Editorial : Environnement : l’heure du grand tournant ?

En fait de protection de l’environnement, depuis l’arrivée de Xi Jinping, la Chine n’avait pas connu d’amélioration notable – jusqu’à la semaine dernière. Certes, Xi avait promis (05/06) que le pays ne chercherait (plus) « la croissance à court terme au détriment de la nature ». Quelques bonnes nouvelles avaient suivi, tels le lancement (17/06) à Shenzhen d’une bourse des crédits carbone (la première d’une série de 7 villes), le quintuplement à Pékin des taxis au GPL (à 10.000 véhicules) promis pour 2013 , une autoroute « bas carbone » Chongqing-Chengdu (251 km) qui réduira les émissions de CO2 par son revêtement spécial, ou le passage complet en mai de Sinopec au diesel mieux raffiné, de norme Euro-III (350 ppm de soufre, contre 2000 auparavant).

Mais malgré ces gadgets, l’impression de blocage demeure, et la résistance res-te intense dans les provinces et les lobbies de l’énergie. Su Wei, le négociateur international au « réchauffement global » réitère son hostilité à l’introduction d’un système « cap and trade » (de quotas d’émissions), pourtant corollaire de toute bourse des crédits carbone. 

Le 15/05, le ministère de l’Environnement donnait même son feu vert au futur plus haut barrage du pays à Shuangjiangkou (Sichuan, 314m de haut, 24,7 milliards de ¥), sourd aux dommages irréparables prédits sur un écosystème fragile. Ici, la priorité reste « le PIB d’abord ». 
Plusieurs études le confirment hélas, le dossier « environnement » est toujours plus aux mains des provinces les plus riches, côtières. Au lieu d’endiguer leur pollution, elles la délocalisent jusqu’à 50% vers les provinces moins riches qui l’entourent – effort futile, car les fumées leur reviennent, portées par les vents. 

Le ministère lui-même encourage la tendance, en délocalisant ses responsabilités aux niveaux de base. En général, les leaders locaux évitent d’investir en des projets écologiques, par peur de compromettre leur carrière. 

Un signe qui ne trompe pas, sur le blocage présent : depuis des mois, on ne trouve pas de sanctions sérieuses à des industriels pour pollution grave. Avec une exception, Sinopec puni à Anqing (Anhui, 14/06), mais l’amende reste négligeable, à 90.000 ¥ face aux 2790 milliards ¥ de son chiffre d’affaire de 2012. 

Et c’est justement à ce moment d’apparente désespérance, que tout change. Le 14/06, le cabinet de Li Keqiang adopte 10 « mesures rudes pour accomplir des tâches rudes » avec des propositions radicales. 

Par exemple : Œ les leaders locaux seront responsables d’améliorer l’air de leur territoire, avec objectifs quantifiés, contraignants, sans se limiter comme à présent à de simples publications des émissions d’heure en heure. En cas de crise grave, ils devront brider le trafic automobile ou les usines. Les industries lourdes devront publier leurs chiffres de fumées, jusqu’à présent cachés en toute impunité. Ici, Pékin compte sur la rue pour faire pression sur ces gros pollueurs via Weibo, voire – même des manifestations. C’est le style Li Keqiang, et c’est nouveau. 

Les cinq industries les plus sales devront accélérer leur baisse d’émissions de 30% en 5 ans. Dès le 17/06, juge et procureurs suprêmes avaient « réinterprété » de façon plus sévère les cas de pollution délictueuse. Désormais, en cas de pollution entrainant des décès, la peine capitale est applicable.
Psychologiquement, un signal est donné : pour les pollueurs, l’ère du pain blanc est finie, celle de la responsabilité commence. Mais attention : entre provinces et pouvoir central, la bataille sera féroce pour l’application de ce programme. Et pour remonter une telle pente, il faudra 20 ans.

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