Le Vent de la Chine Numéro 15

du 22 avril au 12 mai 2012

Editorial : Bo Xilai – la dégringolade vertigineuse

Bo Xilai   Wang Lijun

Un instant freinée, la pompe à rumeurs de l’affaire Bo Xilai a repris de plus belle.

À foison, les précisions tombent sur la mort de N. Heywood, vieux confident de Gu Kailai l’épouse de Bo. Fin novembre, elle l’aurait fait tuer au Nanshan Lijing, hôtel hors de Chongqing, après qu’il ait prétendu à une part trop grande des fonds qu’elle lui demandait d’exporter au noir, puis qu’il ait menacé de la dénoncer.

Après le meurtre (maquillé en mort éthylique), 60 jours de silence auraient traduit le refus des policiers de signer ce faux impliquant de si hauts noms. Wang Lijun, leur patron, aurait repris le cas et présenté à Bo (18/01) ses conclusions – l’enquête devait avancer. Wang est alors suspect d’avoir lâché son protecteur en omettant d’effacer les traces du crime. Peut-être parce qu’il travaillait aussi pour Pékin. Bo aurait d’abord cédé puis, se déjugeant trois jours plus tard, aurait tenté de démettre Wang de ses fonctions, provoquant ainsi sa fuite (07/02) au consulat américain de Chengdu, départ de toute l’affaire.

Dans la presse, on tente d’évaluer la fortune du couple Bo, de son épouse et de ses quatre soeurs : entre 126M$ et… 1,2MM$, entre Hong Kong et les Caraïbes.

Depuis, Pékin tente de mitiger les conséquences.

Le 1er ministre Wen Jiabao relance ses vieilles promesses de lutte anti-corruption. La presse célèbre le limogeage de Bo comme « victoire de l’Etat de droit ». Mais cette fois, les mots pourraient être suivis d’actes. Au Quotidien du Peuple du 17/04, un édito relate l’exécution en 1952 de deux généraux coupables de concussion : Mao Zedong estimait leur mort nécessaire, au nom de la rentabilité. Il fallait éviter « le même sort à 2, 20, 200 ou 2000 officiers tentés de suivre leur exemple ». Mais en ce « papier », les experts voient un 1er pas du régime, pour préparer l’opinion à un sort identique pour Bo. Idem, Zhou Yongkang, le policier au Comité Permanent, protecteur de Bo, serait en examen.

Émis de Zhongnanhai, de tels bruits confirment le dégât d’image infligé au Parti communiste chinois, et le désarroi dans les hautes sphères. Cette affaire qui conjugue vieilles haines de factions, meurtres, collusion en vue de coup d’Etat et détournements de biens publics en milliards de $ sont incompatibles avec la morale socialiste, et compromet le petit nombre de familles  se partageant depuis 60 ans le pouvoir. L’affaire Bo est comparée à celle de Lin Biao : jamais élucidée, la disparition du maréchal en 1971 avait porté l’intelligentsia à changer de regard sur Mao Zedong, comprenant qu’il servait plus son pouvoir personnel que la Révolution. Bo est fils de Bo Yibo, un des fondateurs du régime. Entre la légitimité du système et la règle tacite d’impunité des 高干子弟 (gaogan zidi, fils de hauts cadres), il va falloir choisir.

Le scandale fait tâche d’huile. Commissaire politique au département logistique de l’APL, l’armée chinoise, Liu Yuan limoge (19/02) le général Gu Junshan, n°2 de ce même organe, dont la corruption  s’étalait en son palais au centre de Pékin. Liu crée aussi un comité d’audit anti-corruption militaire, avec le soutien, et pour le compte de Hu Jintao. Il lui permet ainsi d’asseoir – bien tardivement – son  influence sur « notre nouvelle Grande Muraille », caste d’officiers au-dessus des lois, et d’une obédience envers le pouvoir civil, très sujette à caution. Devant un aréopage de généraux, Liu aurait eu ces propos très durs : du fait de la dépravation de l’armée, « en cas de guerre, quels soldats écouteraient vos ordres, risqueraient leurs vies pour vous ?»

Pour conclure, entre ce déballage dans l’armée et l’affaire Bo, quel rapport ?  

Les « petits princes », fils des 60 ou cent familles, sont à la tête de l’armée et du Parti. Liu Yuan est fils de Liu Shaoqi, l’autre si célèbre rival de Mao mort dans la honte. En plus d’être le fidèle lieutenant de Hu, il est intime de Bo et de Xi Jinping, le repreneur du pouvoir en octobre. Il est donc obligé de travailler pour deux de ses amis de toujours, contre le troisième. Quant à Gu Junshan, le corrompu évincé, on dit qu’il ne serait rien d’autre que… cousin de Gu Kailai, la femme de Bo ( à confirmer) ! La boucle est bouclée – cela donne le vertige, sur  l’affaire qui déchire désormais le Parti et l’armée, les deux remparts du régime…


Hong Kong : Hong Kong : les accouchements sur la sellette

Chef de l’exécutif de Hong Kong au 01/07, Leung Chun-ying connaît son cahier des charges : après deux autres patriciens insulaires « élus-désignés par Pékin » à ce poste, il doit prouver enfin une compétence et une volonté d’agir pour l’avenir de la cité.

Il commence fort, annonçant qu’en 2013, les touristes obstétriques chinoises verront porté à zéro leur quota d’accouchement en maternités privées, contre 31.000 cette année. Seule exception : celles mariées à un Hongkongais. Pour les cliniques d’Etat, des quotas seront annoncés en octobre -qu’on attend en forte baisse sur les 3.400 places de 2012.

Ce sont les hôpitaux qui font grise mine. Mais les jeunes couples HKgais se réjouiront de retrouver enfin prix humains et places assurées en ces pouponnières du « Rocher » où l’an dernier, 40% des 95.000 places étaient trustées par des mères chinoises venues pêcher un bon service et le permis de résidence pour l’héritier, garantie d’une école de qualité.

La mise en pratique est aussi radicale : le ministère de la Santé n’émettra plus les certificats de naissance, mettant ainsi en cause l’arrêt de la Cour d’appel final de 2001, qui octroyait le permis à tous les enfants nés à Hong Kong, indépendamment du statut des parents.

Sur ce coup de cymbale, Leung ne craint pas de froisser Pékin – sans doute consulté : cette sélection est pratiquée par toutes les métropoles chinoises vis-à-vis de ses « extérieurs », par le biais du hukou. Pas besoin d’être « plus royaliste que le roi » !


Culture : Salon du livre à Londres : la Chine à l’honneur, mais…
Salon du livre à Londres : la Chine à l’honneur, mais…

Moyan

Il est un domaine inattendu où l’Europe fait de gros efforts pour accueillir la Chine : la littérature.

Les 16-18/04, la Chine était l’invitée d’honneur au 41ème Salon du livre de Londres. Pour les professionnels, Londres est un rendez-vous incontournable, le 2ème mondial en cessions de droits d’auteurs, attirant 25.000 éditeurs de 110 pays. Clou du salon, 181 maisons d’édition chinoises (sur 500) étaient présentes.

Mais la polémique grondait. La liste des 21 écrivains chinois présents, tel Mo Yan,avait été cooptée par le ministère de la Culture. Elle laissait à l’écart des plumes comme Liu Xiaobo, Prix Nobel de la paix 2010 incarcéré (avec 34 autres auteurs chinois) et Gao Xingjian, Prix Nobel de littérature en 2000, exilé à Paris. Mais ces figures dissidentes sont celles qui se vendent le mieux en librairies étrangères, servies par une pensée plus rebelle et un terrain d’accueil plus libre. En face, les auteurs chinois peinent à s’exporter, confrontés à la censure de la tutelle AGPP ( Administration Générale pour la presse et des publications), ainsi daubée par l’artiste Ai Weiwei : « l’ordinateur du pouvoir ne connaît qu’une touche : ‘Suppr.’ » !

À Londres, comme obstacle à la dissémination de la culture du Céleste Empire, les éditeurs admettent un manque de traducteurs. Mais il se résorbe vite : dès 2007, l’AGPP signait avec Penguin un programme de traduction, avec 3000 titres désormais en anglais. Mais le problème est la faiblesse de l’engouement pour le livre chinois. En 2010, la Chine importait 16.602  titres, n’en cédant que 5.691. Elle a plus soif de la liberté étrangère, que l’étranger de sa prose aux oeillères trop visibles.

Pour changer les choses, les partenaires réfléchissent à des remèdes – à ceux acceptables pour le régime : un marketing  pour mieux vendre les auteurs chinois, par exemple greffé sur le cinéma qui a meilleure presse. Des séminaires entre auteurs des deux bords pourraient aider les Chinois à mieux saisir les attentes des lecteurs mondiaux. Mais l’on ne réfléchit pas au manque de contenu, à l’absence d’un miroir des questions qui travaillent son peuple – vie de débrouille, demande d’affirmation de l’être contre son système, problèmes transcendant les frontières. Sans humour, ou tout autre mode d’écriture d’une personnalité aboutie, des sujets lourds et graves comme corruption ou urbanisation ratée ne passent pas toujours.

Suite aux efforts de l’AGPP, au moins un domaine progresse : les accords entre éditeurs.

Ainsi le 17/04, les éditions Qingdao et Quarto (GB) signaient un accord de coédition de best-sellers, suivant l’exemple de la maison d’édition little, brown (UK) qui vendit l’an passé 50.000 copies en mandarin de l’autobiographie de Steve Jobs.

La Chine elle, encourage l’édition de textes chinois à l’étranger par China Book Int’l, programme qui en 2011, a subventionné 240 publications dans 29 pays. C’est peu, au vu des 300.000 titres parus l’an dernier en Chine (1er marché mondial en volumes).

Mais elle a deux atouts encore peu exploités :

[1] Vers l’extérieur, son aura d’étrange et d’inconnu, ses modes d’organisation uniques (socialistes et confucéens) font d’elle une des dernières frontières de l’imaginaire.

[2] Vers son propre marché, l’enrichissement constant des Chinois, et leur désir de s’approprier cette vie étrangère par le livre en publication locale, soit sous un éditeur chinois, soit avec un éditeur étranger, en coédition.

Clairement, au Salon de Londres, le pavillon chinois était au coeur d’une vibrante activité. Et le 18/04, Mike Thompson, du groupe Cengage, pouvait conclure : « sur le marché chinois, le potentiel est fort, et tout est dans les relations. Aussi ce genre de foire, pour nous tous, ne peut être qu’utile ».


Sécurité Alimentaire : Halte à la gélule plombée

Après le lait à mélamine et les huiles de rebut, voici venir les gélules au chrome, dernier scandale de sécurité sanitaire. Ce sont des années rudes pour le consommateur et les autorités qui tentent en vain depuis cinq ans d’assainir le secteur.

On peut produire de la gélatine alimentaire à 20-30.000¥uan/tonne, ou industrielle à 6000¥uan/tonne. Cette dernière, à partir de cuir tanné dans une solution au chrome (cancérigène), en contient 90 fois plus que la norme (2mg/kg). Mais les centaines de PME en concurrence n’ont pas le choix, devant suivre ou disparaître.

Or, la Chine n’a pas encore les inspecteurs chimistes pour traquer les fraudeurs. Au 16/04, à travers tout le pays, 53 personnes étaient aux arrêts, y compris ce patron à Xueyang (Hebei) qui avait incendié ses bureaux pour éliminer les preuves. 57 usines du Zhejiang ont fermé. 13 médicaments de neuf laboratoires, dont Xiuzheng et Gela Dandong sont suspendus.

Les 14-15/04 à Pékin, un colloque de sécurité alimentaire  annonce qu’1 Chinois sur 6 s’intoxique à des aliments souillés par bactéries, parasites ou additifs. Depuis 2010, un réseau de prévention nationale se met en place. Le XII. Plan renforce normes et contrôles de sécurité médicamenteuse, accélère la concentration des secteurs alimentaire et pharmaceutique.       

En attendant, on est en pleine tourmente : par manque de formation, d’infrastructures, de conscience professionnelle (problème d’éthique) – la crise n’arrange rien. 


Diplomatie : Muscles bandés aux frontières – Le pôle Nord aimante l’attention

Aux points cardinaux , quatre actions expriment le redéploiement en cours des forces chinoises, et la réaction de ses voisins.

Au Nord-Est , Russie et Chine mènent (22-27/04) des exercices navals à 16 bâtiments : réponse de ces alliés aux manoeuvres Balikatan épaule contre épaule »), déployant en mer et sur terre (16-26/04), 6500 soldats américains et philippins à Panatag.

Au Sud-Est , 12 chalutiers chinois, surpris le 10/04 braconnant au large de Panatag, sont repartis, mais le face-à-face des croiseurs chinois et philippins se poursuit. Pékin semble protéger ses pêcheurs, quelque soit leurs agissements, et rejette toute proposition de Manille de porter le litige devant la Cour du Droit de la mer : la mer de Chine est une « affaire intérieure ».

À l‘Est , le patron de trois îlots de l’archipel Senkaku-Diaoyu veut les céder à la ville de Tokyo (de l’ultranationaliste gouverneur Sh. Ishihara ). Pékin menace de nullité la vente de « son » bien.

Au Sud-Ouest , le 18/04, Delhi lance son 1er missile balistique Agni-V (feu), pouvant frapper Pékin. La Chine elle, invite Japon et Corée à installer un observatoire dans les monts d’Aksai Chin, conquis sur l’Inde en 1962 et que Delhi revendique  toujours. Deux gestes inamicaux.

Seules détentes : Séoul et Pékin ont convenu de règles contre les intrusions de pêcheurs chinois en eaux coréennes, et l’ASEAN (Association des Nations d’Asie du Sud-Est) prépare un code de conduite en mer de Chine du Sud, à soumettre à la Chine en juillet. Mais à l’évidence, les tensions actuelles enveniment les vieux conflits !

Le pôle Nord aimante l’attention

À mesure qu’il se dégèle, l’Arctique excite des convoitises dans le monde, y compris en Chine.

Ce qui suscite le voyage à thème de Wen Jiabao (20-27/04) pour obtenir un siège d’observateur permanent au Conseil Arctique. Il visitera deux pays membres (Islande et Suède) et deux autres influents en Europe (Pologne et Allemagne).

Pékin veut ce statut, pour faire respecter ses intérêts en cette enceinte. La cause scientifique est avancée, mais il y en a d’autres, tel le permis que le Canada (Etat membre) compte réclamer aux navires pavillons pour emprunter la route nord, une fois ouverte d’ici 35 ans. Elle raccourcira de 6400km le trajet Hambourg-Shanghai…

Il y a aussi le gaz (30% du stock mondial espéré sous le pôle Nord), le pétrole (13%), les nodules polymétalliques…

Pékin avance à petits pas – l’Arctique n’est pas sa priorité stratégique. Depuis 2004, la Chine a sa base aux îles Svalbard. Son brise-glace « Xuelong » prépare sa 5ème expédition, et elle en bâtit un 2nd plus puissant (8000t, capacité de briser 1,5m).

Pour ce lobbying, une autre étape aurait été utile : la Norvège, hostile à sa candidature, depuis 2010, quand Pékin a coupé le dialogue après l’octroi du Nobel de la paix à Liu Xiaobo…     

A sa demande, le Conseil Arctique statuera en mai 2013. Il l’a déjà rejetée en 2009. Mais le feu vert est inéluctable, vu les bonnes relations avec les 7 autres membres…


Industrie : Hauts fourneaux chinois, mines de l’hémisphère Sud – une amitié d’acier

Depuis 2009, sur demande de la Chine, le mécanisme mondial de fixation des prix du minerai de fer était aboli par ses commanditaires, les groupes miniers BHP et Rio Tinto (anglo-australiens) et Vale (Brésil), qui trustent entre eux 70% de l’offre planétaire. La Chine dénonçait ce système glauque qui lui imposait des prix élevés (+320% entre 2003 et 2008).

Ces groupes étrangers répliquaient que la hausse provenait de sa demande inélastique, pesant 60% de celle mondiale, en hausse hyperbolique. Cette demande était symptôme d’une sidérurgie protégée par les provinces, que l’Etat ne parvenait pas à discipliner. De fait en 2011, l’import chinois augmentait de 11% en volume, à 686Mt, mais de 40,9% en prix payé. Le marché était erratique, disséminé entre hauts fourneaux publics, privés, JV, ports mondiaux  (Singapour) ou locaux   (Tianjin, Dalian). 

Aujourd’hui, le tableau change, avec l’apparition d’une plateforme commerciale «spot» purement chinoise. Lancée le 16/01 par CISA (lobby sidérurgique), BIME (bourse minière) et la Chambre de commerce des métaux, cette plateforme va rassembler aciéries, traders et miniers dans une seule enceinte, et gérer 20% du marché chinois, soit 100Mt de minerai par an. Ce faisant, elle veut stabiliser pratiques et niveaux de prix. Un plancher minima des ventes est annoncé – peut-être afin de mettre la plateforme hors de portée des petits fondeurs, et préserver les marges de Baosteel, leur fournisseur.

L’organisation avait vu 23 aciéries chinoises adhérer. Le risque était que les groupes étrangers l’ignorent. Le 1er à s’inscrire fut le 4ème mondial, Fortescue (Australie), suivi des 3 géants (30/03-19/04). Ayant réussi son pari la plateforme pouvait poursuivre ses préparatifs, pour démarrer en mai. Pour la Chine, le prix à payer pour se faire accepter était lourd : elle renonçait à éliminer les autres places, et à imposer un autre mode de fixation des prix, sinon par le remplacement de l’indice étranger par son propre CIOPI, fonctionnel depuis octobre 2011.

Ceci dit, on assiste à un étrange phénomène : les sidérurgistes ne gagnent plus, coincés entre un prix du minerai élevé (149$/t) et un marché déprimé, mais produisent toujours plus. Certains, tel Wuhan Steel, diversifient pour 4,7milliards de $ dans des projets d’agriculture bio ou d’élevage porcin. La coulée chinoise en 2012, atteindra 700 millions de tonnes, contre 568millions de tonnes en 2009. Soutenues par leurs provinces, les aciéries pratiquent cette fuite en avant pour éviter de faire faillite ou de disparaître par fusion, dans le cadre du vaste plan national de restructuration.

Mais les groupes miniers étrangers y voient un marché en hausse en volume, et sans baisse de tarif – puisqu’à moins de 120$/t, ce sont des mines chinoises qui seraient à la peine. C’est pourquoi ils voient dans la plateforme un outil pour augmenter leur part : Fortescue veut porter sa capacité de 55millions de tonnes par an à 155millions de tonnes, et les trois géants annoncent des hausses de même nature.

Autre espoir pour le groupe Vale : le feu vert chinois, d’ici quelques mois, pour ses 35 Valemax, navires les plus gros du monde, à 400.000 tjb (tonne de jaube brute), pour compenser les 45 jours de mer vers la Chine contre 10 jours pour BHP et Rio. La Chine avait interdit ces mastodontes des mers dans ses ports, arguant la sécurité, pour protéger sa propre marine marchande.

Parallèlement, Vale gèle pour l’instant son projet de propre terminal de distribution en Chine, mais poursuit la construction de ses ports de transbordement en Malaisie (Perk Rubiah) et aux Philippines (Subic Bay), gardant ainsi toutes ses options ouvertes. La confiance règne !


Energie : Charbon ‘propre’ – la Chine en quête de Graal

Pour les 30 à 50 prochaines années, tous les experts s’accordent à dire que la Chine est indéfectiblement mariée au charbon, source de 70% de son mix énergétique (2009). Sa population, 22% de l’humanité, et ses besoins incompressibles en croissance ne lui laissent pas le choix.

Qui dit charbon, dit pollution. Depuis 2007, la Chine est 1er émetteur de CO2. Cette année, elle rejettera 26,8% des émissions mondiales, et plus de 30% en 2025 (sources AIE, l’Agence Internationale de l’Energie). Les pertes en vies humaines sont lourdes : « près de 2.000 morts par an » dans les mines, et surtout 470.000 décès prématurés par an, des suites de troubles cardiovasculaires.

Le pays fait ce qu’il peut pour s’arracher à cette spirale de dépendance et d’effets pervers. Son oeuvre apparait déjà remarquable, et ses objectifs très ambitieux, visant 40 à 45% de baisse d’intensité énergétique d’ici 2020. Revu à la baisse après Fukushima, le nucléaire va quand même septupler à 70GW d’ici 2020.

Les renouvelables (solaire, éolien, hydro) reçoivent des investissements massifs, passant au 1er rang mondial dès 2009 avec 34,6MM$, contre 18,6MM$ aux USA. Ces efforts porteront les industries à bas carbone, de 3% du PIB en 2009 à 15% en 2015, et réduiront la dépendance chinoise à 60%, d’ici 2020. Au reste, l’Etat se lance dans un programme «charbon propre» tous azimuts, combinant investissements, aides aux groupes nationaux et invitation de nombreuses filières étrangères, pour faire du pays un laboratoire à grande échelle pour accélérer le passage en phase d’exploitation utile – et d’être le 1er à en profiter.

Le groupe Huaneng vient de présenter un projet de filtre postcombustion du CO2, via une solution captant le CO2 au tiers du coût (39$/t) des USA.

Fin mars, Pékin présente aux compagnies génératrices d’électricité un concours dont le vainqueur verra financer un projet de démonstration d’une capacité d’1million de tonne d’ici 2015. Cette filière qui reste à vérifier a impressionné les USA : Duke, sa 1ère firme d’énergie l’« étudie », en vue de l’introduire à Gibson (Indiana), sa plus grosse centrale. Pour Bloomberg, la Chine vient de passer leader mondial en technologie de charbon propre! 

Mais sans le stockage, le captage n’est rien. Or, les perspectives d’enfouir les milliards de tonne par an de CO2 émis, sont faibles.

Au désert d’Ordos, depuis 2008, Shenhua, 1er charbonnier mondial, a investi 2,4MM$ dans une unité de liquéfaction en gisement, obtenant un diesel de synthèse, et comme sous-produit, 0,1Mt/an de CO2 liquide, réinjecté à moins 2,5 km, en formation stable. Mais à 50 $/tonne, ce stockage est intenable à long terme —Shenhua réclame la licence « à plein régime » pour cette usine jusqu’ici expérimentale. Cela lui permettrait de réduire le coût du stockage à 14$/tonne, seuil de rentabilité. 

Une autre démarche consiste à injecter le CO2 dans les gisements pétroliers en déclin. Le gaz agit comme solvant et renforce la pression, permettant aux USA de récupérer 6% de la production (1 tonne de CO 2 injectée = 2 à 3 barils)… Mais le transport du CO2 sur des centaines de km n’est pas comptabilisé, et l’étanchéité du sous-sol reste l’inconnue, passés 20 à 30 ans.

Le pouvoir encourage aussi l’amélioration de la combustion en centrales, clé de la baisse des émissions. La Chine a fait siennes les technologies euro-US « à cycles supercritiques », et s’applique à en limer les coûts.

Huaneng mène la danse, en lien avec General Electric : sa centrale GreenGen ouvre cet été à Tianjin, d’une capacité de 650MW pour 1 milliard de $. Elle sera en 2016 un des plus grands projets mondiaux de cette filière IGCC qui gazéifie le charbon et en capture le CO2 avant combustion, avant de le réinjecter dans les puits de pétrole voisins de Dagang. Elle captera à terme 98% du soufre, 80% du carbone. IGCC améliore le rendement jusqu’à 42% (contre 30% aux centrales classiques), et 33% de consommation en houille depuis 10 ans (avec 270g/kW/h).

Parmi d’autres groupes industriels chinois, Shanghai Electric sait déjà construire des  turbines « USC » (ultra supercritiques) de 1000MW, à 30% moins cher qu’en Occident. Elle vise 24 centrales par an, y compris aux USA. Un de ses partenaires est Siemens, avec qui elle partage une JV depuis 2007, à Lingang (Shanghai).

Parmi d’autres gadgets, à Shanghai, un couple de chercheurs sino-américain, fondateurs du groupe Yashentech, a inventé un processus de craquage de la houille en carbonate de diméthyle, additif du diesel, qui réduit de 90% les suies d’échappement.

ENN Energy, groupe gazier privé, transforme le CO2 par  photosynthèse au sein de son laboratoire de culture d’algues à Langfang (Hebei). Dès 2011, il convertit 110 t de CO2 en 20 t de biofuel et 5 t de spiruline, complément alimentaire riche en fer et protéines. En 2013, il vise la transformation de 20.000 t du gaz… Par ailleurs, ENN gère plusieurs sites de gazéification du charbon in situ dans plusieurs mines, entre Hebei et Mongolie Intérieure.

Un autre précurseur sur le terrain est Total, associé à China Power sur un projet de craquage de charbon à Dalu (Ordos) en polymères thermoplastiques et élastomères. Visant d’abord 1 million de tonne par an, il associera les techniques de pointe de Total en capture d’énergie, d’eau et de CO2 pour déboucher sur une base industrielle de 2 à 3milliards d’², après 2015. Immense, le projet portera le groupe français en Chine sur une autre orbite, CP étant investisseur dans des centrales nucléaires, solaires, éoliennes, et de charbon « propre ».

Conclusion Toutes ces solutions testées souffrent d’un péché  de jeunesse : un coût trop élevé, notamment comparé à celui des énergies renouvelables. Elles souffrent aussi de lacunes techniques comme le site Shenhua d’Ordos déjà cité, où pour 100.000t de CO 2 capturées, 3,5millions de tonnes s’échappent. Elles permettent au mieux une économie d’émissions de 10%, lesquelles continueront dans l’absolu à augmenter jusqu’en 2030 selon le plan, rendant d’ici là inopérantes les tentatives de lutte des autres continents contre le réchauffement planétaire.

Face à cette perspective sombre, la Chine offre au moins un encouragement : au COP 17 de Durban (Afrique du Sud) l’an dernier, elle a promis de négocier d’ici 2015 un quota national contraignant de limitation de ses émissions de CO 2 – signe d’effort concret de coopération multinationale.

L’enjeu est lourd, car avant qu’elle n’entame la redescente de ses émissions, elle pourrait les avoir doublées au risque que, s’ajoutant à d’autres plaies liées à un mode de gestion sociale autoritaire, la population n’en supporte plus davantage…


Petit Peuple : Pékin – Shuangjing : Eau de rose sur étoile noire

Les succès économiques chinois ne peuvent cacher leurs zones d’ombres : chaque semaine, 1700 Chinoises attentent à leurs jours – peine de coeur, d’argent ou de santé. Ainsi que stress au travail, coût de la vie, et la pression autoritaire qui s’exerce en tout temps sur la société.

Ajoutons que les hommes aussi commettent leur dose de geste fatal – au total, 200.000 Chinois par an décident d’en finir. Mais à part la Corée du Nord, la Chine est le seul pays au monde, avec 23 pour 100.000, où les représentantes du beau sexe attentent à leurs jours davantage que ceux du sexe dit « fort ».

Heureusement tous ces désespérés ont depuis peu une défense nouvelle : via l’immense oreille sensible de l’Internet, comme sur orbite autour de la Terre, Weibo, le Twitter chinois, porte leur appel au secours à travers toute la  Chine !

Un samedi soir d’octobre, Su Wei n’en pouvait plus d’appeler Li Guowen, son petit ami. Jeune provinciale montée à la capitale, elle avait des débuts difficiles, obligée de toujours sourire, d’être séduisante et sur son 31, même en cas de bourdon, même quand manquait l’argent du loyer du studio en fin de mois. Elle vivotait de petits rôles de figurante, ou bien comme fleur coupée en robe longue, assise l’air niais sur l’aile rutilante d’un improbable bolide dans les foires automobiles. Elle avait bien Guowen, producteur à la TV, enfant de la haute, fils du Parti qui papillonnait trop. Tout en lui donnant du  « mon petit miel », Li l’appelait chaque fois qu’une «régulière» lui faisait faux bond : bouche-trou en amour, comme au boulot…

Ce soir-là, il lui avait donné rendez-vous, mais restait injoignable. Su Wei pouvait bien s’imaginer pourquoi ! Faisant monter en mayonnaise noire son malheur si plausible, elle tweeta à 23h13, menaçant d’un geste fatal. Un quart d’heure après, elle envoya sa photo sourire en biais de poupée-Barbie-turique, entourée d’une dizaine de plaquettes de médicaments (cf photo). Puis en deux derniers tweets, elle commenta l’évaporation de sa conscience, la mort en direct…

Elle devait donc mourir. Mais le scénario dérailla, sous une pulvérisation imprévue d’eau de rose. A défaut d’avoir atteint Guowen, ses tweets avaient été lus par des milliers d’autres, qui s’éparpillèrent en efforts dans tous les sens pour tenter de la sauver. Certains cherchèrent (en vain) de lui remonter le moral. Alertée, la police lança les recherches. Les tweeteurs du quartier furetèrent à pied, enquête éclair de terrain – ils firent chou blanc.

Contrairement aux professionnels, aux policiers qui eux, emportèrent la mise, accédant chez elle pour découvrir son corps inanimé, et appelèrent l’ambulance…

La romance veut qu’au réveil, on trouva Li Guowen au pied du lit, un géant bouquet de roses rouges en main, qui se jetait dans ses bras. Sur Weibo, il avait déjà posté ses émouvantes excuses, magnanimement acceptées par les millions de Chinois qui assistaient en haletant à ce feuilleton plus vrai que nature, et qui renonçaient dès lors à lapider, au terme d’un procès populaire virtuel, le séducteur repentant. Pour sûr, les semaines qui suivirent, Su Wei devint la coqueluche des cocktails et défilés de mode. Son suicide et sa love-story l’avaient lancée !

Depuis lors sur Weibo, des esprits jaloux ont insinué que Su Wei n’aurait rien voulu d’autre que de piéger son  boyfriend. Mais c’est sans doute faux, car on ne rit pas avec son propre corps.

Et quand bien même cela serait ? Entre la provinciale qui n’avait rien et le jeune premier qui avait tout et qui profitait d’elle, la différence d’atouts était par trop inégale. Si Su Wei a su trouver le stratagème pour forcer l’homme à faire leur bonheur, ce n’est que justice et que nature aussi : tout comme le fait qu’« après la pluie, vienne le beau temps » (雨过天青 guò tiān qíng ) !

  


Rendez-vous : A Pékin, le rendez-vous des constructeurs automobiles

25 avril- 2 mai, Pékin : Auto China, Salon de l’industrie automobile

26 – 29 avril, Shanghai : Cycle China, Salon du vélo et de la moto      

26-28 avril, Pékin : CRTS China, Salon du transport et des technologies ferroviaires

26-28 avril, Pékin : Salon asiatique de l’industrie des tunnels

28-29 avril, Pékin : Expat Show

9-11 mai, Shanghai : China Power et EPower

9-11 mai, Shanghai : SIAL, Salon de l’agro alimentaire

9-11 mai, Shanghai : Biotech & Pharm China

10-13 mai, Shanghai : WTF, Salon mondial du voyage