Le Vent de la Chine Numéro 7

du 28 février au 6 mars 2011

Editorial : Le Plenum de l’ANP, étude d’atmosphère

Dans l’atmosphère instable et capricieuse de ce printemps 2011, le Plenum de l’ANP (5/03) s’annonce passionnant, fertile en événements imprévus suscités par la maturation intellectuelle et morale de la société, ses progrès dans le monde, le changement d’équipe de pouvoir et bien sûr, le filigrane du « printemps du jasmin » arabe.

A la veille du Plenum, on voit d’abord une valse des leaders des principaux organes de tutelle. Vice gouverneur de l’Anhui, Sun Zhigang (57 ans) devient n°2 à la NDRC (National Development and Reform Commission) et patron du Bureau de la réforme de la santé. A 54 ans, l’ex-vice maire de Chongqing Zhou Mubin est fait Vice Prsdt à la CBRC, tutelle des banques, dont il pourra briguer la tête, lors du passage à la retraite de l’actuel chef Liu Mingkang. N°2 à la NDRC, l’ingénieur économiste Liu Tienan (56 ans) dirigera le bureau national de l’énergie. Miao Wei (56 ans), l’ex-patron des automobiles Dongfeng est nommé ministre du MIIT (Ministère des Industries et des technologies de l’Information). Et à 56 ans Li Cigui, le vice maire de Xiamen, devient directeur du Bureau national des océans.

Ces promotions de technocrates jeunes doivent permettre la relance de réformes aujourd’hui léthargiques. Ainsi en énergie, tarification et taxation sont entièrement à revoir, pour imposer les économies et les choix de filières, sans pour autant lancer les usagers dans la rue. Côté océans, le déploiement (militaire, technologique) en cours doit être accompagné par de la communication avec les pays riverains, un partage, des alliances: tout une palette d’actions diplomatiques qui manque encore, pour limiter les risques d’auto isolation.

Ces promotions peuvent être mises au compte du Président Hu Jintao qui impose ainsi à son successeur Xi Jinping une administration future noyautée par ses fidèles, comme l’avait fait 10 ans plus tôt, Jiang Zemin.

On observe une même série de nominations «jeunes» dans la sphère en kaki. Zhang Jianping (54 ans) devient commodore de la région militaire aérienne (RMA) de Jinan, Yi Xiaoguang (52) de celle de Nankin, Jiang Jianzeng de celle de Pékin… Or, au moins Zhang et Yi ne sont pas issus de l’aristocratie rouge mais du rang, cooptés dans la sphère politique en reconnaissance de leurs qualités de pilotes. Ceci traduit la volonté de poursuivre la modernisation de l’APL, l’armée chinoise. La source de ces promotions n’est pas encore claire -le «gang des petits princes» de Xi, ou la «Ligue de la jeunesse» de Hu, les deux mouvances qui se partagent le pouvoir. Elles éclairent en tout cas le rôle de l’armée, comme arbitre courtisé dans l’actuelle secrète guerre de succession.

Fait très notable, cette armée chinoi-se est spontanément plus proche de Xi que de Hu, du leader de demain plus que de l’actuel. En son sein, les fils de cadres historiques comme Xi sont légion. Et Xi a passé la plupart de sa carrière dans l’orbite de l’APL, en régions côtières dans les années ’70, aux côtés de petits officiers tels Guo Boxiong, Ma Xiaotian ou Xu Qiliang. Ils ont ensemble franchi les temps difficiles, ont monté les échelons ensemble, créant des liens indéfectibles. Les implications de tels liens sont fortes : après 2012, l’armée va encore monter en influence, voire en puissance avec son 1er porte-avions et un parc de sous-marins augmenté de 15, à 77.

De même, la politique future sera un compromis entre les deux mouvances : tout virage inattendu restera à exclure.

Dans ce Plenum, vu la nervosité montante causée par l’inflation, la sensibilité populiste à l’ANP sera exacerbée. Au plus haut de la sphère sociale jaillissent des appels au pouvoir pour plus de transparence et responsabilité, notamment face aux affaires de sécurité alimentaire, telle celle du riz, dont 10% de la récolte serait plombée au cadmium. La corruption aussi est sur la sellette, telle l’explosion du budget des Jeux Asiatiques 2010 de Canton, de 2MM à 120MM¥, sur laquelle le Parlement local réclame des comptes.

Enfin, l’on verra la progression de la fibre rurale : comme cette promesse de renforcement du crédit au paysannat, qui recevait dès 2010, 405MM$ de prêts nouveaux, soit 33% du total -pour 52% de la population.

 

 


A la loupe : Réforme du Yuan—allegro, ma non troppo

Après l’échec de Séoul en novembre 2010, le G20 Finances de Paris (18-20/02), était le jour de tous les dangers.

L’objectif de réforme des circuits financiers mondiaux comportait bien des raisons pour Pékin d’y faire encore obstruction : ne serait-ce qu’en raison du risque, pour les pays de l’Ouest, USA en tête, de clouer son taux de change au pilori comme une des causes de la crise mondiale.

Après deux journées de dialogue de sourds, Pékin a fini par admettre comme «signaux d’alarme» de toute crise future, une liste de critères, parmi lesquels la dette publique (et le déficit fiscal), l’excédent commercial (et le flux d’Investissements directs étrangers) et le taux d’épargne privé. Concession lourde faite à la Chine, les réserves publiques en devises sont exclues de la liste, et le taux de change n’est pas formellement inclus, mais entrera dans l’analyse des comptes courants.

Mince résultat, mais par rapport au passé, c’est une grande avancée : la Chine vient de reconnaître ses responsabilités sur l’économie mondiale, et son devoir de compromis -une attitude mature.

Dans ce jeu, une personne a joué un rôle discret mais déterminant : Christine Lagarde, la ministre française de l’économie, en dépolémisant le ton de la rencontre qui devait servir selon elle à «tester les pratiques économiques des États pour voir si elles profitent à tous, ou seulement à eux-mêmes ». De même, pour éviter le veto américain, Christine Lagarde abandonnait pragmatiquement l’objectif en vogue un an avant, de remplacer le dollar comme étalon du commerce mondial. Cette modération, permettant à la Chine ET aux USA de se rasséréner et de jouer autre chose que le blocage.

Au prochain G20 finances à Washington en avril, sera négociée la pondération des critères choisis et l’on fixera des règles communes d’intervention financière face à toute future crise. Ces règles s’annoncent d’ores et déjà minimalistes: de compétence nationale, et non contraignantes. Dominique Strauss-Khan, le Directeur du FMI (Fonds Monétaire International) déplore que les États, se croyant tirés de crise, aient perdu leur appétit de coordination multilatérale. Pour la création de nouveaux organes, et l’intégration du yuan dans un étalon de référence, il faudra attendre -l’Allemagne qui s’est vue attribuer ce mandat de réforme du système monétaire global. Un séminaire préparatoire se tiendra fin mars en Chine, sur ce thème.

—————-————-

Au plan national, la Chine attend pour avancer dans la dérégulation du yuan. La surchauffe de 2010 la force à remiser son plan d’ouvrir le marché en yuan aux firmes étrangères. Mais cela ne l’empêche d’entrouvrir au 1er avril le marché des options d’échanges en yuan (le droit de vendre ou d’acheter un montant en yuan à échéance).

La BPdC prédit que le ¥ poursuivra son ascension, avec ses taux d’intérêts, pour éponger les masses de crédit flottant depuis 2008. Autre prédiction de la banque centrale: la dérégulation du ¥ arrivera « plus vite qu’on imagine », suite à l’apparition d’un marché fulgurant du Yuan à Hong Kong (369MM¥ fin 2010, pour 2MM¥ seulement en 2009), pour affranchir le commerce chinois d’un US$ erratique, dictant les prix des matières 1ères.

Fait significatif : d’après JPMorgan, les fusions et acquisitions chinoises dans le monde devraient se maintenir, en 2011, à 8 à 9% , poursuivant l’effort de 2010, à +8% et 54MM$.

 

 

 

 


A la loupe : Le printemps du jasmin arabe, et la Chine

La révolution en Libye force la Chine à rapatrier 30.000 nationaux : à l’Est, des bandes armées pillent des chantiers chinois, causant 15 blessés sur celui de Sinohydro.

Dans l’urgence, la Chine excelle. Du pourtour de la Méditerranée, chaque ambassade reçoit une zone à évacuer, avec carte blanche. Du port du Pirée depuis 2009 sous contrôle de la Cosco, elle affrète 3 ferries pour ramener 13.000 Chinois vers la Crète, d’où elle lance un pont aérien vers son sol. Via Athènes transitent ses vols charters, attendant le feu vert pour Tripoli. De Malte, elle lance un ferry. Sur les routes libyennes, des centaines de bus évacuent des Chinois vers l’Égypte et la Tunisie, Djerba, servant d’accueil. De Sofia (Bulgarie) décolle un vol charter. Une telle mobilisation peut permettre à la Chine d’espérer boucler son rapatriement en quelques jours, en de bien meilleures conditions que pour les 60.000 Bengalis, 30.000 Philippins, 23.000 Thaïs et 18.000 Indiens.

Le «Printemps du jasmin» donne des idées: depuis les USA, www.Boxun.com appelle à manifester dans 13 villes. A Pékin (20/02), le 1er «Rendez-vous» causa un meeting dru… d’agents en tenues diverses, et moultes arrestations préventives sous le prétexte badin de «prendre le thé» (敬茶 – jingcha, homophone de «police», 警察). Parmi la foule se trouvait J. Huntsman l’ambassadeur américain. «Par pure coïncidence», assura-t-il, même s’il portait un blouson casuellement brodé de la bannière étoilée. Mais rien ne se perd : Huntsman est un candidat républicain aux présidentielles de 2012… NB: la censure redouble, et après Facebook, c’est à Linkedin d’être ostracisé, suite à un sondage sur le jasmin.

Et Pékin? Derrière sa sérénité de façade, il suit anxieusement. Dès le 12/02, veille de la chute de Moubarak, le Politbureau tint un meeting secret sur le Moyen Orient, qui révisa les «objectifs de la police, de l’armée, de la propagande». Puis, le Vice Président Xi Jinping tint un séminaire de quatre jours avec les leaders provinciaux, sur le « renfort du contrôle social, par l’élimination des contradictions sociales ».

Depuis, le message que Pékin cherche à émettre est clair: c’est l’antique promesse d’un État de droit. Il admet les dizaines de milliers d’«incidents de masse»/an, et ses propres carences à la base – expropriations abusives, licenciements massifs, conflits de travail A un an de l’entrée en jeu de la nouvelle équipe, il fait miroiter des réformes, tel cet amendement à la loi criminelle qui promet trois ans fermes aux patrons détournant les salaires des ouvriers. Idem, dès fin janvier : Wen Jiabao le 1er ministre visitait un bureau des plaintes des pétitionnaires– une 1ère dans l’histoire du régime…

Tout ceci semble donner raison à la rédactrice Hu Shuli, sur son site indépendant Caixin : «entre Chine et Monde arabe, la somme des différences apparaît supérieure à celle des ressemblances» : sous ce régime autoritaire mais hyperactif, on voit plus d’espoirs de vie meilleure qu’ailleurs. Et pour que le pays éclate, il faut que l’appareil soit déchiré au sommet. Or, si c’est le cas, il le cache bien.

Pour autant, la révolution arabe apporte son lot quotidien d’éclairages nouveaux. Ainsi, les pillages d’intérêts chinois évoquent le ressentiment du continent africain entier, pressenti dès fin ’09 par le ministre lybien des affaires étrangères Musa Kusa, face à l’«invasion chinoise».

D’autre part, Kadhafi aura plus qu’embarrassé Pékin, en revendiquant (22/02) le droit à massacrer son peuple au nom du précédent du Printemps ’89, et de l’ «unité du pays, supérieure à la vie des gens sur la place Tian An Men» : un souvenir et un jugement que Pékin tente de faire oublier depuis 22 ans !

 

 


Argent : Port de Qingdao à toute vapeur

Dans l’ombre de ports «glamour» tels Hong Kong ou Singapour, Qingdao mériterait pourtant plus d’attention, 1er port pétrolier national et 1er mondial en minerai de fer. Cette dernière suprématie n’est d’ailleurs pas prête à disparaître, Qingdao venant de battre son propre record en janvier avec 69Mt de ce minerai débarqué, +48% en 1 an.

Au départ pourtant, Qingdao a un lourd handicap, pour un port se voulant l’expert en pondéreux: avec 11km², sa superficie est moins du quart de la moyenne, frisant la saturation en permanence et le forçant à une constante recherche d’efficacité. D’autant que des voisins tels Tianjin, Yantai, Dalian ou Busan (Corée) le suivent de près. Mais sa place géostratégique reste imbattable, en pointe du Shandong, vers Corée et Japon, desservant 450M d’âmes du Dongbei et du golfe de Bohai, régions prospères.

Aussi son plan quinquennal lui voit investir 4,5MM$, afin de doubler à 600Mt sa capacité et porter son traitement de conteneurs de 12 à 20M de «boites» équivalent 20 pieds. Il a déjà achevé un quai pour pétrolier de 300.000t au terminal de Dongjiakou, hub du vrac et des hydrocarbures. Qianwan sera le terminal conteneurs. Huangdao recevra les oléagineux et produits chimiques. Le vieux port traitera les grains, et les marchandises à valeur ajoutée (chaîne du froid, acier, engrais). Ces financements se feront sur fonds propres, en partie grâce aux investisseurs mondiaux dans sa branche conteneurs: AP-Mǿller-Maersk, P&O, COS, CMG

 

 


Pol : A leur tour, les grandes entreprises d’Etat passent à la caisse

Pour les 121 grandes entreprises d’Etat (GEE), sous l’ombrelle de la SASAC (State-Owned Assets Supervision and Administration Commission), l’âge d’or s’éteint. De 1994 à 2007, l’État avait cessé d’en écrémer les dividendes. Puis en 2007, en sus des taxes sur le revenu, TVA et taxe d’affaires, il se contentait de prélever 5 à 10% des profits, puis 10 à 15% depuis novembre (sauf les groupes d’armement et de recherche technologique, privilégiés par une taxe-plume de 5%).

Désormais, annonce Shao Ning, n°2 de la SASAC, le taux va monter. Il restera variable, à négocier, «prenant pour modèle les dividendes des firmes en Bourse »: soit plus de 30%, voire 40 à 50% pour les vaches à lait des banques et des groupes pétroliers.

Cette décision traduit la volonté affichée depuis l’été par le prochain exécutif, de multiplier les transferts sociaux vers les couches défavorisées (voir ci-dessus).

Autre mutation en cours : l’injonction en mars 2010 de retrait des investissements immobiliers pour les 78 GEE n’ayant rien à y faire. 14 ont obtempéré depuis. 20 le feront en 2011. Les 48 restantes (aucun nom cité, lors de cette conférence de presse, très respectueuse de l’intimité industrielle) traînent les pieds, faisant valoir qu’il leur faut du temps pour réaliser leur capital.

NB : le même Shao Ning constate que ses 121 GEE, quoique gâtées par l’Etat sous l’angle du renseignement, du crédit, du conseil juridique, s’exportent moins bien que le privé. Notamment du fait d’un processus décisionnel moins réactif, et d’une culture du risque moins développée…

 

 


Temps fort : À l’affiche à l’ANP : « Splendeur et misère des migrants »

Salaires, emplois, «hukou» (户口, permis de résidence) : trois maîtres mots du Plenum de 2011 où la paix sociale détrônera l’environnement, à la Une les années passées. Il s’agit de protéger le flux de l’exode rural (déjà 10M/an de travailleurs), nerf de la prospérité chinoise. Déjà 47% des Chinois vivent en ville, contre 20% 30 ans plus tôt. Mais l’État vise 60%, d’ici 2020, pour passer à un modèle urbain de type occidental. Par souci d’équité, mais aussi de stabilité sociale – pour maintenir la croissance.         Une solution est claire : la hausse des salaires. L’agence britannique Hays confirme qu’en 2011, sur 5000 firmes étrangères, un tiers augmentera de 10%, et 51% de 6 à 10%. Mais dans des métropoles telles Shanghai ou Pékin, cette hausse ne fait que compenser l’inflation (4,9% en janvier).

Les plus fortes hausses salariales sont dans le Guangdong, gros employeur de paysans de l’intérieur : +21% au salaire minimum en 2010, +18% en 2011. C’est que la province compte un déficit permanent de 300 à 500.000 emplois. Jouet, textile, meuble (métiers les moins qualifiés) sont les  plus touchés. En plus des salaires améliorés, les firmes investissent dans des dortoirs plus confortables, offrent l’Internet, des salles de jeux. Prennent un directeur ressources humaines pour recruter et gérer les carrières. Pour ces «usines du monde» condamnées à produire toujours plus afin d’être en état de faire passer dans les économies d’échelle les hausses tous azimuts (matières 1ères, salaires, environnement, taxes), le recrutement est un marche ou crève: celles incapables d’augmenter les salaires, ferment les portes.

C’est ainsi qu’à Wenzhou, 70% des PME sont exsangues. Et qu’à Pékin, des centaines de PME voient la mairie refuser (en sous-main) d’enregistrer leur faillite avant 2012.     Curieusement, Shanghai tente au contraire de geler les salaires des cadres: c’est pour boucher les 10MM¥ du trou de sa sécurité sociale, qui la force à ne payer en pensions que 45% du dernier salaire au lieu de 64% ailleurs: la «tête du dragon» (surnom affectueux de Shanghai) grisonne, et sur 14M de citoyens légaux, compte déjà 3,2M de sexagénaires pour 1,5M de moins de 18 ans. Dans ce déficit, le fonds de pension souffre aussi probablement toujours des 4,8MM$ détournés en 2006 par Chen Liangyu, l’ex-roi de Shanghai  condamné depuis à 18 ans fermes. Mais ce gel des salaires passera mal: selon l’Office statistique, 68% des actifs sont déjà mécontents de leur salaire (3566¥ en moyenne en 2009, les plus hauts du pays, dans la ville la plus chère), et 50% n’ont pas été augmentés depuis.

A la veille du Plenum,  la presse tire à boulets rouges sur la discrimination du hukou. Aux 200M de migrants, ce statut discriminatoire permet aux employeurs de payer 1750¥/mois, soit 40% de moins qu’aux citadins. Ils gagnent même 10% de moins que les migrants d’il y a 10 ans. Selon le Syndicat Unique, trois ou quatre sont ouvriers, dont 15% sans contrat, 36,5% soumis à des températures excessives, 41% au bruit, 36% au danger mécanique et 35% à la poussière. Ils ne sont ni équipés, ni formés, et 30 à 34% d’entre eux n’ont pas d’assurance maladie ou d’accident du travail.

Depuis 2000, tous les plans des villes pour offrir aux migrants leur légalisation ont échoué, et la confiance est basse. Raison de l’impasse: en aides sociales et au logement, l’intégration souhaitée de 20M de migrants/an coûtera à la collectivité 80 à 100.000¥ par tête. Aussi faut-il s’attendre à de grands changements fiscaux après 2012, pour soutenir cette politique. Lu Mai, conseiller sur ce dossier auprès de l’État, estime à 20 ans le délai intangible pour abolir le système de hukou, changer les mentalités—et la vie !

 

 

 

 


Petit Peuple : Wenzhou – une moto nommée amour

Eternelle en ce pays, c’est l’histoire du môme laissé aux grands-parents par de jeunes adultes allant gagner leur vie au Zhejiang, région où il y a toujours de l’ouvrage (à condition de fermer les yeux sur la minceur de la paie). C’est à Wenzhou que la jeune mère s’installa, quittant son Qianjiang (Chongqing) natal.

En son nouvel emploi de serveuse dans un boui-boui, Li Chunfeng (29 ans), gagnait 1200¥/mois, dont elle s’ingéniait à réexpédier l’essentiel vers Qianjiang, sans rechigner aux privations extrêmes-elle allait jusqu’à laver à la poudre à lessive ses longues mèches noires de jais: tout cela pour Luo Yunfei, son petit gars de 7 ans, pour qu’il fasse de belles études qui le lanceraient dans une vie meilleure que la leur.

Un dimanche de mai 2009 comme de coutume, elle appela son fils mais cette fois, elle décela un ton d’une froideur inusitée, comme si sa propre image en lui commençait à dériver, se délaver. Elle fit ses comptes: ce-la faisait 5 ans que la famille était au diable vauvert…

Cette nuit là, l’incident vint la hanter sous forme d’un cauchemar. Blessé, allongé, mal protégé d’une pluie battante qui le frappait par la fenêtre ouverte, Yunfei lui tendait des mains qu’un rat aux yeux rouges, en maraude, lui grignotait.

Quand elle l’appela à l’aube, ses mots de détresse ne firent rien pour la rasséréner: il n’en pouvait plus. Si elle ne retournait pas maintenant, c’est lui qui irait la chercher… Ne pouvant retenir ses larmes, elle lui dit qu’elle arrivait !

Elle ficela sur sa moto son ballot, démarra direction la gare. Elle évita de repasser par la cantine, toucher son dernier mois. Li connaissait trop bien le chef, et à s’envoler ainsi telle une hirondelle, elle savait bien que c’était temps et salive perdus que d’exiger son dû.

A la gare, elle dut changer de plan: moto comprise, à 600¥, le billet dépassait son budget. Mais qu’à cela ne tienne, elle irait par la route. L’ imminence de ces retrouvailles lui donnait des ailes, revigorée par l’immense espoir de prendre son destin en main, ayant rompu ses chaînes, forte comme la vie, indomptable.

La liberté se paie comptant : après deux heures, un lumbago lui sciait le dos.

Son 1er vrai problème fut bien plus prosaïque: analphabète, elle ne pouvait lire les panneaux. Les passants à qui elle demandait sa route pour Chongqing l’observèrent d’un oeil tantôt incrédule, tantôt inquiétant: « d’où débarquait-elle, celle-là, et à qui était-elle?». Bonne question. Une fille à personne, c’était une fille à tout le monde… Pas plus sotte qu’une autre, Chunfeng comprit le danger : elle devait se protéger. Parmi ses hardes, il y avait un bleu de travail : elle l’enfila. Rentra ses mèches dans le casque, se résignant aux terribles suées qui la suivraient le reste du voyage. Puis elle affina sa technique pour éviter dragueurs et chauffards, en roulant non stop de minuit à l’aube. Toutes les 6h, elle piquait un somme sur sa selle dans des lieux passants et clairs. La 4ème nuit seulement, épui-sée, elle s’octroya le luxe de 4h de dortoir.

Pour se nourrir, elle traita le problème avec le même mépris: limiter les pauses, elle s’imposa à ne boire qu’un seul litre durant les 6 jours de son odyssée, et en guise de repas, elle mastiqua un chewing-gum, dont le sucre lui coupait l’appétit.

Sa moto était fidèle, mais poussive -lui permettant à peine 400km/jour, au prix d’efforts héroïques. Elle était aussi lourde : à Changsha le 4ème jour, elle lui tomba dessus, lui égratignant le poignet. Li ne put se relever qu’à l’aide d’un badaud, une demi-heure après.

Enfin, au 6ème jour, ce fut l’arrivée en fanfare à l’école de Qianjiang. Après avoir coupé le contact et ôté son casque ruisselant de sueur, Chunfeng entra dans la cour pleine de mômes qui se turent, à l’apparition de la femme en sueur et hirsute : au principal sur le perron, d’une voix de stentor, elle ne cria qu’un mot : « je suis la mère de Luo Yunfei ».

Ebahis, les maîtres furent partagés entre l’envie d’applaudir, d’éclater de rire et de s’indigner. Elle donna à Yunfei son dernier chewing gum- tout ce qui lui restait, comme cadeau, à part elle-même. Puis elle s’effondra en larmes, épuisée, déshydratée sous le contrecoup de son énorme effort : c’était le droit enfin de «déseller le cheval et d’ôter son armure» (鞍不离马,甲不离身ān bù lí mǎ, jiǎ bù lí shēn).

 

 


Rendez-vous : A Canton, les Salons de la signalisation, de l’enseigne et de la publicité

1-4 mars, Canton : Neon Show, LED Show et Sign China, Salons de la signalisation au néon, à LED, et Salon de l’enseigne et de la publicité

1-4 mars, Pékin : Build + Decor, Salon des matériaux de construction et de la décoration

1-4 mars, Shanghai : Woodmac et Furnitek, Salon des industries forestières et du bois, et salon des machines pour fabrication de meubles

3-5 mars, Pékin : CIHE HVAC, Salon de la ventilation, chauffage et A/C