Le 21/06, TV3 choqua l’audimat du Hebei, en diffusant l’innommable style de vie de Xu Feng et de Wang Rong sa femme, de Xiumen (Shijiazhuang). Sans scrupule, le jeune couple vivait aux crochets de Lao Xu, père de Xu qui leur versait 1000¥/mois. A part rester au lit ou sur internet, il faisait néant, pas même la cuisine que le père devait assurer (comme la lessive), après son boulot de conducteur d’engins de chantier. Ils n’avaient même pas envie de chercher du travail : « il fait trop chaud ! On ira postuler une fois la canicule passée… ».
À 25 ans, ce fils unique ne manquait pas une occasion de se conduire en butor. Devant être expropriés et attendant le chèque de la mairie, Xu réclamait du père qu’il lui avance la somme. Il exigea aussi, sous peine de le renier, qu’il signe une reconnaissance de dettes. Il lui reprochait amèrement de ne pas avoir donné assez en dot à sa femme, ce qui lui faisait perdre la face. Et quand piteusement, son père avoua, en cette circonstance, avoir envisagé de vendre un de ses reins, « fais-le donc, avait crié le fils exaspéré, ça me tirera de la dèche».
Son audace n’avait pas de limite. Comme le père réclamait du couple un petit-fils, Xu Feng avait osé lui imposer un contrat par lequel le futur papy devrait tout payer, des cantines au cartable. S’il ratait une seule facture, il verserait 100.000¥ de compensation.
Cette dernière insolence avait été, dans l’audimat, la goutte faisant déborder le vase, car elle violait deux impératifs confucéens — respecter les anciens et leur donner un héritier. Aussi sur internet et au landernau de Shijiazhuang, la rage explosa. Pour retrouver le fils indigne, une milice cycliste se monta, sous la bannière vengeresse «guerre à Xu Feng». Le Journal de la Jeunesse fit ses choux gras de propos indignés comme ceux du retraité Wang : « en 30 ans, je n’ai jamais entendu un tel cas de manque de piété filiale… Il faut le forcer à s’excuser devant les masses». D’autres cependant juraient leurs grands dieux que ce pauvre type n’était pas du coin et menaçaient de plainte en diffamation au nom de leur banlieue «déshonorée».
Fait bizarre, la télé elle, refusait de partager le moindre indice avec les collègues – prétendant protéger son exclusivité de l’histoire…
Puis, 6 semaines après, coup de théâtre : Xu Feng se présenta au Journal de la Jeunesse. Il était las des agressions qu’il subissait au jour le jour. Un soir au restaurant, quatre hommes lui étaient tombés dessus et s’étaient mis en tête de l’identifier formellement à partir de leur smartphone : Xu ne s’était tiré de ce mauvais pas qu’en prenant ses jambes à son cou…
Aussi, Xu voulait en finir, remettre les pendules à l’heure: tout, de cette saga, était bidon. C’était un mauvais script de série « B ». Il s’appelait Su, de son vrai nom. Et il était vigile, de son métier. En juin, une maison de production l’avait approché pour participer à une (fausse) émission de télé-réalité. Trois répétitions lui avaient suffi pour entrer dans le rôle du traitre, avec les conseils du metteur en scène, pour que le public «le haïsse au 1 er regard». Après le tournage, il avait touché son ridicule cachet de 150 ¥. Mais après la diffusion, quant avaient commencé à tomber les commentaires, la télé l’avait laissé tomber, se contentant de lui fourrer dans la main 2000¥ de plus – pour le faire taire.
Su, alias Xu Feng, dut donc se débrouiller seul, ou plutôt, avec son père. Aux journalistes du Journal de la Jeunesse, il balança le bidonnage de TV3, stigmatisant au passage son flagrant manque d’éthique. Quatre jours après, le père à son tour reçut les journalistes pour donner foi au témoignage du fils. Xiaosu était un fils modèle, qui lui rendait souvent visite (il n’était pas conducteur d’engin, mais paysan à la retraite). Sans oublier de lui porter à chaque fois le flacon du spiritueux qu’il prisait et un peu de sous par-dessus le marché.
En fin de compte, le seul tort de Su avait été d’être trop convainquant dans son rôle : d’avoir déployé, en studio, «l’habileté qui mène à la catastrophe » (弄巧 成拙, nòng qiǎo chéng hūo).
Sommaire N° 33