Le Vent de la Chine Numéro 23-24 (2020) Spécial  » Lianghui « 

du 1 au 15 juin 2020

Editorial : Dépistage et rétropédalage

Eclipsées par la session du Parlement, la loi de sécurité nationale à Hong Kong et la confirmation par la justice canadienne des poursuites à l’encontre de Meng Wanzhou, directrice financière de Huawei, plusieurs nouvelles d’importance liées au Covid-19 sont passées inaperçues.

À Wuhan, la campagne massive de dépistage de ses 11 millions d’habitants en 10 jours, a pris fin. Pour réussir cette mission impossible, la municipalité a multiplié par 35 sa capacité quotidienne de dépistage : de 42 000 tests le premier jour, à 1,47 million le dernier. Pour gagner du temps, les prélèvements de 5 à 20 personnes ont été rassemblés dans le même tube à essai. Si l’examen laboratoire revenait positif, alors les personnes concernées seraient à nouveau testées une à une afin de détecter celle(s) porteuse(s) du virus. Et les résultats officiels sont plutôt rassurants : sur les 9 millions d’habitants dépistés grâce à 6,68 millions de tests, seuls 218 cas asymptomatiques ont été détectés, et un seul cas « confirmé », soit une prévalence de 0,003%. Pointée du doigt par certains experts chinois comme coûteuse et inutile, cette campagne a eu au moins le mérite de se faire une idée plus claire de la prévalence des cas asymptomatiques à l’épicentre chinois de l’épidémie. Cette campagne va surtout permettre de redonner confiance à la population et ainsi accélérer la normalisation de l’activité économique, chaque jour de confinement  ayant coûté à Wuhan 6 milliards de yuans.

Jusqu’à présent, les scientifiques n’ont trouvé aucune preuve que le Covid-19 aurait muté de façon significative, altérant sa pathogénicité ou sa contagiosité. Le retour du virus dans le Nord-Est de la Chine, venu de Russie, pourrait bien apporter de nouveaux éléments. En effet, les médecins se sont aperçus que le Covid-19 se manifeste différemment chez les patients des provinces du Jilin et du Heilongjiang, que lors de son apparition à Wuhan. Au « Dongbei », les malades sont porteurs du Covid-19 plus longtemps, la période où ils sont asymptomatiques pouvant dépasser une ou deux semaines. Il s’attaque essentiellement aux poumons, alors qu’à Wuhan, il affectait le cœur, les reins et les intestins…

Enfin le 25 mai, Gao Fu, directeur de Centre national de Prévention des Maladies (CDC) faisait une déclaration tonitruante : « Le marché de Huanan à Wuhan est probablement une victime du Covid-19 ». Après avoir dévoilé le 26 janvier que le « SARS-nCoV-2 » était retrouvé dans 33 échantillons provenant de 22 étals et 1 camion poubelle du marché, il a fallu attendre quatre mois pour que Gao Fu révèle la nature des prélèvements, durant la session du Parlement : « ceux testant positifs ne proviennent pas d’animaux, mais de l’environnement du marché ».

On pouvait s’attendre à ce que cette déclaration écartant le marché de Huanan comme l’origine du virus soit un soulagement pour l’opinion chinoise. Pourtant, les internautes étaient les premiers à dénoncer le rétropédalage de Gao Fu, ayant affirmé lui-même en janvier qu’il était hautement probable que le marché en soit l’origine : « la fausse supposition de Gao a été récupérée par les États-Unis pour attaquer la Chine et a provoqué de graves ennuis diplomatiques. Et maintenant, il change de version » ?!

D’autres revoyaient leur théorie : « peut-être que Trump a raison après tout ? Le virus pourrait avoir fuité d’un laboratoire de Wuhan et pour couvrir cet incident, les autorités locales auraient mis en scène le marché comme la source du Covid-19, sans s’attendre à ce que le virus se propage à travers le monde. Maintenant que 140 pays ont appelé à une évaluation indépendante des origines du virus, leurs mensonges seront mis à nu. Voilà qui pourrait expliquer que Gao Fu revienne sur ses déclarations initiales ».

Quelques-uns prenaient un peu de recul : « je prends le risque d’être banni de Weibo pour dire cela, mais nos médias et nos scientifiques n’ont jamais leurs propres opinions. Le système politique exige d’eux de changer constamment leur version selon les intérêts des autorités ». Dans ces conditions, quel crédit donner aux déclarations de Gao ? En tout cas, au lieu d’apporter un peu de lumière scientifique sur les événements, elles sèment un peu plus le trouble dans les esprits.


Hong Kong : Pris au piège

Au Grand Palais du Peuple, 2 878 délégués chinois appuyèrent le 28 mai sur le petit bouton vert pour approuver la résolution sur la loi de sécurité nationale à Hong Kong. Un seul délégué vota « contre », tandis que 6 autres préférèrent s’abstenir. Ce projet de loi est destiné à lutter contre « les activités sécessionnistes, subversives, terroristes et les ingérences étrangères ». La prochaine étape consiste en la rédaction du projet de loi par le Comité Permanent de l’ANP, puis de son ajout à l’annexe III de la Basic Law, probablement d’ici août.

Certains observateurs interprétaient ce passage en force comme une démarche opportuniste de Pékin, profitant de la pandémie pour renforcer un peu plus son contrôle sur le turbulent territoire. En fait, la stratégie a été arrêtée et planifiée depuis le 4ème Plenum d’octobre 2019, pas par un excès de confiance, mais plutôt par peur de perdre le contrôle. Après plusieurs mois de chaos, la mise à sac du Parlement local (le « LegCo ») puis du siège de l’université polytechnique, il fallait absolument rétablir l’ordre et empêcher que Hong Kong ne se transforme en base de subversion pouvant à tout moment déstabiliser le sud du pays. Et il y a urgence à passer cette loi : les députés pro-démocratie pourraient bien remporter plus de 36 sièges lors des prochaines élections du Legco en septembre et donc remporter la majorité. Si l’épidémie a fait perdre à Pékin près de trois mois sur son programme initial (l’ANP devait avoir lieu début mars, et pas fin mai), l’interdiction des rassemblements de plus de 8 personnes à cause du coronavirus jusqu’au 4 juin, date de la veillée commémorative du printemps de Tiananmen et du vote au LegCo d’une autre loi controversée sur l’hymne national, tombe finalement plutôt bien pour Pékin.

Pourquoi ce projet de loi inquiète-t-il tellement Hong Kong et une partie de la communauté internationale ? Car toute déclaration publique en faveur de l’indépendance de la Région Administrative Spéciale (RAS) ou critiquant la Chine et le Parti communiste, pourra faire l’objet de poursuites pénales. Les autorités chinoises n’auront donc plus besoin de kidnapper des libraires hongkongais et de les faire réapparaitre de l’autre côté de la frontière, pour les punir de leurs ouvrages « subversifs ». En effet, la loi de sécurité nationale prévoit de poster à Hong Kong des agents des ministères chinois de la Sécurité publique et de la Sécurité d’État.

De nombreuses inconnues subsistent encore : quel sera le contenu exact de la loi (rétroactivité ou non), quand sera-t-elle promulguée et comment (probablement par le LegCo avant les élections législatives de septembre ou par Pékin directement), comment sera-t-elle appliquée et par qui (compétence des juges étrangers), et quelles seront les sanctions exactes imposées par les États-Unis ?

En effet, malgré son ton ferme, le Président Trump restait mesuré et surtout très vague le 29 mai lorsqu’il annonçait mettre fin aux exemptions accordées à Hong Kong au nom du principe « d’un pays, deux systèmes », l’autonomie de la RAS n’étant plus respectée. Une décision qui « aura un impact sur « l’ensemble des accords, même commerciaux, entre les deux parties », a précisé le locataire de la Maison-Blanche, avec quelques exceptions. Donald Trump promettait également des sanctions à l’encontre des dirigeants chinois et hongkongais impliqués directement et indirectement la perte d’autonomie de Hong Kong, sans citer de noms. Il révoquait également les visas de 3 000 étudiants chinois aux États-Unis en lien avec des écoles militaires chinoises, une infime partie des 360 000 étudiants aux USA. Le Président annonçait également mettre un terme au traité d’extradition passé avec Hong Kong et promettait un contrôle accru des compagnies chinoises cotées sur les marchés financiers américains – sans transparence, elles seront radiées.

Cette timidité dans les rétorsions démontre que Trump n’est pas prêt à sacrifier son accord commercial « phase 1 », durement négocié, pour la cause hongkongaise. Ainsi Pékin prend la mesure des limites de Washington, et se laisse le loisir de réfléchir aux propres sanctions qu’elle décrétera en réplique à celles américaines. Mais la Chine le sait, la plupart des mesures de représailles que pourrait décider Trump heurteraient Hong Kong et les États-Unis plus qu’elle-même. Xi Jinping semble donc avoir réussi à déjouer le coup de bluff américain, et va poursuivre son lent grignotage des libertés hongkongaises. Par contre, cela conduira sans aucun doute les relations sino-américaines à se dégrader davantage.

Pourtant, Pékin n’a aucune intention de « provoquer la mort de Hong Kong », comme le prédisent des députés pro-démocratie hongkongais. Au contraire, le régime espère que les différentes déclarations de ses leaders, de l’administration de Carrie Lam et d’autres personnalités hongkongaises, suffiront à apaiser les craintes des milieux d’affaires. D’autant que certains grands groupes chinois côtés aux États-Unis ont choisi Hong Kong pour lever des capitaux internationaux. Après Alibaba en septembre 2019, son grand concurrent dans le secteur du e-commerce, JD.com vient d’annoncer son projet de seconde cotation dans la RAS. Le moteur de recherche Baidu l’envisagerait également…

Toutefois, s’il le faut, la Chine préfère sacrifier la place financière internationale de Hong Kong plutôt que de permettre à Washington de lui extorquer des concessions. Le fait que Hong Kong ne pèse plus aussi lourd économiquement parlant, y est pour beaucoup. En 1997, la RAS contribuait pour 17% du PIB chinois, maintenant, Hong Kong ne pèse plus que 4%.

Pris au piège de la rivalité sino-américaine, ce sont les Hongkongais qui vont en payer le prix. La ville appréhende une sortie des capitaux et une vague d’émigration. En signe de soutien, le Royaume-Uni assouplissait ses mesures d’immigration pour les 2,9 millions de Hongkongais éligibles à un passeport « BNO » (British National Overseas, pour Britanniques d’outre-mer), document délivré aux résidents de l’ex-colonie britannique nés avant la rétrocession en 1997. Un geste que la Chine dénoncait, le qualifiant de « violation » de l’accord de rétrocession, Taïwan se prépare également à accueillir « les Hongkongais dont la sécurité est menacée pour des raisons politiques ». D’autres pays anglophones sont des destinations privilégiées, comme le Canada, l’Australie ou l’Irlande.

Sous le coup de la colère, de la peur, du désespoir, le mouvement de contestation pourrait se radicaliser. Aux côtés des slogans habituels, on peut désormais entendre : « l’indépendance de Hong Kong, la seule porte de sortie ». Une autre solution ne serait-elle pas plutôt de poursuivre un activisme créatif et pacifique, d’empêcher que le mouvement ne retombe dans la violence, de tirer profit du succès lors des élections de district de novembre 2019, et surtout de préparer les élections au LegCo de septembre en poussant la candidature de candidats modérés que Pékin aurait du mal à faire disqualifier ? 


Politique : Propositions de lois en cascade

Comme chaque année, le Parlement est l’occasion pour les 3 000 délégués de l’Assemblée Nationale Populaire (ANP) et les 2 000 membres de la Conférence Consultative Politique du Peuple chinois (CCPPC), de faire remonter leurs propositions. Parmi ces derniers, hommes d’affaires, avocats, artistes, sportifs, acteurs… Leurs suggestions, souvent inspirées par de récents scandales ayant marqué l’opinion publique, donnent un peu de couleur aux débats lisses des « lianghui ». Voici les plus marquantes ou les plus originales d’entre elles :

La relance

L’épidémie a durement touché les foyers chinois. Pour y remédier, Zhu Zhengfu, vice-directeur de l’Association des avocats, proposait que l’État offre 2 000 yuans à chacun de ses citoyens pour les aider à surmonter cette période difficile. La proposition s’avérait particulièrement populaire auprès des internautes, qui argumentaient que de nombreux pays étrangers avaient déjà consenti à une telle aide – pourquoi pas la Chine ? Certains n’en demandaient pas tant : « 200 yuans suffiraient à regonfler le moral de la population ».

L’automobile

Pour stimuler les ventes de véhicules, le président du groupe automobile GAC, Zeng Qinghong, proposait de réduire les taxes qui frappent son secteur et de supprimer les loteries aux plaques d’immatriculation ainsi que les restrictions à la circulation dans les grandes villes. Des mesures qui avaient été instaurées pour lutter contre les bouchons et la pollution de l’air… Cette suggestion soulève un dilemme plus large pour les décideurs : relancer l’économie ou poursuivre les efforts de lutte contre la pollution ?

Li Shufu, patron de Geely, proposait que le gouvernement central redistribue une partie des 350 milliards de yuans annuels tirés de la taxe à l’achat d’un véhicule, aux gouvernements locaux. Selon Li, ce serait une bonne manière d’inciter les autorités à stimuler les ventes de voitures et à construire plus de parkings ainsi que des bornes de recharge pour véhicules électriques. Comme alternative, Li suggérait que ces taxes à l’achat aident d’autres familles aux moyens plus limités à s’acheter une voiture.

Zhu Huarong, président de Changan, se préoccupait des apparences en appelant les célébrités et les politiques à acheter uniquement des voitures chinoises pour améliorer leur image de marque.

Les nouvelles technologies

Comme chaque année, les patrons de la tech chinoise ont fait le déplacement. Parmi eux, le PDG de Lenovo, Yang Yuanqing et le fondateur de Xiaomi, Lei Jun

La protection des données personnelles était au cœur de nombreux débats durant cette ANP. À ce sujet, le PDG de Baidu, Li Yanhong, un autre habitué de ce grand rendez-vous politique, faisait une sortie remarquée, en affirmant que toutes les données collectées durant l’épidémie devraient être supprimées sans exception pour éviter tout abus et fuite embarrassante. Il proposait également d’instaurer un mécanisme pour demander la suppression des données personnelles collectées durant l’épidémie. De voir le patron du moteur de recherche le plus populaire en Chine s’inquièter de la confidentialité de ses utilisateurs semblait soulager les internautes, lui qui avait auparavant déclaré que les Chinois se fichaient de leur vie privée…

Alors que la Chine ambitionne de devenir la première puissance technologique mondiale, Ding Wei, créateur de NetEase (qui exploite le portail 163.com), proposait que le codage informatique devienne obligatoire de l’école primaire jusqu’au lycée, et soit sanctionné par des examens afin que la matière prenne toute son importance dans le cursus scolaire.

Le patron de Qihoo 360 (entreprise d’anti-virus mise sur liste noire par le Département du Commerce américain), Zhou Hongyi, tirait la sonnette d’alarme à propos de la 5G : de par ses nouveaux usages connectés, cette technologie risque d’amener de nouveaux dangers en matière de cyber-sécurité. « Il faut absolument former une organisation indépendante qui établirait les standards de sécurité 5G, tout en respectant la cyber-souveraineté chinoise bien sûr ». Il en profitait pour rappeler l’importance de ne plus dépendre technologiquement des pays occidentaux.

Le PDG milliardaire de Tencent, Pony Ma Huateng, absent pour des raisons de santé, présentait tout de même sept propositions à l’ANP, comme la mise au point d’hôpitaux intelligents qui « tireraient profit de l’écosystème digital avancé du pays pour réduire la charge de travail des soignants durant les crises sanitaires ».

Plus étonnant, Liu Yonghao, PDG de New Hope Group (Sichuan), un des plus grands éleveurs porcins du pays, et Liu Wei, patron de Suntek Technology, firme d’intelligence artificielle, proposaient d’avoir recours au système de crédit social pour contrôler le comportement des gouvernements locaux : s’ils sont trop endettés, ont du retard dans leurs paiements, ne respectent pas leurs contrats, ils n’auraient pas le droit de lancer de nouveaux projets.

La jeunesse

Afin de donner le goût de l’effort physique aux jeunes Chinois plus enrobés que leurs aînés, Wu Zhiming, membre de la CCPPC et 100 autres délégués, proposaient de rendre obligatoire l’éducation sportive à l’examen du Gaokao (baccalauréat chinois). Pourtant, l’idée était reléguée au vestiaire par les parents : « les lycéens sont déjà sous pression, est-ce vraiment la peine d’en rajouter ? », pouvait-on lire sur Weibo. Un sondage de Quotidien du Peuple révélait que les trois quarts des participants étaient contre cette proposition, craignant une charge de travail trop importante et des différences d’aptitudes physiques entre les adolescents.  

Pour Song Wenxin, vice-directrice d’un lycée du Shandong, le comportement hystérique de certaines adolescentes lorsqu’il s’agit de leur idole masculine est insupportable. « Cette idolâtrie détourne ces jeunes filles de leurs études et ne doit pas être encouragée », affirmait-elle.

Même chose pour les consoles de jeux ! Selon Zhu Yongxin, éducateur et vice-président de « l’association pour promouvoir la démocratie », il faudrait mettre en place un système d’évaluation des jeux vidéo définissant une durée de jeu limitée et un plafond de dépenses selon le contenu du jeu et l’âge du joueur qui serait identifié par son téléphone portable ou par reconnaissance faciale. Ce serait un moyen de prévenir les problèmes d’addiction et de santé, comme la myopie, bête noire du Président Xi Jinping.

La vie sauvage

Le Parlement a finalement validé le ban du commerce et de la consommation d’animaux sauvages, exception faite pour leur fourrure, la science et surtout la médecine traditionnelle chinoise. Les villes de Wuhan, Shenzhen et Pékin ont déjà pris des mesures en ce sens, tandis que le Hunan et le Jiangxi, provinces dépendantes de ce secteur, vont subventionner la reconversion de leurs éleveurs. Pour Zhao Wanping, vice-président de l’Académie des sciences agricoles de l’Anhui, il faudrait aller plus loin et interdire tout élevage commercial de toutes les espèces sauvages, pas seulement celles menacées d’extinction.

Quelques délégués en profitaient pour dénoncer l’absence de loi pour punir la cruauté envers les animaux. Cette demande faisait écho à un récent scandale impliquant un étudiant du Shandong attrapé à torturer des chats sur son campus…

Et le reste…

Plus contestée, la proposition de He Xuebin, célèbre peintre chinois, de rendre permanente l’interdiction de partager les plats en utilisant ses baguettes pour des raisons sanitaires. « Pas question, écrivait un internaute, cette pratique est profondément enracinée dans notre culture. Le gouvernement peut encourager l’usage de portions séparées, mais ne doit aucunement forcer les gens à l’abandonner ».

Enfin, un peu de soft-power avec l’animateur TV du Shanghai Media Group, Cao Kefan, qui proposait de permettre aux médias chinois d’utiliser librement des VPN pour « mieux raconter la Chine » aux étrangers.

Au contraire, Yang Weiguo, maire de Zhuzhou (Hunan), suggérait d’arrêter de traduire les discours lors des conférences de presse et grands événements afin de sauvegarder la dignité de la langue chinoise et de forcer les participants à apprendre le mandarin. « A chaque réunion, il faut attendre la traduction en anglais, on perd en temps et en efficacité », se plaignait-il. Les internautes chinois n’étaient pas dupes : « ce délégué veut simplement se faire bien voir en surfant sur le sentiment nationaliste actuel ».  Certains s’inquiètaient de cette proposition : « le fossé entre la Chine et l’étranger est déjà assez grand, alors mettre fin aux traductions ne ferait que compliquer encore plus la communication ».


Société : Un Code civil, enfin !

Après plus de six décennies et quatre tentatives infructueuses, le Parlement chinois a adopté le 28 mai, son Code civil. Ce succès devait faire la fierté du Président Xi Jinping, puisque son père Xi Zhongxun s’y était lui-même frotté, sans succès, en 1979. Il représente aussi une partie importante de la « modernisation de la gouvernance » chère au 1er Secrétaire.

En préparation depuis 2014, le Code civil entrera en vigueur au 1er janvier 2021. Depuis l’ouverture de cette session parlementaire, il a encore été amendé plus de 100 fois.

Même si son contenu n’est pas révolutionnaire, constitué d’une compilation de lois existantes, ses 1 260 articles devraient mieux répondre aux nombreuses évolutions de la société chinoise.

Il ambitionne de mieux défendre les intérêts de ses 1,4 milliard de citoyens dans les domaines tels que la propriété, les droits de la personne, du mariage et de la famille, des héritages et de la responsabilité civile. Il permettra, entre autres, de mieux déterminer lequel des parents doit obtenir la garde des enfants ou de poursuivre en justice le management de sa résidence s’il coupe l’eau ou l’électricité pour récupérer son dû…

Dépassant les propositions parlementaires liées à l’épidémie, le Code civil était le sujet le plus commenté sur les réseaux sociaux de cette Assemblée avec plus d’un million de messages.

Une disposition prévoyant une période de réflexion de 30 jours avant de divorcer a notamment fait couler beaucoup d’encre. Expérimentée dans plusieurs provinces de Chine, cette règle stipule que les couples qui battent de l’aile doivent attendre un mois avant de se dire « non ». Les internautes s’en insurgeaient : « le gouvernement n’a pas le droit de me forcer à donner une seconde chance à mon mari » ! «On ne peut même plus divorcer librement maintenant ? Il existe aussi des couples qui se marient sur un coup de tête, ne devrait-on pas instaurer une période de rétraction pour les mariages ? », écrivaient certains.  Pour justifier une telle mesure, un porte-parole du Parlement affirmait que « ces divorces impulsifs sont un phénomène de plus en plus courant qui ne favorise pas la stabilité familiale ». De fait, 4,15 millions de divorces ont été prononcés l’an dernier, un chiffre en constante augmentation depuis deux décennies. Et le confinement n’a rien arrangé… Pour éviter que cette période de délibération mette en danger les victimes de violences domestiques, elle ne sera donc appliquée que pour les divorces par consentement mutuel.

Même si le texte ne fait pas référence au planning familial, le nombre d’enfants par couple reste limité à deux. Pour la déléguée Huang Xihua, il faut supprimer les amendes infligées aux parents de plus de deux enfants. « De toute manière, ils sont très peu nombreux à en vouloir plus de deux », argumentait-elle. En effet, la fin de la politique de l’enfant unique en 2016 n’a pas provoqué le baby-boom escompté. Au contraire, le nombre de naissances n’a cessé de décliner depuis lors… Cheng Xiangqun, déléguée du Liaoning, suggérait de supprimer le planning familial dans le Nord-Est de la Chine afin de stimuler la faible natalité dans la région. Les internautes n’étaient pas emballés : « cela ne va rien changer, il faudrait plutôt des allocations familiales et un congé maternité plus long ».

Pas d’avancée non plus sur la légalisation du mariage homosexuel. Elle figurait pourtant parmi les principales suggestions du public lorsqu’il a été sollicité pour donner son avis sur ce texte. Huang Wei, un des cadres chargés de la rédaction du Code civil, admet avoir reçu de nombreuses lettres demandant le mariage pour tous. « Mais nous ne sommes pas dupes, elles font partie d’une campagne organisée par des activistes, c’est le même langage, les mêmes enveloppes », dénonçait-il.

Aucune mention non plus au recours à la congélation d’ovocytes pour les femmes non mariées, un sujet qui a fait polémique il y a quelques mois après que Xu Zaozao, militante féministe de 31 ans, décide de poursuivre en justice un hôpital pékinois pour lui avoir refusé de congeler ses ovules. Actuellement, selon le planning familial, seules les femmes mariées peuvent avoir recours à ces techniques de procréation médicalement assistée. « Les lois existantes sont contraires au principe d’égalité des sexes, les hommes eux pouvant congeler leur sperme, peu importe leur statut marital », commentait Peng Jing, avocate associée d’un cabinet de Chongqing.

Pourtant, d’autres délégués, comme Sun Wei, gynécologue du Shandong, soutiennent cette interdiction faite aux femmes. « Si nous légalisons cette technique, cela va encourager les femmes à y avoir recours, et peser lourd sur les ressources médicales du pays. Cela pourra également créer un marché noir pour des activités illégales comme les mères porteuses ou le trafic d’ovocytes ». Tout comme la proposition de Peng, celle de Sun recevait également son lot de critiques sur internet : « je n’ai aucune intention de congeler mes ovules, mais exécrerai que l’on me l’interdise », s’insurgeait une internaute. En réponse à la polémique, Sun se justifiait dans une interview : « je n’ai aucune intention de restreindre les droits à la procréation de la femme, je veux simplement leur rappeler que la meilleure manière de faire des enfants est de trouver un partenaire, se marier, et d’avoir des enfants lorsqu’elles sont encore jeunes », ignorant le fait que de nombreuses Chinoises font désormais passer leur carrière avant leur vie de famille.

Bonne nouvelle, la définition du « harcèlement sexuel » était élargie pour inclure le lieu de travail ou le fait d’être agressé par un enseignant dans un établissement scolaire.

Sur la question foncière, aucune révolution. Les terres sont toujours propriétés de l’État et les concessions d’une durée maximale de 70 ans. Lors du renouvelement du bail, une somme d’argent peut être demandée au propriétaire du logement, alors qu’auparavant, il était gratuit. Les propriétaires ne pourront plus expulser leurs locataires en cours de contrat, même s’ils veulent vendre leurs appartements. Et désormais, le Code civil encadre plus strictement la notion « d’intérêt public », prétexte utilisé par les collectivités locales pour procéder à des expropriations abusives.

En cas de chute d’un objet d’un immeuble, un accident récurrent dans un pays où la concentration urbaine est forte et les bâtiments de plus de 20 étages sont courants, la responsabilité des parties est éclaircie. Si le propriétaire de l’objet n’est pas identifié, tous les résidents de l’immeuble devront participer à la compensation financière de la victime, sauf s’ils peuvent prouver qu’ils étaient absents à ce moment-là.

Enfin, c’est la première fois qu’est définie la notion de « données privées » : « toute information que l’individu ne veut pas partager avec d’autres personnes ». En théorie, le texte interdit également à toute entreprise et même au gouvernement d’accéder à ces informations sans avoir obtenu le consentement de la personne au préalable. Bien sûr, l’application est là où le bât blesse, le cadre restant flou… Mais c’est un premier pas encourageant dans la protection de la vie privée dans un pays où la population est ultra-connectée et surtout, la surveillance généralisée.


Santé : L’épidémie inspire les parlementaires

Marquée par la crise sanitaire, cette session annuelle du Parlement voyait plus de 4 propositions sur 5 liées à l’épidémie de Covid-19.

D’abord, la tutelle de l’économie (NDRC) dévoilait un plan visant à améliorer la capacité de dépistage du pays, les laboratoires qualifiés ayant cruellement fait défaut en début d’épidémie. À l’échelle nationale, au moins un laboratoire P3 sera donc construit dans chaque province, et un P2 dans chaque ville. « En tant que porte d’entrée de la Chine sur le monde, le Guangdong est souvent le premier foyer d’infection pour les maladies contagieuses », déclarait Wang Ruijun, directeur du département des Sciences et Technologies de la province. Or, le Guangdong ne dispose actuellement que de cinq P3 et d’aucun P4. La province devra donc construire 25 laboratoires P3 supplémentaires sous cinq ans, et un P4 pour rejoindre ceux de Wuhan et de Harbin.

Les provinces devront également augmenter leur nombre de lits dans les hôpitaux et en particulier dans les services de soins intensifs et ceux réservés aux maladies infectieuses. Par exemple, les villes de plus de 5 millions d’habitants devront disposer d’au moins 600 lits.

Pour Xiao Shengfang, président de l’association des avocats du Guangdong, il faudrait constituer de solides réserves stratégiques, pas seulement de grains ou de viande, mais aussi de matériel médical et de masques en cas d’épidémie. Dans la même idée, Ning Jizhe, vice-président de la NDRC, suggérait que chacun des 400 millions de foyers chinois dispose d’un kit de premiers soins contenant des masques en cas d’urgence. « Tout le monde doit prendre l’habitude de faire des réserves et de se secourir soi-même », affirmait Ning, un brin survivaliste.

Plus remuantes étaient les propositions des délégués du Hubei, dont l’une visant à protéger les « lanceurs d’alerte issus du corps médical », comme le Dr Li Wenliang et sept autres médecins réprimandés début janvier. Zhou Hongyu, vice-président de l’Université normale de Chine centrale (Wuhan), appelait les forces de l’ordre à faire preuve de tolérance en cas de propagation de fausses informations : « du moment que l’information de base est vérifiée, et que ses auteurs n’ont pas de mauvaises intentions, nous devons nous montrer cléments ». Zhou, délégué à l’ANP depuis deux décennies, suggérait également d’inclure un critère de « réactivité » dans la loi de prévention des maladies infectieuses.

Durant cette session parlementaire, Gao Fu, directeur du Centre national de Prévention des Maladies (CDC), était attendu au tournant : « mes collègues et moi-même acceptons avec humilité les critiques visant notre mauvaise gestion au début de l’épidémie ». Il défendait pourtant la qualité de la réponse chinoise par rapport au reste du monde. « Même si le CDC a besoin d’améliorer son mécanisme d’alerte épidémique mis au point après le SRAS, les réalisations de la Chine sont évidentes », se défendait-il.

Faisant écho aux propos de l’expert Zhong Nanshan, Gao pointait du doigt la tutelle du CDC, la Commission nationale de Santé (CNS), qui micro-manage les opérations du CDC. « Nos experts doivent être libérés de toute interférence administrative », déclarait-il avec tact. « Il nous faudrait un accès direct aux hauts dirigeants, voire le pouvoir d’alerter directement la population sans passer par la CNS », plaidait-il. Malheureusement, le virologue de haut niveau n’était pas entendu, laissant aux observateurs un goût de déjà-vu post-SRAS : des promesses de mieux faire, mais rien qui remettrait en cause le monopole décisionnel du Parti.


Santé : Le code QR qui ne disparaîtra pas

Ils ont été les premiers à l’expérimenter, ils ne pourront pas s’en débarrasser. Le 22 mai, les 13 millions d’habitants de Hangzhou (Zhejiang) apprenaient avec stupéfaction qu’ils devront vivre avec les codes QR de santé, même après l’épidémie !

En effet, la municipalité compte « normaliser » l’usage d’un « index de santé » d’ici fin mai ou courant juin. Le système « nouvelle génération » prendra en compte les résultats des derniers examens médicaux et des informations liées au mode de vie pour établir un score personnel de santé jusqu’à 100 points. Selon la démonstration de la Commission municipale de Santé, 15 000 pas quotidiens vaudront 5 points, 200 ml de « baijiu » (alcool fort à base de sorgho) feront perdre 1,5 point, cinq cigarettes coûteront 3 points, tandis que 7h30 de sommeil permettront de récupérer 1 point ! La note sera réactualisée chaque jour et reflétée par une large palette de couleurs, du vert fougère au violet. L’utilisateur pourra également constater l’évolution de son classement comparé aux autres habitants. De nombreuses questions restent en suspens : comment ces données seront-elles obtenues ? Cet « index de santé » sera-t-il obligatoire ? Si oui, dans quelle situation ?

Le secrétaire du Parti de Hangzhou, Zhou Jiangyong, semble convaincu par l’idée : « cet index sera un gardien intime de la santé de ses habitants. Il sera utilisé si souvent et si apprécié que l’on ne pourra plus s’en passer », déclarait-il. La municipalité réfléchit même à un score équivalent pour les entreprises et les résidences. Ce système n’est pas sans rappeler celui de crédit social, utilisant les « big data » pour punir et récompenser les citoyens, déjà expérimenté à Hangzhou, sur des critères plus larges que celui de la santé.

Si Hangzhou se positionne en précurseur, ce n’est sûrement pas étranger à la présence d’Alibaba qui a son siège en ville. Le géant high-tech fondé par Jack Ma a d’ailleurs admis à demi-mot avoir été sollicité par la municipalité pour apporter son assistance technique au projet. Le groupe se défendait toutefois d’avoir été impliqué dans l’élaboration de ses règles.

Et pour cause, cette annonce a suscité un tollé sur la toile : « pendant l’épidémie, on n’a pas eu le choix. Aujourd’hui, j’espère avoir le droit de supprimer cette application, surtout pas d’en installer une nouvelle plus performante ! », écrivait un internaute. Même si une large majorité a soutenu l’usage de la technologie durant l’épidémie, ils étaient 82% à souhaiter que leurs données captées par les caméras à reconnaissance faciale soient supprimées. C’était justement l’objet de la proposition que portait Robin Li, le PDG de Baidu au Parlement la veille. Ces réactions reflètent la prise de conscience qui s’opére ces derniers mois au sein de la population chinoise, particulièrement chez les habitants des grandes villes, vis-à-vis de ces technologies envahissantes.

En un sondage sur Weibo, 86% des 6 600 utilisateurs se déclaraient « contre » ce « passeport santé numérique », craignant que leurs données de santé ne deviennent publiques. Un internaute s’inquiétait également des discriminations à l’emploi que pourrait provoquer un tel système : « désolé monsieur, mais nous ne pouvons pas vous embaucher, votre condition physique, telle qu’illustrée par votre code de santé, n’est pas adaptée aux heures supplémentaires », écrivait-il avec ironie. Sur Zhihu, plateforme de questions/réponses, certains anticipaient la possible exploitation de ces données médicales par les compagnies d’assurances et firmes marketing. D’autres mettaient en doute la faisabilité du projet : comment convertir différents états de santé en un algorithme fiable ?

Adopté dans l’urgence début février, les habitants de Hangzhou ont été les premiers à tester le code de santé que l’on connait actuellement en Chine. Le système aux trois couleurs (vert, jaune, rouge) est plutôt basique, supposément basé sur une poignée de critères (historique de voyage, contact avec une personne contaminée ou résultat d’un dépistage). Pourtant, il n’a pas échappé à certains bugs, attribuant un code « rouge » à 335 000 habitants sans raison. Élargi au pays entier, ce code a joué un rôle crucial dans la relance de l’activité, les villes comptant essentiellement sur cet outil pour évaluer la menace sanitaire que représentent leurs habitants. Il a même permis d’attraper un fugitif, accusé de meurtre il y 24 ans. Sans code QR de santé à présenter, il lui était impossible d’entrer où que ce soit… Selon Tencent, plus d’un milliard de Chinois sont couverts par ces codes, qui ont été scannés plus de neuf millions de fois depuis février.

Toujours dans le Zhejiang, province décidément à la pointe, un district de la ville de Taizhou testait un « code d’honnêteté » en trois couleurs jugeant de la droiture et de la diligence des cadres du Parti à accomplir leurs missions. Dans un village, un cadre était épinglé pour avoir mal utilisé les fonds publics : en guise de punition, son code passait au « jaune ». Il retrouva sa couleur verte après avoir « changé son attitude et s’être dévoué à son travail ». Par contre, ceux en « rouge » risquent une visite de la Commission de discipline.

Il est clair que le gouvernement chinois est fermement résolu à faire usage de ces technologies, sous prétexte d’accroître la sécurité ou de garantir la bonne santé de tous. Il s’agit surtout de déléguer une partie de son autorité aux algorithmes, selon des règles du jeu qu’il aura lui-même fixées, pour rendre plus performant son contrôle de la population. Ainsi, la multiplication de ces projets est à interpréter comme une quête de la meilleure formule à adopter. Face à la détermination du régime, quelle place est laissée à la population ? Jusqu’où va-t-elle l’accepter, et sous quelles formes ? Justement, la société est en plein questionnement. Comme le soulignait avec justesse un internaute, « il va être très difficile de limiter les pouvoirs du gouvernement à une « cage » institutionnelle maintenant qu’ils sont déjà dehors »…


Petit Peuple : Fuxin (Liaoning) – La nouvelle vie rêvée de Ma Qiang, équarrisseur (2ème partie)

Boucher de son métier, Ma Qiang s’est mis en tête de devenir pilote de course … 

En mars 2019, à 32 ans, Ma Qiang passa son permis de pilote de compétition. Il n’eut qu’à fournir au bureau des licences deux carcasses de cochons nourris au grain, qui fourniraient l’essentiel du banquet du week-end, sans trop ouvertement prêter flanc à l’accusation de corruption. De toute manière, la municipalité avait besoin de candidats pour alimenter les courses automobiles de son tout jeune circuit de formule 3.

Trois mois plus tard, Ma était passé propriétaire de son tout-terrain de fabrication russe à bout de souffle. Afin de réconcilier ce sport coûteux avec son budget de vaches maigres, il effectua lui-même la plupart des travaux de mise à niveau sous la supervision de Zhang, son copain mécano. Il démonta son moteur pour réaléser les cylindres, changer chemises et pistons à partir de pièces de récupération, et effectuer le réglage des soupapes afin d’obtenir la compression et la puissance maximales. Séquelle d’un accident mal réparé, le véhicule lui avait été légué sans carrosserie arrière : il découpa et souda de la tôle, tout en laissant la partie supérieure de la structure tubulaire à l’air libre par souci d’économie. Il avait aussi retapé son embrayage et renforcé les freins, en prévision des bosses, côtes et épingles à cheveux. Quand il ne bricolait pas au garage de Zhang, il s’entraînait sur l’anneau de compétition. 

Quoique soucieuse des finances du ménage, Naifeng, son épouse se gardait de le disputer : à tout prendre, sa passion pour l’automobile le détournait d’autres passe-temps plus délétères comme courir les femmes ou pratiquer le jeu clandestin au mah-jong. Et puis il fallait bien l’admettre, de ses tournées de livraison de viande de porc, Ma Qiang rapportait ponctuellement à la maison le denier du ménage et gardait à cœur, trois fois par semaine, d’aider Dou-Dou, leur fille de six ans dans ses devoirs à la maison. Aussi Naifeng préférait taire ses inquiétudes de le voir se blesser à bord de son bolide mal en point dont on pouvait penser que « 除了喇叭不响,到处都响 » (sauf le klaxon qui est en panne, toute la voiture sonne; chúle lǎba bù xiǎng, dàochù dōu xiǎng).

Enfin, le grand jour arriva : celui du premier tour de la compétition nationale des « véhicules classe cinq », auquel Ma Qiang était inscrit. Ayant ajouté à son carburant un éther théoriquement prohibé, il s’était retrouvé aux essais, titulaire d’un des meilleurs temps, et donc en bonne position, juste derrière la Volkswagen d’un sous-officier d’aviation, et devant la Mitsubishi d’un pharmacien privé. A travers le pays, ils étaient 187 candidats : ils se mesureraient les uns aux autres en quatre demi-finales. Tous les véhicules pétaradaient en pole position, les pilotes engoncés dans leurs sièges. Leurs bolides portaient les noms et logos de leurs sponsors vrais ou faux – tous n’avaient pas trouvé d’entreprise pour financer leur saison. Les malchanceux avaient donc été réduits à cacher la misère, en peignant sur leurs capots des noms de fantaisie. 

Le signal du départ fut donné, et les bolides s’élancèrent dans un nuage bleu. Ma Qiang réalisa immédiatement sa chance d’avoir tiré sa position en tête : juste derrière lui, un roadster cala, percuté par cinq autres, ce qui lui donna, comme au groupe de tête, une avance de 47 secondes, le temps que les dépanneuses dégagent les accidentés. 

Immanquablement au fil des 30 tours de circuit, les modèles les plus solides le doublèrent un à un, comblant leur retard. Mais les pannes et collisions qui émaillèrent l’épreuve, imposèrent de nombreux abandons. Ainsi contre toute attente, à l’arrivée, notre héros pilote arrivait quatorzième à bord de son véhicule portant le numéro 128. Il était donc dans la botte des quinze sélectionnés pour la finale. Zhang, son coéquipier était au stand pour l’embrasser, vainquant la pudeur naturelle des Chinois. 

Le surlendemain, après avoir travaillé d’arrache-pied à deux pour remettre le véhicule en état, Ma se retrouvait sur la ligne de départ, face à 300 000 spectateurs venus des trois provinces voisines, sous un soleil radieux. Mais cette fois, son n°128 partait en bien moins flatteuse position face à une concurrence plus sérieuse. Dès le premier tour, il était largué, et quoiqu’il fît, il se vit doubler plus de trois fois par les bolides de tête. Peu avant l’arrivée, il quitta la piste et dérapant piteusement, se retrouva en marche arrière, le commentateur sur CCTV, suggérant qu’il avait brisé « quelque chose par devant » – sa propulsion en 4×4. En effet, désespérant de refaire son retard, Ma avait franchi pied au plancher le mamelon à mi-ligne droite, se retrouvant en sustentation durant trois interminables secondes – à sept mètres de hauteur- avant de se ramasser lourdement à l’arrivée. Mais pour Ma Qiang, cet envol avait été l’un des moments les plus exaltants de sa vie, sentant dans tout son corps l’excitation du danger et du dépassement de soi. 

Et peu lui importait s’il franchissait en dernier la ligne devant le drapeau à damier blanc et noir : en concourant, il acquérait une figure de héros aux yeux de sa fillette qui lui disait « 加油 » (jiāyóu, allez! »). A son niveau, il avait conscience d’aider sa ville de Fuxin à changer de destin, de ville-cimetière à une ville illuminée des lumières de la TV et de la course. Tout bien considéré, il offrait même au pays entier un petit bout de rêve, celui du dernier de la course, intrépide et droit dans ses bottes. Loin de vouloir abandonner, si Ma Qiang survivait à la crise économique et à l’épidémie qui fondait droit sur eux tous, il savait déjà quel futur bolide il s’offrirait, le bolide par lequel, finalement, il gagnerait la course !


Rendez-vous : Semaines du 1er au 28 juin
Semaines du 1er au 28 juin

Notez qu’en raison de la situation actuelle, certains événements ont été annulés ou repoussés à une date ultérieure (voir ci-dessous):

Juin, Shanghai : MWC – Mobile World CongressCongrès mondial sur le GSM, ANNULE

2 – 4 juin, Shanghai : PCHISalon des soins personnels et des cosmétiques, reporté au 8 -10 juillet

2 – 5 juin, Shenzhen : IAMD – Integrated Automation, Motion & DrivesSalon international pour l’automatisation des procédés, reporté au 12 – 15 octobre

3 – 5 juin, Shanghai : AquatechBuildexSalon professionnel international des procédés pour l’eau potable et le traitement de l’eau, reporté au 25-27 août

3 – 5 juin, Shanghai : Flowtech, Salon international des pompes, valves et tuyaux, reporté au 25-27 août

3 – 5 juin, Canton : IFE – International Food Exhibition, Salon international de l’alimentation, maintenu à priori

3 – 5 juin, Pékin :TOPWINE, Salon international du vin pour le nord de la Chine, ANNULE

4 – 6 juin, Pékin : NGVSSalon international du gaz naturel et des équipements pour stations de stockage, reporté au 10-12 août

5 – 7 juin, Singapour : Dialogue de Shangri-La. C’est la première fois depuis 2002 que le forum annuel sur la sécurité en Asie est annulé.

9-11 juin, Shanghai : CSF – RemaxworldFoire internationale de la papeterie, fournitures de bureau et autres produits culturels, reporté au 17-19 septembre

9-12 juin, Canton : Guangzhou International Lighting Exhibition, Salon international de l’éclairage, reporté du 30 septembre au 3 octobre

10 – 11 juin, Pékin : Optinet, Conférence sur les réseaux optiques, reporté au 26-27 août

10 – 12 juin, Shanghai : CAC ShowSee Trade Show , Salon international et conférence dédiés à l’agrochimie, aux technologies de protection des récoltes et aux semences, ANNULE – prochain salon le 3-5 mars 2021

10 – 12 juin, Shanghai : CES Asia, Salon des hautes technologies et des entreprises pionnières sur les thematiques de villes intelligentes, intelligence artificielle, technologies des véhicules, robotique…,reporté – date à confirmer

10 – 14 juin, Shanghai : DMC– Die & Mould China, Salon international de la fonderie et du moule, du formage et des processus de traitement du metal,reporté au 10-13 octobre

11 – 13 juin, Shanghai : China AIDSalon professionnel des soins aux personnes âgées, de la rééducation et des soins de santé, reporté au 28-30 octobre

11 – 14 juin, Shanghai : COOCCongrès international chinois d’ophtalmologie et d’optométrie, reporté au 18-20 septembre

12 – 14 juin, Canton : The Kids ExpoSalon international de l’éducation des enfants , reporté au 9-11 décembre

13 – 21 juin, Chongqing : Auto ChongqingSalon international de l’industrie automobile, maintenu à priori

13 – 22 juin, Shanghai : 23rd Shanghai International Film Festival, Festival du film international de Shanghai, reporté – date à confirmer

15 – 18 juin, Shanghai : Hotelex + Design & Deco, Salon international des équipements et fournitures pour l’hôtellerie en Chine, ANNULE

16 – 17 juin, Shanghai : GTDW – Global Trade Development WeekSommet international et rencontres d’affaires organisés en Chine et dédiés au commerce mondial et au développement économique, reporté – date à confirmer

16 – 18 juin, Shanghai : Air CargoExposition et conférence sur le fret aérien et la logistique, ANNULE

16 – 18 juin, Shanghai : Transport Logistic China, Salon professionnel international de la logistique, du transport et de la télématique, ANNULE – prochain salon le 15-17 juin 2022

16 – 18 juin, Shanghai : China E-POWERSalon chinois international de la génération d’énergie et de l’ingénierie électrique, reporté au 21 – 23 septembre

19 – 22 juin, Tianjin : CIEXSalon international de l’automation, de la robotique et de la machine-outil, maintenu à priori

15 – 24 juin, En ligne : Canton Fair, Foire industrielle internationale qui expose notemment dans les domaines des machines-outils,  bâtiment et construction, décoration, ameublement, luminaire, electroménager, domotique, électronique, mode et habillement, confirmé

22 – 24 juin, Shanghai : CPhI & P-MEC China, Salon international des ingrédients  et des équipements pharmaceutiques, reporté au 16 – 18 décembre (en ligne)

22 – 24 juin, Shanghai : Propak China,Salon spécialisé dans la transformation alimentaire et l’emballage, reporté au 16 – 18 décembre

22 – 24 juin, Shanghai : HealthPlex Expo,Salon international et conférences dédiées aux produits de santé naturels et à la nutraceutique, reporté au 25 – 27 novembre

22 – 24 juin, Shanghai : Hi & FI Asia–China,Salon international des ingrédients alimentaires et de santé, reporté au 25 – 27 novembre

22 – 24 juin, Pékin : CAE – China Attractions Expo – Beijing, Salon chinois des parcs d’attractions, confirmé

27 – 29 juin, Shanghai : Semicon China, Salon international de l’équipement et des matériaux pour les semi-conducteurs, confirmé