Editorial : La deuxième couleuvre de Li Keqiang

Février 2013, Li Keqiang, nouveau 1er ministre promettait le démantèlement progressif de la NDRC (puissante agence de planification de l’économie) et la fin d’un modèle de croissance basé sur l’investissement public à fonds perdus. Finis les stimuli en centaines de milliards de $, place au désendettement des provinces et des consortia, et aux réformes sociétales de fond. 

Surnommés Likonomics (d’après « Li Keqiang »), ces principes vertueux devaient favoriser un report des ressources du public vers le privé, des riches vers les pauvres, et le passage à une économie durable. 

Mais très vite, d’autres priorités prévalurent, celles du Président Xi Jinping : les campagnes anti-corruption (pour le Parti) et de « descente à la base » (pour la société civile). Ces campagnes devaient officiellement enrayer gabegie et hédonisme, et promouvoir les idéaux du « Rêve de Chine ». 

Un autre objectif était perceptible : museler toute opposition, parmi les familles de la nomenklatura (Zhou Yongkang, dont le procès se rapproche et d’autres) et toute dissidence de type intellectuel, artistique ou journalistique. Le but évident était de recréer un pouvoir fort, pour assurer la pérennité du Parti.

Le 1er fruit de cette formule autoritaire fut le report sine die des réformes… Li lui-même vit son influence, sa présence médiatique et ses visites à l’étranger, réduites comme peau de chagrin.
Cette semaine, on voit se produire le second pas en arrière : l’abandon des « Likonomics ». Le 03/04, le Conseil d’Etat édictait l’allègement fiscal (50%) d’un nombre élargi de PME, jusqu’en 2016. Il décidait aussi un stimulus, pour la rénovation urbaine et un plan ferroviaire du Centre et de l’Ouest -6600km de lignes dès 2014, sur un fonds spécial de 32 à 48 milliards de $, alimenté par 24 milliards de $ par an en bons d’Etat. Adieu donc la baisse du train de vie des provinces, on assiste alors (en dépit des vigoureuses dénégations du régime dans les jours suivants) à un retour à la planche à billets.

La raison en est la chute de la croissance, constante depuis 2013. Des promoteurs, tel Xinrun (Zhejiang) ont fait faillite. Les aciéries ont 484 milliards de $ de dettes. Dans la législation compta-ble, les banques ont trouvé un moyen pour masquer leurs actifs faillis (dont la masse a monté de 130% en 12 mois) : se les revendre entre elles. Tandis que les provinces, lourdement endettées, refusent toute baisse d’impôts, qui augmenteraient peut-être la consommation, mais réduiraient leurs recettes… 

Le résultat est connu d’avance : le gonflement d’une dette publique nationale de plus de deux PIB, qui devra un jour être payée. Mais pour Li Keqiang, l’art de la guerre est dans la durée : toute autre stratégie ferait de lui le premier 1er ministre à rater l’objectif de croissance (7,5% en 2014), avec pour perspective, en 2017, d’être écarté de son second mandat, et de faire perdre à ses alliés réformistes du Politburo, la chance de reprendre un jour ses réformes structurelles. Mieux vaut décidément, « reprendre le poison du stimulus à court terme, comme antidote, au nom de l’espoir à long terme ! »

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