Depuis que le gouvernement chinois s’est décidé à admettre et à combattre son problème de pollution de l’air en 2013, les progrès à travers la Chine entière ont été significatifs. Selon le dernier rapport de l’ONG Clean Air Asia, 157 des 337 villes-préfectures chinoises ont réussi à atteindre l’an passé une concentration annuelle de leurs particules fines (PM 2,5) égale ou en dessous du seuil national fixé à 35 μg/m3. C’est 36 villes de plus par rapport à 2018. De même, l’air des grandes villes chinoises n’a jamais été aussi propre : 24 μg/m3 en moyenne à Shenzhen, 30 à Canton, 35 à Shanghai, 38 à Chongqing, 42 à Pékin, 43 à Chengdu, 45 à Wuhan, 51 à Tianjin … C’est deux fois moins qu’il y a quelques années.
Après cinq années de progrès continus, la bataille contre la pollution de l’air vient néanmoins d’enregistrer un premier revers l’an dernier. Parmi les trois régions « clés » définies par le gouvernement, la « plaine de la rivière Wei » (汾渭平原) à travers le Henan, le Shanxi et le Shaanxi, recense une hausse des émissions de PM 2,5 (+1,9%), alors que celles de « Pékin-Tianjin-Hebei » (京津冀) et du « Delta du Yangtsé » (长三角) ont respectivement diminué de 1,7% et 2,4% par rapport à 2018. Le rapport calcule également que la concentration en microparticules a augmenté dans toutes les préfectures du Liaoning, et dans la plupart de celles du Shaanxi et du Shandong. C’est la ville portuaire de Yantai (Shandong) qui enregistrait la plus forte augmentation du pays (+29,6%). L’an passé, le Shandong s’était déjà fait taper sur les doigts pour ses mauvais résultats en matière de pollution, incapable de réduire sa consommation de charbon et ses surcapacités industrielles, notamment en aluminium, dont la province est la plus grosse productrice du pays. En sus, 163 cadres avaient été punis pour avoir tenté de leurrer les inspecteurs de l’environnement envoyés par Pékin…
Lorsqu’on prend en compte l’évolution les trois dernières années de la concentration moyenne des six polluants aériens – les particules PM10 et PM2,5, l’ozone (O3), le dioxyde d’azote (NO2), le dioxyde de soufre (SO2), et le monoxyde de carbone (CO) – combiné au nombre de jours passés sous le seuil de pollution national et aux mesures environnementales prises par la mairie, c’est la ville de Yinchuan (Ningxia), qui arrive première du classement suivie de près par Lhassa (Tibet), gâtée par la nature. En récompense des efforts réalisés, Pékin arrive 4ème, Chengdu 7ème et Shanghai 8ème ; à l’inverse, Xi’an (Shaanxi) est la grande ville la moins bien classée (110ème), le ciel y restant désespérément gris… Trois rangs plus loin arrive Tangshan (Hebei), la capitale chinoise de l’acier, qui a pourtant forcé la délocalisation de 13 entreprises sidérurgiques l’an dernier… Enfin, Linfen, ville de 3 millions d’habitants dans le Shanxi, ferme la marche (168ème). Elle était déjà dernière l’an passé, même après avoir imposé des quotas de production réduits à ses industries lourdes durant l’hiver. En avril 2019, le nouveau maire avait annoncé la prolongation de ces coupes hivernales au reste de l’année, ce qui a permis de réduire les émissions de PM2,5 pour la première fois. Mais cela n’a pas suffi à lui faire quitter la lanterne rouge. Avant ces mesures désespérées, plusieurs cadres de Linfen avaient été sanctionnés pour avoir cherché à tricher en falsifiant plus d’une centaine de fois les données des capteurs de pollution atmosphérique… Autres mauvais élèves : Baotou (Mongolie-Intérieure), Kaifeng et Zhoukou (Henan), qui ne prennent toujours pas la peine de rendre leurs données publiques.
Cette étude conforte donc l’idée que les mesures les plus faciles à mettre en place ont porté leurs fruits, mais que les tentations d’hier sont toujours d’actualité dans les régions vivant des industries lourdes et dont la transition économique vers des industries moins polluantes est impossible à réaliser du jour au lendemain. De nouvelles rechutes, telles qu’enregistrées l’an dernier, sont donc à attendre à l’avenir, particulièrement dans un contexte économique post-Covid-19 convalescent, où la protection des intérêts économiques risque de devenir la priorité des gouvernements locaux, devant la lutte anti-pollution imposée par Pékin.
Sommaire N° 34 (2020)