Le Vent de la Chine Numéro 18

du 3 au 9 mai 2014

Editorial : Violence ouïghoure – un pas de plus !

Le dernier attentat ouïghour eut lieu le 30 avril 2014 au soir, en gare d’Urumqi. Selon Xinhua, deux hommes décrits par la presse comme « extrémistes religieux » ont attaqué les voyageurs sortant du train de Chengdu. À l’aveugle, ils en ont blessé 79 au couteau, avant de se faire exploser, emportant dans la mort un passant. 48h plus tard, la police parvint à mettre un nom sur l’un des deux : Sedirdin Sawut, 39 ans, d’Aksu (Sud du Xinjiang). Elle offre jusqu’à 100,000 yuans par « tuyaux » sur l’autre attaquant et sur 10 proches de Sawut – son père, son beau-père, son épouse, tous en fuite. R. Pantucci, analyste d’un institut londonien, voit dans cette mise à prix un signe de la frustration de l’équipe au pouvoir, démunie face à la pauvreté de son information.

Pour Xi Jinping qui achevait quatre jours de visite au Xinjiang, le coup est dur. Xi était venu préparer une nouvelle politique plus dure pour ce territoire rebelle, à annoncer en juin.Tout en promettant davantage de prospérité aux Ouïghours respectueux de la loi, il venait de marteler l’objectif d’éradiquer le terrorisme par un effort vigilant : « en suant plus à l’entraînement, on perdrait moins de sang dans l’affrontement ». Aux manières « insidieuses » des terroristes devaient être opposées des « actions fermes à chaque seconde ». Le pays entier avait vu, à la télévision, quelques policiers anti-émeutes répondre en criant pour démontrer leur capacité opérationnelle immédiate… Aussi quelques heures plus tard, quoique censurée, la rumeur de l’attentat affectait en profondeur cette image voulue d’un régime maîtrisant la situation.

Evolution inquiétante : le terrorisme ouighour semble s’installer en Chine à long terme. Le mode opératoire d’Urumqi est le même qu’à Kunming (Yunnan, 02/03, 29 morts, 143 blessés) : même lieu, mêmes armes, même frappe aveugle et kamikaze. Certes, ce modèle de l’intifada (« guerre sainte ») existait depuis 20 ans au Xinjiang, mais à la fin des années 2000, il restait un signe de ralliement ethnique, davantage pour frapper les esprits, que les vies. Maintenant, on est passé à une autre étape, ultraviolente et désespérée. Et ce terrorisme-là prouve sa résilience, capable de déjouer les efforts de services secrets efficaces, pour frapper quand et où il veut.

Pourquoi la nouvelle équipe au pouvoir n’a-t-elle pas profité de son arrivée début 2013, pour remettre en cause une politique toujours plus dure au fil des années, et qui n’entraîne que l’escalade ? Après tout, Xi Jinping concède beaucoup, et semble prêt à remettre en cause des dogmes anciens, bien plus importants—tel l’impunité des hauts cadres corrompus. Face au Tibet, par exemple, en 2013, il avait semblé au bord d’un tournant vers plus de tolérance : les bruits avaient filtré d’un relâchement de la censure, et de l’affichage de photos du Dalai Lama dans les monastères. Puis après quelques jours, un communiqué de Xinhua avait sèchement mis un terme à l’éphémère expérience : « la politique à l’égard du Tibet reste inchangée ». 

Mais après 15 mois de pouvoir, face à des oppositions fortes et multiples, Xi doit choisir ses priorités. La plus importante est l‘économie : le terrain où il peut réunir le plus de consensus, et où il doit briser le pouvoir des grandes familles historiques. Ainsi, d’autres réformes comme celle des politiques des minorités, doivent attendre. Le drame est qu’une majorité ouighoure semble avoir depuis longtemps perdu patience, et confiance dans la capacité de l’Etat à prendre en compte leurs attentes.


Sport : Elixir de jeunesse pour le football chinois

Grand fan de football, Xi Jinping fait une tentative pour arracher le football chinois à 20 ans de descente aux enfers, sous l’angle des résultats internationaux et de la fréquentation-fruit d’une corruption galopante et de matchs truqués. Durant son récent voyage en Europe, il a rencontré et encouragé en France Alain Perrinnouvel entraîneur du « Onze » national, et renouvelé son souhait, en Allemagne, puis aux Pays-Bas, de voir les jeunes renouer avec le ballon rond (cf photo). C’est pour soutenir le programme mixte de la CFA (Chinese Football Association) et du ministère de l’Education, pour relancer le football dans les écoles – un plan signé Cai Zhenhua, un champion de tennis de table nommé en février à la tête de la CFA, à 53 ans.

Car le bilan est sombre. A Pékin, le désamour envers le « sport du sifflet noir » (aux arbitres vénaux) fait que fin 2013, seulement 20% des 1148 écoles et collèges étaient équipées d’un terrain de foot –  privilégiant des sports tels que le basket, ping-pong ou badminton… Plus de 1000 postes de professeurs d’éducation physique étaient à pourvoir, faute de vocation, et même du statut officiel d’enseignant. Un constat que partagent toutes les villes chinoises.

Le plan est d’assurer aux enseignants d’EPS le statut égal –en salaire, avantages sociaux, et plan de carrière. De même, d’ici 2016, toute école publique devra disposer d’au moins un terrain de mini-foot à cinq joueurs, et la CFA va introduire dans le système scolaire une ligue en 4 divisions, du primaire à l’université sera créée avec la CFA. Autre mesure forte : d’ici 2016, le football devient une matière obligatoire (théorie et entrainement) dans 5000 écoles. Enfin, à Pékin, en plus de la course et du lancer de balle, les élèves devront choisir entre le football, le volley ou le basket à l’examen du Zhongkao (中考, le brevet chinois), dès 2016.

Un tel traitement de choc devraient, selon ses auteurs, inverser l’hémorragie des jeunes joueurs licenciés, de 600.000 en 1995 à moins du tiers ces dernières années. Avec ces nouvelles mesures, les autorités espèrent en attirer 500 000 dès 2017, et 1 million en 2022. 

David Beckham Deux Jeunes Representants Xinjiang Football AssociationDavid Beckham, ancien ambassadeur de la Chinese Super League (CSL, ligue nationale), venait le 21 avril à Pékin soutenir le nouveau départ en inaugurant un fonds de 3 millions de yuans, de soutien aux vocations, avec priorité aux écoles du  Xinjiang - seule région où ce sport n’est pas frappé par la désaffection de la jeunesse.

Bien d’autres prestigieux acteurs internationaux viennent apporter leur concours. En décembre 2013, la Premier League anglaise s’engageait à conseiller la CSL, ses clubs et la CFA, à travers une série de séminaires et ateliers. En échange, la Premier League gagnait en visibilité en Chine, et renforçait son image de ligue étrangère préférée des Chinois, devant la Liga espagnole ( lien en anglais).

Evergrande Footballs SchoolDe même, le Real Madrid, 4ème club préféré en Chine, envoie plus de 20 entraineurs à l’école de Football (cf photo) créée en 2012 par l’actuel leader de la ligue chinoise, le  Guangzhou Evergrande, en partenariat avec la South China Normal University. Le Real supervise aussi le cursus « sport-études » de l’école, qui accueille 2200 garçons et 100 filles de 9 à 16 ans, moyennant un écolage de 35.000 yuans l’année. Plus grande structure de ce genre en Chine voire au monde, elle dispose de 50 terrains (30 autres construction), d’un stade, d’une piscine extérieure, de courts de tennis… En novembre 2013, l’école signait un partenariat avec l’Université Renmin à Pékin, pour disséminer d’autres écoles similaires, visant 10 000 élèves. 

Li Huitang

En septembre 2013, c’était au club du Guangzhou R&F (n°5 au Championnat), de créer son école pour 500 millions de yuans, avec le Chelsea FC, à Meizhou, à 380km de Canton, sélectionnant 140 élèves de 8 à 12 ans. Le choix de cette ville est guidé par l’histoire : c’est là-bas, en 1873 que le football aurait été introduit en Chine par des missionnaires allemands. Ayant vu grandir quelques meilleurs joueurs chinois du XXème siècle, dont le légendaire Li Huitang (cf photo), Meizhou reçut en 1956 le titre de « capitale du foot » de la Commission Nationale des Sports. Plus tard, la ville perdit de son rayonnement… Ce qui n’empêche au ballon rond d’y demeurer son sport préféré, avec plus de 170 terrains et 2000 équipes. Le Guangzhou R&F compte sur cette pépinière pour dénicher des talents !

Enfin, ne ratons pas le 2 août prochain à Pékin, le Trophée des Champions, organisé par la Ligue française de Football Professionnel pour la première fois en Asie. Il sera disputé par le PSG (en tournée asiatique cet été, pour notamment inaugurer une académie à Singapour) et le club breton EA Guingamp. L’équivalent italien du Trophée le talonnera le 23 août – déjà organisé 3 fois en Chine – et le Trophée espagnol est également sur les rangs. Autant de clubs et de Trophées grandioses, pour donner aux équipes chinoises l’émulation et les modèles nécessaires pour déployer un football à la hauteur de puissances asiatiques comme la Corée ou Japon. 


Religion : Eglise et PCC : une conflagration perceptible

Chinois comme étrangers, les observateurs ont étroitement suivi le bras de fer fin mars à Sanjiang (Zhejiang, près de Wenzhou) entre des centaines de policiers et des chrétiens protestants, visant à détruire leur temple flambant neuf. Le conflit était à l’hauteur de la dimension de l’édifice, 12000m², au lieu des 1800m² du permis de construire. La province invoquait des « risques de sécurité ». 

Bien sûr, il s’agissait de toute autre chose. Jusque il n’y a pas si longtemps à Sanjiang, les rapports entre fidèles et pouvoir étaient bons : la paroisse vivait sous l’autorité de l’église patriotique officielle, et le bâtiment avait été classé en septembre «projet modèle». Le problème tenait à la taille du bâtiment autorisé, très en deçà des besoins. Il comptait 1800 places, comme le temple précédent, lequel chaque dimanche refusait du monde, sans parler des jours de fêtes ! Aussi les architectes de la paroisse avaient agrandi le chantier, faisant fi des interdictions et avertissements de la mairie, pour atteindre une capacité de 5000 personnes (cf photo) au coût de 30 millions de ¥. 

La crise éclata en mars quand Xia Baolong, le secrétaire provincial vint en visite. Il fut catastrophé, tant par les 8 étages que par l’annexe orgueilleuse et par l’immense croix déployée à 70m de hauteur. Le 3 avril, la province donnait 15 jours de délai avant de procéder à la démolition. Ningbo (le chef-lieu) réagissait en condamnant les temples de trois autres villes. Les paysans montèrent alors par milliers pour défendre leurs sanctuaires. Mais rien n’y fit, le 18 avril, à l’issue de l’ultimatum, la police armée fit converger des milliers d’hommes anti-émeutes en soutien de véhicules lourds de démolition. Pied à pied, le combat se poursuivit : 10 jours plus tard, de l’orgueilleux sanctuaire, ne restaient plus que quelques piliers de béton (photo avant destruction) et cinq fonctionnaires voyaient débuter contre eux une enquête disciplinaire. 

Catholiques De L'ombre

Cette brusque démonstration d’autorité survient après 30 ans de tolérance observée dans la région : les églises, même immenses, s’érigeaient dans la nuit, avec ou sans permis, par des communautés enregistrées ou non. Et Ningbo fermait les yeux, pour constater un beau jour que son territoire commencer à ressembler davantage au Vatican qu’à la RP de Chine, mettant en cause la primauté du Parti et menaçant la carrière du cadre responsable. 

Ce que cet incident traduit sur le fond est un retour irrésistible de la pratique religieuse en Chine. Une étude surprenante vient d’être publiée, du professeur Fenggang Yang, de l’université de Purdue (Indiana, USA) : basée sur différents sondages officiels et privés, elle recense 58 millions de protestants en Chine en 2010, et 11 millions de catholiques, faisant du pays la 7ème nation chrétienne au monde. Mais avec le rythme des conversions et l’attractivité de la foi, la Chine atteindrait la 1ère place d’ici 2030, avec 247 millions de fidèles, loin devant les Etats-Unis, le Brésil, le Mexique et la Russie !

La Chine socialiste nie vigoureusement, s’en tenant à son propre chiffre de 25 millions pour toute la communauté chrétienne, mais ce chiffre est invraisemblable, ne tenant notamment pas compte des églises de l’ombre et des cultes à domicile, qui pourraient représenter la majorité des fidèles—ceux refusant l’influence de l’Etat sur les sermons, ou pour les catholiques, la coupure formelle avec le Pape. 

De toute évidence, le PCC se demande si cette résurgence de la foi sera « patriote », comme officiellement aujourd’hui, ou bien le vecteur d’une démocratie à l’occidentale. Vraisemblablement, il ne parvient plus à contenir le mouvement, d’où une tension visible à travers le pays.


Culture : Une perle du Yunnan : le Xishuangbanna
Une perle du Yunnan : le Xishuangbanna

Une des régions de Chine les plus reculées, la préfecture autonome Dai du Xishuangbanna (西双版纳) et son chef-lieu, Jinghong, est en même temps une des plus pittoresques et des plus atypiques, oasis tropicale entre Sud-Yunnan, Laos et Birmanie. Son emblème est le paon, mais pour l’évoquer, un autre animal fétiche vient à l’esprit : l’éléphant, dont 350 vivent sur son sol, à l’état sauvage, jamais domestiqués. 

Dans l’histoire, c’est un très ancien et puissant royaume « Dai », cousin de l’actuelle Thaïlande du Nord, dont il a en partie conservé la langue (parlée et écrite, qui cohabite avec le mandarin), les traditions et les costumes. Les femmes en particulier se parent de longues robes de coton et de soie chatoyante, de vestes chamarrées et brodées, et de coiffes et bijoux d’argent. 

Entree Village DaiA l’entrée de tout village Dai, le portique d’or et de pourpre d’architecture bouddhique (cf photo), traduit le récent retour à la prospérité. Très attachés à leurs coutumes, les villageois gardent leurs maisons de bois sur pilotis à deux étages, dont l’immense double toiture aux pointes ornées de têtes de paon, protège des deux forces naturelles, le soleil et la pluie.

Le Xishuangbanna a aussi conservé les fêtes communes au Royaume de Lanna (Chiangmai), comme le Festival de l’Eau (13-15 avril), destiné à appeler la saison des pluies. En plus des Dai, l’ethnie combattante, qui s’est installée sur les meilleures terres et forme 30% de la population, la région compte autant de Han (majoritaires en Chine), 20% de Hani, 6% de Lahu ainsi qu’une dizaine d’autres groupes ethniques hauts en couleurs – Bulang, Yi ou Lisu. Les Hani, par exemple, se distinguent par leur adoration du chant, qu’ils pratiquent même au travail. 

Avec son petit million d’habitants la plupart paysans, le Xishuangbanna est moins touché que d’autres par la civilisation moderne. Quoique récemment passé villégiature des Chinois de la côte, assoiffés de soleil et d’air pur, le territoire conserve un immense potentiel de différences : peu d’industries, mises à part celles du latex, quelques mines, et les milliers d’ateliers artisanaux de thé. 

C’est un bijou de terre plate dans un écrin de collines et vallées d’une luxuriance extrême. Dans ce climat tropical, tout pousse sans effort en dépit d’une terre rouge parfois plutôt pauvre et acide : un paradis de biodiversité, où se chevauchent toutes les fleurs des tropiques, le bougainvillée et le jacaranda, l’hibiscus et le frangipanier, ainsi que tous les fruits, mange, papaye, goyave, canne à sucre, à différentes altitudes… 

Simao Developpement

Jusqu’à 800 mètres d’altitude, c’est la banane – récoltée et mise en cartons aux champs- elle voyage en semi-remorque jusqu’en Sibérie, à une semaine de route. Elle avoisine l’hévéa, en plantations serrées de petits arbustes régulièrement saignés pour leur latex : ce caoutchouc naturel assure à travers la Chine du Sud la moitié des besoins nationaux, l’autre étant assurée par la chimie. 

De 800 à 1200m, arrive le café, la nouvelle richesse, encore au berceau. Plus haut commence le thé, universel au Xishuangbanna. Avec Simao, chef-lieu voisin à 120 km plus au Nord, (cf photo) la région partage l’un des thés les plus plus cotés du pays, le Pu’er (普洱茶), obtenu par fermentation microbienne après séchage et pressage. Il se vend en « galettes » de 20 cm de diamètre (357 grammes) et se conserve et prend de la valeur avec l’âge. Certaines origines se vendent à des milliers de yuans l’unité, et s’exportent. 

Ici, le thé fait partie de la culture séculaire.Si le café lui dispute l’attention du paysan, c’est pour être non dans les cœurs mais dans le porte-monnaie, culture spéculative et vivrière—l’agriculteur devient homme d’affaires…

On l’aura compris, la région tire sa richesse de mille ressources, du tourisme, des fonds du gouvernement central alloués au titre du rattrapage avec la côte, des cultures tropicales. Dessinées par des promoteurs, les villes poussent, avec des écoles et des hôpitaux n’ayant rien à envier en équipements à ceux du reste de la Chine. Les routes sont en bon état. Même les villages reculés ont leurs villas de bois ou de béton carrelé, et les jeunes pétaradent sur leurs motos. 

Dernier détail frappant, la région avec sa mosaïque d’ethnies, connait très peu de conflits sociaux—les minorités y vivent en bonne entente. La prospérité y est bien sûr pour beaucoup. Tout comme la discrétion de l’Etat, qui laisse vivre. Sa seule gestion très stricte est celle contre l’héroïne, pourchassée par les patrouilles policières sur les routes de ce territoire frontalier du Triangle d’or. Mais la recette n°1 de la bonne entente pourrait bien être le climat émollient, qui conserve le sourire sur tous les visages et réduit le temps de travail à 7 heures par jour, avec pose durant la fournaise, de 11 à 14 heures.

Retrouvez la semaine prochaine notre reportage sur le nouvel or vert de la région, le café, soutenu par l’action innovante du groupe Nestlé. Crédit photo Eléphant : Grégoire Chrétien.


Petit Peuple : Yancheng : vent de panique à la banque (2ème partie)

Résumé de la première partie :  Le 24 mars, à Sheyang (Jiangsu), le fermier Miao Dongmei arrive en tricycle à essence devant le siège de la banque municipale pour tenter de retirer son argent. Il y retrouve des milliers d’autres épargnants en train de faire la queue dans la rue, poussés par la rumeur d’une faillite. Mais fait inouï, la banque reste ouverte jusqu’au beau milieu de la nuit…

Nul ne pouvait manquer de remarquer cet agent de change en costume trois pièces, un peu bedonnant qui faisait les cent pas le long du trottoir. « L’agence resterait ouverte toute la nuit si nécessaire, criait-il, et personne ne repartirait les mains vides… Les menteurs qui répandent la rumeur d’une faillite seraient débusqués et punis ! La banque municipale est tout ce qu’il y a de plus officiel, garantie par le gouvernement ». 

« Avec ses 44 agences et ses 12 milliards de yuans de dépôts, s’égosillait l’homme dans son mégaphone, elle est le contraire d’une maison d’aventuriers ou de charlatans ! ». « Et si vous voulez le précieux avis d’un directeur de banque, martelait-il, rentrez chez vous et faites confiance à la banque, en laissant vos sous au chaud derrière nos murs ! ». L’argent y serait plus en sûreté que sous le matelas ou caché dans un trou du mur de la grange—un vieux truc que tous les cambrioleurs, même débutants, connaissent bien ! A ces derniers mots, plusieurs, dans la foule, devenaient pâles, et saisissaient furtivement leurs smartphones pour appeler leurs femmes, et changer de planque…
Dans cette ambiance déjantée, le pauvre fermier Miao Dongmei ne savait plus que croire, ni à quel saint se vouer. 

La banque cependant, et tout ce que la ville comptait de cadres du Parti, étaient mobilisés pour lutter pied à pied contre la rumeur.
Chaque demi-heure, ostensiblement, un camion blindé de transports de fonds s’arrêtait, et sous la protection des gardes à mitraillettes et gilets pare-balles, débarquait de lourds sacs de numéraires vers les guichets, histoire d’alimenter l’insatiable faim du monstre faisant la file. 

Aux fenêtres derrière les barreaux, des employés montaient des grandes piles en « pavés » roses de billets de 100 yuans (cf photo). En face, de l’autre côté de la rue du Peuple, la China Construction Bank, la grande sœur nationale de la « Banque rurale municilae de Sheyang », faisait défiler sur son panneau électronique le message : « la Rurale Commerciale de Sheyang est une banque légale approuvée par l’Etat, juste comme nous »…

Toutes ces précautions finirent par apaiser les angoisses de Miao. Vers 21 heures, il finit par héler un de ces badauds trainant sur la place. Pour quelques yuans, il lui fit garder sa place, puis s’en alla chercher son ami Jin Wenjun, le petit marchand dont l’échoppe jouxtait la banque. 

Puis, Miao retrouva l’homme dans la queue, et convinrent que quand il serait proche de la guichet, il appellerait Jin, qui lui remettrait alors 30 yuans. Miao remit à son ami son permis de résidence et son carnet de dépôts. Puis remontant sur son tricycle, il s’en alla en pétaradant, satisfait d’avoir pu se libérer : au village à ce moment-même, un boucher et ses apprentis tuaient le cochon, faisait les salaisons et jambons, et Miao s’en serait voulu de ne pas être de cette fête-là ! 
À minuit 10, Jin put récupérer les 95.000 yuans attendus par Miao, et passa un coup de fil au village pour le rassurer. A la banque, sur ces entrefaites, les banquiers poursuivaient leur tâche, impavides, pour servir la queue d’une bonne centaine de mètres qui attendait devant eux. 

Il en fallut bien plus pour dissiper les peurs de la région : le lendemain, d’autres milliers de déposants vinrent à Sheyang et à Huang (une autre banque avait été victime du soupçon de banqueroute) récupérer leurs avoirs, asséchant ainsi les banques de quelques milliards de yuans de crédit, que le trésor public renflouait en permanence.
La victoire décisive contre l’hydre de la peur, fut remportée le surlendemain, quand la police remonta jusqu’à l’auteur initial de la rumeur. L’homme fut paradé à travers la ville, un panneau infamant autour du cou, l’accusant de « s’amuser à semer le vent » (yùshì shēngfēng , 遇事生风). 

Puis il dut encore avouer son forfait devant les écrans de la télé locale, avant d’aller en prison dans l’attente d’un procès dont le verdict promet d’être aussi expéditif que salé ! Causée par sa langue trop bien pendue, cette mésaventure avait coûté une fortune au gouvernement provincial, qui ne tenait pas à encourager ce genre de plaisanterie.
C’est ainsi que face à cette accumulation de preuves, même les paysans les plus méfiants envers le système public, finirent par se disperser et rentrer chez eux, remisant leur méfiance atavique envers l’Etat – jusqu’à la prochaine fois !


Rendez-vous : Semaine du 5 au 11 mai
Semaine du 5 au 11 mai

5-11 mai, visite du Premier Ministre, Li Keqiang en Ethiopie, Nigeria, Angola et Kenya

7-8 mai, Suzhou : CHINABIO Partnering Forum – sur les sciences de la vie

7-9 mai, Beijing : IRCE, Conférence sur la robotique

7-9 mai, Pékin : CRTS China : Salon des technologies ferroviaires, locomotives et matériel roulant, signalisation, équipements pour stations et terminaux

7-9 mai, Pékin : NGV, Salon int’l du gaz naturel et équipements pour stations de stockage

7-9 mai, Shanghai : Tunnel Expo, Salon asiatique de l‘industrie des tunnels

7-9 mai, Shenzhen : Magnetic Expo / RE Expo, Salons des matériaux et équipements magnétiques, et applications basées sur les terres rares

8-10 mai, Pékin : China SIGN Show (4N Show), Salon international de la publicité 

8-10 mai, Wuzhou : WOF, Salon de la lunetterie