Agriculture : Le nouvel habit de la Chine verte

En 2015 l’ agriculture chinoise change de visage et se métamorphose sous le triple effet de l’ effort public, de l’exode rural, de la mécanisation. 

Les chiffres sont éloquents : avec 561 millions de tonnes de légumes en 2011, les fermiers de l’Empire du Ciel assurent 52% de la récolte mondiale de concombres, oignons, tomates ou d’ail. En culture fruitière, ils produisent 47% des pommes, 66% des poires, 51% des prunes – résultat d’une main d’œuvre abondante, habile… et peu payée. L’aquaculture (poissons et crustacés) est une autre de leurs forces avec 48% du volume. En céréales, sous les efforts constants du gouvernement, voici 10 ans qu’en dépit des crues, grêles et sécheresses, la Chine bat son record en blé, maïs, riz, orge, seigle ou sorgho. 

Sous Hu Jintao, l’Etat mettait l’accent sur la technologie, les semences, les prix garantis. Il encourageait aussi le rattrapage des régions rurales pauvres de l’Ouest et du Dongbei, par la scolarisation : repas, fournitures et frais étaient pris en charge par Pékin pour 10 millions d’enfants. 

À présent sous Xi Jinping, c’est l’heure du « nouveau normal », qui privilégie la qualité sur le volume. Li Keqiang, architecte de la réforme, vise la création de fermes « familiales » de 5 ha : compromis entre la fermette de 3 « mu » ( 2000m²) et l’exploitation capitaliste de milliers d’ha. 

Parmi les nouveaux plans qui vont inspirer l’agriculture, comptent les « Routes de la soie », projet d’export de technologies et de capitaux. C’est qu’entre la pollution et l’extension irrésistible des villes, le pays voit s’effriter son terroir –déjà trop étriqué, à 7% des sols cultivables sur Terre. Dans ses directives agricoles pour 2020, (27 mai), le ministère vise un terroir de « pas moins de 104 millions d’hectares ». Au passage, c’est 14% de moins que l’objectif en vigueur en 2014 (120 millions) – et l’aveu implicite des pertes des dernières années. L’Etat tente de compenser par ses achats de terres hors frontières.
En tête du peloton, la COFCO, consortium public des huiles et céréales, en 2014, a racheté 51% du trader hongkongais Noble, autant du néerlandais Nidera (voire au moins 15% de plus, en négociations). Elle possède en 60 pays des silos pour 15 millions de tonnes de grains, et veut se renforcer autour de la mer Noire et en Amérique latine—greniers à blé de la planète. 

En Chine et hors de Chine, d’énormes fermes se développent avec participation chinoise, tel l’élevage de 100.000 vaches près de Mudanjiang, destiné en partie à sustenter en lait la Russie, en dépit de l’embargo occidental. À Ma’anshan (Anhui), une JV entre Hanswine et le français Grimaud va produire 3 millions de porcs de haute qualité par an, sous 5 ans. 

Pour 500 millions de dollars, le thaï Charoen Pokphand, soutenu par Temasek (bras financier de Singapour) veut produire dans le Jilin 300.000 porcs par an pour export. En Sibérie transbaïkale, Hua Xiban reprend pour 49 ans 115.000 hectares, moyennant 390 millions d’investissements. La récolte (colza, luzerne, viande) ira aux marchés locaux. En cas de succès en 2018, il recevra 85.000ha supplémentaires – à la grande inquiétude de l’opinion russe qui voit la Chine surpeuplée loucher sur sa Sibérie déserte…

Autre axe de réforme verte : l’environnement et le plan de l’ONU de baisse de l’empreinte carbone, contre le réchauffement global. Dans cette perspective, la Chine a remis ses offres, lesquelles ont d’évidentes conséquences pour l’agriculture. 

Dans ses directives du 27 mai, le ministère prétend éliminer toute pollution agricole d’ici 2030, et ceci moyennant de forts progrès en agronomie et mécanisation. Pour 2015, 4238 projets de culture, d’élevage et de transformation agroalimentaire se partageront 806 millions de $, complétés par 2,2 milliards des provinces et surtout, des banques et du privé.

Dès 2020, l’irrigation doit gagner 5% en efficacité et se plafonner à 372 milliards de m2 ; engrais et pesticides chimiques doivent céder la place à des substituts biologiques. En 2014, la Chine épandait 59 millions de tonnes d’engrais chimiques, à une intensité quadruple de l’Europe. Un fort programme de jachère et de reforestation est aussi en route, accompagné de primes, pour laisser des sols épuisés, se reconstituer. 

Enfin, un intéressant axe de développement est l’internet. Sur 700 millions d’habitants de la Chine verte, 200 millions sont connectés à l’internet, y compris au Yunnan, les producteurs de café directement branchés sur la bourse de Chicago qui détermine leurs prix de vente. En 2014, les ventes agricoles en ligne ne faisaient que 16 milliards de dollars et 3% du marché. Toutefois, elles seront amenées à exploser les prochaines années grâce aux 4000 sites chinois de vente directe, 31 000 compagnies de services (dont Alibaba qui prépare un site spécialisé à 1,2 milliard de dollars). De même, en levant des fonds sur internet, des groupes mondiaux comme Carlyle ou Blackstone financent de grosses fermes en Chine (600 millions de $ par Blackstone sur une exploitation dans le Shandong). 

L’internet est aussi de plus en plus puissant et présent dans la formation, ainsi que la fourniture de solutions aux éleveurs et producteurs spéculatifs : c’est pour le paysan chinois l’évidente imminente chance d’un nouveau départ.

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