Le Vent de la Chine Numéro 24 (2016)

du 3 au 9 juillet 2016

Editorial : La corruption en Chine, une « écurie d’Augias »

À l’occasion du 95ème anniversaire de la fondation du PCC (1er juillet), le Quotidien du Peuple réaffirmait le 30 juin, la capacité du régime à éradiquer la corruption, contestant toute supériorité du multipartisme sur son monopartisme. Or, ce commentaire révèle en filigrane un débat inquiet sur la campagne anti-corruption : trois ans d’efforts de milliers d’agents de la CCID (纪律检查, Commission Centrale de Discipline du Parti) n’ont pas permis de débarrasser la Chine de ce fléau.

Le 22 juin, lors du dernier meeting de la CCID, Wang Qishan, son Président, annonçait l’épluchage des comptes de 32 organes du PCC et de l’Etat. La totalité, soit 280, sera inspectée d’ici fin 2017. Des cas accablants sont détectés quotidiennement, telles ces 30  universités fictives (sans locaux ni professeurs, et percevant les droits d’inscription de naïfs étudiants), qui s’ajoutent aux 370 autres débusquées depuis 2013. D’où cette question légitime : la corruption recule-t-elle ou bien s’enfouit-elle pour mieux résister ? Sur le papier, les résultats de la campagne sont impressionnants. 282.000 cadres ont été punis en 2015, dont 82.000 sévèrement. 150 « tigres », très hauts cadres, ont également été épinglés. La dernière arrestation en date est celle de Zhang Lijun, l’ex vice-ministre de l’Environnement. Par rapport à l’ère de Hu Jintao, la fréquence des arrestations a doublé, selon l’expert américain Min Xinpei.
Les méthodes se sont affinées—vers plus de terreur. Désormais les limiers font une deuxième visite, à quelques mois d’écart, à l’improviste ! A l’étranger, des agents chinois viennent harceler les corrompus exilés, obtenant souvent des retours « volontaires », comme celui de Tang Gongmei, autrefois comptable, retournée d’Australie. Sous la pression, les cadres se suicident parfois. Par rapport aux 10 années de son prédécesseur, les quatre premières de Xi Jinping ont vu le double de ces actes de désespoir. Liu Xiaohua, vice-Secrétaire général du PCC au Guangdong, et Zhu Tiezhi, rédacteur en chef adjoint du magazine Qiushi, sont les derniers en date.

Ce qui n’empêche, au final, la corruptions d’apparaître fort vivace, comme en témoigne cette application sur smartphone qui vient d’être interdite : sous le nom de « recherche journaliste» (找记者), elle assurait moyennant 1000¥, la publication d’un article favorable sur n’importe quel produit. Pour 8000¥, le client achetait 25 articles, dont 4 dans de grands media. L’application se targuait d’une liste de 3000 journalistes, et de 1000 organes de presse dont la plupart, apparemment, ignoraient son existence…

Quel sera l’avenir de cette campagne ? Pour Min Xinpei, la campagne n’a qu’un effet partiel, car elle ne vise qu’une corruption des cadres, dans des domaines fonciers ou budgétaires, en excluant tous les autres pans de la société où elle continue à fleurir (tels médecine, arts ou enseignement). Et même dans le domaine institutionnel, la frappe anti-corruption semble avoir épargné les fils des grandes familles rouges : la campagne s’autolimite par l’absence d’Etat de droit. Depuis son arrivée aux affaires, Xi tente d’imposer une « gouvernance légale », faute de pouvoir à ce stade poser directement le principe d’égalité de tous devant la loi. 
Néanmoins, la campagne est encore là pour durer, selon Kerry Brown du Kings College de Londres. Car son but final, « contraindre les cadres à une discipline et une honnêteté minimale », est incontournable pour éviter au Parti de perdre le « mandat du ciel ». C’est d’ailleurs presque en ces termes prémonitoires que le chef de l’Etat, le 1er juillet, concluait son discours d’anniversaire du PCC : « en tant que Parti au pouvoir, le plus grand danger qui nous menace, est la corruption » !


Diplomatie : Un « Brexit » peut en cacher d’autres

Les 27-29 juin à Tianjin, le Premier ministre Li Keqiang, face au Gotha du World Economic Forum, ne cacha pas le choc causé par le Brexit, auquel nul au sein du Bureau politique ne s’attendait. Selon Li, ce vote du peuple britannique pour quitter l’Union Européenne, avait « renforcé l’instabilité politique et financière mondiale ».

Pékin voyait ainsi justifiée sa méfiance envers la voix de la rue, décidément trop capricieuse et imprévisible. Mais Li tentait de rassurer : « nous disposons d’une boite à outils bien équipée, pour faire face à de plus grands défis ». Il admettait tout de même implicitement le souci du gouvernement, sur l’impact du fossé entre UE et Royaume-Uni, sur l’économie chinoise.

Car les économistes n’hésitent plus à prédire, en sus des pertes d’investissements Outre-Manche, une coupe cruelle des exportations chinoises et un renforcement relatif des surcapacités industrielle, surtout charbon et acier, malgré l’effort en cours pour les résorber. En sus, la fuite des capitaux, déjà latente avant ces événements, va s’exacerber—c’est pourquoi l’Etat tente de renforcer son contrôle sur les moyens de paiement par internet, les cartes de crédit et les investissements étrangers directs – la plupart de l’accès privé au crédit.

On voit aussi réagir la frange conservatrice du régime, prônant la dévaluation du yuan (« 4 à 5% d’ici décembre », selon la Banque centrale, pour compenser l’appréciation inévitable du $), la planche à billets (des stimuli à la croissance), accompagnées d’un renforcement de la censure et de l’intolérance envers toute dissidence. Surtout, cette tendance réclame le report de la réforme des consortia publics – mettant en berne l’agenda juste promulgué visant à laisser au marché un plus grand rôle, et à faire des réformes financières, promises mais non délivrées par l’équipe dirigeante depuis son avènement en 2012. Quand débute la tempête du Brexit, prendre ces risques n’est plus d’actualité.

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Le hasard veut que depuis janvier, suite à un virage électoral, Taiwan renie 8 ans de ligne politique pro-Pékin:  Tsai Ing-wen, sa Présidente issue du parti indépendantiste DPP, refuse de reconnaître le « consensus de 1992 », par lequel l’île admettait  l’existence d’ « une seule Chine ». Dès lors, côté continental, les hostilités sont lancées pour forcer l’île à plier l’échine : tel le gel du dialogue politique, l’interdiction à la délégation taïwanaise d’assister à l’Assemblée Générale de l’OMS autrement que comme observateur ». Le coup le plus sévère a été la réduction du quota des touristes chinois. 2015 en avait vu atterrir 4,1 millions, qui avaient rapporté 7,1 milliards de $. Mais 2016 n’en laissera plus passer que de deux millions…

Face à la tempête, l’île constatant sa dépendance économique envers Pékin, garde profil bas, y compris au sein du Parti au pouvoir : nombre de jeunes cadres DPP refusent un poste de ministre de peur de porter un coup fatal à leur carrière. Tsai a dû nommer des hommes plus âgés, proches du Kuo Min Tang (plus pro-Pékin) aux postes-clés des Affaires étrangères, de la Défense, des Affaires chinoises… Face à l’orage, la malheureuse Présidente ne peut que prêcher dans le désert, adjurant Pékin de croire en sa « sincérité »…

Or, la situation ne va pas s’améliorer, à présent qu’éclate la crise du Brexit. Certains observateurs avancent que Xi Jinping, hier compréhensif envers la sensibilité britannique « séparatiste », souhaiterait désormais plutôt voir le Royaume-Uni souffrir de sa sortie de l’UE – ceci afin d’éviter que Taiwan n’aille croire que se séparer du continent pourrait se faire sans cris, ni douleur ! 

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A Hong Kong enfin, au même moment, se déroule un scénario comparable.

On connait l’histoire des cinq libraires/éditeurs hongkongais mystérieusement disparus durant de longs mois, avant que 4 ne resurgissent, et trois prétendant s’être rendus en Chine de leur plein gré. Mais l’un d’eux, Lam Wing-kee, a fourni depuis une autre version, alléguant avoir été séquestré à Shenzhen, puis à l’intérieur du pays, et longuement interrogé.

Suite à cette entorse au principe « un pays, deux systèmes », le gouvernement local de C.Y. Leung a fini par réclamer des comptes à Pékin, qui semble soudainement d’accord pour des « pourparlers », non sur le fond (la liberté d’expression sur le « Rocher »), mais sur le mécanisme de « notification des arrestations ».

C’est alors qu’apparaît un étrange groupuscule de 22 activistes, revendiquant le retour d’une « souveraineté locale », d’abord sous loi britannique, puis l’indépendance – bigre ! Une exigence impossible, mais qui exprime le désespoir d’une jeunesse perdue, et l’abandon de la cause par des parents fatalistes – ou réalistes.

Un autre contentieux sur l’enclave hongkongaise surgit du Canada, qui s’inquiète de voir Pékin rejeter les demandes de visas de 10 ans pour les binationaux hongkongais-canadiens. Certes, la Chine récuse en principe toute double nationalité, mais Hong Kong, jouissait jusqu’alors d’une tolérance.

Le hasard du calendrier marquait au 1er juillet, le 19ème anniversaire de la rétrocession de Hong Kong à la Chine. On aurait pu souhaiter, pour ce moment de fête, des nouvelles plus encourageantes.


Diplomatie : Les mauvaises affaires chinoises du Président Poutine

La rencontre à Pékin du Président Vladimir Poutine (25-27 juin) avec son homologue chinois Xi Jinping s’est faite dans la continuité des 14 précédentes depuis 2013 – teintée d’amitié personnelle et d’une unité idéologique de façade, unis dans la défense d’un leadership à poigne, contre une démocratie à l’occidentale.

Aussi, la visite a permis à la Chine de jouir du soutien russe à son expansion en mer de Chine du Sud, et à la défense de la Convention de l’ONU du droit de la mer… telle qu’interprétée par ces deux puissances ! Poutine a aussi validé la critique de Pékin envers les Philippines pour avoir porté plainte à ce sujet, devant la Cour Internationale de La Haye (le verdict est attendu pour le 12 juillet).

À l’unisson, les hommes dénoncèrent le déploiement en cours par les Etats-Unis d’un bouclier antimissiles « partout sur la planète », à commencer par la Corée du Sud. À l’issue de la visite, ils se déclaraient d’accord sur « presque tous sujets », dans un « esprit de coopération stratégique et d’amitié éternelle » !

Sur le plan économique cependant, l’unité est moins brillante : l’investissement chinois a reculé de 85% par rapport à 2014. Les années 2003-2012 sont loin, où les échanges portés par le pétrole cher augmentaient de 26,4% par an. En 2015, ils manquaient l’objectif des 100 milliards de $, n’atteignant que 65 milliards, en récession par rapport à 2014. De janvier à mai 2016, ils remontaient à 25,8 milliards de $, soit une hausse de 2,7%. Cette quasi-stagnation est causée par la chute du pétrole, et par les sanctions commerciales du camp occidental suite à l’annexion russe de la Crimée confisquée à l’Ukraine en 2014. Ainsi, elles étranglent lentement la Russie, la forçant à dévaluer son rouble de plus de moitié.

Face à ce partenaire dont l’économie fond à la manière des « poupées russes » (cf illustration empruntée au New York Times), la Chine ne peut que réduire ses investissements. Cette visite aboutit, en terme de contrats, à un butin (toujours plus) faible.

Les leaders ont signé 30 accords bilatéraux en matière de technologie, commerce, media ou sports. Ils se promettent d’ici 2020 un –improbable – volume d’échanges de « 200 milliards de $ ». Poutine se targue d’avoir signé avec Xi, 58 lettres d’intention pour « 50 milliards de $ »… mais ce ne sont pas des contrats. Parmi elles, figure la ligne de TGV de 770 km Moscou-Kazan, à fournir par la Chine, avec des rames pouvant rouler à 400km/h, pour 6,2 milliards de $.

En avril, deux banques politiques chinoises acceptaient de prêter à un oligarche russe 12 milliards de $ pour développer le gisement gazier en presqu’île de Yamal (Russie arctique), en échange de 20% des parts pour la CNPC.

De plus, la CNPC, avec le groupe indien ONGC, négocie la reprise de 19,5% de parts de Rosneft pour 11 milliards de $. Rosneft va aussi céder 40% de son futur complexe pétrochimique sibérien à ChemChina, tout en lui livrant en 12 mois d’ici juillet 2017, 2,4 millions de tonnes de brut. Deux autres groupes chinois (Beijing Enterprise, Sinopec) sont pressentis reprendre des parts minoritaires dans diverses filiales. Toutes ces cessions de parts minoritaires signifient deux choses:

– avec un cours du pétrole désormais à 48$/baril, qui va continuer à s’effriter sous l’effet « Brexit », la Russie ne parvient plus à en vendre, et pressée par ses échéances, doit se résoudre à céder des bribes de son patrimoine producteur;

– après avoir glané depuis 15 ans des sources d’or noir à travers toute la planète, la Chine ne voit plus d’urgence d’en acheter davantage —sauf en cas d’affaires particulièrement favorables. Et c’est le cas de ces rachats en Sibérie – et aussi celui d’une déclaration d’intention juste signée au Nigéria par un consortium chinois pour 50 milliards de $, en développement de gisements et pipeline.

En somme, la relation sino-russe est inéquitable, car Moscou a le plus besoin du partenariat économique. Et la Chine, dans les faits, soutient ses intérêts dans la région plutôt que ceux de leur binôme : Pékin avait promis d’orienter ses projets de « nouvelle route de la soie » vers « l’union économique eurasienne », sous influence russe, mais en pratique, c’est en bilatéral, avec chaque pays d’Asie Centrale qu’elle négocie directement, Kazakhstan notamment.

De rares alliances technologiques ne changent guère le tableau, tel ce consortium sino-russe annoncé lors de la visite pour construire un avion civil gros porteur de 300 places, concurrent des plus gros modèles d’Airbus et de Boeing. Un tel projet ne pouvant aboutir avant 20 ans.

Sur le plan militaire de même, la Chine vient d’acheter un lot de missiles sol-air S-400 de dernière génération, et sa marine vient de faire des manœuvres communes à la limite des îles Diaoyu-Senkaku en mer de Chine de l’Est, sous contrôle japonais. Toutefois même en ce domaine, la coopération marque le pas, faute de confiance mutuelle. Car l’expansion chinoise, y compris vers la façade Nord de la Russie, inquiète Poutine. En Arctique, 68% des équipements de forages nécessités par la Russie, sont sous embargo : la Chine est devenue irremplaçable comme investisseur, partenaire technologique, voire comme acheteur de pétrole. Mais à mesure que fondent les glaces arctiques et que la route maritime nordique devient navigable, la Chine commence à revendiquer des droits. Et la Russie, en toute éventualité, maintient ses puissantes flottes de l’Est à Vladivostok, du Nord à Mourmansk…

Ainsi la Russie poursuit une relation duale, inconfortable avec la Chine, dont elle a besoin économiquement, mais en qui elle voit se profiler un formidable rival à moyen terme.


Environnement : Pékin s’enfonce

La revue scientifique Remote Sensing le dévoilait en juin, à la consternation des environnementalistes et des amoureux de la nature : au vu des relevés topographiques par GPS et satellites menés de 2003 à 2010, la surface de la capitale s’est affaissée d’une trentaine de centimètres et poursuit son effondrement, au rythme de 11 cm par an. Pour cette équipe de 7 chercheurs chinois, espagnols et allemands, Pékin serait le 5ème site le plus frappé au monde par cette « subsidence », derrière Mexico, Jakarta, San Joaquin Valley (Californie) et Bangkok.

Pour Pékin, la raison est double. La ville aspire sa nappe phréatique à un rythme supérieur à sa capacité naturelle de reconstitution. Le pompage indiscriminé dessèche le sous-sol, le rend incapable d’absorber d’importants abats d’eau. Pire, dans les années ‘90, les autorités ont autorisé (sans plan d’urbanisme) la construction d’ouvrages de 40 à 60 étages, de béton et d’acier, qui font s’enfoncer la croute terrestre. Les districts de Chaoyang et du CBD sont les plus impactés, avec Tongzhou, Shunyi, Changping.

Pour ces chercheurs, pour prévenir des effondrements dramatiques, il faut avant tout s’abstenir de déployer sur zone d’axes ferroviaires. Les risques concernent aussi la sécurité de la voierie et des adductions d’eau, d’égouts, de gaz. 
Pour enrayer le phénomène, l’Etat et la mairie ont lancé de longue date le canal Sud-Nord, Yangtzé-Fleuve Jaune qui, en dépit de son coût prohibitif, 60 milliards de $, ne suffira pas aux besoins en constante hausse, de plus de 20 millions d’âmes. En outre, 367 puits en périphérie directe ont été interdits. Mais les gaspillages demeurent immenses, maximisés par un réseau d’adduction obsolète.
Pékin est le cas le plus grave, mais nullement le seul en Chine. En 2012, 50 villes chinoises furent reconnues en subsidence, et 79 000 km² de surface s’étaient abaissées de plus de 20 cm. Pour préciser l’urgence du problème, 26.000 sur 50.000 rivières qui existaient en 1990, se sont asséchées.

Le recyclage systématique des eaux usées, la réfection du réseau, la hausse du prix de l’eau sont des moyens envisagés, ainsi que le passage à des procédés d’agriculture et d’industrie plus économes en eau. Mais pour y parvenir, un changement de mentalité est nécessaire, c’est-à-dire d’éducation, et cela prendra du temps – si la ville peut se le permettre !


Criminalité : Violences policières – sursaut de conscience ?

Jusqu’au 7 mai, tout semblait sourire à Lei Yang, 29 ans, du Hunan, résident à Pékin. Marié depuis 3 ans, il avait obtenu une maîtrise de l’université Renmin (Pékin), un emploi de rêve, et venait d’avoir une fille. Il allait ce jour-là à l’aéroport chercher sa famille pour fêter cette naissance. Mais il n’arriva jamais.

A 1h du matin, la police notifia sa mort : surpris dans une maison close, il aurait tenté de fuir. Sa tête aurait heurté le sol, il serait mort au commissariat… A l’hôpital à 4h du matin, la famille n’avait pu que noter les incongruités du scénario, le corps couvert d’ecchymoses, l’interdiction stricte de la police de photographier.

Le commissariat maintint sa version : ils l’avaient trouvé dans un bordel en compagnie d’une prostituée. Mais dans son rapport, la police ne citait ni adresse, ni nom de la maison close, et les 4 cameras autour du lieu restaient aveugles sur l’altercation supposée. Le vice-commissaire Xing Yongrui prétendit avoir filmé la scène avec son portable qui hélas aurait été détruit, tombé au sol. Vraiment pas de chance…

Mais la famille, et plus de 100 anciens élèves de l’université refusèrent de s’en laisser conter : plusieurs lettres ouvertes furent publiées sur internet et largement diffusées. Ce genre d’incident est hélas plutôt courant dans un pays où la presse est muselée. Mais le fait unique est qu’au 1er juin, sous la pression médiatique, le procureur de Changping estima important de poursuivre l’enquête et incrimina cinq policiers.

Puis le 1er juillet, les résultats de l’autopsie révélaient que le jeune homme était mort non sous l’effet d’une  « crise cardiaque » comme prétendu, mais « étouffé par ses reflux gastriques » – donc sévèrement bâillonné. Xing et un adjoint furent alors arrêtés pour comportement « inadéquat » et tentative d’obstruction à la justice—ils risquent des années de prison.

Le cas de la police chinoise désavouée par sa justice, est extrêmement rare. En soi, ce cas ne peut être une velléité de décourager l’excès de violence policière. Mais il traduit un sursaut de conscience, un malaise de l’administration, et une bouffée d’indépendance judiciaire. 

Ce qui n’est pas dit, est le pourquoi de cette bavure. A la mort de Lei Yang, il s’écrivait que cet écologiste enquêtait sur le collège de Changzhou (Jiangsu), où des centaines d’enfants souffraient de maux dus aux toxines d’un dépotoir chimique, la province démentait en bloc… L’avenir le dira. 


Petit Peuple : Chongqing – Seule contre tous… (dernière partie)

Résumé de la deuxième partie : En 2000, mariée à 12 ans dans la campagne de Chongqing, à Chen Xuesheng, Ma Banyan n’a jamais accepté sa condition de captive. En 8 ans, elle rate 3 évasions avant de réussir la 4ème en 2007, après avoir accouché d’un second enfant non désiré. Débute alors pour elle sa vie de femme libre, ouvrière à Canton…

En 2008, à 20 ans, Ma Banyan avait déjà vécu le décuple des jeunes de son âge. Employée dans son usine de chaussures, elle savourait chaque seconde de sa vie : son loisir de composer ses soirées et week-ends, sans maître, ni mari. Certes cette liberté, elle la payait au prix fort, en cadences et en stress, en migraines sous les odeurs de colle. Mais à chaque fin de mois tombait son enveloppe, lui permettant de passer ses quelques heures de libre à baguenauder avec les copines, migrantes comme elle. Elle vivait une convalescence spirituelle : elle découvrait la confiance en soi, la capacité à s’aimer soi-même, à aider les autres, à faire ses choix. Après tant d’années à vivre dans l’instinct, elle se reconstruisait, consciemment désormais.

Tout ceci, jusqu’au jour de 2008 où appelant les siens, au village, elle apprit que son mari venait d’obtenir la validation officielle de leur union ! On s’en rappelle, leurs noces en 2000 à 12 ans, n’avaient aucune valeur. Mais grâce à la collusion du commissaire et du maire – amis de famille, elles venaient d’être confirmées, sans son accord à elle, et même en son absence !

Or, la prévint sa sœur aînée au bout du fil, les conséquences de cet acte pouvaient être dramatiques : sur foi de cette légalisation, son mari l’avait faite inscrire au fichier des personnes disparues, permettant de la rapatrier de force de n’importe où en Chine…

 C’en était trop, explosa Banyan. Non contents d’avoir volé sa jeunesse, voilà qu’ils tentaient de lui dérober sa vie d’adulte ! Soutenue par ses amies, elle déposa au tribunal une demande en divorce. Elle en sortit nantie d’un papier dont le tampon rouge valait de l’or : il la protégeait de l’arrestation, durant le procès.

Lequel procès débuta mal. Xuesheng acceptait la séparation de corps, mais seulement contre 20.000¥. Il réclamait la garde des enfants –surtout celle du garçon, qui valait plus que la fille en tant qu’avenir du clan. Et il refusait le divorce, redoutant que le juge, selon la loi, n’accorde à Banyan la moitié de ses biens. Or, Banyan s’en doutait bien, Xuesheng dans ce litige, pouvait plus que jamais compter sur la solidarité du maire et du commissaire. Car si une enquête était lancée, il serait clair que ni son mariage forcé alors qu’elle était mineure, ni sa restitution manu militari à sa belle-famille après chaque fuite, n’était légal ! Et que les cadres avaient lourdement fauté… La seule manière pour eux de se couvrir, était d’enterrer la plainte par 1000 artifices procéduriers ! 

Ils faillirent réussir, ayant retardé le verdict de sept longues années. Mais en décembre 2015, fut votée à Pékin la loi contre la violence au foyer : tous les cadres étaient désormais tenus de prêter assistance judiciaire à toute femme battue ou maltraitée. Police et mairie ne faisaient pas exception, et en cas de défaillance, le législateur prévoyait des sanctions !

Cette fois, on ne jouait plus ! Il ne fallut que 5 mois pour boucler le procès, tambour battant. Et le verdict créa un précédent national, abondamment cité par les media. Le mariage de 2000 était déclaré invalide, et celui de 2008 annulé. Banyan devait abandonner toute prétention aux biens de son mari, qui en aurait besoin, pour éduquer les deux enfants, la jeune mère renonçant à les reprendre. « A 28 ans, expliqua-t-elle à la sortie du tribunal, j’essaie de refaire ma vie, et je n’ai pas les moyens matériels. Je ne peux assumer la charge de ces enfants que je n’ai pas choisis ? de porter ».

Forte de cette victoire, Banyan veut poursuivre son avantage : traîner en justice les édiles de Shuanglong, le maire (qui la maria contre ses gré) et le commissaire (qui la remit à la famille du mari lors de ses trois premières fugues). 

En même temps, Ma Banyan voudrait bien reprendre sur le tard ses études, ne serait-ce que pour aider ses deux sœurs, aussi mariées à 13 et 15 ans, à recouvrer leur liberté. Elle pense aussi de plus en plus à ses enfants, qu’elle ne connaît guère,  mais qui viennent toujours plus souvent habiter ses rêves…

À 28 ans, Banyan réalise le chemin parcouru, et le secret de son sauvetage, après 16 ans de lutte solitaire, « chevauchant le vent et brisant les vagues » (chéng fēng pò làng , 乘风破浪) : refusant un destin d’esclave dans lequel les hommes prétendaient la confiner, elle a fait la preuve d’une force supérieure, seule contre tous !

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Mme Liu Neng, démographe à l’Université de Pékin, voit dans l’histoire de Banyan un cas parmi 1000, des mariages forcés en Chine. Loin de reculer sous l’avancée du progrès social, ils reprennent ces dernières années. Toujours plus de paysannes de moins de 20 ans  doivent « recevoir » (plutôt que prendre) un époux hors de la loi, sous la contrainte. Les cas de grossesses illégales explosent aussi : les adolescentes enceintes ont doublé en six ans, passant de 3,8% des filles de 15 à 19 ans en 2007, à 7,8% en 2013. Pour Mme Liu, cette tendance exprime la revanche muette et sauvage d’une société rurale sur les villes, pour les 40 ans de planning familial forcé. Frappés par la chute des naissances, menacés de mort par extinction, les villages se défendent. Un mouvement qui sera peut-être contré par la toute récente autorisation universelle aux familles, de faire deux enfants au lieu d’un…

 


Rendez-vous : Semaine du 4 au 10 juillet 2016
Semaine du 4 au 10 juillet 2016

1-4 juillet, Shanghai : KBC – Kitchen & Bath China, Salon de la cuisine et de la sale de bains

3-5 juillet, Canton : The Kids Expo, Salon international de l’éducation des enfants en Chine

6-8 juillet, Canton : Wire & Cable, Salon international de l’industrie des fils et câbles

7-13 juillet, Chongqing : Salon de l’automobile

autochongqing8-10 juillet, Canton : CIAME – China International Automobile Manufacturing Exhibition – Salon international de l’Automobile, et Forum mondial de l’innovation, de la technologie, de l’équipement et de l’industrie manufacturière automobile

 

9-12 juillet, Canton : Guangzhou International Lighting Exhibition, Salon international de l’éclairage

cicgf

9-12 juillet, Canton : Guangzhou Electrical Building Technologie, Salon des technologies d’éclairage pour le bâtiment

9-12 juillet, Ningbo : CICGF, Salon des biens de consommation