Editorial : La Chèvre meurt… de froid !

Sous un front polaire plus vu depuis 50 ans, il vient de faire très froid en Chine (-17°C à Pékin, -41°C en Mongolie Intérieure le 23 janvier). Des millions de foyers ont souffert de coupures de courant, 1100km du Fleuve Jaune ont gelé. Des milliers de trains, avions, autoroutes furent arrêtés, causant le blocage de millions de voyageurs du « Chunjie » (nouvel an lunaire). 

Le nombre des victimes n’est pas publié, mais le Sud, quoique moins gelé que le Nord, semble pourtant avoir plus souffert, par manque d’habitude et surtout de chauffage ! Taïwan, l’île subtropicale, annonce 85 morts.
En ce passage de l’année de la Chèvre à celle du Singe (le 8 février), les Chinois, selon la tradition, doivent avoir bouclé leurs affaires, payé leurs dettes, libéré leurs appartements, réglé leurs conflits… Bien sûr, ils doivent aussi avoir réservé les billets de retour au foyer natal et acheté les cadeaux aux parents, voisins et amis. En 40 jours, 332 millions auront pris le train, et plus du double, l’autobus.
À l’issue des congés, tous ne rentreront pas, loin de là : jusqu’à 20 millions resteront au village, dans la précarité mais permettant de survivre en attendant des jours meilleurs, faute de retrouver du travail en ville.
En la tumultueuse transhumance de cette année, la crise mord : le train devenant trop cher, le covoiturage apparaît, en même temps que des solutions charitables : Alibaba, le géant de l’internet, offre deux trains aux étudiants et aux pauvres : de Canton vers Guiyang, et de Shanghai vers Xi’an. 

C’est que la vie est rude cet hiver, peut-être plus que les années passées. Sur le tard, le régime s’est rendu compte que tolérer des usines polluantes autour des grandes villes, se payait au prix fort, par de cataclysmiques vagues de pollution secouant le pays et affectant sa stabilité sociale. Il a donc entamé le ménage, sacrifiant l’emploi rural contre la propreté de l’environnement.
Par exemple, Pékin, depuis janvier, est sous ciel bleu, grâce aux vents favorables, mais aussi à la fermeture en cours, de milliers de PME. En 2016, autour de la capitale, fermeront 2500 ateliers, briqueteries ou usines plastiques, dont les malheureux patrons et ouvriers attendent dédommagement–souvent en vain. Ainsi en grande banlieue, le chômage se propage… Les firmes riches, ou au meilleur « guanxi », peuvent survivre en montant dans la chaîne de valeur, ou en déménageant vers une province plus lointaine, tout en renouvelant ses machines pour un processus de production moins salissant.
Ainsi, sur les 2600 milliards de $ du 13ème Plan (2016-2020) réservés à l’environnement, une fraction sera affectée à l’aide aux fermetures. Mais le mouvement le fait que débuter : entre les territoires de Pékin, Tianjin et du Hebei (appelés à ne faire qu’une seule entité interconnectée, sous l’angle de l’équipement et de l’urbanisme), l’Etat prépare une coupe des émissions de 40% par rapport à 2013. De toute évidence, les autres moyens annoncés (déplacement de centrales thermiques, casse des voitures vieillissantes et interdiction des chantiers non bâchés) ne suffiront pas. D’autres fortes vagues de fermetures suivront, à travers le pays, causant la perte de millions d’emplois. 

Avec son stoïcisme proverbial, la Chine supporte ces misères, car la Chèvre est notoirement le signe le moins populaire du zodiaque chinois. Pour éviter ce signe, les femmes préfèrent retarder le moment d’être mères, jusqu’à l’année du Singe, plus espiègle, souriant et plein de ressources. En somme, le totem idéal pour se colleter avec les difficultés, et comme qui dirait, flouer la crise !

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