Sport : Alain Perrin, la nouvelle donne du onze chinois

Depuis début 2014, le Français Alain Perrin, 58 ans, est à la barre d’un navire de tous les dangers, recruté (parmi 40 candidats) en tant que sélectionneur et entraineur de l’équipe nationale chinoise masculine de football. Plus d’un an de travail porte déjà ses fruits, ayant conduit le « onze » national jusqu’en quarts de finale de la Coupe d’Asie 2015 (ce qui ne s’était plus vu depuis 2004). Le Vent de la Chine est allé à sa rencontre.

Comment êtes-vous arrivé en Chine ?
Depuis 10 ans, je rêvais d’Asie, mais ce n’est qu’en novembre 2013, à l’issue de mon contrat au Qatar que j’ai pu réaliser cette envie. J’avais plusieurs offres, en Tunisie notamment, mais c’est la Chine qui m’attirait. Avec l’aide d’intermédiaires, je me suis présenté à la China Football Association (CFA) qui cherchait à remplacer l’espagnol José Camacho. D’abord interviewé avec les autres Européens à Francfort, puis à Pékin un mois plus tard, j’étais officiellement nommé fin février 2014. 

Sur quels critères, la CFA vous a-t-elle choisi ?
À mon profil d’éducateur-formateur, passé de petits clubs tels Troyes ou Nancy, à de grands tels Marseille ou Lyon. Je crois que la CFA a été sensible à ma capacité à faire progresser les joueurs. Car ce onze chinois a un très riche potentiel, dynamique, discipliné, volontaire, enthousiaste dans l’attaque. 

Et qu’est ce qui leur manque ?
Leur handicap majeur est l’absence de formation dès l’enfance, d’années d’entraînement, de compétitions et même de formation physique. Ils ont aussi le culte du héros de kung-fu, « du grand raid individuel ». Ils ont une carence en jeu collectif et en défense. 

Comment avez-vous sélectionné vos joueurs ?
J’ai beaucoup pris l’avion pour suivre 80 matchs de Super League chinoise avec un regard neuf, sans a priori. J’ai changé la moitié des joueurs, en pensant à une alchimie : comment associer tel et tel pour qu’ensemble ils se fondent en une équipe. Car on ne compose pas un « 11 » national comme un club. Pour jouer à l’international, il faut à la fois un physique hors pair et la rage de vaincre.

Et votre staff ?
A l’inverse de mon prédécesseur, j’ai opté pour une équipe binationale. En plus d’un assistant interprète, j’ai à mes côtés deux entraineurs français et deux Chinois dont un ex-international, aux plus de 80 sélections – pour les joueurs, il est le « grand frère ». Je planifie la programmation des entraînements, mais ce sont mes adjoints qui animent, même si je suis tout le temps sur le terrain. Je ne me considère pas comme un entraineur sévère, mais plutôt directif.

Que pensez-vous de vos joueurs ?
Il ne s’agit pas de les rendre « deux fois meilleurs », mais d’apporter les 5% de « réglages » en plus, qui feront la différence. Je dois compenser le fait qu’à l’inverse des Japonais ou Coréens du Sud déjà beaucoup plus mondialisés, aucun de mes joueurs ne joue hors frontières, ni n’a d’expérience internationale. Je dois leur apprendre à compter les uns sur les autres, à encourager la créativité sur le terrain, et les réflexes de prise de responsabilité collective.

Le foot chinois a souffert de nombreux scandales : matchs truqués, corruption…
Oui, les 15 dernières années ont été houleuses pour la CFA, avec arbitres vendus et petits arrangements entre amis, et du coup, le public s’est détourné des stades. Mais le grand nettoyage a été fait, et les contrôles sont là. 

Comment se passent vos rapports avec l’administration ?
Plutôt bien, et en confiance. Malgré une certaine lenteur et lourdeur administrative, la nouvelle équipe dirigeante a conscience de ses faiblesses et a une véritable volonté de changer les choses. A ma demande, pour la première fois, l’entraineur a un bureau à la CFA. Depuis janvier, la CFA doit devenir indépendante de la Commission Nationale des Sports. Dès à présent, elle recrute librement des professionnels du football. Et puis, il y a le programme, lancé sous l’impulsion du Président Xi Jinping, de formation au football dans 20 000 écoles d’ici 2017. Les résultats seront là dans 10 ans. Mais l’équipe nationale sera la meilleure locomotive du changement !

Comment vivez-vous le poids qui pèse sur vos épaules ?
Ma mission est de décrocher le billet pour la Coupe du Monde 2018 en Russie. Les adversaires dans notre poule (Hong Kong, Bhoutan, Maldives, Qatar) sont à notre portée. Mais je relativise : je travaille comme si j’allais rester dix ans, tout en sachant que je peux plier bagages dans quelques mois. C’est le jeu. 

Que penser de l’engouement des magnats chinois pour les clubs européens (Wanda achète 20% de l’Atlético Madrid*, Ledus, 100% du FC Sochaux) ? Je pense que ce sera positif pour ces clubs. De plus, cela favorisera les échanges (formations, joueurs) entre Europe et Chine. 

Un commentaire sur le onze féminin, qui s’est hissée en quart de finale de la Coupe du Monde 2015 ?
Le résultat force l’admiration. Le fossé de niveau avec l’équipe masculine peut s’expliquer par l’intérêt assez récent des nations pour le foot féminin, le niveau est donc plus homogène.

Merci Alain !

Prochains matchs amicaux de l’équipe nationale contre la Corée du Sud (2 août), Corée du Nord (5 août) et contre le Japon le 9 août à Wuhan.

*Le 4 août à Shanghai, match amical entre Atlético de Madrid et le Shanghai SIPG

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