Après plusieurs longues semaines d’attente, Pékin a finalement annoncé fin décembre qui serait le successeur de Li Shangfu, ministre de la Défense abruptement démis de ses fonctions deux mois plus tôt. L’heureux élu est le bien-nommé Dong Jun (董军), que l’on peut traduire par « superviseur de l’armée » en chinois. Sa nomination est à marquer d’une pierre blanche puisqu’il devient ainsi le premier ministre de la Défense issu de la marine chinoise dans l’histoire de la RPC – et maîtriserait l’anglais. Si le ministre n’occupe pas une place élevée dans la hiérarchie militaire chinoise (c’est la Commission Militaire Centrale qui dirige l’APL), c’est toutefois lui qui est chargé des relations militaires avec l’étranger. A ce titre, il est donc un personnage à suivre.
Originaire de Yantai (Shandong), Dong Jun a d’abord servi dans la flotte du Nord, zone où l’APL coopère avec l’armée russe, puis dans la flotte de l’Est, qui veille à un potentiel conflit avec le Japon, et a par la suite pris le commandement du théâtre du Sud, qui opère dans le détroit de Taïwan et plus largement en mer de Chine du Sud, zone que Pékin revendique dans sa quasi-intégralité, au grand dam des pays riverains. La consécration arrive en août 2021, lorsque Dong est nommé commandant de la marine de l’APL.
Sa nomination à la tête du ministère a surpris bon nombre d’observateurs qui misaient plutôt sur Liu Zhenli, chef d’état-major appartenant à la « faction de la guerre du Vietnam », la frange plus pragmatique de l’APL. En effet, tout semblait indiquer que Liu Zhenli allait devenir le prochain ministre, notamment, courant décembre, son entretien avec son homologue américain, le général Charles Q. Brun Jr – le premier appel de haut niveau depuis l’interruption des échanges suite à la visite de Nancy Pelosi à Taïwan en août 2022.
L’autre candidat pressenti pour prendre la tête du ministère était He Weidong, déjà vice-président de la CMC et membre de la « faction de Taïwan » qui a fortement soutenu Xi Jinping dans sa quête d’un troisième mandat.
Alors pourquoi avoir choisi Dong Jun ? Justement car il présentait l’avantage d’être non affilié politiquement, rapporte Alex Payette du cabinet Cercius. En effet, Xi Jinping n’aime pas se retrouver coincé entre les factions « du Vietnam » et « de Taïwan » car celles-ci le forcent à adopter leur agenda en échange de leur soutien au sein de l’APL. Ainsi, placer l’amiral Dong à la tête du ministère permet à Xi Jinping de neutraliser les revendications des différentes factions au sein de l’APL.
Dernier élément notable du profil de Dong : le fait qu’il soit considéré comme modéré, ce qui pourrait signifier que Xi n’est peut-être pas lui-même aussi « prêt pour la guerre » qu’il veut bien le laisser croire…
1 Commentaire
severy
16 janvier 2024 à 22:11Quand on est prêt à faire la guerre, on doit être prêt à assumer la défaite. Xi ne semble pas prêt a prendre un tel risque.