Editorial : Le visage de la Chine de demain

De décennie en décennie, la société chinoise, protéiforme, évolue en permanence. Il en va de même pour sa jeunesse.

A quoi ressemble intérieurement le Chinois de la dernière génération, celui né après l’an 2000, un smartphone à la main  ?

Son aîné des années ‘80 est opiniâtre et discipliné, déterminé à tout  sacrifier pour s’en sortir.
Le jeune né dans les années ‘90,  « enfant roi », est indolent, supportant mal la contradiction faute d’avoir été formé au dialogue et au travail d’équipe. Il est aussi matérialiste, privilégiant l’argent aux rapports humains.

Mais aujourd’hui, par rapport à cette génération Y (1980-1999), l’ado chinois prend un autre visage. Un récent sondage du Centre de recherche sur la jeunesse et l’enfance chinoise auprès de 9320 jeunes dans 10 provinces, dresse un portrait bien différent, avec un « jeu de cartes des valeurs » entièrement rebattu.

Qu’est-ce qui compte le plus dans la vie de ces ados chinois ? En 2005, 54% répondaient « une famille heureuse ». 10 ans plus tard, cette cohorte a augmenté de 5%.

La seconde valeur suprême est « l’amitié », selon 40% des ados en 2005 et 47% en 2015.

À l’inverse, des valeurs telles « contribution à la société » ou « succès professionnel » reculent. Pour les sociologues, cette évolution suit étroitement celle du marché du travail. Dans les années ‘90 sous Zhu Rongji, l’heure était aux réformes incessantes de l’économie de marché –la jeunesse courait vers la carrière, et en tirait récompense salariale, exacerbée par son dynamisme productiviste. Aujourd’hui sous un cadre plus mature, le jeune réalise que cette course au profit, en plus de se charger d’obstacles, ne peut plus porter le sens de la vie. La réalisation de soi, désormais, passe dans les relations interpersonnelles – et le bonheur.

Le Chinois de demain se veut moins « collectif » et plus « individualiste » : seulement 44,5% de ces jeunes sont prêts à sacrifier leur intérêt privé pour l’honneur de leur classe ou de leur collège/lycée—contre 85% qui se déclarent « prêts à travailler dur pour leur propre  entreprise, ou leur pays ». 

Le palmarès des vertus est donc  chamboulé : « l’humilité » qui occupait la 6ème place en 2005, passe au 3ème rang, reléguant des concepts si importants hier, telle « la piété filiale ». La jeunesse de la génération Z ne supporte plus « l’arrogance »—qu’elle voit trop chez certains fils de riches. La « bravoure » et « l’ardeur au travail », également, prennent des rides, relayés par la « responsabilité » et la « coopération ». Autrement dit, gagnent en puissance la confiance en soi et l’attente d’un travail en équipe —des valeurs refondatrices de la Chine de demain.

Selon l’agence pékinoise Boldmoves, le succès, pour les jeunes d’aujourd’hui, consiste à avoir fait une bonne école, être autonome financièrement, et pouvoir faire ce qu’on veut dans la  vie, comme voyager, puis avoir les moyens de payer pour l’éducation de ses futurs enfants et prendre en charge ses vieux parents ! 

70% des jeunes de ce siècle veulent maintenant faire passer « l’environnement » avant « l’économie », et cette conscience « verte » est plus forte dans les campagnes. Enfin, le « patriotisme » lui, reste une valeur inébranlable : près de 93% des jeunes sont fiers d’être Chinois, et 90% satisfaits d’habiter leur pays. Ce qui n’empêche 700.000 d’entre eux d’aller étudier à l’étranger, dont un tiers aux Etats-Unis, qui demeure pour tous le « meiguo » (美国), le beau pays. Ceci, à son tour, explique l’insistance du régime à faire barrage  aux « valeurs occidentales » dans les écoles chinoises.

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