Petit Peuple : La mariée était trop belle… (1ère partie)

C’est sans doute à Shenyang en 2003 (mais ni la date, ni le lieu ne peuvent être tenus pour sûrs, vu le secret qui entoure l’affaire), que Hong Lanping, de retour de Corée du Sud, rencontra Jian Feng, jeune homme de bonne famille qui voulait se 

Comme elle était d’une beauté ineffable et à couper le souffle, l’affaire fut vite conclue. Le grand mariage eut lieu dans un hôtel 5 étoiles. Puis, le couple emménagea, et se mit à la tâche de faire l’enfant ou plutôt les enfants : Jian paya sans sourciller plus d’un million de yuans d’amende pour les deux héritiers de plus que n’autorisait le planning familial.

Les premières années, à en croire le mari (le seul qui parle, dans cette curieuse affaire), l’union avait été heureuse, sans histoire. Les premiers nuages vinrent s’amasser au-dessus du berceau de l’aîné : partagé entre la peine et la stupéfaction, le père ne parvenait pas à tolérer le visage disgracieux. Il parvint encore à se contenir – après tout, sa femme avait rempli le contrat en lui donnant un fils. 

Mais à peine née la cadette, il explosa : le poupon était à son avis, d’une incroyable laideur ! La jeune maman eut beau lui expliquer que tout s’arrangerait avec le temps, que les traits fripés du visage étaient chose normale chez les nourrissons. Jian Feng rétorqua que l’aîné, à 3 ans révolus, n’était toujours pas présentable aux amis – au risque de faire mourir de honte les grands-parents. 

Dès lors s’accumulèrent railleries et aigres reproches. Jian se sentait volé d’avoir payé l’exorbitante taxe pour de tels laiderons, et de devoir subir cette permanente insulte visuelle. Et l’arrivée d’un petit dernier aussi hideux que les autres n’arrangea rien . Chaque fois qu’il posait le regard sur l’un ou l’autre de ses marmots, le malheureux levait les bras au ciel, soupirait, et ses pensées oscillaient du meurtre au suicide. 

Fait insolite, suspect même, aucun de ces petits ne soutenait la moindre ressemblance avec lui, ni elle, ni leurs parents : c’était la preuve que Hong avait dû fauter, non ? Jian bien sûr, lui-même d’une beauté incontestable, était génétiquement incapable de produire des modèles aussi ratés de l’espèce humaine ! De ce pas, il traîna sa femme et ses trois petits, fruits du nid de coucou, à l’hôpital, pour leur faire subir à tous un test ADN, brandir à la face du ciel la preuve de la faute de celle qu’il regrettait amèrement d’avoir épousée ! Seulement voilà, deux semaines plus tard, le ciel s’effondra sur sa tête quand la réponse du laboratoire tomba et dissipa tous les doutes sur sa paternité : oui, c’étaient bien ses enfants, et hélas oui, Hong ne lui avait été que trop fidèle ! 

Heureusement pour lui, le papa dévasté eut la présence d’esprit, l’éclair de génie de se rappeler comment, depuis toutes ces années, la jeune femme acceptait les remar-ques désobligeantes, faisant preuve d’une patience suspecte, acceptant d’être le souffre-douleur de son mari. 

A nos yeux de juges impartiaux, Hong Lanping tentait évidemment, avec douleur héroïque, de sauver son couple. Mais aux yeux malades du mari c’était la preuve évidente qu’elle avait des choses à se reprocher. 

Dès lors, il soumit jour et nuit sa compagne à un feu roulant de questions. Et Hong, sous un mécanisme psychologique vicieux, mais hélas bien connu de complicité avec son bourreau, finit par coopérer et lui dire ce qu’il attendait. Elle avoua son crime, qui était d’avoir été laide, et d’avoir voulu échapper à ce destin, cherchant comme un petit oiseau, à « se poser sur l’arbre bourgeonnant plutôt que sur le mort » ( 集苑集枯, jí yuàn jí kū). 

Quand elle avait rencontré Jian Feng, elle venait de sortir d’une suite d’opérations qui lui avaient remodelé le visage et le corps – comme le font trois millions d’autres Chinois et Chinoises chaque année. Le bon docteur Kim, à Séoul, lui avait regonflé la poitrine, raboté la cloison nasale et le menton, remplumé les joues, enrichi les sourcils, et retendu le visage d’une peau de lis. Il avait fait d’elle le resplendissant diamant taillé qu’elle était désormais, extraite de la gangue grossière dans laquelle elle était née. Il lui en avait coûté 620.000 ¥. Et qu’y pouvait-elle, si malgré toutes ses prières, elle n’avait pu transmettre à leurs enfants cette perfection physique qu’elle s’était conquise au prix de tant de maux ? Elle en était désolée, mais si Jian Feng ne voulait plus d’elle, elle était prête à lui rendre sa liberté ! 

Loin d’être ému par le déchirant aveu de son épouse, Jian Feng se promit de l’enfoncer davantage, de la faire retourner dans son passé, et n’en resta pas là, bien décidé à obtenir réparation… 

La suite dans le prochain numéro du Vent de la Chine !

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