Le Vent de la Chine Numéro 22

du 22 au 28 juin 2013

Editorial : Environnement : l’heure du grand tournant ?

En fait de protection de l’environnement, depuis l’arrivée de Xi Jinping, la Chine n’avait pas connu d’amélioration notable – jusqu’à la semaine dernière. Certes, Xi avait promis (05/06) que le pays ne chercherait (plus) « la croissance à court terme au détriment de la nature ». Quelques bonnes nouvelles avaient suivi, tels le lancement (17/06) à Shenzhen d’une bourse des crédits carbone (la première d’une série de 7 villes), le quintuplement à Pékin des taxis au GPL (à 10.000 véhicules) promis pour 2013 , une autoroute « bas carbone » Chongqing-Chengdu (251 km) qui réduira les émissions de CO2 par son revêtement spécial, ou le passage complet en mai de Sinopec au diesel mieux raffiné, de norme Euro-III (350 ppm de soufre, contre 2000 auparavant).

Mais malgré ces gadgets, l’impression de blocage demeure, et la résistance res-te intense dans les provinces et les lobbies de l’énergie. Su Wei, le négociateur international au « réchauffement global » réitère son hostilité à l’introduction d’un système « cap and trade » (de quotas d’émissions), pourtant corollaire de toute bourse des crédits carbone. 

Le 15/05, le ministère de l’Environnement donnait même son feu vert au futur plus haut barrage du pays à Shuangjiangkou (Sichuan, 314m de haut, 24,7 milliards de ¥), sourd aux dommages irréparables prédits sur un écosystème fragile. Ici, la priorité reste « le PIB d’abord ». 
Plusieurs études le confirment hélas, le dossier « environnement » est toujours plus aux mains des provinces les plus riches, côtières. Au lieu d’endiguer leur pollution, elles la délocalisent jusqu’à 50% vers les provinces moins riches qui l’entourent – effort futile, car les fumées leur reviennent, portées par les vents. 

Le ministère lui-même encourage la tendance, en délocalisant ses responsabilités aux niveaux de base. En général, les leaders locaux évitent d’investir en des projets écologiques, par peur de compromettre leur carrière. 

Un signe qui ne trompe pas, sur le blocage présent : depuis des mois, on ne trouve pas de sanctions sérieuses à des industriels pour pollution grave. Avec une exception, Sinopec puni à Anqing (Anhui, 14/06), mais l’amende reste négligeable, à 90.000 ¥ face aux 2790 milliards ¥ de son chiffre d’affaire de 2012. 

Et c’est justement à ce moment d’apparente désespérance, que tout change. Le 14/06, le cabinet de Li Keqiang adopte 10 « mesures rudes pour accomplir des tâches rudes » avec des propositions radicales. 

Par exemple : Œ les leaders locaux seront responsables d’améliorer l’air de leur territoire, avec objectifs quantifiés, contraignants, sans se limiter comme à présent à de simples publications des émissions d’heure en heure. En cas de crise grave, ils devront brider le trafic automobile ou les usines. Les industries lourdes devront publier leurs chiffres de fumées, jusqu’à présent cachés en toute impunité. Ici, Pékin compte sur la rue pour faire pression sur ces gros pollueurs via Weibo, voire – même des manifestations. C’est le style Li Keqiang, et c’est nouveau. 

Les cinq industries les plus sales devront accélérer leur baisse d’émissions de 30% en 5 ans. Dès le 17/06, juge et procureurs suprêmes avaient « réinterprété » de façon plus sévère les cas de pollution délictueuse. Désormais, en cas de pollution entrainant des décès, la peine capitale est applicable.
Psychologiquement, un signal est donné : pour les pollueurs, l’ère du pain blanc est finie, celle de la responsabilité commence. Mais attention : entre provinces et pouvoir central, la bataille sera féroce pour l’application de ce programme. Et pour remonter une telle pente, il faudra 20 ans.


Sécurité Alimentaire : Sécurité alimentaire – le point sur la table

Branle-bas de combat au Conseil d’Etat sur la question de la sécurité alimentaire. Un geste qui s’ajoute à celui sur la protection de l’environnement, et à celui de restriction du crédit à la Banque Populaire de Chine. Si l’on ajoute à cette liste le lancement de la campagne de Xi Jinping (18/06) sur la « ligne de masse » des membres du Parti (une action anti-corruption qui pourrait aboutir à l’expulsion de membres, voire leur condamnation), et la mise en place du plan décennal d’urbanisation (prévu fin juin), on arrive alors à cinq initiatives majeures au même moment. Ce n’est sûrement pas dû au hasard, vu les réformes de fond à adopter lors du 3ème Plénum en novembre.

En sécurité alimentaire, le pouvoir semble vouloir crever l’abcès, en traquant impitoyablement dans la presse les derniers incidents de la chaîne alimentaire : 
– de la salmonelle au collège de Meishan (Sichuan, 13/06) – 386 enfants malades,
– 30 usines d’«œufs de 100 ans» (cf photo) fermées au Jiangxi (16/06) pour traitement au sulfate de cuivre,
– un gang démantelé à Chongqing (500 kg de faux miel saisis, contenant 187 mg d’aluminium au kg).

En 2009, le scandale du lait à la mélamine avait incité Pékin à faire adopter une « loi de la sécurité alimentaire ». Mais 4 ans plus tard, avec son franc-parler, Li Keqiang reproche aux ronds de cuir d’avoir couvert leur propre responsabilité, n’ayant pas supervisé les producteurs laitiers. Aussi d’ici décembre 2013, Li souhaite une nouvelle loi qui « supprime les zones d’ombres » réglementaires dans la chaîne alimentaire, et « faire payer aux délinquants un prix si élevé qu’ils ne puissent plus se le permettre ». C’est un langage nouveau, non plus idéologique mais « business », qui vise à passer à l’acte et regagner la confiance. Implicitement, il s’agit aussi de briser les ententes mafieuses qui finissent par forcer les producteurs honnêtes à s’aligner sur les pratiques des autres. 

Comme en environnement, Li mise sur les « techniques modernes » et sur la délation. Prise en exemple par le vice-1er ministre Wang Yang – l’apparent chef de file de la campagne – à Canton (son fief jusqu’en mars dernier), la China Food & Drugs Administration demande aux habitants, via Weibo, de lui rapporter des cas de fraude alimentaire. Parmi les pistes évoquées pour renforcer la future loi, figurent : la protection et la rétribution des dénonciations qui pourraient être reçues par un organe-tiers, indépendant (selon le modèle de l’ICAC de Hong Kong) ; une assurance obligatoire pour les producteurs ; l’information complète sur la traçabilité du produit. Les ventes en ligne de produits alimentaires figureront aussi dans le champ de la loi. 

Enfin, comme dans le dossier de l’environnement, juge et procureur suprêmes précisent (02/05) le statut juridique de diverses fraudes alimentaires. Sont considérés « graves » les cas de vendeurs d’animaux malades, d’aliments non conformes pour bébé. Sont jugés «  complices  » tous ceux qui ont aidé le producteur que ce soit en lui fournissant une licence, des fonds, de la publicité… Les coupables encourront une amende équivalente au « double du chiffre d’affaire » – ce qui peut être dissuasif – voire la prison ou la peine capitale, qui sera plus fréquente. On ne badine plus !


Société : France, Chine : incidents sociaux miroirs…

À trois jours d’écart, six étudiants chinois en œnologie à Hostens, à 50 km de Bordeaux, sont agressés le 13/06, et le 10/06, un jeune expatrié français à Shanghai

Dans les deux cas, les agresseurs étaient ivres, mais l’imputation de xénophobie est citée dans les deux cas.
L’agression d’Hostens a choqué plus d’un en Chine, qui croit à une baisse de sécurité des ressortissants chinois en France. Certains médias croient sentir une relative indifférence de journaux français pour le sort de la jeune fille dont le visage fut blessé par un tesson de bouteille.
L’incident shanghaïen fut moins sanglant. Aux petites heures, l’expatrié avait été arraché de son taxi par cinq Chinois, au sortir d’une boite.

 Mais d’autres rumeurs circulent, non confirmées mais de sources sérieuses, d’agressions nocturnes parfois graves contre des étrangers, notamment dans le quartier de Taikoo Li (Sanlitun) à Pékin.

Dans les deux pays, les autorités ont été à la hauteur : en France, deux ministres ont tout de suite dénoncé l’acte « odieux » et « xénophobe », et trois agresseurs ont été mis en examen. En Chine, la police est restée très discrète mais non inactive, arrêtant quatre attaquants après six jours.
De tels dérapages sociaux doivent être considérés comme miroir du désarroi à travers le monde, lié aux années de récession.
Mais en les traitant rapidement et avec doigté, les autorités parviennent à couper court à toute conséquence négative ultérieure.


Banque : Crédit : le bras de fer entre Li Keqiang et les provinces

En mai 2013, le 1er ministre, Li Keqiang s’est exprimé contre l’emploi d’un nouveau « stimulus » (une vaste série de crédits offerts aux consortia et aux provinces) pour financer son imminent plan décennal d’urbanisation, qui doit être validé à l’ANP, les 26-29 juin. 250 millions de paysans doivent être accueillis en ville, pour y recevoir, à terme, les mêmes droits que les résidents légaux. A cette planche à billets comme levier de relance, Li préfère un allègement de la machine étatique : une abrogation de centaines de pouvoirs de licences à charge des instances centrales et provinciales. 

On peut comprendre pourquoi, en lisant les rapports de Fitch et Nomura, agences de notation des économies. Après avoir financé toutes sortes de projets discrétionnaires, les 600 milliards $ du stimulus de 2008 sont toujours là, recyclés dans la finance grise. Et à présent, ils distillent du poison en maintenant en vie des projets et pratiques que l’Etat voudrait décourager. Paradoxe : alors que Pékin s’efforce d’assécher le marais du crédit gris, les provinces se ruent sur l’épargne de hordes de bailleurs de fonds privés, dont les banques drainent le crédit par des produits financiers qui sont les dettes des provinces, « réemballées » à taux toujours plus élevés. 

Jeu dangereux, car un tel rendement ne pourra jamais être atteint. Souvent programmés à seule fin de soutenir la croissance locale sans se préoccuper de leur utilité, ces projets sont souvent sans marché garanti. Si l’Etat parvient à enrayer cette source de mauvais prêts, des provinces se trouveront en cessation de paiement, et s’il n’y parvient pas, les mauvaises dettes augmenteront encore.

Les chiffres de Fitch sont éloquents. En 5 ans, le crédit chinois a plus que doublé, de 9 000 à 23000 milliards de $. Par comparaison, l’explosion de la dette américaine sous le choc des « subprimes » en 2008, n’avait été précédée que d’une progression des emprunts de 40% en 5 ans… 
Fitch voit aussi que ce crédit chinois croît à un rythme double du PIB, et que sa rentabilité s’effondre en terme de croissance : de 0,85 ¥ en 2009 pour 1 ¥ emprunté, à 0,15 ¥ en 2012. 

Telles que citées par Forbes, les conclusions inquiètent : toujours plus d’entités vulnérables, sans capacité d’encaisser des fortes pertes, ont accès à des prêteurs non astreints par la loi à une analyse de leurs clients. Or, les mesures d’austérité « spéciales crédit gris » atteignent la masse critique. Le désendettement commence, avec le coup d’arrêt aux dépenses de prestige et de luxe. 

Mais pour les provinces accablées de dettes, c’est le moment de tous les dangers, et il leur faut rapidement une nouvelle source de financement : les impôts par exemple, pour continuer à alimenter les services publics (éducation, santé…) et pour éviter la cessation de paiement. .
La réaction de la Banque Centrale (cf photo) est de restreindre le crédit, au risque d’augmenter les difficultés des provinces et grands groupes publics. « Le système financier, affirme le Conseil d’Etat, doit mieux soutenir la croissance et la restructuration ».

De ce fait, même les réserves interbancaires sont vides, et le taux d’emprunt interbanque est à son taux le plus élevé, à près de 8% en moins d’un mois. La conséquence se voit déjà : la croissance a chuté en mai, et devrait poursuivre sa baisse au 2ème trimestre, faisant risquer de ne pas atteindre l’objectif de PIB à +7% cette année.


Sport : Football – le ballon rond, aplati

David Bekcham, ambassadeur du ballon rond, a provoqué une émeute lors de passage à Shanghai le 20/06.

Hier encore, Xi Jinping exprimait son rêve de voir le football chinois enfin exprimer la puissance de la nation. Mais après avoir raté dès 2011 sa qualification en Coupe du Monde 2014 (en perdant face à l’Irak), le « 11 » national perd contre l’Ouzbékistan (1-2) et surtout, le 15/06 contre la Thaï-lande. C’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase : l’équipe est étrillée 1-5 à domicile par une équipe classée 47 rangs plus bas, et la Thaïlande est vue en Chine comme une zone d’importance mineure. Aussi, dès l’issue du match à Hefei (Anhui), une émeute s’ensuivit, l’équipe conspuée, et son bus attaqué, protégé par les forces de l’ordre – 100 blessés. 

La presse accuse son « onze » de manquer d’esprit d’équipe, de possession du ballon, de combativité. Elle aurait triché pour toucher la loterie de Macao, bloquée en début de match à 600/1. D’autres suspectent une mutinerie perlée contre l’entraîneur espagnol, J.A. Camacho, recruté en 2011 à 2,8 millions d’ € par an, lequel ne peut empêcher l’équipe, suite à sa série d’échecs de perdre 26 places au classement FIFA, ni son propre licenciement le 20/06 !

Depuis 1990, toutes les voies tentées (entraîneurs, joueurs étrangers, primes publiques et privées, campagnes anti-corruption) ont échoué. Les 650.000 licenciés juniors de l’époque ont fondu à quelques milliers. Les signes de désamour se multiplient : une université de Xi’an a osé défier le 11 national à venir jouer chez elle. Si les étudiants perdent ou font un nul, ils paieront le voyage ! Seul moyen de changer les choses, jusqu’à présent soigneusement évité : laisser les clubs organiser leurs activités et règles par eux-mêmes, comme ailleurs sur Terre. 


Diplomatie : Europe-Chine : l’échauffement d’un marathon

Le 21 juin, Karel De Gucht, le commissaire européen au Commerce était à Pékin pour chercher accommodement sur le conflit des panneaux solaires. En principe, il est en position de force, faisant peser sur ces articles chinois une taxe compensatoire de 47% dans les Etats membres, d’ici le 06/08 (11,8% en attendant) : un marché de 21 milliards $ est menacé.

En pratique cependant, sa position était beaucoup moins forte, du fait des conflits intra-européens, attisés par la crise et l’action chinoise. Les semaines passées, 15 Etats menés par l’Allemagne se déclaraient hostiles à l’imposition de ces droits et 7 jours plus tôt, Suède, Danemark et Pays-Bas réitéraient leur demande à Bruxelles de trouver une « solution diplomatique » pour éviter la course aux rétorsions. Autant d’objections qui affaiblissaient la main du négociateur communautaire. 

D’autant que Pékin, 24 heures après les sanctions européennes, annonçait sa propre action anti-dumping contre… le vin du Vieux Continent. Quoique le 1er bénéficiaire de la protection communautaire soit l’industrie solaire allemande, la 1ère victime potentielle des taxes chinoises seront les viticulteurs français (70% des exportations vers la Chine).

Aussi, cent précautions étaient prises, côté européen, pour ce qu’il faut bien appeler « brouiller les pistes ». La rencontre se déroulait en marge du 27ème Comité Mixte, un événement formel annuel. Devant la presse et le ministre du Commerce Gao Hucheng, De Gucht ne manquait pas une occasion de rappeler qu’il s’agissait d’un exercice « amical » et que pour sa part, l’objectif était de produire un « cadre de travail bilatéral fécond ». Enfin et surtout, il répétait inlassablement que les panneaux solaires n’étaient « pas à l’ordre du jour du Comité Mixte », mais discutés « dans les couloirs », « en aparté ».

En pratique, expliqua De Gucht, la Commission a préparé une base d’accord sur les conflits en cours (le solaire, le vin), sur un éventuel accord de protection des investissements, et il s’agissait d’évaluer avec Gao (qui est un excellent francophone), les chances de ce mandat, encore à l’étude parmi les capitales de l’Union Européenne, d’emporter l’accord cet été. 

Sur le solaire, les deux bords doivent remplacer l’actuelle règle anarchique du « chacun pour soi » par des accords pratiques d’autolimitation et de prix minimum (par zones, par types de produit).
Sur le vin, en France en tout cas, il y a bien des cas de subventions publiques, mais selon De Gucht, aucune de nature à provoquer un « dumping ».

Le point le plus important pour l’avenir, devrait être bien sûr l’accord de protection des investissements. Il permettrait aux deux parties de multiplier leurs positions aujourd’hui très faibles (de l’ordre de 5% des actifs hors frontière) sur l’autre bord—à condition, pour l’Europe, d’obtenir au passage une ouverture accrue, surtout dans les marchés publics, les cosmétiques et l’instrumentation médicale, les services financiers et ceux des télécoms. 
Tout ceci sent les préliminaires d’un accord de libre échange. Il est bien désiré par la Chine, voire l’Europe – mais pour cette dernière, uniquement une fois des conditions équitables établies, permettant d’octroyer à l’Empire du Milieu le statut d’ « économie de marché ».


Petit Peuple : Chengdu – Le rêve de fuite de Ma Qiang vers Mars

Bien malgré lui, Ma Qiang (Sichuan) se retrouve chef de file des 10.000 Chinois candidats à partir pour Mars, en aller simple. Une démarche insolite mais loin d’être isolée. Depuis l’annonce sur internet du projet Mars One en 2012, les promoteurs ont harponné 80.000 clients sur les 500.000 qu’ils visent – moins pour les porter dans l’espace que pour en faire les soutiens de ce projet dément. Pour comprendre la foi de Ma en ce plan déjanté, rien ne vaut un flash-back sur sa vie et son cheminement. 

Dès l’adolescence, Ma fut un baroudeur, doublé d’un Mr muscles, faisant se retourner (discrètement) les demoiselles. En 1993 à 19 ans, il s’engageait dans l’armée, espérant y trouver l’occasion de devenir héros. Parcours du combattant, combat rapproché, test de survie : rien n’était trop dur pour lui, allant servir durant 8 ans entre Cambodge, Laos, Afrique ou Malte, où il picora ses rudiments d’anglais. 

Mais en 2001, il jette l’éponge : c’est déjà la routine, qu’il hait et l’aventure n’était plus au rendez-vous. Heureusement pour Ma, en Chine, comme en tout pays, les industriels s’arrachent les anciens militaires, meneurs d’ hommes. Il part diriger une usine automobile au Laos. A Vientiane, il gère de main de fer sa chaîne de montage. Mais après deux ans, l’ennui revient : il décroche, retourne à Chengdu parmi les siens et passe cinq années sans autre ambition que de passer ses journées creuses en petits jobs, et ses nuits à s’amuser. 

Le 12/05/2008, le séisme du Sichuan vient interrompre cette existence un peu vide : Ma Qiang rejoint les sauveteurs et extirpe des petits corps sous les débris de leurs écoles. C’est alors, après « avoir croisé 9 fois la mort et être resté vif » (九死一生,jiǔsǐ yīshēng) qu’il acquit un sentiment existentialiste de relativité de la vie et de la mort. Cinq ans s’écoulèrent. 

Désormais rétif à tout patron et à tout emploi pépère, il se mit à son compte, ouvrit une guesthouse dans la montagne. Il épousa Deng, compagne de 30 ans passés, douce et accommodante, trop heureuse d’avoir trouvé in extremis un partenaire. Ils font ensemble de petits voyages dans le pays, elle tombe enceinte. C’est le bonheur – ou presque. 

Car cet éternel insatisfait garde la nostalgie du baroud, et cherche la Lune. Il la trouve (ou presque) en mars 2013 sur internet, dans Mars One : enfin l’aventure ultime avec le souffle, le défi à sa mesure. 6 milliards de $ sont requis pour expédier quatre colons vers la planète rouge. Dès 2016 tous les deux ans, une fusée décollera, promis, portant du matériel qu’installeront des robots pour monter le village où les colons passeront le reste de leurs jours. La technologie n’est pas un problème – les cabines seront dérivées d’une capsule « SpaceX Dragon », et la fusée d’un équipement existant, que des fournisseurs peuvent livrer. Le départ est prévu en avril 2023.

Le plan envoûta Ma, tant par la fuite offerte que par le concept vaguement anarchiste : strictement privée, l’entreprise se passerait de la participation de tout pays. L’argent viendrait des recettes de télé-réalité qui suivrait les apprentis-cosmonautes durant les sept ans de sélection et formation. Recruté par Mars One, un prix Nobel néerlandais apporte au projet son sceau de respectabilité. 

Quand à Pékin, en avril, le pouvoir découvrit la fascination que cette offre exerçait sur sa population, il jugea urgent de mettre le holà. Ainsi, le 24/05, l’organe officiel du Quotidien du Peuple dévoilait qu’à Ammersfoort en Hollande, le QG de Mars One se limitait à une pièce louée et son personnel, à un employé. Mars One, concluait-il, n’était qu’une « mystification et sans doute une escroquerie ». Dès l’avertissement paru, le but fut atteint, au moins à court terme : les inscriptions chinoises sur le site de Mars One se raréfièrent en peau de chagrin. 

Et Ma Qiang ? Sans écouter ses amis qui le traitent de fou, il garde confiance obtuse envers Mars One. Son argument choc : « nous vivons dans un pays sans rêve. Mais sans rêve, on étouffe. On devrait nous laisser faire plutôt que nous dissuader, terroriser ». Un secret de Ma tient peut-être à cette légende : sur la Lune, en exil (punie par les Dieux) vivrait la déesse Cháng’é (嫦娥), temple de pureté, poésie et silence. 

Qui sait si Ma ne retrouvera pas sur Mars, Chang’e en son palais de glace ?


Rendez-vous : Rendez-vous de la semaine du 24 au 30 juin 2013
Rendez-vous de la semaine du 24 au 30 juin 2013

25-26 juin, Pékin : China International Import Conference

25-27 juin, Shanghai : FI Asia-China / HI, Salon des ingrédients alimentaires et de santé, ICSE China, Salon de l’industrie pharmaceutique et des équipements

26-28 juin, Pékin : Aesthetics China, Salon de la médecine esthétique, 

26-28 juin, Shanghai : Electronics Shanghai

26-28 juin, Shanghai : Mobile Asia Congress

27-29 juin, Canton : Clean Fair, Salon des équipements de nettoyage