A la loupe : Le printemps du jasmin arabe, et la Chine

La révolution en Libye force la Chine à rapatrier 30.000 nationaux : à l’Est, des bandes armées pillent des chantiers chinois, causant 15 blessés sur celui de Sinohydro.

Dans l’urgence, la Chine excelle. Du pourtour de la Méditerranée, chaque ambassade reçoit une zone à évacuer, avec carte blanche. Du port du Pirée depuis 2009 sous contrôle de la Cosco, elle affrète 3 ferries pour ramener 13.000 Chinois vers la Crète, d’où elle lance un pont aérien vers son sol. Via Athènes transitent ses vols charters, attendant le feu vert pour Tripoli. De Malte, elle lance un ferry. Sur les routes libyennes, des centaines de bus évacuent des Chinois vers l’Égypte et la Tunisie, Djerba, servant d’accueil. De Sofia (Bulgarie) décolle un vol charter. Une telle mobilisation peut permettre à la Chine d’espérer boucler son rapatriement en quelques jours, en de bien meilleures conditions que pour les 60.000 Bengalis, 30.000 Philippins, 23.000 Thaïs et 18.000 Indiens.

Le «Printemps du jasmin» donne des idées: depuis les USA, www.Boxun.com appelle à manifester dans 13 villes. A Pékin (20/02), le 1er «Rendez-vous» causa un meeting dru… d’agents en tenues diverses, et moultes arrestations préventives sous le prétexte badin de «prendre le thé» (敬茶 – jingcha, homophone de «police», 警察). Parmi la foule se trouvait J. Huntsman l’ambassadeur américain. «Par pure coïncidence», assura-t-il, même s’il portait un blouson casuellement brodé de la bannière étoilée. Mais rien ne se perd : Huntsman est un candidat républicain aux présidentielles de 2012… NB: la censure redouble, et après Facebook, c’est à Linkedin d’être ostracisé, suite à un sondage sur le jasmin.

Et Pékin? Derrière sa sérénité de façade, il suit anxieusement. Dès le 12/02, veille de la chute de Moubarak, le Politbureau tint un meeting secret sur le Moyen Orient, qui révisa les «objectifs de la police, de l’armée, de la propagande». Puis, le Vice Président Xi Jinping tint un séminaire de quatre jours avec les leaders provinciaux, sur le « renfort du contrôle social, par l’élimination des contradictions sociales ».

Depuis, le message que Pékin cherche à émettre est clair: c’est l’antique promesse d’un État de droit. Il admet les dizaines de milliers d’«incidents de masse»/an, et ses propres carences à la base – expropriations abusives, licenciements massifs, conflits de travail A un an de l’entrée en jeu de la nouvelle équipe, il fait miroiter des réformes, tel cet amendement à la loi criminelle qui promet trois ans fermes aux patrons détournant les salaires des ouvriers. Idem, dès fin janvier : Wen Jiabao le 1er ministre visitait un bureau des plaintes des pétitionnaires– une 1ère dans l’histoire du régime…

Tout ceci semble donner raison à la rédactrice Hu Shuli, sur son site indépendant Caixin : «entre Chine et Monde arabe, la somme des différences apparaît supérieure à celle des ressemblances» : sous ce régime autoritaire mais hyperactif, on voit plus d’espoirs de vie meilleure qu’ailleurs. Et pour que le pays éclate, il faut que l’appareil soit déchiré au sommet. Or, si c’est le cas, il le cache bien.

Pour autant, la révolution arabe apporte son lot quotidien d’éclairages nouveaux. Ainsi, les pillages d’intérêts chinois évoquent le ressentiment du continent africain entier, pressenti dès fin ’09 par le ministre lybien des affaires étrangères Musa Kusa, face à l’«invasion chinoise».

D’autre part, Kadhafi aura plus qu’embarrassé Pékin, en revendiquant (22/02) le droit à massacrer son peuple au nom du précédent du Printemps ’89, et de l’ «unité du pays, supérieure à la vie des gens sur la place Tian An Men» : un souvenir et un jugement que Pékin tente de faire oublier depuis 22 ans !

 

 

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