MM$ à la raffinerie (20000b/j) -elle vient d’en poser la 1ère pierre. Est aussi prévu un oléoduc de 2000km pour exporter le produit. Ici aussi, des rebelles (Touareg) avertissent la Chine contre son entrée en jeu—faute de leur consentir leur part dans cette manne. A N’Djamena, au Tchad voisin, 1ère pierre d’une raffinerie d’abord de 20.000b/j, puis le triple.

Dans ce centre de l’Afrique, on voit la Chine coincée dans un dilemme. Régler le problème serait améliorer son image, mais le faire trop vite, serait inviter la concurrence mondiale à venir partager le pétrole local, son seul succès réel en Afrique. Succès dont le secret est lié… à une prise de risque !

   Crise : la Chine sur tous les fronts

Signe des temps, la procession quotidienne d’ouvriers au poste-frontière de Lo Wu (Shenzhen), contre les patrons hongkongais en fuite avec la caisse! Des firmes aux milliers d’emplois disparaissent dans le sud, le textile Chunyu à Wujiang (Jiangsu), les montres Peace Mark (Canton) Les slogans évoluent : de l’insouciant (ou vantard) « la crise connaît pas !» de septembre, au plus réaliste « nous avons les moyens d’atterrir en douceur » -selon Zhou Xiaochuan, gouverneur de la Banque centrale.

A mesure qu’arrivent les nouvelles, on voit qu’aucun milieu n’est épargné. Les fortunes, dont les 40 premières perdent 57% depuis janvier (à 52MM$). Les paysans voient chuter de 50% (soja), voire 20 à 30% (blé) le cours de leurs produits, liés aux marchés mondiaux. Les banques avouent leurs frasques : 3,8MM$ pour la Banque de Chine (aux USA), -27% en bourse pour China Merchants en septembre, -7% à l’ICBC. Bizarrement, les étrangères, de septembre 2007 à septembre 2008 auraient vu leurs profits fuser de 112%: mieux gérées? Une meilleure image auprès du public? On peut en tout cas imaginer aujourd’hui, les affaires d’une Citibank moins bonnes.  Le métal souffre, tel le fondeur Chalco qui perd 92% de ses profits au 3ème trimestre (à 183M¥). Tout comme China Life, le 1er assureur, qui perd 70% des siens en opérations de change et baisse de régime… L’immobilier n’a pas vu son sort s’améliorer suite aux dernières mesures de soutien : à Canton, les prix du neuf ont chuté, de 21% depuis juillet.

Face à la crise, l’Etat multiplie les initiatives. A Shanghai, Shenzhen apparaissent des fonds municipaux pour payer régler les salaires. Dongguan garantit les fournisseurs des usines textiles ou de meubles en mal de crédit. Le 30/10, troisième coupe des taux d’intérêt (crédit moins cher) en 6 semaines, de 6,93% à 6,66%. Pour dépanner la bourse, la CIRC (China Insurance Regulatory Commission) adjure les assurances de reprendre leurs achats de titres, «modérément». Avec l’aval de l’OMC, les quotas textiles qui avaient été négociés avec l’Union Européenne et les USA sont abolis.  Plus grave pour l’avenir, la rue boucle son portefeuille et ne se fait plus d’illusion. Elle ne se calfeutre, en prévision d’une crise devant durer « jusqu’à 2010 », dit la rumeur !

Dernière minute : 1er non chinois, «business leader»

La plus haute distinction industrielle en Chine, le CBLA est  pour la 1ère fois décernée à un étranger: au Président de Schneider Electric Chine, Guy Dufraisse, «Business leader -Chine» et «meilleur entrepreneur Chine» pour 2008. Au nom de la «ténacité», thème de l’année. En 2007, la Chine devenait le 2d marché du groupe, sur 102 pays. Le jury était composé de cinq entités chinoises et étrangères, de presse (CBN) et d’universités (CEIBS). Au valeureux lauréat, Le Vent de la Chine adresse ses plus vives félicitations.

 

 

 


Temps fort : Protocole de Kyoto : accord conditionnel chinois

Au sommet Asie-Europe de l’ASEM (VdlC n°34), la Chine s’était dite prête à des réductions contraignantes de ses émissions de gaz à effet de serre (GES), à partir du sommet de Copenhague (fin 2009). C’était un virage à 90° -un début de reconnaissance de ses responsabilités de puissance industrielle. Plus qu’une conscience mondialiste abstraite, c’est la pollution à sa porte qui la fait changer d’avis : le 29/10, Xie Zhenhua, vice Prsdt de la NDRC (National Development and Reform Commission) admet que la Chine est désormais  le 1er pollueur du monde, avec 1,8MMt de CO² émis par an dans l’atmosphère.

Ce jour-là, Xie Zhenhua présentait un Livre blanc, qui s’inquiétait sur la capacité du pays à réduire les gaz à effet de serre, entre l’indiscipline des provinces et l’impératif de poursuivre la croissance. Le livre reprenait aussi une vieille critique aux pays riches : celle de n’avoir pas transféré aux pays pauvres, (selon le protocole de Kyoto), leurs technologies d’énergie propre. Selon l’UNDP (United Nations Development Program), le besoin était de 86 à 109MM$ /an. Les pays riches n’avaient offert que 5 à 10MM$. La Chine exige donc qu’ils transfèrent aux pauvres au moins 0,7% de leurs PIB, 284MM$/an, sous forme d’équipements propres, dont elle garantit (sur son sol) sa protection contre le copiage. On en saura plus le 7/11 à Pékin, lors d’une conférence co-organisée avec l’ONU, l’Organisation des Nations Unies.

Mais les Occidentaux ne se lanceront pas tout de suite dans cette démarche, forcément impopulaire auprès de leurs opinions. Ils estimeront d’abord un tel effort «inutile», puisque la Chine n’a d’autre choix que de s’imposer ces normes drastiques. Pourtant, son gain, dans un tel effort, est double et de valeur infinie au vu de l’investissement de départ : gagner la confiance des moins nantis (avec implications pour d’autres palabres planétaires comme l’OMC), et surtout des années dans la lutte contre la montre qu’est la guerre au réchauffement global.

La Chine annonce d’autre part, cette semaine, son projet de construire d’ici 2015, avec le soutien de la Haye, 20.000 puits de surveillance de la table aquifère pour en suivre en temps réel le niveau, la température et la pureté. Elle prépare la révision de la loi environnementale, afin de bloquer efficacement, dans les provinces, des projets nocifs à l’environnement et illégaux. Et enfin, après celles de Pékin et de Shanghai ouvertes depuis août, Tianjin met à son tour la dernière main à sa Bourse d’échanges climatiques, permettant de négocier les crédits carbones entre firmes disposant de tels quotas (c’est-à-dire des firmes ayant réduit leurs gaz à effet de serre) et firmes demandeuses (en retard sur leurs engagements). Encore opaque et mal compris, ce mécanisme semble meilleur que la loi et la contrainte, pour amener les usines à produire « propre », tout en en tirant du profit, à savoir pour acquérir la Chine au combat du changement climatique. A condition qu’elle «renvoie l’ascenseur», en ouvrant son propre marché du crédit carbone aux firmes étrangères : ce qui est en train d’arriver, avec l’ouverture de ces bourses !

 

 


Petit Peuple : Chongqing—le forestier manchot

L’homme est un loup pour l’homme: surtout, à Chongqing, pour qui n’a plus ses bras. A 49 ans, Wang Xianggui est payé pour le savoir, rendu invalide lors d’une explosion de chantier en ’80. Il avait 21 ans, et l’impression que sa vie s’arrêtait. Pour survivre, il fit d’abord  appel à la charité : mais la maigreur des sous qu’on lui jetait, et la masse des quolibets qui l’accompagnaient, l’incitèrent vite à retrouver ses propres moyens d’existence. Les années suivantes, il les passa à regagner sa motricité: «savezvous planter les choux» -avec les orteils! «Prête-moi ta plume pour écrire un mot» -avec la bouche ! En 1986, séduite par son courage, Jian Meixiang devint son épouse. Divorcée, elle connaissait elle aussi le poids des préjugés : les exclus du monde s’unissaient, pour s’aimer. En 1988, reconnaissant lui aussi ses qualités, le Bureau des Forêts le fit garde du parc de Jinyinshan, 2000ha de forêt et pinède. C’était une tâche dure et, à 60¥/mois, mal payée. Depuis, chaque semaine, il arpente ses 10 collines, 30km par jour, de l’aube à la nuit. Il détruit ici une termitière, là un piège de braconnier -qui parfois le surprend et le blesse. Surtout, il combat les bûcherons clandestins, parfois au péril de sa vie. Tel ce matin de 1992 où une bande qu’il surprit à abattre un pin géant, le plaqua au sol, du pied, riant de son infirmité:«Eh, nabot, tu veux qu’ on t’coupe les pieds, en plus ?» Ils s’en allèrent avec le tronc saignant de toute sa sève, tandis que de rage, le garde humilié pleurait comme un enfant.

Les malfrats ne l’emportèrent pas au paradis: les ayant mentalement  photographié, il les repéra des mois plus tard, les fit coffrer pour quelques années. Dès lors, la Chine commençait à vouloir protéger ses bois. Six ans après, le Yangtze rompant ses digues (affaiblies après qu’on ait coupé leurs arbres), allait noyer 40.000 hommes et menacer Shanghai, sauvée sur le fil par l’héroïsme de M de volontaires. Puis, Zhu Rongji, le 1er ministre lancerait le pays dans un programme massif de réhabilitation des forêts: les cognées seraient confisquées, les bûcherons clandestins pourchassés. Sur son domaine, avec sa tribu (sa femme à la foulée olympique, ses trois fils et son vieux beau-père), Wang a créé une milice redoutée, qui parvient à mettre en échec la plupart des voleurs de bois -même s’ils changent de tactique, passent à la scie électrique, plus silencieuse : à bon chat, bon rat !

Plus récemment, Wang voit la menace plus insidieuse des patrons d’usines, qui offrent gros pour pouvoir prélever en catimini l’écorce des eucalyptus, la résine des sapins. Ses chefs se laissent parfois tenter – mais Wang jamais. L’enveloppe aux 10.000¥ reste sur la table, faisant capoter le deal.

Dernier souci : ces M de citadins qui débarquent, ignorants de la vie de la forêt, et inconscients de la bombe qu’ils représentent. A la fête du printemps, voulant honorer les ancêtres, ils prétendent brûler la «monnaie de l’enfer », au risque de s’immoler eux-mêmes, et des centaines d’hectares desséchés…

Bilan des 22 ans de garde de Wang Xianggui : de montagne pelée, Jinyinshan s’est mué en poumon vert de Chongqing, domaine d’« arbres puissants par leurs racines profondes » (树大根深, shù dà gēn shēn). La métropole s’y délasse et repose—la mairie réclame son passage sous statut de sanctuaire national.

Wang sent dans son corps une sensation bizarre. Comme si ses bras repoussaient, les millions de bras vert des branches qu’il a protégées. Sans compter, s’il en était besoin, la puissance et l’honorabilité du bras de la loi, qu’il représente !

 

 


Rendez-vous : A Zhuhai, le rendez-vous de l’aéronautique mondiale

4-8 nov, Shanghai : IAS, Industrial Automation Show

4-8 nov, Shanghai : Energy Show

4-8 nov, Shenzhen : PowerChina, Salon de la production d’énergie

4-9 nov, Zhuhai : Salon aéronautique

6-7 nov, Shanghai : Forum de l’industrie automobile