La campagne de Dongguan (Guangdong) le 10/02 contre la prostitution, prend son envol, élargie à une lutte contre les « 3 vices » (avec la drogue et les jeux). Elle rappelle celle des « 6 vices » lancée sous Jiang Zemin fin 1989 par les réformateurs qui souhaitaient mettre une sourdine à la répression succédant au Printemps de Pékin. Tel est peut-être ici aussi, le but inavoué de la dernière action sécuritaire.
Au 17/02, 8 provinces avaient fermé des milliers de karaokés et salons de massage, causant des centaines d’arrestations. D’autres réitérèrent d’antiques interdictions, celle des banquets de plus de « 4 plats une soupe » (四菜一汤, sì cài yī tāng) ou l’entretien de maîtresses. Des policiers furent démis de leurs fonctions, des secrétaires du Parti firent leur autocritique. Nie Huihua, chercheur à l’université Renda, énonce le palmarès des lieux plus corrompus (Fujian, Guizhou, Zhejiang) et des plus honnêtes (Pékin, Shanghai, le Tibet).
Pas un secteur n’en sort indemne : l’APL confisque 29.000 voitures et 27.000 logements, abusivement offerts aux proches des officiers. La corporation des Trois Gorges est accusée de multiples abus. Les cadres universitaires voient dévoilées leurs activités illégales de ventes de diplômes, d’entrées à l’université, de plagiats…Tandis que le ministère du Commerce se retrouve mouillé par des centaines de cas de népotisme et abus de pouvoir – le ministre du Commerce Gao Hucheng « accepte les critiques ». Jusqu’à la police anti-corruption elle-même, se flagelle : deux de ses superflics sont congédiés, exclus du Parti et déférés à la justice ordinaire pour avoir tué (chacun) une personne au volant, en état d’ivresse.
Chen Jianghe, cadre du Henan, prend la perpétuité après divers détournements. Ji Wenlin, vice-gouverneur de Hainan et dernier secrétaire de Zhou Yongkang, est mis sous enquête.
De même Liu Han, au Sichuan (longtemps le fief de Zhou Yongkang) est mis en examen pour agissements criminels mafieux. Liu était la 48ème fortune chinoise en 2012, et notoirement proche de Zhou. Toute cette campagne des 3 vices pourrait donc en fait viser la relance d’un procès contre celui qui avait été le patron de la Sécurité publique pendant 10 ans.
Tout ceci ressemblerait à un remake de campagnes de Mao, s’il n’y avait ce détail incongru : la campagne des 3 vices est vivement dénigrée. Le Sud n’accepte pas de se faire pointer du doigt par le Nord, et une certaine jeunesse en quête de libertés et d’identité propre, dénonce l’hypocrisie des censeurs : pourquoi tolérer les frasques sexuelles des dirigeants et frapper en même temps ces filles contraintes à la prostitution, par pauvreté ? (cf. illustration, caricature anonyme). Une partie de l’opinion accepte de moins en moins de se laisser dicter ses valeurs par un pouvoir qui s’en dispense lui-même.
En marge de cette effervescence, l’Etat tente d’aller de l’avant dans la poursuite de la réforme. Li Keqiang, le 1er ministre, interdit aux cadres de dissimuler leur corruption derrière le « secret d’Etat ». Les autorités anti-trust ont recruté 170 cadres pour vérifier la politique de tarification des consortia, publics comme étrangers. Xi Jinping annonce aussi l’adoption à travers le pays d’un système statistique international… Autant d’efforts de l’Etat pour ne pas seulement jouer au gendarme, mais aussi poursuivre la réforme.
Sommaire N° 8