Diplomatie : Europe-Chine : l’échauffement d’un marathon

Le 21 juin, Karel De Gucht, le commissaire européen au Commerce était à Pékin pour chercher accommodement sur le conflit des panneaux solaires. En principe, il est en position de force, faisant peser sur ces articles chinois une taxe compensatoire de 47% dans les Etats membres, d’ici le 06/08 (11,8% en attendant) : un marché de 21 milliards $ est menacé.

En pratique cependant, sa position était beaucoup moins forte, du fait des conflits intra-européens, attisés par la crise et l’action chinoise. Les semaines passées, 15 Etats menés par l’Allemagne se déclaraient hostiles à l’imposition de ces droits et 7 jours plus tôt, Suède, Danemark et Pays-Bas réitéraient leur demande à Bruxelles de trouver une « solution diplomatique » pour éviter la course aux rétorsions. Autant d’objections qui affaiblissaient la main du négociateur communautaire. 

D’autant que Pékin, 24 heures après les sanctions européennes, annonçait sa propre action anti-dumping contre… le vin du Vieux Continent. Quoique le 1er bénéficiaire de la protection communautaire soit l’industrie solaire allemande, la 1ère victime potentielle des taxes chinoises seront les viticulteurs français (70% des exportations vers la Chine).

Aussi, cent précautions étaient prises, côté européen, pour ce qu’il faut bien appeler « brouiller les pistes ». La rencontre se déroulait en marge du 27ème Comité Mixte, un événement formel annuel. Devant la presse et le ministre du Commerce Gao Hucheng, De Gucht ne manquait pas une occasion de rappeler qu’il s’agissait d’un exercice « amical » et que pour sa part, l’objectif était de produire un « cadre de travail bilatéral fécond ». Enfin et surtout, il répétait inlassablement que les panneaux solaires n’étaient « pas à l’ordre du jour du Comité Mixte », mais discutés « dans les couloirs », « en aparté ».

En pratique, expliqua De Gucht, la Commission a préparé une base d’accord sur les conflits en cours (le solaire, le vin), sur un éventuel accord de protection des investissements, et il s’agissait d’évaluer avec Gao (qui est un excellent francophone), les chances de ce mandat, encore à l’étude parmi les capitales de l’Union Européenne, d’emporter l’accord cet été. 

Sur le solaire, les deux bords doivent remplacer l’actuelle règle anarchique du « chacun pour soi » par des accords pratiques d’autolimitation et de prix minimum (par zones, par types de produit).
Sur le vin, en France en tout cas, il y a bien des cas de subventions publiques, mais selon De Gucht, aucune de nature à provoquer un « dumping ».

Le point le plus important pour l’avenir, devrait être bien sûr l’accord de protection des investissements. Il permettrait aux deux parties de multiplier leurs positions aujourd’hui très faibles (de l’ordre de 5% des actifs hors frontière) sur l’autre bord—à condition, pour l’Europe, d’obtenir au passage une ouverture accrue, surtout dans les marchés publics, les cosmétiques et l’instrumentation médicale, les services financiers et ceux des télécoms. 
Tout ceci sent les préliminaires d’un accord de libre échange. Il est bien désiré par la Chine, voire l’Europe – mais pour cette dernière, uniquement une fois des conditions équitables établies, permettant d’octroyer à l’Empire du Milieu le statut d’ « économie de marché ».

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