Petit Peuple : Nanning (Guangxi) – Qin Youhui ou le meurtre introuvable (1ère partie)

Quand, en octobre 2013, Wei Wuming enregistra sa plainte contre Qin Youhui, un important promoteur immobilier de la province au tribunal intermédiaire de Nanning (Guangxi), ce dernier décida que c’était la goutte d’eau qui faisait déborder le vase. Wei était un homme respecté à Nanning et une petite célébrité locale avec son million de followers sur sa plateforme de vidéos de bricolage en ligne. Il était surtout le patron d’une entreprise de maçonnerie qui travaillait régulièrement pour Qin.

Deux ans plus tôt déjà, le torchon entre les deux hommes s’était mis à brûler lorsque Qin accusa Wei de malfaçons sur une tour d’habitation. Furieux, l’entrepreneur commença à dire à qui voulait l’entendre que Qin Youhui volait ses clients en leur fourguant des appartements loin du standing promis dans ses publicités, lui faisant un tort considérable. Alors quand le promoteur apprit que, par-dessus cela, il portait plainte, il vit tous ses grands rêves de carrière et de richesse s’écrouler et entra dans une rage folle. Sa haine débordante  l’empêchant de penser rationnellement, il jura de prendre sa revanche et de faire éliminer son ennemi : quoi qu’il en coûte, Wei devait disparaître !

Pour autant, Qin ne voulait pas se salir les mains et, trop effrayé que cela puisse lui retomber dessus, décida de déléguer la tâche. Parmi ses connaissances, il comptait un certain Sun, policier véreux qui avait été congédié de son poste dix ans auparavant et avait depuis créé une douteuse agence de détectives. Dans sa vie privée, cet individu louche brûlait la chandelle par les deux bouts (烧,zhúliǎngtóushāo), entretenant une armée d’exigeantes maîtresses, fanfaronnant au volant de voitures pétaradantes et se faisant voir dans les restaurants les plus luxueux de la ville. « Pour maintenir un si délirant train de vie, se dit Qin, ses besoins d’argent doivent être exponentiels ».

Alors, via un intermédiaire et avec toute la discrétion requise, le promoteur immobilier convoqua l’homme, et lui mit le marché en main : Wei Wuming devait succomber à un « accident » dans les plus brefs délais. Conscient que s’il était démasqué il risquait d’être envoyé à l’échafaud, Sun exigea un cachet exorbitant  de deux millions de yuans pour remplir le contrat. Qin accepta pourtant sans discuter : il s’y attendait tant qu’il avait apporté, dans un cabas, les fonds en billets usagés. Après les avoir méticuleusement recomptés, Sun serra la main de l’homme d’affaire et lui assura que sous 15 jours, son adversaire aurait cessé de respirer.

Ce que Qin n’avait pas prévu en revanche, c’était la duplicité malhonnête de Sun : à peine s’étaient-ils séparés que le détective sans scrupules s’en alla voir Zhu, chauffeur de taxi et occasionnellement son coéquipier de jeu au Mahjong. Sans se formaliser de la mine abasourdie de son camarade, il lui offrit la mission complète. Zhu, qui n’avait rien d’un malfrat et encore moins d’un tueur, renâcla bien sûr, face à la perspective de devoir envoyer un inconnu rejoindre ses ancêtres et au risque de se faire pincer. Mais quand Sun lui fit palper le million de yuans proposé en liasses de billets roses, ses préventions s’estompèrent et les deux compères se mirent à détailler les différents moyens de refroidir leur gibier d’une manière quasi naturelle et sans laisser de traces suspectes. Deux heures et une bouteille de Maotaï plus tard, Sun repartait fort satisfait de lui, assuré de voir le contrat honoré sans qu’il n’ait à prendre de risque, tout en conservant la moitié de la prime – excellente affaire !

Zhu, cependant, n’avait jamais eu sérieusement l’intention de tenir sa parole. En effet, deux mois auparavant, il avait orchestré une grosse arnaque à l’assurance qui n’avait semble-t’il pas convaincu l’expert. Depuis, le chauffeur de taxi se savait sur écoute par la police et plusieurs fois il s’était aperçu qu’ils le filaient. Sous surveillance, pas question d’envoyer qui que ce soit ad patres, il était plus urgent de se tenir à carreau.

Aussi Zhu s’en alla-t-il voir Hu, son ami d’enfance, plâtrier de son état, pour le supplier de le tirer de ce mauvais pas. Quoiqu’embarrassé, Hu dut bien accepter : 10 ans plus tôt, son ami n’avait pas hésité à lui donner une grosse somme d’argent pour l’aider à payer les frais d’hospitalisation de sa femme, victime d’un accident de la route. Il lui était à tout jamais redevable. Et puis, il y avait aussi ces 500 000 yuans que Zhu lui promettait, pour refroidir le client.

Ce qui fit capoter l’affaire fut le cœur tendre du maçon : après avoir retourné le problème dans tous les sens, il comprit qu’il ne pourrait plus vivre avec lui-même s’il commettait un tel acte. Heureusement, Hu avait un beau-frère, Wang, maraîcher dans un village de lointaine banlieue. Wang devait finir de construire sa maison, condition sine qua non pour que sa promise accepte de l’épouser après trois ans d’interminables fiançailles. Alors quand Hu lui proposa 250 000 yuans pour liquider un homme, Wang écouta attentivement. Certes, c’était une somme bien modeste pour une telle besogne, mais, en plus du toit de la maison, l’argent suffirait pour payer la plomberie, la salle de bain et la télé…

Est-ce que Qin a enfin trouvé le tueur idoine pour réaliser sa vengeance ? Rendez-vous la semaine prochaine, pour l’apprendre !

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1 Commentaire
  1. severy

    On se demande si l’auteur de cette histoire a reçu ne fût-ce que le dixième de la moitié du quart de la somme initiale pour avoir fait mourir le fameux Wei de mort naturelle?

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