Le Vent de la Chine Numéro 18

du 25 mai au 7 juin 2008

Editorial : Chronique de l’après séisme (I)

Lourdes pertes humaines. 10 jours après le séisme de force 8 du 12/05 autour de Wenchuan, le bilan affiche 12M de sans-abri, 80.000 morts (dont 40% d’enfants) qui atteindront peut-être les 100.000 ; 250.000 blessés disséminés sur 65.000km² de montagnes, soignés par 45.000 médecins dépassés par la tâche. Locale et internationale, l’aide afflue (2,3MM$ au 21/05, dont 10% déjà acheminés), mais reste loin de suffire, vu le dénuement des populations. La nature n’arrange rien : 7000 répliques ont suivi, (dont 174 de force 4 à 5), et la pluie ne désarme pas. 6.452 êtres ont été tirés vivants des décombres, soit moins de 8% des disparus – et 77 encore les 20-21/05 (ils avaient survécu jusqu’à 9 jours sous le béton). Plus de 400.000 ont été secourues.

1ère priorité : les désastres secondaires.

Martyre, Beichuan a perdu deux tiers de ses 20.000 habitants. Ses 30% d’édifices encore debout sont instables. Un lac s’est ouvert à ses portes, suite au blocage du fleuve Tian : Beichuan sera convertie en mémorial, et une ville nouvelle renaîtra 20km plus loin.

Un fort besoin se fait sentir en tentes. 0,3M ont été acheminées, mais il en faut 3M. Le 1er ministre Wen Jiabao fait  appel à la solidarité du pays et du monde, visant l’acheminement de 900.000 tentes sous un mois, de 250.000 baraques de chantier (1M d’ici juillet). Ordre est donné d’inspecter chaque jour les centaines de lacs nouveaux ou anciens. Le danger est réel : le 19/05, 148 sauveteurs ont été emportés dans une lame de boue. Les chiens errants devront être abattus. On craint diarrhées, hépatite,  et contre les épidémies de choléra, 3500 experts hygiénistes ont été envoyés : 80% des pauvres morts auraient déjà été incinérés ou enterrés : le ministère des affaires civiles tente de créer une base de données des morts inconnus, avec photo numérique, extrait d’ADN de chacun, en vue d’identification ultérieure.

La reconstruction.

Ici et là déjà, sur la zone du séisme, on voit des fermiers indomptables récupérer poutres et briques pour rebâtir leur foyer. Sans perdre un jour, l’Etat estime à 3 ans seulement la durée nécessaire pour remonter la pente : on devine ici l’utilité d’avoir eu des jours durant,  le 1er ministre et le Président sur les lieux, pour comprendre les besoins et relayer les ordres. Une action solidaire de grande ampleur est lancée, pour le rétablissement de l’électricité (six moyens barrages locaux ont repris la production), du pétrole (15.000t/j livrés par le pipeline de Lanzhou, même débit qu’avant le séisme), avec 10.000t de kérosène tirés des réserves stratégiques. L’eau potable coule au tiers à Dujiangyan. Des compagnies, telle Sino French Water (Suez), envoient 15 ingénieurs et font don d’unités de filtrage, de quoi abreuver quelques 10aines de milliers de déplacés. L’armée travaille jour et nuit à rétablir le réseau routier et ferroviaire. Pour les 1ers besoins alimentaires, le grenier public a fourni 384.000t de céréales (21/05), 14.000t d’huile, et autres vivres. Côté finance, les grands groupes font preuve de générosité, tels CNOOC, (70M$ promis sur 5 ans) ou Vanke, un des géants de l’immobilier (14M$ en logements à reconstruire —une goutte d’eau, face aux 5,4M de maisons détruites).

 


A la loupe : Les emplettes étrangères des fonds chinois

En avril, la China Investment Corp. (CIC), le jeune fonds souverain chinois, s’offrait 1,6% de Total. Le 14/05, Jean François Dehecq, PDG de Sanofi-Aventis, annoncer l’entrée d’autres fonds chinois en son capital, pour 1,1%. Bien d’autres petits pas chinois se produisent au même moment, touchant les plus grands noms de l’industrie ou de la finance planétaire. Mais c’est un renversement de tendance, face aux années précédentes ou le capital mondial tentait d’acheter chinois.

Une action très symbolique résume l’esprit du temps : Carlyle, célèbre en Chine pour ses tumultueuses  reprises de firmes publiques, s’associe au gouvernement du Shandong, sans investissement, mais de manière à obtenir en 1er la «shopping list» des investisseurs de la province dans le monde, et les aider à trouver le bon achat…

Le grand tournant est orchestré par la faiblesse de la finance et de la bourse mondiale, en plein dégraissage pour cause de subprimes. Sanofi, par exemple, a perdu 23% depuis janvier 2008.

Face à cela, tablant sur la reprise, la finance chinoise achète des valeurs sûres à bas prix. Ce qui lui offre deux autres avantages : s’établir en Europe ou aux USA, et apprendre le métier de trader planétaire—avec ces montants modestes pour débuter.

Cette finance chinoise ne se plaint pas que l’eau est trop froide : depuis son rachat de 9,4% de Blackstone, il y a 12 mois, CIC a perdu sans broncher 750M$. L’Etat encourage ces audaces, car pour alléger la pression à la réévaluation du yuan, il doit «drainer son terrain» de son excès de devises, 2.000 MM$ de réserves… Cependant ces investissements chinois en bourse restent faibles, moins de 110MM$, l’équivalent de 18 mois d’investissements étrangers en Chine! Les flux de portefeuille (prises de participation inférieures à 10%) sont également peu significatifs, même s’ils sont passés de 9,9% en 2004 à 14,1% en 2006 des investissements chinois hors-frontières.

 A la clé de ce changement de comportement de la finance chinoise, une montée en confiance (consciente de soudain « dépanner » le monde), et une réaction du type « la faim chasse le loup du bois » : le US$ dégringole, et avec lui, les 900MM$ de bons du trésor US détenus en Chine. En concurrence directe, les fonds chinois doivent, toujours plus, rechercher du profit. Tout en contribuant à la création d’un stock stratégique de ressources mondiales – valeur très sûre, car en voie de raréfaction. Et tout en créant des réseaux d’alliance, comme le fait la banque ICBC en entrant dans Fortis (Belgique) et Standard Bank, n°1 en Afrique.

Prochain deal à l’horizon : la reprise visée par Haier, pour 5 à 8MM$, de la branche « électroménager » de General Electric. A condition que LG ou Samsung (Corée du Sud) ne lui rafle pas la mise, profitant de la hantise américaine face à toute expansion chinoise sur son sol !

 

 


Joint-venture : Voiture électrique: étrange mariage sino-israélien

Voiture électrique : étrange mariage sino-israélien

 Pour faire sa place mondiale, l’automobile chinoise mise sur le tout électrique, dont elle attend d’ici 2020, 50% de ses ventes. Avec le pétrole à 130$/baril, la démarche prend un coup de fouet.

Entre en jeu Israel Corp (de Idan Ofer), qui signait dès 2007 une JV avec Chery (Anhui). De 225M$ en janvier pour une chaîne de voitures classiques, sa dotation est passée à 830M$, pour une tout électrique à sortir sous 5 ans. Or, il se trouve qu’une autre JV d’Idan Offer, entre Israël et la Californie, Project Better Place (PBP) révèle un plan commercial audacieux: partout en Terre Sainte, PBP met en place, sous 3 à 5 ans, un réseau d’échange standard des batteries, ainsi qu’un abonnement  au kilométrage, qui allégera de moitié (dit Ofer) le coût du carburant,  notamment grâce à une subvention à ce transport sans pétrole ni pollution.

Or Renault-Nissan, partenaire de Project Better Place, va investir jusqu’à 1MM$ dans une chaîne de voitures électriques utilisant pour la batterie PBP, destinées aux marchés d’Israël… et de San Francisco. La Chine est donc sur la même longueur d’onde, avec la même technologie. En matière de batteries, elle a d’ailleurs son propre passé et sa propre compétence, disposant déjà d’un parc de 20M de vélos électriques.

Aussi sur ce marché, Chery ne sera pas seul: s’y prépare aussi BYD, constructeur auto depuis 2005 et un des géants mondiaux de la batterie. BYD aurait mis au point une batterie au fer, plus puissante et moins chère, et une voiture tout électrique F6e, très attendue.


Temps fort : Chronique de l’après-séisme (II et III)

(Suite Editorial) La zone sinistrée est exemptée d’impôts. Les banques doivent prêter à bas taux et sur longue durée. Mais surtout, le budget de l’Etat, cette année, est coupé de 5% -même pour l’armée – afin d’alimenter un fonds de reconstruction de 10MM$, et permettre à la région de redémarrer « en trois ans ». Les 4000 orphelins estimés, les vieillards se sont vu promettre 600¥/mois. De nombreux projets d’orphelinats ou filières de placement se préparent…

Des acteurs nouveaux : le citoyen, les ONG. A travers toute la Chine, les citoyens se sont présentés pour partager l’effort de solidarité. Par milliers, des automobilistes ont voyagé pour apporter eau et vivres, et des volontaires se sont offerts pour faire secrétaires, cuisiniers, chauffeurs—voire même psychologue ou coiffeur. Parmi cet élan  privé, figurent aussi les ONG. A Chengdu, 30 d’entre elles ont créé leur « Groupe d’action pour le sauvetage », collectant des milliers de rations de biscuits, nouilles instantanées, riz, médicaments. Partout en Chine, cet effort se reproduit : à Pékin, « 100 familles », ONG née dans la semaine, veut que 100 foyers de la capitale en parrainent 100 autres au Sichuan, pour soutenir à long terme leurs besoins en logis, école, amour… Or, l’Etat laisse faire, ce qui est un tournant dans sa pratique : jusqu’alors, les ONG, vécues comme «concurrentes» du régime, ne sont ni subventionnées, ni légalement reconnues… Côté étranger aussi, les ONG s’activent, telle la librairie Bookworm (Pékin/Chengdu), le site internet the Shanghaiist ou, depuis les Etats-Unis, la société sino-US de psychanalyse qui traduit/adapte, et imprime « mon histoire du séisme », livre de lecture destiné à 0,5M (pour commencer!) d’enfants su Sichuan, afin de pallier la pénurie en psychologues.

Temps de la reprise en main : En fait, la presse chinoise s’exprima d’emblée librement. Contrairement à la situation très contrôlée lors des grands gels de janvier et l’accident ferroviaire majeur d’avril, l’information du séisme sichuanais a été quelques jours libre. Les chaînes de TV ont fait du direct et du non-stop. Stimulés par l’ampleur du désastre, les media commerciaux ont pris plus de risques. Mais bientôt, la situation devint tendue -en réaction, peut-être inévitable, à la pression émotionnelle. Une inflation de sentiments hors contrôle déferle sur internet : tel pays, telle firme, telle célébrité n’a pas donné, ou pas assez, propage la rumeur. On veut savoir pourquoi 61 écoles bâties par Hong Kong et un certain nombre d’autres faites par le Japon ont tenu, là où 6.898 écoles locales, quoique construites avec le même béton, se sont effondrées.     

Ou pourquoi l’armée a le monopole des hélicoptères, et a attendu 3 jours pour les envoyer… Pour couper court, Pékin promet une enquête (sur les écoles, pas sur l’APL!), voire des sanctions, mais rétablit une stricte censure… La presse désormais privilégie les actes héroïques, pour rasséréner. Dans cette optique, sont lancés 3 jours de deuil national (19-21/05), les premiers depuis le décès de Deng Xiaoping (1997). Partout, ce deuil a été suivi avec ferveur : les 3 minutes de silence (19/05 à 14h28), les gens déployant à leurs portes des drapeaux en berne, déposant fleurs, bougies et bâtons d’encens. L’action du régime est jugée très favorablement par l’opinion en général : la cote personnelle de leaders tels Hu Jintao ou Wen Jiabao est très élevée.

L’aide étrangère monte en puissance : exaspérée par le rejet des généraux en Birmanie, cette offre se reporte sur la Chine. Côté américain, on compte deux avions de matériel, 1,3M$ en cash et matériel et 30M$ réunis par 80 firmes comme Citi, Boeing ou Microsoft. Les multinationales européennes ont aussi bien réagi. Et plus encore, les Etats, qui lancent 13M$ d’aide d’urgence et de nombreux avions de ravitaillement (3 italiens, 2 tchèques, 2 français, 1 espagnol, 1 britannique, 1 autrichien, 1 irlandais, 1 slovène, 1 norvégien, 1 belgo-allemand). Cet effort a permis de faire dresser le camp belge « B-FAST » pour 2000 déplacés, 3 hôpitaux de campagne —l’allemand avec 120 lits et 250.000 consultations. L’antenne médicale française de 13 médecins, infirmiers ou experts, atterrissait le 25/05. Russie, Corée, Hong Kong et Japon ont déployé des efforts similaires, et cette aide monte en puissance de jour en jour…

Des pertes énormes, et pas d’assurance ! La Citic prévoit une perte de croissance nationale d’au moins 0,2%. Un exode humain est déjà visible dans les montagnes, des dizaines de milliers de gens sans bagage, sans route sous leurs pieds. L’usine la plus sinistrée est DEC, à Mianzhu, dont 200 employés ont péri, et 1MM$ d’actifs disparus. D’autres grandes entreprises, dont Sinohydro, State Grid, Sinochem et China Railways ont perdu 3000 employés et 4,4MM$ d’actifs. Au total, 14.207 firmes publiques et privées de la région, sont supposées avoir perdu  pour 9,1MM$ dans le tremblement de terre.

Détail déroutant : sur les 10 à 20MM$ de pertes annoncées, les assurances ne rembourseront que 5% : le reste des sinistrés n’avait pas pensé à s’assurer. Il s’ensuivra, à l’avenir, un raz-de-marée de contrats nouveaux. Voire peut-être, à l’initiative de l’Etat, une assurance obligatoire, subventionnée, contre les désastres naturels !

PS : au plan nucléaire, le séisme apporte au Sichuan [1] une énigme : 50 «sources radioactives» ont été trouvées dont 35 «retrouvés» : s’agit-il des 60 missiles de moyenne portée en silos dans la région? et [2] une déception, le Sichuan, après avoir mis de grands espoirs dans le nucléaire civil, doit déchanter : clairement, cette filière ne peut exister qu’en dehors des zones d’activités sismiques…

 

 


Argent : Chinastat 9, bientôt sur orbite pour les JO

Chinasat 9 bientôt sur orbite pour les JO

A 500km au sud de l’épicentre du séisme, la base spatiale de Xichang, apparemment indemne, se prépare à mettre à feu, dès juin, une fusée Longue Marche 3B transportant le satellite China-sat 9, jusqu’à 21.500km – sur orbite géostationnaire.

Un bébé de 4,5t, qui dès avant son lancement, a déjà beaucoup vécu. Profitant de l’embargo américain sur les ventes de satellites à la Chine, Alcatel-Space avait dès 2004 soufflé ce contrat de 100M² à Loral. Ses constructeurs, à Cannes, furent ensuite rachetés par Thales-Espace.

Puis en décembre 2007, trois sociétés chinoises d’exploitation satellitaire fusionnaient en la CDBSC (China Direct Broadcast Satellite Co) – le client. Après cinq reports, le satellite fut enfin livré par Antonov 24 à Xichang le 5/05, à temps pour retransmettre sur 98% du territoire, les JO en haute définition sur 200 chaînes de radio et TV- le marché est évalué à 1,8MM$ par an. Chinasat-9 aurait dû travailler en tandem avec Sinosat-2 (chinois). Mais celui-ci fut perdu après lancement l’an dernier. Ainsi, la Chine vit ce petit paradoxe : c’est l’étranger qui lui permet d’accéder à l’indépendance en TV satellitaire, alors qu’auparavant, pour ses services de retransmission, elle louait 37 canaux sur 12 satellites … étrangers !

Pékin ou Shanghai, futur « hub » mondial ?

En 2008, Shanghai est-elle toujours la plaque tournante financière du pays ?

L’arrestation en 2007 de Chen Liangyu, son ex-secrétaire du Parti, et la fin du «gang de Shanghai», club politique autour de Jiang Zemin, donnent des idées à Pékin, riche de ses ministères, et de Wang Qishan, son ex-maire qui tient les rênes des finances du pays… Lors du Forum Financier International du 9/05 à Shanghai, la mairie de Pékin osa défier le tenant du titre. Shanghai se défendit, faisant valoir, entre autres, sa future tour de 580m la plus haute du pays, dès 2010. L’enjeu est de taille : le gagnant sera le lieu d’où se piloteront la dérégulation des prix de l’énergie et des «commodities» et celle des  groupes multicartes (banque-assurance-bourse). Il aura aussi la place d’où se géreront les 150 grandes entreprises d’Etat, qu’il devra aider, sous deux ans, à prendre pied dans un monde réel, où protectionnisme et financement discrétionnaire laisseront place à la concurrence mondialisée.

A ce stade du débat, la Banque centrale mit les rivaux dos à dos, rappelant que ce choix du «hub» chinois, appartient au gouvernement. Mais dans la salle, les participants guignaient ailleurs : vers Dubai, la place montante, capitale mondiale du pétrole, qui recrute à tout va les traders à travers le monde, tout en offrant des avantages introuvables en Chine : transparence, liberté d’entreprise, franchise fiscale.

 

 


Pol : L’ours russe chez le dragon chinois : l’introuvable alliance

L’Ours chez le Dragon —l’introuvable alliance !

Suivant l’exemple, en décembre, du 1er ministre nippon Yasuo Fukuda, le Président russe Dmitri Medvedev, à peine intronisé, consacre à Pékin son 1er voyage officiel (23-25/05).

La Chine, pour son pays, est le partenaire incontournable, notamment par le progrès des échanges bilatéraux (48 MM$ en 2007, quintuplement en 7 ans). Pékin a honoré son voisin en l’invitant en 1er dans les opérations de sauvetage au Sichuan. Il accorde à Atomstroyexport 2 un contrat à 1MM$ pour une centrale d’enrichissement de combustible nucléaire. En retour, un «accord de principe» a été trouvé pour le pipeline sibérien oriental, dont il rêve depuis 10 ans, d’un coût global de plus de 15MM$ : jusqu’à la côte pacifique (Corée, Japon), mais avec une bretelle vers le sud, descendant 30Mt/an vers Daqing. Toutefois, le projet ne débutera qu’«après 2009», une fois la Chine prête à payer le vrai prix.

Et Medvedev, avant d’atterrir à Pékin, était passé par Astana, au Khazakstan : manière de dire qu’en Asie, Pékin n’est pas la seule priorité russe… Et que l’amitié sino-russe quoique urgente, a du mal à se matérialiser !

Taiwan : une diplomatie du secourisme…

En fonction le 20/05, Ma Ying-jeou, le nouveau président est invité en Chine deux jours plus tard par Hu Jintao.

Les deux hommes sont anxieux de rétablir un dialogue direct, interrompu en 1995 suite à une visite de son prédécesseur Lee Teng-hui aux USA. Autre signe favorable : les 20 secouristes taiwanais ont aussi été accueillis à bras ouverts au Sichuan. D’autre part, les vols hebdomadaires directs de part et d’autre du détroit de Taiwan sont pour le 4/07 : avec le bon vouloir des deux capitales, ce retour aux affaires du parti nationaliste démarre sous d’excellents augures.

Pendant ce temps, au DDP en pleine déconfiture, tout est à reconstruire. Pour la 1ère fois de son histoire, c’est à une femme qu’il confie sa présidence, Tsai Ing-wen, 51 ans, docteur de la London School of Economics, ancien vice-1er, modérée, compétente, aux mains propres : le profil idéal pour recadrer le Parti et regagner la confiance des troupes. Quant à Chen Shui-bian, il risque désormais… des poursuites judiciaires, pour corruption.

Santé : les mauvais rêves des parents chinois

Les grands-parents ont vécu la famine mais les petits-enfants vivent de sodas, fast-food et jeux vidéos : regagnant ainsi, et au-delà, les cm de tour de taille perdus un demi-siècle en arrière.

A en croire l’étude du gouvernement chinois, présentée à l’OMS en session à Genève, sur 100 de ses enfants citadins de moins de 7 ans, près de 20 sont en surpoids, et plus de 7 sont obèses (=20% au dessus du poids normal). A ceci, une raison culturelle : la rondeur est signe de richesse. Et les garçons plus que les filles -souvenir des temps où la force du gars était pour ses parents le gage d’un 3ème âge hors de la misère. La boulimie traduit aussi un enrichissement mal maîtrisé: en 10 ans, l’obésité a progressé de 156%, le surpoids de 52%! Pour Ding Zongyi, directeur de l’étude, ces chiffres sont inférieurs à ceux des USA, mais supérieurs à ceux d’Europe et pire, au taux de croissance chinois. Les parents se trompent d’objectif pour leurs héritiers, ne pensant qu’aux bonnes notes donc au bachotage et négligeant de leur faire faire de l’exercice -moins de 2h/semaine. La diète cumule graisse et sucre, négligeant fibre et légume vert. Plus grand, plus large, l’enfant chinois a vu fondre ses muscles et perdre de sa capacité pulmonaire, courant (si l’on peut dire!) vers hypertension et diabète. Seules les firmes d’amaigrissement profitent de la dérive, avec un marché qui atteindra 6MM² en 2010.

Solution préconisée par Ding : que les ministères changent de croisade (de la «malnutrition» à la «mal-bouffe») – et que les «petits empereurs» apprennent à gérer leur vie—à faire leurs lits, par exemple !

Cambodge: l’électrification du Mékong inquiète

Dans les années ’90, les 7 barrages annoncés par la Chine sur sa partie du Mékong suscitèrent en Asie du Sud-Est une forte opposition —qui n’empêcha pas l’apparition de 3 d’entre eux, pour commencer.

Dix ans après, une manière subtile pour la Chine de compenser, est de bâtir des ouvrages similaires chez ses voisins en aval, notamment au Cambodge. Offre très bienvenue des autorités locales, car le pays manque structurellement d’électricité, n’en produisant que 300MW, ce qui fait que 80% des 14M de Cambodgiens ne sont pas raccordés.

Sur les 9 barrages que Phnom Penh envisage d’ici 2019, d’une capacité de 1.942MW, des groupes chinois en bâtiront au moins 4. Ainsi Sinohydro, pour 280M$ (le plus gros investisseur étranger au Cambodge), ouvrira d’ici 2010 Kamchay – 145m de haut et 180MW. Le Cambodge y perdra 2600ha du parc national du Bokor (2%), abri de 200 espèces rares (léopards, tortues). Les autres nuisances étant l’ouverture d’une route favorable au trafic du bois, et le risque de prolifération de la malaria. Mais l’électricité générée ira à la capitale, à 150km. Sur ce contrat en BOT, Sinohydro a obtenu le droit d’exploitation pour 40 ans, et le coût est couvert par un chèque public chinois de 600M$ : magnifique affaire!

D’autres projets sont le barrage de Chay Areng (260MW, 200M$, BOT pour le China Southern Grid, à construire d’ici 2015), et Stung Atay par une corporation du Yunnan (120MW, ouverture en 2012). Ainsi, Chine et Cambodge trouvent un terrain d’entente : sur la croissance, les affaires, contre l’écologie.

 

 

 


JO : Jour J-74

ª Oscar Pistorius, coureur sud-africain invalide de 21 ans, dérange bien du monde, en prétendant se mesurer aux valides lors du rendez-vous de l’été. Amputé des 2 jambes à 11 ans, il reçut des mollets et chevilles “Cheetah Flex-Foot” en fibre de carbone, qui lui permirent en 2004 à Athènes de remporter l’or sur 200m aux Paralympiques. Des “mauvais coucheurs” avaient contesté, arguant que ses jambes lui donnaient des ailes. Le Tribunal arbitral du sport vient de les débouter. A présent, il lui reste à se qualifier !

ª Les athlètes sichuanais sont sains et saufs, mais nombre de gymnases et stades sont en miettes. Chengdu n’a pas eu le choix : perdant un an de travail préparatoire et des fortunes en équipements, il a cédé à Hangzhou (Zhejiang) le tournoi de volley masculin de la Ligue mondiale, qui devait se tenir sur son sol mi-juin.

ª Tout ou presque aujourd’hui, se vend à la sauce olympique. Les dernières Olympiades de l’High tech viennent d’ouvrir à Pékin le 21/05 —le salon de l’électronique des sponsors. Parmi les gadgets présentés, un portable “3G” de Samsung échoua à se connecter, lors de la présentation. Un système “PTT” (push to talk) convertit votre portable en walkie-talkie, et un GPS prétend permettre aux taxis de décrocher tous les feux verts !


Petit Peuple : Pékin : « cocardier, moi non plus »

L’explosion de fièvre qui accompagna la torche olympique sur les 5 continents, révéla au monde l’image nouvelle, inquiétante d’une jeunesse chinoise passionnément cocardière.

Mais à y regarder de plus près, cette vague peut révéler des sentiments plus murs, tel le bon sens et la satire sociale.

Parmi les milliers d’appels au boycott d’un groupe étranger de distribution, en mai sur internet, en voici un qui mérite d’être raconté, car il osa détourner le propos pour se livrer à une satire burlesque imprévue : il mit Ben Laden en scène, un Ben Laden désemparé face à une Chine qui venait de se montrer comme « le seul pays au monde où [il] ne pouvait pas causer d’ennuis ». En Chine, rien ne se passait comme ailleurs, ni comme prévu ! 

Dans sa satire, notre narrateur imagine que le chef d’Al Qaeda a lancé 7 de ses hommes sur la Chine. Le 1er a pour mission de dynamiter un échangeur périphérique. Mais une fois sur l’ouvrage, il est pris de vertige et tombe : c’est raté. Le 2d doit se faire sauter dans un bus: mais la foule trop compacte l’empêche de presser sur le bouton -encore raté. Le 3ème, dans un supermarché, rate car un pick-pocket lui vole son détonateur.  Le 4ème doit exploser une mairie, mais les vigiles le prennent pour un petit vieux et le rossent, tout en faisant ce commentaire: «ça t’apprendra à venir manifester pour ta pension!» Le 5ème au moins, réussit à faire sauter sa mine… Mais une fois de retour, il se fait exécuter par al Qaeda pour «mensonge»: personne n’a cru à son rapport, la presse chinoise ayant passé l’affaire sous silence! 

A Canton, le 6ème sortant de la gare, est victime des célèbres voleurs à motos, qui subtilisent sa machine infernale. Puis à Jieling (Dongbei), le 7ème homme espère pouvoir faire sauter les aciéries locales : mais il s’y trouve accueilli par un acteur aussi célèbre que lugubre, dont les homélies à la radio le dépriment, causant l’échec de sa mission.

Pour faire bon poids, Ben Laden a encore lancé une femme sur la Chine, au Henan, en mission d’infiltration. Elle aussi échoue : abusée par une offre d’emploi mirifique et fallacieuse, elle finit sur le trottoir!

 Notre internaute conclut en coq à l’âne, appelant au boycott « afin que le monde sache que nul ne peut  jouer avec la Chine ». Mais par son ton facétieux, il semble conseiller aux lecteurs de ne pas le prendre trop au sérieux, ni sa campagne de colère patriote, mais de garder le sourire ! 

15 jours plus tôt, un autre appel sur la toile chinoise avait eu un grand succès. Sur MSN, devant sa propre adresse, il proposait de taper les touches « (L) China » : immédiatement, ce code faisait apparaître le petit coeur rouge devant le nom du pays, prouvant qu’on était patriote. Le succès fut fulgurant : en deux semaines, des dizaines de M de jeunes modifièrent ainsi leur adresse – 40% du répertoire de MSN ! 

On remonta jusqu’à l’auteur: c’était Xiaogang, programmateur à Pékin (24 ans), l’archétype du jeune timide, solitaire, portant besicles. Il souffrait du complexe des « post-’80 », la génération des enfants gâtés. Il avait agi moins par soif d’héroïsme, que de se prouver capable de rendre à sa société ce qu’elle lui avait donné. Et de se montrer, selon sa formule, 外柔内刚 «wairou neigang», main de fer dans le gant de velours.

Mais avec de telles motivations, chez Xiaogang comme chez le farceur anonyme, on est loin d’un ultranationalisme ombrageux et sectaire : bien plutôt dans l’expression de soi, le rejet du conformisme autoritaire, l’imagination au pouvoir !

 

 


Rendez-vous : Shanghai, Salons de la biotechnologie et de la Pharmacie

26-29 mai, Shanghai : Salon du bâtiment & de la construction

28-30 mai, Shanghai : Biotech China & Pharma

28-30  mai, Canton : Aluminium China

29-31 mai, Shanghai : Salon mondial des produits Bio

02-04 juin, Shanghai : CIFE, Salon textiles & accessoires

04-05 juin, Pékin : OPTINET, Salon sur les réseaux optiques

05-08 juin, Pékin : China Sign Expo, sur la publicité