Automobile : Xiaomi boucle sa ceinture

Xiaomi boucle sa ceinture

C’est officiel : le fabricant de smartphones et d’appareils électroniques Xiaomi se lance dans les véhicules électriques. C’est le jour de la rentrée des classes (1er septembre) que son fondateur Lei Jun a annoncé avec fierté à ses 23 millions d’abonnés sur Weibo, l’enregistrement de « Xiaomi Auto » (小米汽车) – première étape d’un ambitieux projet dont les grandes lignes ont suscité l’enthousiasme du public en mars dernier.

S’il n’a fallu que 75 jours au « Steve Jobs » chinois pour prendre la décision de faire son entrée sur ce marché extrêmement compétitif, Lei Jun s’intéresse aux véhicules électriques depuis des années.

En 2013, le fondateur de Xiaomi avait rendu visite à Elon Musk en Californie et lui avait commandé deux Tesla Model S (l’une pour la conduire, l’autre pour la « désosser »). Deux ans plus tard, le patron chinois investissait dans deux starts-ups chinoises, encore peu connues à l’époque : Nio and Xpeng

C’est donc sans surprise que le milliardaire de 51 ans a dévoilé « piloter » lui-même la nouvelle filiale « Xiaomi Auto », dotée d’un capital de 10 milliards de yuans (1,5 milliard de $). D’ici les dix prochaines années, le groupe compte y investir jusqu’à 65 milliards de yuans (10 milliards de $).

Fondé en 2010 à Pékin, Xiaomi a connu un succès fulgurant en proposant des téléphones portables haut de gamme à des prix imbattables. Fidèle à son crédo de limiter ses marges (5% en moyenne contre environ 40% pour Apple), Xiaomi s’est bâti un fan-club qui n’a rien à envier à celui de la marque à la pomme.

Aujourd’hui numéro deux mondial du smartphone, dépassant au second trimestre le géant américain, le fabricant a élargi son offre aux purificateurs d’air design, aux tablettes tactiles, aux montres connectées, et aux trottinettes intelligentes. C’est tout cet écosystème connecté que Xiaomi veut mettre à profit pour produire son premier véhicule intelligent. La firme aurait d’ailleurs déposé plus de 834 brevets applicables au domaine automobile depuis 2015.

Alors, à quoi ressemblera la « Mi Car » ? Des mots de Lei Jun, ce sera probablement un SUV ou une berline, vendue entre 100 000 et 300 000 yuans (de 13 000 à 39 000 euros). Un positionnement moyenne gamme, même si les fans de la marque rêvaient d’une voiture « pour les jeunes » à 19 999 yuans (2600 euros), en référence à son tout premier smartphone « Mi 1 » (1999 yuans).

À titre de comparaison, la voiture électrique la moins chère du marché – surnommée « la voiture du Peuple » – est la Hongguang Mini EV, fabriquée par Wuling (coentreprise de SAIC et General Motors) et vendue 28 800 yuans (3750 euros), tandis que la Tesla Model S est affichée au prix de 859 990 yuans (112 150 euros).

En attendant que l’emplacement du siège de Xiaomi Auto soit révélé, les rumeurs vont bon train. Depuis avril dernier, Lei Jun aurait été accueilli par une dizaine de constructeurs, dont Changan Automobile, GAC Motor, SAIC-GM-Wuling et Great Wall Motor. Les villes aussi, rivalisent pour voir Xiaomi Auto s’installer chez elles : en plus de Pékin et Shanghai, Wuhan, Hefei (Anhui) et Xi’an seraient sur les rangs. Auto Business Review rapportait mi-août qu’un partenariat aurait finalement été conclu avec Great Wall Motor et que l’usine serait basée à Pékin. Xiaomi a d’ailleurs annoncé le 25 août l’acquisition pour 77,3 millions de $ de DeepMotion, start-up pékinoise fondée en 2017 par des anciens de Microsoft et spécialisée dans les technologies de conduite autonome.

Xiaomi a également déjà recruté plus de 300 ingénieurs (sur les 20 000 candidatures reçues), qui auront pour mission de concevoir la « Mi Car » d’ici trois à cinq ans. Un processus long, coûteux et à l’issue incertaine.

Des difficultés qui n’ont pas l’air de faire peur à Lei Jun : « cette initiative représente le dernier grand projet entrepreneurial de ma vie. Je suis prêt à mettre ma réputation personnelle en jeu et à me battre pour l’avenir de notre véhicule électrique intelligent », a-t-il affirmé le 26 mars.

Si le PDG est si confiant, c’est que les finances du groupe sont solides : en 2020, Xiaomi a augmenté son chiffre d’affaires de près de 20% par rapport à 2019 (245,9 milliards de yuans) et affichait une trésorerie de 108 milliards de yuans (14 milliards d’euros).

Mais Xiaomi n’arriverait-il pas trop tard sur le marché des véhicules à énergies nouvelles, qui devrait représenter 20% des ventes en 2025 ? Outre les constructeurs « traditionnels » (Volkswagen, BMW…) qui multiplient les investissements en ce domaine, le secteur reste dominé – malgré une mauvaise passe –  par l’américain Tesla, installé à Shanghai. Cependant, le groupe d’Elon Musk voit ses parts de marché progressivement grignotées par Xpeng, Nio et Li Auto.

D’autres géants de la tech envisagent également l’aventure, comme Baidu qui fera équipe avec Geely, le constructeur chinois qui a racheté Volvo. Alibaba a également annoncé un partenariat avec le constructeur d’État SAIC, tandis que Didi Chuxing est en affaires avec GAC et BYD. Huawei et Apple sont également sur les startings blocks.

« Personne ne veut être à la traîne dans cette course au véhicule du futur », affirme Zhang Xiaofeng, analyste indépendant. Pour autant, il y aura « beaucoup d’appelés, mais peu d’élus ».

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