Société : Un Code civil, enfin !

Après plus de six décennies et quatre tentatives infructueuses, le Parlement chinois a adopté le 28 mai, son Code civil. Ce succès devait faire la fierté du Président Xi Jinping, puisque son père Xi Zhongxun s’y était lui-même frotté, sans succès, en 1979. Il représente aussi une partie importante de la « modernisation de la gouvernance » chère au 1er Secrétaire.

En préparation depuis 2014, le Code civil entrera en vigueur au 1er janvier 2021. Depuis l’ouverture de cette session parlementaire, il a encore été amendé plus de 100 fois.

Même si son contenu n’est pas révolutionnaire, constitué d’une compilation de lois existantes, ses 1 260 articles devraient mieux répondre aux nombreuses évolutions de la société chinoise.

Il ambitionne de mieux défendre les intérêts de ses 1,4 milliard de citoyens dans les domaines tels que la propriété, les droits de la personne, du mariage et de la famille, des héritages et de la responsabilité civile. Il permettra, entre autres, de mieux déterminer lequel des parents doit obtenir la garde des enfants ou de poursuivre en justice le management de sa résidence s’il coupe l’eau ou l’électricité pour récupérer son dû…

Dépassant les propositions parlementaires liées à l’épidémie, le Code civil était le sujet le plus commenté sur les réseaux sociaux de cette Assemblée avec plus d’un million de messages.

Une disposition prévoyant une période de réflexion de 30 jours avant de divorcer a notamment fait couler beaucoup d’encre. Expérimentée dans plusieurs provinces de Chine, cette règle stipule que les couples qui battent de l’aile doivent attendre un mois avant de se dire « non ». Les internautes s’en insurgeaient : « le gouvernement n’a pas le droit de me forcer à donner une seconde chance à mon mari » ! «On ne peut même plus divorcer librement maintenant ? Il existe aussi des couples qui se marient sur un coup de tête, ne devrait-on pas instaurer une période de rétraction pour les mariages ? », écrivaient certains.  Pour justifier une telle mesure, un porte-parole du Parlement affirmait que « ces divorces impulsifs sont un phénomène de plus en plus courant qui ne favorise pas la stabilité familiale ». De fait, 4,15 millions de divorces ont été prononcés l’an dernier, un chiffre en constante augmentation depuis deux décennies. Et le confinement n’a rien arrangé… Pour éviter que cette période de délibération mette en danger les victimes de violences domestiques, elle ne sera donc appliquée que pour les divorces par consentement mutuel.

Même si le texte ne fait pas référence au planning familial, le nombre d’enfants par couple reste limité à deux. Pour la déléguée Huang Xihua, il faut supprimer les amendes infligées aux parents de plus de deux enfants. « De toute manière, ils sont très peu nombreux à en vouloir plus de deux », argumentait-elle. En effet, la fin de la politique de l’enfant unique en 2016 n’a pas provoqué le baby-boom escompté. Au contraire, le nombre de naissances n’a cessé de décliner depuis lors… Cheng Xiangqun, déléguée du Liaoning, suggérait de supprimer le planning familial dans le Nord-Est de la Chine afin de stimuler la faible natalité dans la région. Les internautes n’étaient pas emballés : « cela ne va rien changer, il faudrait plutôt des allocations familiales et un congé maternité plus long ».

Pas d’avancée non plus sur la légalisation du mariage homosexuel. Elle figurait pourtant parmi les principales suggestions du public lorsqu’il a été sollicité pour donner son avis sur ce texte. Huang Wei, un des cadres chargés de la rédaction du Code civil, admet avoir reçu de nombreuses lettres demandant le mariage pour tous. « Mais nous ne sommes pas dupes, elles font partie d’une campagne organisée par des activistes, c’est le même langage, les mêmes enveloppes », dénonçait-il.

Aucune mention non plus au recours à la congélation d’ovocytes pour les femmes non mariées, un sujet qui a fait polémique il y a quelques mois après que Xu Zaozao, militante féministe de 31 ans, décide de poursuivre en justice un hôpital pékinois pour lui avoir refusé de congeler ses ovules. Actuellement, selon le planning familial, seules les femmes mariées peuvent avoir recours à ces techniques de procréation médicalement assistée. « Les lois existantes sont contraires au principe d’égalité des sexes, les hommes eux pouvant congeler leur sperme, peu importe leur statut marital », commentait Peng Jing, avocate associée d’un cabinet de Chongqing.

Pourtant, d’autres délégués, comme Sun Wei, gynécologue du Shandong, soutiennent cette interdiction faite aux femmes. « Si nous légalisons cette technique, cela va encourager les femmes à y avoir recours, et peser lourd sur les ressources médicales du pays. Cela pourra également créer un marché noir pour des activités illégales comme les mères porteuses ou le trafic d’ovocytes ». Tout comme la proposition de Peng, celle de Sun recevait également son lot de critiques sur internet : « je n’ai aucune intention de congeler mes ovules, mais exécrerai que l’on me l’interdise », s’insurgeait une internaute. En réponse à la polémique, Sun se justifiait dans une interview : « je n’ai aucune intention de restreindre les droits à la procréation de la femme, je veux simplement leur rappeler que la meilleure manière de faire des enfants est de trouver un partenaire, se marier, et d’avoir des enfants lorsqu’elles sont encore jeunes », ignorant le fait que de nombreuses Chinoises font désormais passer leur carrière avant leur vie de famille.

Bonne nouvelle, la définition du « harcèlement sexuel » était élargie pour inclure le lieu de travail ou le fait d’être agressé par un enseignant dans un établissement scolaire.

Sur la question foncière, aucune révolution. Les terres sont toujours propriétés de l’État et les concessions d’une durée maximale de 70 ans. Lors du renouvelement du bail, une somme d’argent peut être demandée au propriétaire du logement, alors qu’auparavant, il était gratuit. Les propriétaires ne pourront plus expulser leurs locataires en cours de contrat, même s’ils veulent vendre leurs appartements. Et désormais, le Code civil encadre plus strictement la notion « d’intérêt public », prétexte utilisé par les collectivités locales pour procéder à des expropriations abusives.

En cas de chute d’un objet d’un immeuble, un accident récurrent dans un pays où la concentration urbaine est forte et les bâtiments de plus de 20 étages sont courants, la responsabilité des parties est éclaircie. Si le propriétaire de l’objet n’est pas identifié, tous les résidents de l’immeuble devront participer à la compensation financière de la victime, sauf s’ils peuvent prouver qu’ils étaient absents à ce moment-là.

Enfin, c’est la première fois qu’est définie la notion de « données privées » : « toute information que l’individu ne veut pas partager avec d’autres personnes ». En théorie, le texte interdit également à toute entreprise et même au gouvernement d’accéder à ces informations sans avoir obtenu le consentement de la personne au préalable. Bien sûr, l’application est là où le bât blesse, le cadre restant flou… Mais c’est un premier pas encourageant dans la protection de la vie privée dans un pays où la population est ultra-connectée et surtout, la surveillance généralisée.

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