Petit Peuple : Yancheng : vent de panique à la banque (2ème partie)

Résumé de la première partie :  Le 24 mars, à Sheyang (Jiangsu), le fermier Miao Dongmei arrive en tricycle à essence devant le siège de la banque municipale pour tenter de retirer son argent. Il y retrouve des milliers d’autres épargnants en train de faire la queue dans la rue, poussés par la rumeur d’une faillite. Mais fait inouï, la banque reste ouverte jusqu’au beau milieu de la nuit…

Nul ne pouvait manquer de remarquer cet agent de change en costume trois pièces, un peu bedonnant qui faisait les cent pas le long du trottoir. « L’agence resterait ouverte toute la nuit si nécessaire, criait-il, et personne ne repartirait les mains vides… Les menteurs qui répandent la rumeur d’une faillite seraient débusqués et punis ! La banque municipale est tout ce qu’il y a de plus officiel, garantie par le gouvernement ». 

« Avec ses 44 agences et ses 12 milliards de yuans de dépôts, s’égosillait l’homme dans son mégaphone, elle est le contraire d’une maison d’aventuriers ou de charlatans ! ». « Et si vous voulez le précieux avis d’un directeur de banque, martelait-il, rentrez chez vous et faites confiance à la banque, en laissant vos sous au chaud derrière nos murs ! ». L’argent y serait plus en sûreté que sous le matelas ou caché dans un trou du mur de la grange—un vieux truc que tous les cambrioleurs, même débutants, connaissent bien ! A ces derniers mots, plusieurs, dans la foule, devenaient pâles, et saisissaient furtivement leurs smartphones pour appeler leurs femmes, et changer de planque…
Dans cette ambiance déjantée, le pauvre fermier Miao Dongmei ne savait plus que croire, ni à quel saint se vouer. 

La banque cependant, et tout ce que la ville comptait de cadres du Parti, étaient mobilisés pour lutter pied à pied contre la rumeur.
Chaque demi-heure, ostensiblement, un camion blindé de transports de fonds s’arrêtait, et sous la protection des gardes à mitraillettes et gilets pare-balles, débarquait de lourds sacs de numéraires vers les guichets, histoire d’alimenter l’insatiable faim du monstre faisant la file. 

Aux fenêtres derrière les barreaux, des employés montaient des grandes piles en « pavés » roses de billets de 100 yuans (cf photo). En face, de l’autre côté de la rue du Peuple, la China Construction Bank, la grande sœur nationale de la « Banque rurale municilae de Sheyang », faisait défiler sur son panneau électronique le message : « la Rurale Commerciale de Sheyang est une banque légale approuvée par l’Etat, juste comme nous »…

Toutes ces précautions finirent par apaiser les angoisses de Miao. Vers 21 heures, il finit par héler un de ces badauds trainant sur la place. Pour quelques yuans, il lui fit garder sa place, puis s’en alla chercher son ami Jin Wenjun, le petit marchand dont l’échoppe jouxtait la banque. 

Puis, Miao retrouva l’homme dans la queue, et convinrent que quand il serait proche de la guichet, il appellerait Jin, qui lui remettrait alors 30 yuans. Miao remit à son ami son permis de résidence et son carnet de dépôts. Puis remontant sur son tricycle, il s’en alla en pétaradant, satisfait d’avoir pu se libérer : au village à ce moment-même, un boucher et ses apprentis tuaient le cochon, faisait les salaisons et jambons, et Miao s’en serait voulu de ne pas être de cette fête-là ! 
À minuit 10, Jin put récupérer les 95.000 yuans attendus par Miao, et passa un coup de fil au village pour le rassurer. A la banque, sur ces entrefaites, les banquiers poursuivaient leur tâche, impavides, pour servir la queue d’une bonne centaine de mètres qui attendait devant eux. 

Il en fallut bien plus pour dissiper les peurs de la région : le lendemain, d’autres milliers de déposants vinrent à Sheyang et à Huang (une autre banque avait été victime du soupçon de banqueroute) récupérer leurs avoirs, asséchant ainsi les banques de quelques milliards de yuans de crédit, que le trésor public renflouait en permanence.
La victoire décisive contre l’hydre de la peur, fut remportée le surlendemain, quand la police remonta jusqu’à l’auteur initial de la rumeur. L’homme fut paradé à travers la ville, un panneau infamant autour du cou, l’accusant de « s’amuser à semer le vent » (yùshì shēngfēng , 遇事生风). 

Puis il dut encore avouer son forfait devant les écrans de la télé locale, avant d’aller en prison dans l’attente d’un procès dont le verdict promet d’être aussi expéditif que salé ! Causée par sa langue trop bien pendue, cette mésaventure avait coûté une fortune au gouvernement provincial, qui ne tenait pas à encourager ce genre de plaisanterie.
C’est ainsi que face à cette accumulation de preuves, même les paysans les plus méfiants envers le système public, finirent par se disperser et rentrer chez eux, remisant leur méfiance atavique envers l’Etat – jusqu’à la prochaine fois !

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