Editorial : La corruption en Chine, une « écurie d’Augias »

À l’occasion du 95ème anniversaire de la fondation du PCC (1er juillet), le Quotidien du Peuple réaffirmait le 30 juin, la capacité du régime à éradiquer la corruption, contestant toute supériorité du multipartisme sur son monopartisme. Or, ce commentaire révèle en filigrane un débat inquiet sur la campagne anti-corruption : trois ans d’efforts de milliers d’agents de la CCID (纪律检查, Commission Centrale de Discipline du Parti) n’ont pas permis de débarrasser la Chine de ce fléau.

Le 22 juin, lors du dernier meeting de la CCID, Wang Qishan, son Président, annonçait l’épluchage des comptes de 32 organes du PCC et de l’Etat. La totalité, soit 280, sera inspectée d’ici fin 2017. Des cas accablants sont détectés quotidiennement, telles ces 30  universités fictives (sans locaux ni professeurs, et percevant les droits d’inscription de naïfs étudiants), qui s’ajoutent aux 370 autres débusquées depuis 2013. D’où cette question légitime : la corruption recule-t-elle ou bien s’enfouit-elle pour mieux résister ? Sur le papier, les résultats de la campagne sont impressionnants. 282.000 cadres ont été punis en 2015, dont 82.000 sévèrement. 150 « tigres », très hauts cadres, ont également été épinglés. La dernière arrestation en date est celle de Zhang Lijun, l’ex vice-ministre de l’Environnement. Par rapport à l’ère de Hu Jintao, la fréquence des arrestations a doublé, selon l’expert américain Min Xinpei.
Les méthodes se sont affinées—vers plus de terreur. Désormais les limiers font une deuxième visite, à quelques mois d’écart, à l’improviste ! A l’étranger, des agents chinois viennent harceler les corrompus exilés, obtenant souvent des retours « volontaires », comme celui de Tang Gongmei, autrefois comptable, retournée d’Australie. Sous la pression, les cadres se suicident parfois. Par rapport aux 10 années de son prédécesseur, les quatre premières de Xi Jinping ont vu le double de ces actes de désespoir. Liu Xiaohua, vice-Secrétaire général du PCC au Guangdong, et Zhu Tiezhi, rédacteur en chef adjoint du magazine Qiushi, sont les derniers en date.

Ce qui n’empêche, au final, la corruptions d’apparaître fort vivace, comme en témoigne cette application sur smartphone qui vient d’être interdite : sous le nom de « recherche journaliste» (找记者), elle assurait moyennant 1000¥, la publication d’un article favorable sur n’importe quel produit. Pour 8000¥, le client achetait 25 articles, dont 4 dans de grands media. L’application se targuait d’une liste de 3000 journalistes, et de 1000 organes de presse dont la plupart, apparemment, ignoraient son existence…

Quel sera l’avenir de cette campagne ? Pour Min Xinpei, la campagne n’a qu’un effet partiel, car elle ne vise qu’une corruption des cadres, dans des domaines fonciers ou budgétaires, en excluant tous les autres pans de la société où elle continue à fleurir (tels médecine, arts ou enseignement). Et même dans le domaine institutionnel, la frappe anti-corruption semble avoir épargné les fils des grandes familles rouges : la campagne s’autolimite par l’absence d’Etat de droit. Depuis son arrivée aux affaires, Xi tente d’imposer une « gouvernance légale », faute de pouvoir à ce stade poser directement le principe d’égalité de tous devant la loi. 
Néanmoins, la campagne est encore là pour durer, selon Kerry Brown du Kings College de Londres. Car son but final, « contraindre les cadres à une discipline et une honnêteté minimale », est incontournable pour éviter au Parti de perdre le « mandat du ciel ». C’est d’ailleurs presque en ces termes prémonitoires que le chef de l’Etat, le 1er juillet, concluait son discours d’anniversaire du PCC : « en tant que Parti au pouvoir, le plus grand danger qui nous menace, est la corruption » !

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2 Commentaires
  1. severy

    Le Parti Communiste qui a pris le pouvoir en 1949 ayant banni toute croyance traditionnelle en un quelconque Ciel habité par une myriade d’êtres surnaturels ne disposent forcément pas de quelque « mandat du ciel » que ce soit auquel ils ne croit pas pas. Le mandat du ciel est une expression qui ne s’applique pas au régime actuel au pouvoir dans le Pays de l’Est – et non à l’Empire du Milieu, comme certains l’appellent erronément, cette appellation n’ayant plus cours depuis 1911. C’est comme si on parlait encore d’Empire britannique ou de Royaume de France au XXIème siècle.

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