Environnement : Solar Impulse 2 – L’avion sans fuel, sous ciel chinois

Il a belle allure, ce Solar Impulse 2, sous son hangar à l’aéroport international de Nankin (Jiangsu), avec ses 4 moteurs électriques, son aile de 72m en fibre de carbone, plus large qu’un Boeing 747, mais ne pesant que 2,3 tonnes (dont 30% de batteries). 

Ce géant de l’hyper léger, projet suisse, parti le 9 mars d’Abu Dhabi, pour un tour du monde, en solitaire, en 12 étapes, a fait escale à Nankin, après Chongqing, le temps d’une révision des 150 heures et de présentation aux autorités politiques et scientifiques. 

Le message des pilotes suisses Bertrand Piccard et André Borschberg, premiers promoteurs de cette grande aventure, est clair : l’objectif n’est pas de commercialiser un tel prototype, mais de sensibiliser le public tout au long de son périple, aux énergies renouvelables.
Les technologies développées par l’équipe et les matériaux composites, peuvent être les vecteurs d’une économie décarbonisée du futur. Si leur utilisation se développait à travers la planète, ils réduiraient de moitié l’empreinte carbone, repoussant ainsi la menace du réchauffement climatique. 

La Chine aura droit à la visite la plus longue du SI 2 (prolongée par les aléas météo) : 5 semaines au moins. Pour les organisateurs, cette priorité est justifiée par les très lourdes émissions de CO2 en Chine (30% du total mondial), mais aussi par l’évidente volonté du pays de s’en sortir—un pays en passe de devenir n°1 des énergies renouvelables. 

Sur les flancs de l’appareil, en plus de sponsors tels Schindler, Solvay, ABB ou Omega, est cité l’auteur technique du SI 2, la prestigieuse EPFL, école polytechnique fédérale de Lausanne. 

Il y a des années, Piccard, 3ème d’une lignée d’explorateurs, avait lancé l’idée de SI, rejoint par Borschberg, ancien pilote de l’armée suisse. La mise au point des deux prototypes fut émaillée de problèmes inédits dans l’histoire de l’aviation. 

Pour accumuler l’énergie solaire, le SI 2 doit voler de jour à 9500m, comme les vols commerciaux, mais sans pressurisation ni chauffage (problèmes résolus par respiration oxygène et combinaisons thermiques). Et de nuit, sur batterie, il doit descendre lentement à 4500m – 2500m, pour épargner l’énergie. Autre souci, le mental du pilote, seul à bord pour tout régler : navigation, repas, somme. 

A terre, un centre de 40 personnes à Monaco détermine les « fenêtres de tir » (de beau temps annoncé sur tout le parcours) où l’avion peut partir, et trace le cap, guide le pilote, gère ses brefs temps de récupération (20 minutes tous les 3-4h), tandis qu’un stabilisateur de vol tient le cap. 

Le 25 avril à Nankin, face à un parterre d’hôtes de marque, J.J. de Dardel, ambassadeur de Suisse, voyait dans SI 2 une « légende en train de naître », susceptible d’alimenter les rêves de la jeunesse de demain. Tandis que B. Piccard rappela l’intérêt vif des autorités chinoises pour le SI 2, telle la CAST, Académie nationale de l’aéronautique, déterminante pour l’obtention des permis.

A vrai dire, le soutien chinois n’a pas toujours été sans faille : l’aéroport de Chongqing a longtemps bloqué, peut-être du fait d’une administration soucieuse d’éviter de se faire remarquer, en pleine tourmente de la campagne anticorruption…

Solar Impulse TrajetLe 5 mai, A. Borschberg, aux manettes du SI 2, repartira pour son vol le plus long, 5 jours et 5 nuits de traversée du Pacifique jusqu’à Hawaï.
Ce sera l’étape de tous les dangers et impondérables, tel le risque météo : à 120 heures de vol, la prévision devient aléatoire. Le risque principal est d’ordre biologique : toutes les bases de données médicales sont vides d’information sur la tolérance de l’organisme humain, confronté chaque 12 heures à une descente et à une remontée de 7000m, couplée à un régime de sommeil minimal. 

A peine le SI 2 décollé, les 70 hommes de l’équipe partiront avec leur ATR-72 turbopropulseur, pour Hawaï où ils monteront la tente-hangar de protection. 

Depuis le début de l’aventure, se sont succédé les incidents, tantôt tendus, tantôt drôles, telle cette approche finale sur Chongqing où Piccard, en avance sur l’horaire, avait dû faire demi-tour. Mais à 100km/h, le vent de face était si fort, qu’il faisait reculer le SI 2, en vitesse relative négative. Sentant quelque chose d’anormal, la tour de contrôle demanda au pilote : « quelle est votre vitesse ? » Réponse : « 20 nœuds négatifs » (38 km/h en marche arrière).
S’ensuivit un silence embarrassé du contrôleur qui trahit son désarroi par une question absurde, « Besoin d’aide ? » – comme si quiconque, en cas d’urgence, eût été en état de soutenir l’appareil à la dérive…

Qu’adviendra-t-il après ce tour du monde, du Solar Impulse 2 ? Est-il possible que l’équipe volontaire se disperse, laissant chacun passer à autre chose ? « Nous n’avons pas de projet arrêté, nous confie un membre, mais on y réfléchit ». 

Une idée circule, plus folle encore : un nouvel avion à deux pilotes, pour un nouveau tour du monde – cette fois sans aucune escale !
Ce serait là le défi ultime, à exacerber les rêves de tous les aventuriers de la planète, et qui ouvrirait directement la voie à une technologie inimaginable, celle d’un « plus lourd que l’air », libéré du besoin de se poser !

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