Industrie : Hauts fourneaux chinois, mines de l’hémisphère Sud – une amitié d’acier

Depuis 2009, sur demande de la Chine, le mécanisme mondial de fixation des prix du minerai de fer était aboli par ses commanditaires, les groupes miniers BHP et Rio Tinto (anglo-australiens) et Vale (Brésil), qui trustent entre eux 70% de l’offre planétaire. La Chine dénonçait ce système glauque qui lui imposait des prix élevés (+320% entre 2003 et 2008).

Ces groupes étrangers répliquaient que la hausse provenait de sa demande inélastique, pesant 60% de celle mondiale, en hausse hyperbolique. Cette demande était symptôme d’une sidérurgie protégée par les provinces, que l’Etat ne parvenait pas à discipliner. De fait en 2011, l’import chinois augmentait de 11% en volume, à 686Mt, mais de 40,9% en prix payé. Le marché était erratique, disséminé entre hauts fourneaux publics, privés, JV, ports mondiaux  (Singapour) ou locaux   (Tianjin, Dalian). 

Aujourd’hui, le tableau change, avec l’apparition d’une plateforme commerciale «spot» purement chinoise. Lancée le 16/01 par CISA (lobby sidérurgique), BIME (bourse minière) et la Chambre de commerce des métaux, cette plateforme va rassembler aciéries, traders et miniers dans une seule enceinte, et gérer 20% du marché chinois, soit 100Mt de minerai par an. Ce faisant, elle veut stabiliser pratiques et niveaux de prix. Un plancher minima des ventes est annoncé – peut-être afin de mettre la plateforme hors de portée des petits fondeurs, et préserver les marges de Baosteel, leur fournisseur.

L’organisation avait vu 23 aciéries chinoises adhérer. Le risque était que les groupes étrangers l’ignorent. Le 1er à s’inscrire fut le 4ème mondial, Fortescue (Australie), suivi des 3 géants (30/03-19/04). Ayant réussi son pari la plateforme pouvait poursuivre ses préparatifs, pour démarrer en mai. Pour la Chine, le prix à payer pour se faire accepter était lourd : elle renonçait à éliminer les autres places, et à imposer un autre mode de fixation des prix, sinon par le remplacement de l’indice étranger par son propre CIOPI, fonctionnel depuis octobre 2011.

Ceci dit, on assiste à un étrange phénomène : les sidérurgistes ne gagnent plus, coincés entre un prix du minerai élevé (149$/t) et un marché déprimé, mais produisent toujours plus. Certains, tel Wuhan Steel, diversifient pour 4,7milliards de $ dans des projets d’agriculture bio ou d’élevage porcin. La coulée chinoise en 2012, atteindra 700 millions de tonnes, contre 568millions de tonnes en 2009. Soutenues par leurs provinces, les aciéries pratiquent cette fuite en avant pour éviter de faire faillite ou de disparaître par fusion, dans le cadre du vaste plan national de restructuration.

Mais les groupes miniers étrangers y voient un marché en hausse en volume, et sans baisse de tarif – puisqu’à moins de 120$/t, ce sont des mines chinoises qui seraient à la peine. C’est pourquoi ils voient dans la plateforme un outil pour augmenter leur part : Fortescue veut porter sa capacité de 55millions de tonnes par an à 155millions de tonnes, et les trois géants annoncent des hausses de même nature.

Autre espoir pour le groupe Vale : le feu vert chinois, d’ici quelques mois, pour ses 35 Valemax, navires les plus gros du monde, à 400.000 tjb (tonne de jaube brute), pour compenser les 45 jours de mer vers la Chine contre 10 jours pour BHP et Rio. La Chine avait interdit ces mastodontes des mers dans ses ports, arguant la sécurité, pour protéger sa propre marine marchande.

Parallèlement, Vale gèle pour l’instant son projet de propre terminal de distribution en Chine, mais poursuit la construction de ses ports de transbordement en Malaisie (Perk Rubiah) et aux Philippines (Subic Bay), gardant ainsi toutes ses options ouvertes. La confiance règne !

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