Economie : Consolidation ou relance ? La valse lente

Pendant deux jours (10-11 octobre), lors d’un sommet national dans la capitale, patrons et cadres de consortia publics se réunirent et tinrent des discours au ton un peu anachronique.

Egalement présents, le Président Xi Jinping et trois hauts cadres  (Wang Qishan, Liu Yunshan et Zhang Gaoli, le vice-premier en charge de l’économie), martelèrent que « le leadership du Parti dans les entreprises en propriété d’Etat était un principe politique majeur, qui ne pouvait en aucune circonstance être remis en cause ». « La direction centrale et la construction du rôle du Parti étaient la racine et l’âme » de ces consortia, pesant environ 40% de l’économie nationale. L’appareil devrait donc continuer à l’avenir à y garder la haute main sur les décisions-clé, les nominations et l’idéologie. Elles devraient se montrer à la fois « loyales »  et « une force importante dans la réalisation des décisions du niveau central, telle la stratégie d’‘une ceinture, une route’ (nouvelles routes de la soie) ».

Evoquant la filière de décision et de management de ces firmes pourtant dédiées en principe à la recherche de profits, Xi omettait curieusement d’évoquer fût-ce le nom du Bureau des Directeurs, ou celui du Conseil d’Administration. On était bien loin des promesses du Premier ministre Li Keqiang en 2012, d’introduire plus de rôle au marché, et de désengager l’Etat de la gouvernance des entreprises publiques ! 

Malgré ses formules idéologiques, ce discours pourrait avoir un but tout autre, plus immédiat et pragmatique : le désendettement du secteur public. Selon la Bank for International Set-tlements, les firmes chinoises, surtout publiques, ont 18 000 milliards de $ de dettes, 169% du PIB. Standard & Poor’s en diagnostique la double cause : « une tendance inhérente à la croissance en actifs et à la diversification sectorielle couplée à une bourse faible » mal remise de son crash de l’an dernier, ce qui la prive de suffisamment d’épargne pour faire face aux besoins de ces firmes publiques. De ce fait, ces firmes voient s’effriter leur productivité : pour chaque dollar de dette, elles produisent 2/5ème de moins  qu’en 2010. De leur côté, les banques voient se multiplier les dettes irrécupérables : au rythme actuel, il leur faudra recevoir pour 1680 milliards de $ d’argent frais sous cinq ans, pour continuer à fonctionner.

La solution choisie par le gouvernement consiste à multiplier les opérations de « swap »,  chez ces consortia, consistant à échanger les emprunts bancaires à haut taux d’intérêt, contre des obligations à taux faible mais garanties par l’Etat. Déjà octroyé à Sinosteel et Wuhan Steel, ce désendettement massif est inaccessible aux firmes « zombies », trop endettées et obsolètes pour être sauvées. Mais comme le plan public n’offre pas de définition de la firme zombie, certaines pourraient user de leurs amis politiques pour passer à travers le crible…

Et c’est ici, à notre sens, qu’a servi la réunion des 10-11 octobre, à faire passer le message aux consortia publics. Cet argent frais ne servira que selon les directives, sur les ordres du PCC : le patronat sera mis sur la touche pour laisser le comité du Parti  en interne assumer les grandes décisions.

Ici S&P fait une remarque intéressante : les entreprises privées elles, non contraintes à la course à la concentration et à la diversification, ont agi récemment pour réduire leur dette—et sont en meilleure posture face à la récession…

L’autre souci est l’immobilier. En 2015, pour éponger le crash boursier d’alors (-50%, après 18 mois de hausse à 160%), Pékin relançait le crédit aux acheteurs. De 7500 milliards de ¥ en 2015, il devrait atteindre le double cette année. Les prêts aux constructeurs s’élevaient à 24 000 milliards de ¥ en juin. Aussi depuis février 2015, les prix du logement ont augmenté de 48%, et jusqu’à 59% à Shenzhen ! La frénésie d’emprunt, supputent les économistes, a poussé le PIB au 3ème trimestre à 6,7% – un chiffre bien au dessus de la tendance productrice réelle, alors que par exemple, l’export n’augmentait que de 5,6% en septembre—chiffre en baisse. Or, le plus souvent dans ces constructions récentes, les logements sont invendus, ou inoccupés (cf. photo) — achetés à but spéculatif, ce qui fait s’agiter le spectre de l’éclatement d’une bulle.

Face au danger, à travers le pays, des freins s’appliquent à la spéculation : plus de 20 villes interdisent les ventes aux non-résidents, ou celles de secondes propriétés, ou augmentent le niveau de l’apport initial (de 30% à 50%). Et de fait, les ventes lors de la « semaine d’or » (1-8 octobre) à Shenzhen et Pékin ont vu les prix du neuf baisser de 20%, et à Pékin et Wuxi, les surfaces vendues de 86% et 72%.

Le marché immobilier se calme donc—relayé par celui de l’automobile, qui gagne 29% en septembre avec 2,3 millions d’unités vendues. Cette embellie est l’effet d’une autre décision centrale, la dévaluation progressive du yuan.  Depuis janvier, la monnaie nationale a perdu 3% par rapport au $, à 6,7/1, son taux le plus bas en 6 ans. C’est pour aider l’export à remonter la pente, et réduire l’effort de l’Etat en soutien du yuan sur les marchés internationaux. En septembre, la Banque Centrale dépensait 27 milliards de $ à cet effet. Mais l’érosion reste lente, pour contenir la fuite des capitaux. Or l’épargnant n’a d’autre choix pour protéger son capital que d’investir—en logis, ou en automobile…

Dans ce concert de tendances médiocres, une bonne nouvelle enfin : le 30 septembre à Washington, au FMI, le yuan est entré au panier des « droits de tirage spéciaux » (DTS) dont il composera 10,92% des avoirs. Cet accueil du renminbi par la finance mondiale va accélérer l’investissement chinois dans le monde, notamment en Afrique, où Pékin multiplie ses projets ferroviaires (Egypte, Ethiopie, Djibouti…), et vers l’Europe, où la NDRC se donne 5 ans pour déployer son corridor ferré du China Railway Express, avec trois routes principales et 43 hubs de transit jusqu’à Hambourg et Rotterdam. 

 

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