Economie : La « prospérité commune », plus vite dite que faite

La « prospérité commune », plus vite dite que faite

Petite annonce : 4ème province la plus riche de Chine recherche jeunes diplômés pour lancer leur propre entreprise dans la région. Hukou, aide au logement et prêt à taux zéro jusqu’à 500 000 yuans offerts ! Une offre sans engagement puisqu’en cas d’échec, le gouvernement local remboursera à la banque entre 80% et 100% de la somme empruntée.

Telle est la généreuse offre dévoilée le 17 février par la province du Zhejiang pour inciter les jeunes talents de la Chine entière à tenter l’aventure entrepreneuriale. Alors que 10,76 millions de diplômés vont se déverser cette année sur un marché du travail déjà saturé, la nouvelle n’est pas passée inaperçue. Sur Weibo, elle a été vue plus de 4 millions de fois : « je déménage tout de suite dans le Zhejiang pour démarrer mon affaire », s’est enthousiasmé un internaute. Mais il y a un hic : si l’entreprise fait faillite, le jeune devra tout de même s’acquitter de sa dette auprès des autorités locales.

Cette mesure a été annoncée alors que l’organisme de planification de l’économie (NDRC) a conseillé aux gouvernements locaux d’éviter de faire des promesses irréalistes en matière d’amélioration de la protection sociale et de réduction des inégalités. Ces objectifs sont les pierres angulaires du principe de « prospérité commune » remis au goût du jour par le Président Xi Jinping en août 2021 et dont le Zhejiang est censé être la « province-pilote ».

« Les autorités locales ne doivent pas se montrer trop ambitieuses lorsqu’il s’agit de mettre en œuvre ce concept (…). Elles doivent plutôt se focaliser sur les services publics de base comme l’éducation, le logement, la santé, la vieillesse », a déclaré Ha Zhengyou, cadre à la NDRC.

Si la tutelle de l’économie a estimé nécessaire de formuler ce rappel à l’ordre, c’est parce que les cadres locaux ont la fâcheuse tendance à considérer les consignes du Premier Secrétaire du Parti comme parole d’évangile et à les mettre en œuvre de manière trop radicale pour espérer obtenir une promotion. Un zèle qui pourrait peser sur les finances des gouvernements locaux, déjà lourdement endettés. Selon les chiffres officiels, ce sont eux qui prennent déjà en charge 80%, 70% et 60% des dépenses en matière d’éducation, de santé et de logement, le reste des fonds provenant de l’État central.

Or, Pékin les a indirectement privé d’une grande partie de leurs revenus en imposant aux promoteurs immobiliers une cure de désendettement. En effet, les gouvernements locaux tiraient jusqu’à présent 40% de leurs revenus des ventes de terrains. Mais depuis que l’État a imposé trois ratios prudentiels aux promoteurs fin 2020, les nouveaux chantiers ont été interrompus. Cette décision avait pour but de freiner la spéculation immobilière et l’envolée des prix.

Malgré de bonnes intentions, ce n’est pas la seule mesure imposée par l’État qui se transforme en fardeau financier pour les autorités locales. En juillet 2021, Pékin a interdit aux firmes de tutorat scolaire de tirer quelconque profit de leurs activités de manière à faire baisser les coûts de l’éducation pour les parents. Cependant, ces cours de soutien sont désormais à la charge des professeurs des écoles publiques. Or, ces derniers ne sont pas rémunérés pour leurs heures supplémentaires, faute de budget suffisant au niveau local.

C’est la raison pour laquelle les autorités cherchent à tout prix à renflouer leurs comptes en infligeant des amendes salées à des célébrités, tout en encourageant les plus riches à faire des donations à des associations caritatives. Le dernier en date est Liu Qiangdong, le fondateur de JD.com, qui a consenti à une donation de 2,2 milliards de $.

Les plus fortunés, déjà taxés jusqu’à 45% de leurs revenus, doivent-ils s’en inquiéter ? L’État se veut rassurant : il ne s’agit pas de « voler les riches pour redonner aux pauvres » mais d’augmenter la taille du « gâteau » (c’est-à-dire des « richesses ») avant de la redistribuer plus équitablement.

Justement, de nombreux citoyens chinois issus de la classe moyenne, constatent que leur part du « gâteau » n’augmente pas. Au contraire, certains déplorent que la vie n’a jamais été aussi difficile depuis que le concept de « prospérité commune » a fait son apparition. La faute au ralentissement économique, aux tensions géopolitiques et à la pandémie, mais aussi aux différentes reprises en main réglementaires infligées par l’Etat au secteur de la tech, des jeux vidéo, de l’éducation, et de l’immobilier. En somme, Pékin ne se facilite pas la tâche en courant plusieurs lièvres à la fois. 

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1 Commentaire
  1. severy

    On souhaite à la tortue gouvernementale bonne chance dans sa poursuite du bien être de la population du pays en courant après les lièvres de tous les secteurs de l’économie qui font des bonds dans toutes les directions.

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