Le Vent de la Chine Numéro 8 (2022)

du 28 février au 13 mars 2022

Editorial : Pékin joue les équilibristes sur le fil ukrainien
Pékin joue les équilibristes sur le fil ukrainien

Trois semaines après avoir scellé « un partenariat sans limite » avec la Russie le jour de l’ouverture ses Jeux Olympiques d’hiver (4 février), la Chine se retrouve dans une position extrêmement délicate suite à l’invasion de l’Ukraine sur ordre du Président Poutine.

Alors que les pays occidentaux fourbissent leurs sanctions économiques contre Moscou, la Chine refuse de condamner l’action militaire de la Russie et d’employer le terme « d’invasion ».

Lors du vote du projet de résolution au Conseil de Sécurité de l’ONU qui déplorait « l’agression contre l’Ukraine », la Chine s’est logiquement abstenue, tout comme l’Inde et les Émirats Arabes Unis.

Depuis le début de l’offensive ordonnée par le Kremlin, qui brandit à présent la menace nucléaire, la Chine soutient plus ouvertement la Russie, s’opposant aux sanctions occidentales et accusant les Etats-Unis d’être responsables du conflit.

Pourtant, les jours précédents « l’opération militaire russe », Pékin semblait encore sincèrement croire à la possibilité d’une désescalade tout en soulignant que tous les pays devaient voir leur souveraineté nationale respectée, l’Ukraine y compris.

Ce qui amène à la question suivante : la Chine avait-elle minimisé les menaces d’invasion du Kremlin ? Vladimir Poutine avait-il partagé ses intentions avec son « ami » Xi Jinping avant la signature de leur déclaration conjointe contre l’ordre occidental le 4 février ?

Plusieurs éléments sèment le doute, à commencer par le fait que de nombreux experts chinois ne semblaient pas réellement envisager le scénario d’une invasion russe jusqu’au jour-J. Ce sont les mêmes qui ont souligné le « manque de fiabilité » des renseignements américains lorsque ceux-ci ont erronément prédit la date de l’offensive russe. Il y a aussi le fait que quelques jours avant l’attaque, l’ambassade de la RPC à Kiev apparaissait plus préoccupée par la situation sanitaire que par l’évacuation de ses ressortissants.

D’après le New York Times, Washington avait pourtant prévenu les dirigeants chinois des projets de Poutine et sollicité leur aide pour convaincre le leader russe de renoncer. Ces inquiétudes n’auraient pas été prises au sérieux par Pékin, qui aurait par la suite partagé ces informations avec le Kremlin.

Et pourtant, plusieurs experts étrangers n’imaginent pas que le Président russe se serait lancé dans une telle aventure sans avoir reçu des garanties plus ou moins explicites de la part de Pékin.

Même si le gouvernement chinois dément catégoriquement avoir demandé à Moscou de respecter la trêve olympique avant de déclencher les hostilités, le Kremlin a néanmoins attendu 24h après la fin des JO d’hiver pour reconnaitre les deux régions séparatistes de l’Ukraine.

Cependant, l’aventurisme militaire de Moscou met le dirigeant chinois dans l’embarras, lui qui ambitionne de sécuriser un troisième mandat à l’automne prochain et qui aurait sûrement préféré que la stabilité géopolitique et économique mondiale soit préservée avant cette échéance cruciale.

En effet, Pékin aura tout le mal du monde à concilier son partenariat stratégique avec Moscou, son sacro-saint principe de non-interférence et de respect de l’intégrité territoriale, et son désir de minimiser les dégâts dans ses relations avec l’Europe et les Etats-Unis. L’équilibre entre les trois s’annonce d’ores et déjà introuvable, et Pékin sera amené à faire évoluer sa position sous le regard attentif du monde entier. Sans quoi, la Chine ratera une occasion de se présenter sur la scène internationale comme la puissance responsable qu’elle aspire à devenir.


Economie : La « prospérité commune », plus vite dite que faite
La « prospérité commune », plus vite dite que faite

Petite annonce : 4ème province la plus riche de Chine recherche jeunes diplômés pour lancer leur propre entreprise dans la région. Hukou, aide au logement et prêt à taux zéro jusqu’à 500 000 yuans offerts ! Une offre sans engagement puisqu’en cas d’échec, le gouvernement local remboursera à la banque entre 80% et 100% de la somme empruntée.

Telle est la généreuse offre dévoilée le 17 février par la province du Zhejiang pour inciter les jeunes talents de la Chine entière à tenter l’aventure entrepreneuriale. Alors que 10,76 millions de diplômés vont se déverser cette année sur un marché du travail déjà saturé, la nouvelle n’est pas passée inaperçue. Sur Weibo, elle a été vue plus de 4 millions de fois : « je déménage tout de suite dans le Zhejiang pour démarrer mon affaire », s’est enthousiasmé un internaute. Mais il y a un hic : si l’entreprise fait faillite, le jeune devra tout de même s’acquitter de sa dette auprès des autorités locales.

Cette mesure a été annoncée alors que l’organisme de planification de l’économie (NDRC) a conseillé aux gouvernements locaux d’éviter de faire des promesses irréalistes en matière d’amélioration de la protection sociale et de réduction des inégalités. Ces objectifs sont les pierres angulaires du principe de « prospérité commune » remis au goût du jour par le Président Xi Jinping en août 2021 et dont le Zhejiang est censé être la « province-pilote ».

« Les autorités locales ne doivent pas se montrer trop ambitieuses lorsqu’il s’agit de mettre en œuvre ce concept (…). Elles doivent plutôt se focaliser sur les services publics de base comme l’éducation, le logement, la santé, la vieillesse », a déclaré Ha Zhengyou, cadre à la NDRC.

Si la tutelle de l’économie a estimé nécessaire de formuler ce rappel à l’ordre, c’est parce que les cadres locaux ont la fâcheuse tendance à considérer les consignes du Premier Secrétaire du Parti comme parole d’évangile et à les mettre en œuvre de manière trop radicale pour espérer obtenir une promotion. Un zèle qui pourrait peser sur les finances des gouvernements locaux, déjà lourdement endettés. Selon les chiffres officiels, ce sont eux qui prennent déjà en charge 80%, 70% et 60% des dépenses en matière d’éducation, de santé et de logement, le reste des fonds provenant de l’État central.

Or, Pékin les a indirectement privé d’une grande partie de leurs revenus en imposant aux promoteurs immobiliers une cure de désendettement. En effet, les gouvernements locaux tiraient jusqu’à présent 40% de leurs revenus des ventes de terrains. Mais depuis que l’État a imposé trois ratios prudentiels aux promoteurs fin 2020, les nouveaux chantiers ont été interrompus. Cette décision avait pour but de freiner la spéculation immobilière et l’envolée des prix.

Malgré de bonnes intentions, ce n’est pas la seule mesure imposée par l’État qui se transforme en fardeau financier pour les autorités locales. En juillet 2021, Pékin a interdit aux firmes de tutorat scolaire de tirer quelconque profit de leurs activités de manière à faire baisser les coûts de l’éducation pour les parents. Cependant, ces cours de soutien sont désormais à la charge des professeurs des écoles publiques. Or, ces derniers ne sont pas rémunérés pour leurs heures supplémentaires, faute de budget suffisant au niveau local.

C’est la raison pour laquelle les autorités cherchent à tout prix à renflouer leurs comptes en infligeant des amendes salées à des célébrités, tout en encourageant les plus riches à faire des donations à des associations caritatives. Le dernier en date est Liu Qiangdong, le fondateur de JD.com, qui a consenti à une donation de 2,2 milliards de $.

Les plus fortunés, déjà taxés jusqu’à 45% de leurs revenus, doivent-ils s’en inquiéter ? L’État se veut rassurant : il ne s’agit pas de « voler les riches pour redonner aux pauvres » mais d’augmenter la taille du « gâteau » (c’est-à-dire des « richesses ») avant de la redistribuer plus équitablement.

Justement, de nombreux citoyens chinois issus de la classe moyenne, constatent que leur part du « gâteau » n’augmente pas. Au contraire, certains déplorent que la vie n’a jamais été aussi difficile depuis que le concept de « prospérité commune » a fait son apparition. La faute au ralentissement économique, aux tensions géopolitiques et à la pandémie, mais aussi aux différentes reprises en main réglementaires infligées par l’Etat au secteur de la tech, des jeux vidéo, de l’éducation, et de l’immobilier. En somme, Pékin ne se facilite pas la tâche en courant plusieurs lièvres à la fois. 


Technologies & Internet : Un metaverse aux « caractéristiques chinoises » ?
Un metaverse aux « caractéristiques chinoises » ?

Difficile d’échapper à la frénésie du « metaverse » (元宇宙 ; yuán yǔzhòu), cette technologie présentée comme une version 3D du cyberespace dans laquelle l’utilisateur, muni d’un casque de réalité virtuelle, évolue sous forme d’avatar.

Dans ce monde virtuel, il pourra retrouver ses amis, aller à un concert, essayer des vêtements, faire ses courses au supermarché, suivre des cours dans une université étrangère, participer à une réunion de travail, voire voyager à l’autre bout du monde, le tout sans jamais quitter son canapé ! Même si la définition du « metaverse » fait encore débat, la technologie pourrait bien voir le jour d’ici une décennie ou deux.

Le géant américain Facebook y voit le « successeur de l’internet » et en a même fait sa nouvelle identité en septembre 2021, en se rebaptisant Meta. Depuis lors, le nombre de demandes de dépôt de marques liées à cet univers immersif a atteint les 16 000 en Chine, le double d’il y a deux mois, selon l’administration nationale de la propriété intellectuelle.

Parmi les 1600 demandeurs, les fleurons de la tech chinoise, à savoir Tencent, Alibaba, ByteDance, iQiyi, Xiaohongshu, Baidu, NetEase, Huawei, Xiaomi, ZTE… ainsi qu’une ribambelle de start-ups, qui espèrent augmenter leur valorisation en surfant sur la tendance « meta ». Selon le cabinet d’audit PricewaterhouseCoopers, le marché chinois du metaverse devrait croître de 13% par an pour atteindre les 1500 milliards de $ d’ici 2030.

Même les municipalités comme Shanghai, Pékin et Wuhan, ainsi que les provinces comme le Zhejiang, le Jiangsu et le Guizhou, tentent de tirer leur épingle du jeu en intégrant le metaverse dans leurs prochains plans quinquennaux, en lui dédiant des parcs industriels et en organisant des séminaires sur le sujet. Pour les cadres, c’est une manière de prouver à leurs supérieurs hiérarchiques qu’ils ont à cœur de promouvoir l’innovation et les nouvelles technologies.

Leur enthousiasme n’est cependant pas partagé par tout le monde. Fin octobre, le think tank China Institutes of Contemporary International Relations (CICIR), affilié à l’État, a affirmé que le métaverse présentait un risque pour la « sécurité nationale » du pays.

De surcroît, la reprise en main réglementaire des géants de la tech, des éditeurs de jeux vidéo, des plateformes de livraison de repas, de VTC et des crypto-devises, pourrait présager d’une certaine hostilité du gouvernement envers tout secteur qui ne contribue pas suffisamment à « l’économie réelle ».

Pour autant, cela ne veut pas dire que Pékin compte bannir le metaverse. Au contraire, le Parti pourrait être tenté de s’en servir pour atteindre ses propres objectifs, que ce soit en matière de consommation, d’innovation ou de propagande. La Chine pourrait même ambitionner de devenir l’un des leaders de cette technologie de manière à imposer sa vision du metaverse à l’international. C’est sûrement la raison pour laquelle le ministère de l’Industrie et des Technologies de l’information (MIIT) a ajouté sur sa liste des PME innovantes à encourager, celles associées au metaverse.

Mais alors, à quoi ressemble(ra) le metaverse chinois ? Selon toute vraisemblance, le gouvernement voudra garder la haute main sur ce monde virtuel, comme il le fait déjà sur son internet. Étant donné que les technologies liées au metaverse n’en sont encore qu’à leurs balbutiements, Pékin a toute la latitude nécessaire pour les assimiler et les contrôler, surtout depuis qu’il a rappelé à l’ordre ses géants de la tech.

Sans être devin, il est probable que le metaverse chinois sera accessible aux seuls usagers enregistrés sous leur véritable identité ; que les règles applicables aux jeux vidéo le seront également dans le metaverse (choix d’un pseudo décent, contenu violent ou pornographique interdit, commentaires politiques proscrits, limite de temps pour les mineurs…) ; que seules les célébrités aux valeurs morales « correctes » seront exposées ; que les règles de censure imposées aux médias seront transposées virtuellement ; que les cryptomonnaies y seront bannies, remplacées par le yuan digital officiel ; et que les transactions de NFT et les achats de logements virtuels seront surveillés de près pour éviter toute bulle spéculative… Rien à voir donc avec la vision libertaire du metaverse qui prédomine ailleurs dans le monde.

Malgré toutes ces restrictions, le metaverse « aux caractéristiques chinoises » pourrait rapidement se développer en Chine, porté par un engouement jamais démenti du consommateur chinois pour toute nouveauté, particulièrement lorsqu’il s’agit de divertissement en ligne. De là à renommer « l’Empire du Milieu » en « Empire du Metaverse » ? 


Chiffres de la semaine : « 24 362 ressortissants français, 10% de départs, 485 000 yuans par enfant, 33 GW de centrales à charbon, 6,1% de croissance »
« 24 362 ressortissants français, 10% de départs, 485 000 yuans par enfant, 33 GW de centrales à charbon, 6,1% de croissance »

24 362 : c’est le nombre de ressortissants français installés en Chine et recensés par les consulats en 2021. C’est 10,5% de moins en douze mois. Cette tendance, accélérée par la pandémie, ne date pas d’hier. À Hong Kong, le nombre de ressortissants (11 960) est retombé à son niveau de 2014. En Chine continentale, le nombre d’expatriés français (12 402) a fondu dans presque toutes les circonscriptions durant les dix dernières années. À Shanghai, ils étaient 10730 en 2011 contre 7111 en 2021 (-33%). À Canton, ce chiffre est passé de 2580 à 1768 (-31%). À Pékin, la baisse est encore plus importante, de 5204 à 2465 (-52%). À Wuhan, épicentre du Covid-19, ils étaient encore 701 en 2011 contre seulement 248 en 2021 (-65%). Seule la circonscription de Chengdu a vu sa communauté augmenter de 390 ressortissants en 2011, à 542 en 2021 (+39%).

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10% : c’est le nombre de citoyens européens qui ont quitté Hong Kong depuis un an à cause des restrictions sanitaires. Face à une redoutable 5ème vague, l’administration de Carrie Lam a annoncé mi-février un durcissement des mesures : la fermeture des écoles, l’introduction d’un « passe vaccinal » ainsi que la suspension des vols en provenance de plusieurs pays européens. Trois dépistages obligatoires de l’ensemble des 7,4 millions d’habitants sont prévus au mois de mars. Les autorités locales auraient reçu pour consigne de reprendre le contrôle de la situation sanitaire avant la visite du Président Xi Jinping le 1er juillet prochain, à l’occasion du 25ème anniversaire de la rétrocession de l’ex-colonie britannique à la Chine. Un déplacement censé prouver que Pékin a rétabli la stabilité dans la région administrative spéciale après les manifestations monstres de 2019.

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485 000 yuans : c’est la somme nécessaire en moyenne pour élever un (premier) enfant en Chine jusqu’à ses 18 ans, soit sept fois le PIB par habitant en 2019. Cela fait de la Chine le 2ème pays le plus cher au monde pour élever un enfant, derrière la Corée du Sud (7,79 fois le PIB par habitant), et devant le Japon (4,26), les États-Unis (4,11)… et la France (2,24). Les coûts sont encore plus élevés dans les grandes villes : à Shanghai, il faudrait compter plus de 1 million de yuans et 970 000 yuans à Pékin. Ces chiffres sont issus d’une étude réalisée par le YuWa Population Research Institute, dirigé par l’économiste Ren Zeping et le fondateur de Trip.com Liang Jianzhang. Pour stimuler les naissances, les deux experts préconisent d’investir 5 % du PIB dans des politiques natalistes (subventions aux parents, aides à la scolarité, taux d’intérêt préférentiels pour l’achat d’un logement, réductions d’impôts, construction de crèches…), d’encourager le recours aux nounous étrangères (comme à Hong Kong), de mieux protéger les droits à la procréation des femmes non mariées, et d’améliorer l’accès à la procréation médicalement assistée (PMA). En 2021, le taux de natalité a chuté à 7,52 naissances pour 1000 habitants, le taux le plus bas jamais enregistré depuis 1949.  

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Xi Jinping prend la pose devant une pile de charbon dans le Shanxi, la veille du nouvel an chinois le 27 janvier.

33 GW : c’est la capacité des centrales à charbon que la Chine a mis en chantier en 2021, soit trois fois plus que le reste du monde. C’est le chiffre le plus élevé depuis 2016. Même si Pékin n’a pas donné son feu vert à de nouveaux projets l’an passé, le gouvernement s’est rattrapé en 2022 en autorisant la construction de cinq centrales pour une capacité de 7,3 GW. « Ces nouvelles capacités vont à l’encontre des engagements pris par la Chine dans le cadre de l’accord de Paris », affirment les experts du Centre for Research on Energy and Clean Air (CREA) et de Global Energy Monitor (GEM). La grave pénurie électrique que la Chine a connu à l’automne 2021 explique ce revirement. En parallèle, la Chine investit massivement dans les renouvelables (solaire, éolien…), mais cela ne suffira pas à répondre à l’augmentation de la demande du pays en énergie.

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6,1 % : c’est la moyenne des prévisions de croissance formulées par les 31 provinces, municipalités et régions autonomes chinoises pour 2022. Shanghai et la province du Guangdong ont tablé sur une croissance d’environ 5,5% contre au moins 5% pour Pékin et Tianjin. Les analystes s’attendent à ce que le Premier ministre Li Keqiang annonce un objectif de croissance « palier » entre 5 et 5,5% lors de l’ouverture de la session de l’Assemblée Nationale Populaire (ANP) le 5 mars prochain. L’année dernière, le gouvernement s’était fixé un objectif modeste « d’au moins 6% », pour finalement enregistrer une hausse de son PIB de 8,1%. Cependant, les dirigeants chinois ont reconnu en fin d’année 2021 que l’économie souffre d’une « triple pression » : une contraction de la demande, des chocs d’offre et des perspectives plus faibles.  


Vocabulaire de la semaine : « Russie, invasion, complice, entrepreneur, prêt bancaire, metaverse, monde virtuel »
« Russie, invasion, complice, entrepreneur, prêt bancaire, metaverse, monde virtuel »
  1. Tenter, essayer : 试图 ; shìtú (HSK 6)
  2. Situation : 情况 ; qíngkuàng (HSK 4)
  3. Equilibre : 平衡 ; pínghéng (HSK 5)
  4. Souhaiter, désirer, espérer : 希望 ; xīwàng (HSK2)
  5. Russie : 俄罗斯 ; èluósī
  6. Envahir, invasion : 侵略 ; qīnlüè
  7. Ukraine : 乌克兰 ; wūkèlán
  8. Complice : 帮凶 ; bāngxiōng
  9. Avenir, futur : 未来 ; wèilái (HSK 5)
  10. Perdre : 失去 ; shīqù (HSK 5)
  11. Soutien : 支持 ; zhīchí (HSK 4)

中国正试图在这种情况下找到一个平衡,它既不希望被看做是俄罗斯侵略乌克兰的帮凶,同时也不想与俄罗斯拉得太远,以至于未来失去俄罗斯的潜在支持

Zhōngguó zhèng shìtú zài zhè zhǒng qíngkuàng xià zhǎodào yīgè pínghéng, tā jì bù xīwàng bèi kàn zuò shì èluósī qīnlüè wūkèlán de bāngxiōng, tóngshí yě bùxiǎng yǔ èluósī lā dé tài yuǎn, yǐ zhìyú wèilái shīqù èluósī de qiánzài zhīchí.

« La Chine essaie de trouver un équilibre dans cette situation, ne voulant pas être considérée comme complice de l’invasion russe en Ukraine, et en même temps, ne souhaitant pas trop s’éloigner de la Russie au point de perdre son soutien potentiel à l’avenir ».

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  1. Etudiant, universitaire : 大学生 ; dàxuéshēng
  2. Entreprendre : 创业 ; chuàngyè (HSK 6)
  3. Prêt bancaire, emprunter : 贷款 ; dàikuǎn
  4. Dix mille : 万 ; wàn (HSK 3)
  5. Si, dans le cas où : 如果 ; rúguǒ (HSK 3)
  6. Echouer : 失败 ; shībài (HSK 4)
  7. Gouvernement : 政府 ; zhèngfǔ (HSK 5)
  8. Compensation financière : 代偿 ; dài cháng (HSK 4)

大学生创业,可贷款10到50万,如果创业失败,贷款10万以下的由政府代偿,贷款10万以上的部分,由政府代偿80%。 

Dàxuéshēng xiǎng chuàngyè, kě dàikuǎn 10 wàn dào 50 wàn, rúguǒ chuàngyè shībài, dàikuǎn 10 wàn yǐxià de yóu zhèngfǔ dài cháng, dàikuǎn 10 wàn yǐshàng de bùfèn, yóu zhèngfǔ dài cháng 80%.

« Les étudiants qui souhaitent démarrer une entreprise peuvent contracter un prêt bancaire de 100 000 à 500 000 yuans. Si l’entreprise échoue, le gouvernement compensera la somme du prêt inférieure à 100 000 yuans et à hauteur de 80% au-delà de 100 000 yuans ».

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  1. Metaverse : 元宇宙 ; yuán yǔzhòu
  2. Parallèle, simultané, équivalent : 平行 ; píngxíng (HSK 6)
  3. Réelle : 现实 ; xiànshí (HSK 5)
  4. Vie : 生活 ; shēnghuó (HSK 4)
  5. Virtuel : 虚拟 ; xūnǐ
  6. Monde : 世界 ; shìjiè (HSK 3)

元宇宙可以看做一个平行现实生活虚拟世界,人们可以在这个虚拟世界中做任何现实生活里能做到的事。

Yuán yǔzhòu kěyǐ kàn zuò yīgè píngxíng yú xiànshí shēnghuó de xūnǐ shìjiè, rénmen kěyǐ zài zhège xūnǐ shìjiè zhōng zuò rènhé xiànshí shēnghuó lǐ néng zuò dào de shì.

« Le métaverse peut être considéré comme un monde virtuel parallèle à la vie réelle. Les gens peuvent faire tout ce qu’ils font dans la vie réelle dans ce monde virtuel ».


A lire, à voir, à écouter : « 1000 ans de joies et de peines », les mémoires d’Ai Weiwei
« 1000 ans de joies et de peines », les mémoires d’Ai Weiwei

Le titre de ces mémoires d’Ai Weiwei n’est pas de lui, mais de son père, et ceci en dit long sur le projet de l’ouvrage. Ai Weiwei est devenu sans doute l’artiste graphique le plus célèbre de Chine, mais en même temps un dissident farouchement engagé pour les droits de l’homme et contre le régime, exilé depuis de longues années.

Mais ce père, Ai Qing fut lui-même à la fois un des premiers compagnons de la révolution chinoise, artiste poète célèbre et acclamé, intime de Mao Zedong dans les années 30, mais aussi défenseur de plus en plus opiniâtre de la démocratie. Ce qui fit de lui une fois le socialisme maître du pays, un membre du club historique très fermé des héros de la révolution, et un adversaire du stalinisme, opposé au pouvoir, et à ce titre longuement persécuté.

Cette dualité apparaît au cœur du livre, qui est pour moitié dédié à la gloire de ce père, et pour moitié un récit du combat d’Ai Weiwei au service de la démocratie, avec une arme essentielle qui est assez rare en Chine : l’humour corrosif et la dérision, la provocation aussi contre le pouvoir – contre tout pouvoir. Ai Weiwei ne le dit pas, mais il s’est aussi disputé avec l’Allemagne, le premier pays qui l’avait accueilli après son départ de Chine populaire, en 2015.

En terme de personnalité, l’artiste montre une facette de membre d’une société dorée, qui a tous les droits et peut tout se permettre en tant qu’enfant d’une aristocratie rouge à qui il faut tout pardonner. Il n’est pas le seul loin de là – après tout Xi Jinping en personne, ou d’autres très hauts personnages de Chine contemporaine, sont exactement dans le même cas.

Mais cette situation qui en soi, au départ risquerait d’être banale et insignifiante, est sauvée par une sensibilité exacerbée au service des oubliés, des maltraités, toujours prête à dénoncer les injustices et pourfendre les abus de pouvoir. Et Ai Weiwei a aussi sa dévorante créativité, sa volonté de prendre des faits d’actualité comme matériau artistique, et de les convertir en œuvre dont le but est de dénoncer leur aspect d’injustice insupportable.

Dans ce chemin, Ai Weiwei ne recule devant rien, et fait preuve d’un courage sans limite. Cette audace fait pardonner ses constantes provocations – qui autrement apparaîtraient gratuites. Ainsi, aujourd’hui même, hors des griffes de la police chinoise, l »auteur se fait le chantre de notre mauvaise conscience mondiale de peuples bien nourris, et crée à travers ses installations des dénonciations de toutes scènes inhumaines, et pas seulement dans l’Empire du Milieu, tels ces migrants fuyant la Libye ou Syrie pour débarquer sur les îles grecques, et l’accueil indigne qui leur est réservé par les nations européennes allant jusqu’à les repousser en mer.

Le début du livre présente, d’une manière parfois un peu décousue, les premières années de l’auteur : comment aux premières années de la Révolution culturelle, le jeune adolescent est-il forcé avec son père de quitter la sécurité et le confort pékinois pour la province du Xinjiang, à Shihezi – à 100km d’Urumqi, la capitale territoriale. Au début, la position de son père n’était pas si mauvaise, car il se trouvait sous la tutelle de Xi Zhongxun, le père de l’actuel chef de l’Etat, qui le protégeait, lui assurant la liberté de poursuivre ses écrits. Mais bientôt en 1967, la folie politique du moment progressant, père et fils sont forcés de repartir pour un poste beaucoup plus précaire, aux franges d’un désert à l’extrême nord du Xinjiang, en un site sauvage nommé localement « petite Sibérie ».

Là, durant sept ans, Ai Qing doit nettoyer chaque jour les toilettes du « corps de production et de construction », unité chargée d’assurer la présence chinoise-han en cette terre ouïghoure, et sa propre subsistance en même temps. Sa femme et deux autres enfants le quittent alors, profitant du droit de se réfugier en un site plus clément à la côte, et Ai Weiwei reste à 10 ans aux côtés du père, forgeant alors cette relation très étroite qui ne se démentira jamais. Le jeune a malgré tout, la chance de recevoir une éducation minimale à l’école de la base. A ses moments de liberté, il fabrique des meubles ou ustensiles pour améliorer le très précaire logis qu’ils partagent – une grotte excavée dans la paroi de glaise d’une falaise.

En 1978, comme presque tous ces « jeunes instruits » envoyés par millions à la campagne, père et fils sont autorisés à retourner à Pékin. Ai Weiwei reçoit l’évident privilège d’étudier à l’académie du cinéma de Shanghai puis en 1981, celui encore plus grand d’aller poursuivre ses études… aux Etats-Unis, où il restera 12 ans entre Philadelphie et New York, apprenant l’anglais, suivant diverses écoles d’art, et rencontrant des artistes tels Allen Ginsberg ou Andy Warhol.

De retour en Chine, Ai Weiwei sera bien sûr impressionné par le Printemps de Pékin et sa fin tragique. Il consacre sa vie à déconstruire divers objets pour en supprimer l’utilité, comme une table antique au plateau scié et remonté à 90°, ou une paire de souliers dont l’empeigne a été recoupée et recousue pour n’en faire plus qu’un seul – évidemment inchaussable. L’objectif est évidemment de provoquer une réaction de refus chez le spectateur – ce qui arrivera évidemment avec le savetier à qui il confie sa mono-chaussure pour la lui faire cirer, et qui la lui rendra sans l’accepter, exprimant sa muette réprobation. Il s’agit pourtant aussi, dans une démarche anarchiste, de forcer à réfléchir, et de canaliser ce sentiment d’inacceptable et forcer ainsi à une remise en cause cohérente, générale du système.

Durant les vingt années suivantes, Ai Weiwei poursuit ainsi sa marche solitaire, de plus en plus célèbre hors du pays. A noter la remarque de Bérénice Angremy, figure emblématique de l’art contemporain chinois à Pékin : « Ai Weiwei utilise sa notoriété internationale pour renforcer sa liberté de création, plus que pour s’enrichir : un grand nombre d’artistes chinois davantage dans le rang, ont accumulé une fortune beaucoup plus grande que lui sans faire de vagues, en vendant leurs œuvres à la classe supérieure chinoise. Cela n’intéresse pas Ai Weiwei, uniquement concentré sur son processus de libération de sa société par l’art ».  

Par Eric Meyer

Date de parution en français : le 3 février 2022, aux éditions Buchet Chastel.


Interview : Interview de l’artiste Ai Weiwei par Eric Meyer
Interview de l’artiste Ai Weiwei par Eric Meyer

Interview de l’artiste Ai Weiwei, pour Polka Magazine, n°17 février 2012 à l’occasion de l’Exposition « Entrelacs » au Musée du Jeu de Paume jusqu’au 29 avril 2012. Propos recueillis par Eric Meyer.

Ai Weiwei, Bonjour, dans quelques jours ouvre Entrelacs, votre première exposition en France, au Musée du Jeu de Paume – quel en est le sujet, et quelle impression l’événement vous laisse-t-il ?

AWW : Tout d’abord, un grand merci à la France, de me donner l’occasion de m’y exprimer. Il s’agit d’une très large rétrospective sur moi-même, depuis les années 80 à ce jour. La sélection est faite à partir de 250.000 données. Elle inclut des données de ma vie aux Etats-Unis (1981-1993, ndlr), puis après mon retour en Chine,  les créations artistiques, projets d’architecture, mon travail sur internet. La thématique est : « Qui suis-je ».

La France joue un rôle très spécial dans ma culture, les premières années de mon éducation : dans les années ’30, mon père (Ai Qing, célèbre poète révolutionnaire, ndlr) à l’âge de 18-19 ans avait vécu à Paris durant les 3 ans et avait été fortement influencé par le courant d’idées progressistes qui y régnait. De retour en Chine, il avait publié des poèmes, qui l’avaient envoyé pour plusieurs années dans les prisons du Guomintang. Ce qui, en retour, avait inspiré l’œuvre de sa vie. Après cela, la France, pour lui puis moi, ne pouvait être un pays pas comme les autres.

Que représente pour vous la France ? Quelle serait sa singularité ?

AWW : C’est évidemment un pays qui émane une énorme aura culturelle. Le pays de l’humanisme, de la liberté d’expression, de l’égalité, de la fraternité, de toutes ces valeurs universelles. Et dès le plus jeune âge (sourire), nous tous en Chine, avons en tête l’histoire de la Commune de Paris. On peut dire que la Chine entière a reçu de votre pays une forte influence. En politique, la France étant un des berceaux du socialisme…

Le marxisme proprement dit, lui, vient plutôt d’Allemagne…

AWW : C’est vrai, mais beaucoup de ces idées ont été empruntées de France. En art aussi, la France a été très formatrice. Cependant à notre époque, ce rayonnement culturel français ressort moins. Dans nos échanges culturels, nous avons eu il y a quelques années des années croisées franco-chinoises. La France s’y est fort exprimée via sa mode vestimentaire, ses parfums… Comprenez-moi, je ne veux pas critiquer, mais c’est un peu mince, et pas à la hauteur du passé. C’est du moins comme ça que je vois les choses. Enfin, je sais que les Français savent ce que c’est que la vie. Quand je vais à Paris, je vois une multitude de galeries, de cafés, je me régale…

Ne voit-on pas, ces dernières années, la Chine, les pays émergents  s’exprimer de plus en plus à travers leurs artistes, et la France, l’Europe de moins en moins ? La pompe s’inverser en art, comme en industrie et en commerce ?

AWW : D’abord, je veux encore dire que la France a été très prégnante pour nos écoles d’art, sur sa période impressionniste et aux débuts de l’ère contemporaine. Aujourd’hui la Chine connaît un grand bouleversement économique et politique. Est-il possible d’inverser le mouvement, et que la Chine aille influencer la France ? Je crois que sous l’angle culturel, c’est pour le moment hors de question. La Chine à l’avenir, n’aura pas les moyens de fournir au monde une veine artistique de quelque substance, de produits culturels, d’influence. En effet, depuis trop de temps, notre liberté individuelle, notre auto-affirmation ont été opprimés, la société communiste a écrasé l’expression personnelle, la parole indépendante et l’imagination. Notre nation en est restée profondément affaiblie. Aussi, son aura ne pourra pas se déployer sur le monde avant longtemps.

J’entendais ce matin aux nouvelles, que l’Allemagne et la Chine lancent ensemble des années croisées culturelles. Or, en musique, ce que la Chine va fournir, est le 京剧 (jingju), l’opéra traditionnel ‘de Pékin’. C’est ridicule ! Personne en Chine ne regarde plus l’opéra chinois. Les Chinois préfèrent suivre à la TV des concerts japonais ou sud coréens. C’est donc un produit artificiel qu’on vous offre, fabriqué pour les marchés occidentaux. C’est une insulte aux Allemands, aux Français que de leur offrir çà sous prétexte de leur montrer la Chine. C’est bidon, et fort brutal. Mais je veux ajouter ceci : la faute n’en revient pas qu’à la Chine, pour son incapacité à fournir une offre culturelle de qualité. C’est aussi celle des nations étrangères pour ne pas oser réclamer la vraie création. Ils préfèrent se contenter de gaspiller les deniers de leurs contribuables, et prétendre ainsi faire de l’échange culturel. C’est une honte – s’il vous plait, écrivez cela.

Depuis vos débuts en vie artistique, vous  êtes très actif en critique sociale, traquant la corruption ou la mauvaise gouvernance des pouvoirs publics chinois. Est-ce là un des piliers de votre conception artistique ?

AWW : Oui. Je suis un artiste qui vit en une ère de mutation. C’est un défi qui m’impose de me trouver aux avant-postes, pour montrer du doigt les problèmes de notre temps. Et si nous reculons devant la tâche, cela ne fera que nous laisser en pire situation. Nous savons tous que le vieux monde disparaît, que ses structures s’effondrent. Si nous hésitons à parler et n’osons pas susciter le débat, alors, quel genre de gens sommes-nous ? Pour un artiste, prétendre ne pas voir les problèmes là où ils sont, c’est une défaillance de responsabilité !

Pouvez-vous approfondir un peu plus le rôle de la provocation dans votre art ? Est-ce une technique psychologique d’éveil ou une réminiscence de l’éveil taoïste ?

AWW : Je le crois. Le Tao dit que le monde est un tout auquel tous participent, le scientifique, le penseur, l’artiste, ensemble pour représenter et améliorer l’univers. Mais cela ne marche qu’en s’appuyant sur les individualités – en agissant avec conscience globale. C’est le plus important, je crois. Parce qu’en tant qu’être, on n’est pas qu’une partie du monde, on est le monde. Sartre dit un peu la même chose en affirmant que l’existentialisme est l’humanisme, et que l’individu doit s’exprimer pour se faire le modèle de sa société.

Mélanger des éléments hétérogènes dans vos créations, choses de la vie réelle, photos, architecture, cinéma – c’est un aspect remarquable de votre créativité, et exactement ce que vous faites dans « Entrelacs ». Comment faites-vous la sélection ? Le mixage ? Quelle est la règle ?

AWW : bonne question : je ne suis pas artiste, tant que je n’ai pas réussi à me renouveler. Ce n’est pas la sélection entre tel ou tel support et leur mix qui fait l’oeuvre, mais le chemin nouveau qui me recrée artiste. Conceptuellement, s’engager dans une voie inconnue, qui n’a pas encore de nom ni d’identité, qui est à risque voire dangereuse, c’est ce qui fonde mon œuvre et lui donne du sens. Ces collages que je fais, ne sont pas une stratégie ni une tactique, mais une contradiction qui fait mon être.

Vous dites souvent que vous n’avez pas peur de la prison, ni de la mort. Est-ce toujours ainsi ? Jamais peur ?

AWW : J’ai peur, comme tout être humain. L’être humain est vulnérable. Il n’y a pas que la peur de la prison ou de la mort, mais aussi celle de la tristesse, de la solitude, de prendre des coups, de causer par son action le malheur de mes proches. Je ne suis pas différent des autres. Dans certains pays, cette peur sera plus présente. Dans d’autres,  on en sera plus prémuni.  Mais c’est un sentiment qui est intégré à notre chair, à notre destin, comme l’est la maladie ou la tragédie. Mais ce qui prime, c’est qu’on a une vie, qui est précieuse, qui est un miracle. Cette vie, on veut l’exercer, la tirer vers le haut, réaliser ses meilleures potentialités: en exprimer le courage, la créativité, la chaleur, la force afin d’aider les autres, à comprendre pourquoi lutter plutôt que de se laisser aller. La bataille est nécessaire, afin de vaincre. La peur est là, personne n’est vacciné contre. Ceux qui disent le contraire, je ne les crois pas. « On » peut vous faire disparaître et souffrir chaque jour et chaque minute. Mais cette peur est l’ennemi du genre humain. Comme être vivant, il faut s’accrocher à son humanité pour maîtriser sa peur.

Il y a des millions de gens qui vous soutiennent, en Chine et en dehors. Mais y en a-t-il au sein du système ?

AWW : Je ne crois pas. Il y a beaucoup de gens anonymes qui me voient comme une figure symbolique, une extension de leurs désirs. Mais je n’ai pas connaissance de soutiens au sein de la structure de pouvoir.

Le régime semble avoir un rapport complexe avec vous : vous êtes à la fois le fils d’un poète révolutionnaire célèbre, et un des dissidents les plus opiniâtres… parfois, vous donnez l’impression de pousser le système à s’attaquer à vous, alors que lui cherche au contraire à vous ignorer et détourner les yeux. Jusqu’au moment ou vous poussez si loin qu’il ne peut plus que passer à l’action…

AWW : Vraiment, pousser le système ? Précisez, s’il vous plait…

Et bien, par exemple, lors de votre Expo « Haus der Kunst » à Munich, et quand vous avez recensé et exposé les noms de tous les enfants morts durant le séisme du Sichuan en 2008, que l’Etat voulait cacher pour protéger ses fonctionnaires incompétents… C’était sans doute héroïque de votre part, mais…

AWW : Je ne crois pas que c’était héroïque. Nous touchons ici à une question essentielle. La Chine a vécu 60 ans sous contrôle (du PCC, ndlr). Mais de ces années, ils n’ont rien dit. Ni de leurs actes des années ’50, ni des ’60, ni des ’70 durant la Révolution culturelle etc… Vous avez un gouvernement au service du peuple, ou par le peuple… S’ils pensent comme cela, ils ont le devoir de rendre des comptes. Et en ne le faisant pas, ils suscitent une immense méfiance, et une corruption interne galopante.

En dévoilant les noms des enfants morts, je n’ai pas voulu les mettre en difficulté, ni dire qu’ils avaient mal agi. J’ai seulement exigé de prononcer les noms, par respect de la vie, et pour prévenir des tragédies à l’avenir. Plein de gens m’ont soupçonné d’avoir « voulu provoquer », ou « faire parler de moi », mais je crois simplement qu’en tant qu’artiste, nous avons le devoir de réclamer la vérité. Et je n’accepte pas l’idée que j’aie cherché à jouer les héros…

Cela fait quand même de vous un personnage unique…

AWW : Vous savez… Unique ? Célèbre ? Ils m’ont battu. Ils m’ont presque tué, me forçant à subir une opération au cerveau. Ils m’ont détruit l’atelier que j’avais fait construire à Shanghai. Ils m’ont gardé en prison au secret pendant 81 jours, et ils me réclament toujours 15 millions de yuans de taxes, tout cela, sans explications. Quand ils me convoquent, je leur demande « qu’est ce que vous attendez ? Ce sont des raisons suffisantes pour me rendre unique ? Ou bien mes questions sont de trop ? Répondez-moi ! ». Je suis techniquement toujours en examen – le juge est très clair, je n’ai même pas le droit de recevoir un journaliste, ni de parler avec des étrangers… mais je vis avec la situation – si je ne le faisais pas, cette conversation que nous avons, n’aurait pas lieu !

Depuis un an ou deux, le pouvoir définit l’art comme un pilier de l’économie national, ce qui veut dire que d’ici 2015, il prétend en tirer 5% du PIB ou 200 milliards de $, en produits culturels vendus en Chine et exportés comme des petits pains en France, en Allemagne, en Amérique… Qu’en pensez vous ?

AWW : C’est de la folie complète ; ce pays est dément. C’est contre la rationalité, et une insulte à l’art. Sans liberté, pas d’art. Sans individualité et expression personnelle, pas d’art. La Chine en est la preuve. Jusqu’à un passé récent, nous avions un riche patrimoine. Mais nos temples ont été détruits, notre savoir-faire artisanal a été détruit, nos écoles traditionnelles… Pour recréer ce qui est perdu, il faudra 100 ans.
Aujourd’hui, ils essaient de racheter les œuvres parties à l’étranger, de monter de nouveaux musées, mais ca ne marche pas. Où est l’art, où est le cerveau, si on empêche les gens de parler, si l’on tente de brider l’internet ? On emprisonne les gens, on leur fait peur, on bride ainsi la curiosité des masses. Ils ont dépensé des milliards de dollars, mais ils se mentent à eux-mêmes : ils réussissent dans bien des domaines, mais pas dans la culture. C’est une vraie pitié, c’est à en pleurer !

Mais alors pour vous, quelle serait la bonne politique de l’art, pour la Chine ?

AWW : C’est très simple : la politique ne doit pas interférer dans l’art. Le pouvoir doit apprendre la tolérance. Il n’a pas besoin d’investir en lourd dans le secteur, d’y devenir acteur et producteur. Le seul vrai art dont ils disposent, c’est celui de la censure, avec les centaines de milliers d’agents qu’ils emploient, derrière des claviers et des écrans, à nettoyer l’internet en permanence de toute expression libre : quelle performance … Par dérision, on les appelle les « 5 maos » (0,5 centimes d’euro), prix de chaque coup de ciseaux, puisqu’ils sont payés à l’acte…

Et dans l’éducation, alors ? Quelle serait la juste politique ?

AWW : Arrêter le désastre. Nos enfants se lèvent vers 5-6h du matin, et passent la journée à suivre les cours et bachoter jusqu’à minuit. Toute leur vie est consacrée à la préparation des examens, qui sont le seul mode d’évaluation. On ne cherche jamais à reconnaître leur valeur propre, leurs qualités innées, celles données par Dieu… Enfin, par l’inconnu…  Ainsi, ils deviennent un produit anonyme, sans savoir indépendant, ni passion, ni curiosité. Mais alors, comment cette jeunesse chinoise pourra t’elle soutenir la concurrence de celle des pays de l’Ouest, exercée au jugement et à la raison ?
Ici, ce que l’Etat doit faire, est desserrer en partie les contrôles, sans libérer à 100% bien sûr, mais leur donner les moyens d’accéder au libre arbitre.

L’équipe au pouvoir va changer – en octobre, Hu Jintao commence à céder ses pouvoirs à Xi Jinping. Comment voyez-vous l’avenir de la Chine, après Hu Jintao, dans 5, 10, 20 ans ?

AWW : Je suis toujours officiellement « un criminel, accusé de subversion ». Mais je crois en l’avenir de mon pays. On est maintenant au creux de la vague, on ne peut pas aller plus bas. Je crois que les Chinois vont changer la Chine, pour le mieux. En particulier, j’ai confiance dans la jeunesse. Elle est notre avenir, lequel sera simple, et pas sophistiqué.

Que pensez vous de Weibo, le twitter chinois ?

AWW : C’est un outil nouveau et magnifique. Ils l’ont toléré, car ils ne voulaient pas que la Chine soit éliminée de la course mondiale de l’internet. Ils en ont simplement mitonné une version « domestique », croyant qu’ils pourraient ainsi le tenir en bride. Mais par nature, c’est un outil de communication : il est incontrôlable, sauf à le fermer. Le Weibo va changer l’avenir !

Quand vous ne produisez pas de l’art, que faites-vous ?

AWW : Je sors tous les jours dans le parc voisin, pour m’aérer. J’aime organiser des dîners, passer des soirées à bavarder…. Je cuisine aussi. Mais pas trop – cela prend trop de temps, et pour recevoir les amis, j’ai mon propre cuisinier !

Enfin, je crois que votre père Ai Qing a exercé une forte influence sur vous, tout au long de votre vie. Pouvez-vous en parler ? Et quand vous prenez tous ces risques en affrontant le pouvoir, en dénonçant, est-il présent dans vos pensées ?

AWW : Mon père m’a marqué par son œuvre littéraire, son sens de la justice et de l’équité. Et mon travail participe de son humanisme. Il me disait toujours « qui dit la vérité, est plus puissant qu’un roi »  Cà, ça m’a impressionné. Personne, que ce soit le pouvoir ou l’armée, ne peut me faire faire ce à quoi je ne crois pas. Je fais aujourd’hui tous ces efforts pour que, là où il est, il soit fier de moi. Chaque génération s’efforce de laisser sa marque, pour que la suivante se souvienne, et ne se dise pas que ceux d’avant leur ont légué des problèmes à régler seuls.


Rendez-vous : Semaines du 28 février au 10 avril 2022
Semaines du 28 février au 10 avril 2022

4 au 11 mars, Pékin : Session des « Deux Assemblées » (CCPPC et ANP, Lianghui, 两会). Date de clôture à confirmer.

4 au 13 mars, Pékin : Jeux Paralympiques d’hiver à Pékin. Sur invitation seulement.

3-5 mars, Canton : SIAF GUANGZHOU 2022, Salon international pour l’automatisation des procédés, EN LIGNE

6-8 mars, Shanghai : CAFEEX SHANGHAI 2022, Salon international du thé, du café et des boissons.

8-11 mars, Jinan : JINAN INTERNATIONAL INDUSTRIAL AUTOMATION 2022, Salon international des technologies d’automation industrielle et de contrôle.

9-12 mars, Tianjin : CIEX 2022, Salon international de l’automation, de la robotique et de la machine-outil.

10-13 mars, Zhengzhou : CCEME – ZHENGZHOU 2022, Salon international des équipements de fabrication.

11-13 mars, Wenzhou : WIE – INDUSTRY EXPO WENZHOU 2022, Foire industrielle internationale de Wenzhou.

17-19 mars, Shanghai : CHINASHOP – CHINA RETAIL TRADE FAIR 2022, Salon dédié aux technologies de pointe et aux nouvelles solutions pour le commerce de détail.

19 mars, Pékin : CIEET 2022, Salon chinois international de l’éducation, EN LIGNE

20-23 mars, Chengdu : VINITALY CHINA – CHENGDU 2022, Salon des vins et des spiritueux italiens en Chine.

25-28 mars, Qingdao : QINGDAO INTERNATIONAL METAL WORKING EXPO 2022, Salon international de l’industrie du métal.

26 mars, Shanghai ; 27 mars, Canton : CIEET 2022, Salon international de l’éducation.

28-31 mars, Shanghai : EXPO FINEFOOD, Salon international de l’agro-alimentaire destiné à l’industrie hôtelière.

28 mars-1 avril, Shanghai : HDE – ECOBUILD CHINA 2022, Salon de la construction et du bâtiment durable.

30 mars-1 avril, Shenzhen : LICENSING CHINA 2022, Salon international des licences et des produits sous licence de Shenzhen.

30 mars-2 avril, Shenzhen : ITES EXHIBITION (SIMM) 2022, ITES China est le grand salon des technologies et d’équipements de fabrication de pointe dans le sud de la Chine.

31 mars-2 avril, Canton : CHINA LAB 2022, Salon international et conférence sur les appareils de laboratoire et d’analyse en Chine.

7-10 avril, Shanghai : CMEF – CHINA MEDICAL EQUIPMENT FAIR 2022, Salon chinois international des équipements médicaux.

9-11 avril, Shenzhen : CEF – CHINA ELECTRONIC FAIR, Salon chinois de l’électronique.