Investissements : Malaisie, le retour de flamme

Que Mahathir Mohamad, le leader historique de la Malaisie remporte les élections ce mois de mai, ne peut laisser la Chine indifférente, pour trois raisons. La première est qu’il retourne aux affaires à 92 ans après 15 ans d’absence (il s’était retiré en 2003 après 22 ans de règne). La seconde est qu’il chasse du pouvoir son ex-parti Barisan National aux affaires depuis 1957, à la tête d’une coalition du Pakatan Harapan (pacte d’espoir). Surtout, il promet de « rendre au pays la souveraineté » qu’il reproche à Najib Razak son prédécesseur, d’avoir cédée à la Chine.

Tout d’abord, Mahathir prétend renégocier le projet de TGV East Coast Rail Link (ECLR), au coût de 28 milliards de $ qui devaient être prêtés par l’Exim Bank chinoise. Négociée par son prédécesseur avec la CCCC (China Communications Construction Corp), l’axe partant de la frontière Thaïe devait s’étirer sur 688km jusqu’à Malacca d’ici 2024.

Un autre axe Kuala Lumpur-Singapour (350km) à 14 milliards de $ , qui auraient réduit à 90 minutes les 5 heures de route entre les deux capitales, est annulé. Mahathir envisage aussi de supprimer un chantier à 100 milliards de $, le Country Garden Holdings, 1400 hectares de condos et d’hôtels visant surtout une clientèle de particuliers chinois.

Raisons alléguées pour ces coupes : les 251 milliards de $ de la dette publique qu’il faut alléger. Pour le leader historique, la ligne vers Singapour n’avait aucun espoir de rentabilité. De plus, Pékin aurait imposé à la Malaisie des « traités inégaux », des clauses abusives de contrats telle  l’exclusivité du chantier garantie à des contracteurs chinois, ou l’obligation pour le trésor public de rembourser le prêt de la ligne Thaïlande – Malacca par tranches à dates fixes, quel qu’en soit l’avancement.

Une polémique entoure cette affaire : comme en tout pays au moment d’alternance du pouvoir, les vaincus accusent Mahathir de priver le pays d’une chance de générer 70.000 emplois et 50 milliards de $ de PIB supplémentaire… L’argument est affaibli par les révélations qui suivent, de la fortune réalisée par Najib Razak suite à la signature des grands chantiers chinois.

L’affaire évoque aussi d’autres chocs similaires, au Népal, en Birmanie et au Sri Lanka. Dans ces pays, des projets ont abouti à une faillite, ou ont été dénoncés par les pouvoirs en place, ou par ceux issus d’élections. Elle explicite une tendance des négociateurs chinois (grandes entreprises d’Etat, banques et ministères) à imposer des contrats léonins, sur des chantiers dont l’utilité n’est pas avérée. Manifestement, la Chine va devoir se confronter à cette difficulté à l’avenir—ce sera une condition pour que fleurisse sa stratégie de « une ceinture, une route » (BRI) à l’international.

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1 Commentaire
  1. severy

    Il semble que la Chine parvienne à mettre en chantier des mégaprojets qui semblent jolis sur le papier mais qui forceront les pays-victimes qui les acceptent à les rembourser en plusieurs générations. Ces chantiers sont sans doute acceptés par les membres du gouvernement qui reçoivent de la Chine de plantureux pots de vin. Et tant pis pour la population qui devra s’acquitter de la mégadette. Qui a dit que le régime chinois ne menait pas une politique typiquement capitaliste et impérialiste? Mao doit jouer au ventilateur dans son mausolée.

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