Petit Peuple : Pékin : « cocardier, moi non plus »

L’explosion de fièvre qui accompagna la torche olympique sur les 5 continents, révéla au monde l’image nouvelle, inquiétante d’une jeunesse chinoise passionnément cocardière.

Mais à y regarder de plus près, cette vague peut révéler des sentiments plus murs, tel le bon sens et la satire sociale.

Parmi les milliers d’appels au boycott d’un groupe étranger de distribution, en mai sur internet, en voici un qui mérite d’être raconté, car il osa détourner le propos pour se livrer à une satire burlesque imprévue : il mit Ben Laden en scène, un Ben Laden désemparé face à une Chine qui venait de se montrer comme « le seul pays au monde où [il] ne pouvait pas causer d’ennuis ». En Chine, rien ne se passait comme ailleurs, ni comme prévu ! 

Dans sa satire, notre narrateur imagine que le chef d’Al Qaeda a lancé 7 de ses hommes sur la Chine. Le 1er a pour mission de dynamiter un échangeur périphérique. Mais une fois sur l’ouvrage, il est pris de vertige et tombe : c’est raté. Le 2d doit se faire sauter dans un bus: mais la foule trop compacte l’empêche de presser sur le bouton -encore raté. Le 3ème, dans un supermarché, rate car un pick-pocket lui vole son détonateur.  Le 4ème doit exploser une mairie, mais les vigiles le prennent pour un petit vieux et le rossent, tout en faisant ce commentaire: «ça t’apprendra à venir manifester pour ta pension!» Le 5ème au moins, réussit à faire sauter sa mine… Mais une fois de retour, il se fait exécuter par al Qaeda pour «mensonge»: personne n’a cru à son rapport, la presse chinoise ayant passé l’affaire sous silence! 

A Canton, le 6ème sortant de la gare, est victime des célèbres voleurs à motos, qui subtilisent sa machine infernale. Puis à Jieling (Dongbei), le 7ème homme espère pouvoir faire sauter les aciéries locales : mais il s’y trouve accueilli par un acteur aussi célèbre que lugubre, dont les homélies à la radio le dépriment, causant l’échec de sa mission.

Pour faire bon poids, Ben Laden a encore lancé une femme sur la Chine, au Henan, en mission d’infiltration. Elle aussi échoue : abusée par une offre d’emploi mirifique et fallacieuse, elle finit sur le trottoir!

 Notre internaute conclut en coq à l’âne, appelant au boycott « afin que le monde sache que nul ne peut  jouer avec la Chine ». Mais par son ton facétieux, il semble conseiller aux lecteurs de ne pas le prendre trop au sérieux, ni sa campagne de colère patriote, mais de garder le sourire ! 

15 jours plus tôt, un autre appel sur la toile chinoise avait eu un grand succès. Sur MSN, devant sa propre adresse, il proposait de taper les touches « (L) China » : immédiatement, ce code faisait apparaître le petit coeur rouge devant le nom du pays, prouvant qu’on était patriote. Le succès fut fulgurant : en deux semaines, des dizaines de M de jeunes modifièrent ainsi leur adresse – 40% du répertoire de MSN ! 

On remonta jusqu’à l’auteur: c’était Xiaogang, programmateur à Pékin (24 ans), l’archétype du jeune timide, solitaire, portant besicles. Il souffrait du complexe des « post-’80 », la génération des enfants gâtés. Il avait agi moins par soif d’héroïsme, que de se prouver capable de rendre à sa société ce qu’elle lui avait donné. Et de se montrer, selon sa formule, 外柔内刚 «wairou neigang», main de fer dans le gant de velours.

Mais avec de telles motivations, chez Xiaogang comme chez le farceur anonyme, on est loin d’un ultranationalisme ombrageux et sectaire : bien plutôt dans l’expression de soi, le rejet du conformisme autoritaire, l’imagination au pouvoir !

 

 

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