Le Vent de la Chine Numéro 33

du 16 au 22 octobre 2011

Editorial : Plenum du PCC—un chant du cygne « culturel » de Hu ?

Le Plenum du Comité Central est au coeur des débats, à Pékin du 15 au 18/10. Réunion de routine, mais importante, vu l’échéance, à juste 12 mois de l’adoubement de Xi Jinping à la tête d’une équipe de 5ème génération.

Pour ce 6èmePlenum du XVII. Congrès des 370 caciques du PCC, on aurait pu attendre une bataille pour le futur Comité Permanent, entre les blocs de Xi Jinping, de Hu Jintao et de Jiang Zemin qui, quoique malade, fait un come-back.

Avec des noms tels Li Keqiang (futur 1er ministre), Yu Zhengsheng (Secrétaire du Parti à Shanghai), Zhang Gaoli(Secrétaire du PCC à Tianjin), Li Yuanchao (chef de l’Organisation du PCC), Liu Yunshan (chef de la Propagande), Meng Jianzhu (patron de la police), Liu Yandong (seule femme au Conseil d’Etat), Hu Chunhua (Secrétaire du PCC de Mongolie intérieure), favori pour devenir successeur de… Xi Jinping en 2022, Bo Xilai, le flamboyant Secrétaire du PCC de Chongqing, ou encore Wang Qishan, tsar de l’économie…

Mais au moins officiellement, rien de cela n’est à l’agenda, qui se concentre sur un sujet anodin -au moins en apparence : «maîtriser les tendances nouvelles du développement culturel et les nouvelles attentes des citoyens… en matière de vie spirituelle et culturelle». Il s’agit donc de culture, et de ce que le PCC adore par dessus tout : faire son examen de conscience. Après 30 ans de croissance, les leaders s’interrogent sur le type de société qu’ils aimeraient léguer à leurs enfants.

Bien sûr, il s’agit moins de démocratie, que d’argent. D’ici 2016 sous le XII. Plan, Li Changchun, boss de la propagande veut faire de la culture un «pilier stratégique» dégageant 150 MM²/an (5% du PIB). Depuis 10 ans, par fusion de media (journaux, TV, internet), des groupes se forment, aux milliers de créateurs qui conçoivent (ou copient) tous les produits multimédia imaginables, pour le marché local, puis avec l’ambition de les exporter.

Mais pour réussir, il faut de la liberté de création, c’est à dire le recul de la censure, sujet de ce Plenum. Pour la 1ère fois, la dérégulation est réclamée par les membres du Parti eux-mêmes. Car la censure lèse leurs intérêts- étant actionnaires de ces groupes… Quant aux journalistes, ils deviennent toujours moins contrôlables, et après l’accident ferroviaire de l’été, ont ignoré la censure, publiant sur six colonnes, des clichés interdits du TGV suspendu dans le vide.

Par contre le Plenum veut s’en prendre aux microblogs, maillon faible de la censure, facilitant des meetings sans que la police puisse réagir. Il espère les museler par un enregistrement obligatoire des bloggeurs sous nom réel. Mais est-ce faisable, quand le pays compte déjà 600 millions détenteurs de mobiles, dont deux tiers de microbloggeurs, après seulement deux ans d’existence ? La démarche semble à vrai dire désespérée – comme une dernière chance de contenir une brèche, sur un barrage en train de céder.

Autre temps fort : la visite d’Etat de l’ex-et futur Président de Russie, Vladimir Poutine.

Les 11-12/10, il signa 16 accords contrats pour 7,1 milliards de $ et régla le différend sur le prix du pétrole, dont la Russie livre depuis janvier 300.000 barils/jour. Mais il ne régla pas la dispute sur le prix du gaz, dont Moscou espère livrer 68 milliards de m3/an durant 30 ans (soit 2% du PIB russe).

La visite fut précédée par deux incidents étranges, provoqués soit par maladresse, soit délibérément.

Moscou révéla la détention depuis un an d’un espion chinois qui tentait de voler des plans de missiles. Et surtout, après avoir voté avec Pékin à l’ONU le véto protégeant la Syrie, Medvedev, l’actuel Président se retourna, critiquant le dictateur B. al-Assad et invitant l’opposition syrienne à Moscou. De ce fait, la Chine se retrouvait seule, dans le rôle inconfortable du «chevalier noir». Pire, c’était la seconde fois—Moscou ayant déjà lâché en juin Kadhafi, et le partenaire chinois.

Pour conclure, cette mission ambigüe, se conclut sur l’impression d’une Russie partagée, sur la représentation qu’elle se fait du géant voisin oriental : allié, ou rival ? En effet, c’est quand même la Chine que Poutine a choisie comme but de son 1er voyage «pré-présidentiel». Lui réservant ainsi les meilleurs espoirs de renforcer l’alliance «stratégique» -pour saper ensemble le colosse yankee aux pieds d’argile.


Banque : Temps agité sur la mer des finances

Nouvelle qui fait «tilt» le 10/10: Huijin, filiale du fonds d’Etat CIC (China Investment Corporation), rachète 70 millions d’actions des quatre grandes banques chinoises. Goutte d’eau qui change peu la part de l’Etat dans ces «quatre soeurs» – 40% d’ABC (Agricultural Bank of China), 35% d’ICBC (Industrial & Commercial Bank of China), 57% de CCB (China Construction Bank) et 67% de la BdC (Banque de Chine). Mais c’est un message clair de soutien à ses locomotives financières, qui venaient de perdre un tiers en bourse de Shanghai en 10 mois -laquelle avait elle-même chuté de 18% du 01/01 au 04/10.

Ces difficultés reflètent le frein à la croissance, la lutte contre l’inflation qui stagne en septembre à 6,1%. Or ce même mois, Pékin forçait les quatre soeurs à acquérir pour 20 milliards de ¥ de bons d’Etat pour les «punir» d’avoir trop prêté en août. Voici donc l’Etat forcé de naviguer à vue, punissant en septembre pour renflouer en octobre.

Ce soutien ne rappelle-t-il rien ? Le Sommet de l’Union Européenne (23/10) doit, lui aussi, fixer des règles à la recapitalisation des banques, nécessaire pour leur éviter le sort de Dexia, en faillite. Les causes profondes ont aussi d’étranges similitudes. Sur les 2 continents, les banques sont plombées par de mauvais prêts et par l’absence de discipline budgétaire, chez les provinces en Chine, les Etats membres dans l’Union Européenne.

2011 est le théâtre d’une autre crise : celle du crédit. Les PME (80% du PIB) sont contraintes de se tourner vers la banque «grise» (mont-de-piété, mafia), et ferment par millions, faute de pouvoir payer des intérêts usuraires, jusqu’à 100% par an. Le 1er ministre Wen Jiabaoressort sa vieille promesse (jusqu’ici vaine !) de forcer les banques légales à prêter aux PME, pour lutter contre la prolifération de la finance sous le manteau, sans tutelle ni impôts, +50% nationalement en 2011, et occupant 20% du marché de Wenzhou (Zhejiang). L’Etat parle de la casser, mais sans rien pouvoir faire -elle est trop nécessaire.

Autre crise prédite par l’économiste M. Pettis sur CCTV (12/10) : celle des Grandes entreprises d’Etat (GEE), que l’Etat devra probablement renflouer à court terme. Depuis 10 ans, les GEE empruntent à taux bas, probablement négatif après inflation: plus elles empruntent, plus elles gagnent, même sans placer les fonds, ou bien sur des projets politiques, redondants et sans marché. Dès sept. , Fitch avertissait que pour maintenir le même taux de croissance, il fallait investir 185% du PIB en 2011, contre 124% en 2007. Fitch menaçait d’ailleurs de casser la cote chinoise d’emprunt « AAA ».

La question est celle de la dérégulation du taux d’intérêt. Depuis 2010, les banques militent pour changer un système qui cesse de leur bénéficier, et réclament un taux qu’elles fixeraient elles-mêmes selon la loi du marché, leur permettant de réduire les risques.

Aujourd’hui, Wen Jiabao suggère que la phase d’austérité s’achève : les banques devraient bientôt payer moins de dividendes, recevoir la liberté de taux d’intérêt et renforcer leurs réserves en prévision des faillites en province, ainsi que de nouvelles règles de capitalisation, en vigueur au 01/01. Mais pour cela, Pékin doit attendre le G20 de Cannes (3-4/11), vu les incidences de ses décisions sur son propre marché. La date la plus plausible sera décembre, au sommet financier national à Pékin.

Ainsi, la crise a des causes comparables en Chine et en Europe : le remède lui aussi, pourrait offrir des convergences, à savoir en Europe, un carcan communautaire aux budgets des Etats membres, et en Chine, un taux d’intérêt libéré. L’objectif, de part et d’autre, est de boucher les gouffres financiers. En Chine, enfin, n’espérons pas trop, trop vite : ce genre de nouveau départ ne s’impose que sur de longues périodes, à doses homéopathiques !


Infrastructures : Birmanie : Barrage chinois bloqué, relation en crise

Électrochoc à Pékin le 30/09, après l’annonce de l’arrêt du chantier du barrage de Myitsone, au confluent des rivières Mali/N’mai (Birmanie ).

D’une capacité de 6 GW (1/3 du complexe des Trois-Gorges), ce projet devait coûter 3,6MM$ à la Chine. La nouvelle laisse un goût amer, car Pékin n’y était pas préparé: le 11/09 encore, le ministre birman de l’électricité défendait le projet. En 2010-2011, Pékin investissait 10 milliards$, sans compter 7,4 milliards$ de prêts, chez ce petit voisin au régime militaire qu’il protégeait depuis des lustres contre les sanctions de l’ONU.

Or les conséquences du revirement birman sont lourdes. Au total, ce sont 7 barrages, pour 20MM$, qui avaient été contractés sur 10 ans, sur le bassin de l’Irrawaddy : le très ambitieux projet d’exploitation d’un potentiel hydroélectrique quasi-vierge, est compromis.

Mis devant le fait accompli, Pékin aurait peut-être pu le voir venir. Depuis 2009, deux tendances émergent, qui remettent en cause la relation bilatérale exclusive :

[1] Sous l’influence de jeunes enrichis retournés d’exil des Etats-Unis, la junte sent le profit qu’elle tirerait d’une réconciliation nationale, venant fouetter cette économie endormie, sans réel risque pour son oligarchie. Dans ce but, elle a tenu en 2010 des élections (bidon, mais c’était un geste), mis fin à la résidence forcée d’Aung San Suu Kyi (11/2010), et libéré 6300 prisonniers dont au moins 206 politiques (12/10). D’ailleurs, le spectacle rare de la lady applaudie par un aréopage de militaires, à Nay Pyi Taw la capitale, aurait pu mettre la puce à l’oreille à Pékin.

[2] La population vit mal la présence du géant chinois, cassant son artisanat et exportant en masse ses ressources. Myitsone attisait le malaise : 90% du courant devait partir au Yunnan, et les 12.000 villageois déplacés, savaient qu’ils ne verraient rien des 54MM$ de recettes promises. Aussi le chantier avait mis fin à 17 ans de trêve à la guérilla dans l’État Kachin. Les écologistes brandissaient les risques d’envasement et de rupture de l’ouvrage à 100 km d’une faille géologique, menaçant 150.000 habitants de Myitkyina. Les militaires eux-mêmes partageaient ce ressentiment, révélé par les fuites de Wikileaks en février.

Aussi pour «respecter la volonté du peuple», Thein Sein le Général-Président a « suspendu » le chantier jusqu’à 2016, fin de son mandat.

Mais juste après, il fait tout pour contrôler le dérapage – un froid avec Pékin n’est pas soutenable. Le 10/10, son Ministre des affaires étrangères est à Pékin, et Tin Aung Myint Oo, le Vice-Président sinophile, s’apprête à le suivre. L’on rassure Pékin surtout sur l’autre projet géant, l’oléoduc Shwe-Kunming, 1400km à travers jungle, pour des MM$ d’investissement stratégique pour Pékin, afin de faire éviter le détroit de Malacca (pirates, 6ième flotte US !) à son pétrole importé.

Preuve de la gravité de l’affaire, c’est Xi Jingping en personne qui reçut l’émissaire. Il lui fit un accueil prudent, se disant « prêt à trouver une solution ». C’était une réponse élégante à un revers grave, car parmi tous ses alliés, la Birmanie était des moins susceptibles de lui faire défaut.

Suite au lâchage, Pékin révise ses options. Au Cambodge, South Power Grid quitte des projets de barrages controversés. En Ethiopie, l’Eximbank retarde des projets contestés sur le Nil… A la dure, la Chine apprend les limites d’une stratégie volontariste d’équipement du tiers monde, menée sans consulter les populations.


Agroalimentaire : Xinjiang – une embauche pas coton

Au Xinjiang, comment faire récolter un coton au cours en baisse de 22% sur 2010, par des saisonniers aux salaires en hausse de 40% ?

La réponse est : on récolte moins. «Cotton Belt» du pays dont il assure le tiers de la production, le territoire autonome fait traditionnellement venir chaque automne des centaines de milliers de main d’oeuvre du Shanxi, Gansu et autres provinces du centre. Mais au 10/10, pour récolter ses 2,5 millions de tonnes de duvet blanc sur 1,4 million d’ha, 100 000 cueilleurs et cueilleuses font toujours défaut.

La carence prête à réflexion. En 2000, Canton ouvrait le bal des absents, suivi de Shanghai en 2005. Aujourd’hui, c’est le Far-West qui cale, tandis que Canton et le Delta de la rivière des Perles manquent structurellement d’un million d’actifs. C’est le résultat du plan de rattrapage du Centre-Ouest, initié par Zhu Rongji en 1997 à coup de centaines de milliards de $ en infrastructures et d’encouragements fiscaux aux délocalisations. Chongqing par exemple, dans sa nouvelle zone de Liangjiang, offre une taxe d’affaire de 15% + 2 à 4 ans de grâce, au lieu de 25% dans le reste du pays. Aussi, les saisonniers sichuanais d’hier, travaillent à présent chez eux.

La chute de la natalité joue aussi, après 40 ans de planning faisant fondre les troupes de l’exode rural. En ville, ces «waidi» font étudier leurs enfants, qui adultes, deviennent tout sauf ouvriers.

Finalement, face à la pénurie de main d’oeuvre, la solution pointe à l’horizon: la mécanisation de la récolte des cotonneries, opérationnelle d’ici « quelques années ».


Politique : Massacre de Hans sur le Mékong

Drôle de drame sur le Mékong, en plein Triangle d’Or. Le décor fluvial eût ravi les touristes, mais ce 05/10 à bord du Yu Xing 8 et du Hua Ping, chalands chinois, les marins avaient d’autres soucis, surveillant les berges, redoutant d’en voir jaillir des pirates. Ce qui hélas, arriva.

Sur le parcours lao-birman, huit hommes du parrain Nor Kham (selon la police thaïe), les prirent d’ assaut. Y eut-il lutte? Tuerie d’un forban qui fut vengé ? Les 12 marins furent retrouvés à l’eau, fusillés. Puis les bateaux entraient en eaux thaïes, où les attendait l’armée royale : les mafieux s’enfuirent, sauf un (abattu). Sous la charge d’ail et de pommes, on retrouva 920.000 amphétamines, d’une valeur de 3,2 M$.

‘ L’annonce du massacre causa vive émotion en Chine. Pékin édicta l’arrêt de ses navires (équipages rapatriés par voie de terre), et réclama «une enquête» des pays riverains. Pourtant, sur l’évident chaos régnant sur le cours d’eau transfrontalier, elle porte sa bonne part de responsabilité. Quoique 90% du commerce y flotte sous son pavillon, la Chine ne siège pas à la MRC, (Mekong River Commission), l’organe international de tutelle : elle l’évite studieusement, par refus de rendre compte de ses plans de barrages.

‘ Cependant cette politique individualiste a privé le Mékong d’une police fiable et de sécurité, ce qui se retourne d’abord contre elle, propriétaire de 116 des 130 péniches de ce segment du fleuve.

Rien qu’en avril, 34 de ses matelots étaient libérés contre rançon. Aussi, ce drame pourrait accélérer l’inéluctable adhésion de la Chine à la MRC, dans son intérêt bien compris !


Sport : Tour de Pékin — une « vélorution » parsemée d’ornières

Le 09/10, la Chine vit l’élite du cyclisme mondial, casquée de Kevlar, sprinter vers la ligne d’arrivée du Tour de Pékin, 1er du genre. En cinq étapes, montagnes et plaines, les coureurs avaient franchi Shunyi, Mentougou, la Grande Muraille et les joyaux des Jeux Olympiques de 2008 (Nid d’oiseau, Cube d’eau). T. Martin (allemand, équipe HTC, récent champion du monde du contre-la-montre) remportait l’épreuve.

Avec leurs meilleurs ténors (attirés par de fortes primes), 18 équipes internationales avaient participé à cette course dernière-née du World Tour, qui confirmait la stratégie de l’Union du Cyclisme International (UCI) les 5 continents – après les tours Down Under (Australie), du Qatar, d’Oman, du Colorado… En décembre 2010, UCI et la Commission Nationale des Sports avaient signé pour quatre ans cette boucle pékinoise, avec le support technique d’ASO (Amaury Sport Org.), groupe français propriétaire du Tour de France.

A la remise des médailles, UCI et ASO ne trouvaient pas les mots pour exprimer leur satisfaction. Même si les athlètes chinois manquaient encore à l’appel et le dernier jour lourdement pollué, les routes pékinoises s’avéraient «d’une qualité remarquable». Quant au suivi des media étrangers et locaux, il augurait de phénoménales recettes de retransmission TV, de sponsoring et des publicités.

Des cadres comme P. McQuaid, Président de l’UCI, évoquaient les bénéfices pour l’État chinois qui, sans bourse délier, ferait découvrir ses monuments et paysages à la Terre entière, une fois divers tours établis à travers le pays. Une fois doté de ses propres équipes professionnelles de niveau mondial, il collectionnerait médailles et maillots « rouges », flattant sa conception nationaliste du sport. Quant à la population, elle en tirerait des loisirs nouveaux, spectateur à la TV ou au bord des routes, et de retour en selle, en individuels ou en clubs amateurs. Mais il y a loin de la coupe aux lèvres— avant de pouvoir goûter ces fruits, que de problèmes à régler, tant virtuels que matériels.

Symbole du fossé culturel, contrairement aux tours européens où les fans peuvent s’approcher des coureurs, le public du Tour de Pékin était parqué sous haute surveillance. La qualité moyenne des routes chinoises est médiocre-défoncées, bondées, dangereuses. D’autre part, tant en terme de répartition des recettes qu’en gestion de la compétition en direct, le partage des compétences entre professionnels étrangers et fonctionnaires locaux ne va pas de soi.

Un long chemin reste aussi à faire pour changer les mentalités—chargées d’un héritage de méfiance révolutionnaire. Chez l’ex-usager aujourd’hui reconverti à la voiture ou aux transports en commun, le vélo n’est guère plus qu’un signe extérieur de pauvreté, d’un usage strictement utilitaire bien éloigné de la vision ludique de notre Petite Reine. Le cadre socialiste lui, se méfie toujours d’un vélo sportif, prélude à l’apparition de clubs, voire pire, de fédérations aux bureaux élus selon le modèle européen… Tout ceci explique l’absence de soutien de l’État et la rareté des courses : aux JO de Pékin, sur 100 médailles à prendre, la Chine n’avait obtenu qu’une, en bronze, en sprint féminin.

Il n’empêche, avec la tenue du 1er Tour de Pékin, une étape est franchie, modifiant la conception officielle de ce sport, de «au service du Parti» à «au service de l’homme». Les autorités s’y résolvent, sous la demande pressante d’une société qui s’enrichit matériellement, à se cultiver physiquement et selon une éthique, ce que permet le 2-roues, comme tout sport. Dans ce processus pourtant, pas question de parler de démocratie -mot qui sonne mal. Comme titre China Daily, « la route du succès est pavée d’argent ».


Petit Peuple : Shijiazhuang : le vrai faux fils indigne

Le 21/06, TV3 choqua l’audimat du Hebei, en diffusant l’innommable style de vie de Xu Feng et de Wang Rong sa femme, de Xiumen (Shijiazhuang). Sans scrupule, le jeune couple vivait aux crochets de Lao Xu, père de Xu qui leur versait 1000¥/mois. A part rester au lit ou sur internet, il faisait néant, pas même la cuisine que le père devait assurer (comme la lessive), après son boulot de conducteur d’engins de chantier. Ils n’avaient même pas envie de chercher du travail : « il fait trop chaud ! On ira postuler une fois la canicule passée… ».

À 25 ans, ce fils unique ne manquait pas une occasion de se conduire en butor. Devant être expropriés et attendant le chèque de la mairie, Xu réclamait du père qu’il lui avance la somme. Il exigea aussi, sous peine de le renier, qu’il signe une reconnaissance de dettes. Il lui reprochait amèrement de ne pas avoir donné assez en dot à sa femme, ce qui lui faisait perdre la face. Et quand piteusement, son père avoua, en cette circonstance, avoir envisagé de vendre un de ses reins, « fais-le donc, avait crié le fils exaspéré, ça me tirera de la dèche».

Son audace n’avait pas de limite. Comme le père réclamait du couple un petit-fils, Xu Feng avait osé lui imposer un contrat par lequel le futur papy devrait tout payer, des cantines au cartable. S’il ratait une seule facture, il verserait 100.000¥ de compensation.

Cette dernière insolence avait été, dans l’audimat, la goutte faisant déborder le vase, car elle violait deux impératifs confucéens — respecter les anciens et leur donner un héritier. Aussi sur internet et au landernau de Shijiazhuang, la rage explosa. Pour retrouver le fils indigne, une milice cycliste se monta, sous la bannière vengeresse «guerre à Xu Feng». Le Journal de la Jeunesse fit ses choux gras de propos indignés comme ceux du retraité Wang : « en 30 ans, je n’ai jamais entendu un tel cas de manque de piété filiale… Il faut le forcer à s’excuser devant les masses». D’autres cependant juraient leurs grands dieux que ce pauvre type n’était pas du coin et menaçaient de plainte en diffamation au nom de leur banlieue «déshonorée».

Fait bizarre, la télé elle, refusait de partager le moindre indice avec les collègues – prétendant protéger son exclusivité de l’histoire…

Puis, 6 semaines après, coup de théâtre : Xu Feng se présenta au Journal de la Jeunesse. Il était las des agressions qu’il subissait au jour le jour. Un soir au restaurant, quatre hommes lui étaient tombés dessus et s’étaient mis en tête de l’identifier formellement à partir de leur smartphone : Xu ne s’était tiré de ce mauvais pas qu’en prenant ses jambes à son cou…

Aussi, Xu voulait en finir, remettre les pendules à l’heure: tout, de cette saga, était bidon. C’était un mauvais script de série « B ». Il s’appelait Su, de son vrai nom. Et il était vigile, de son métier. En juin, une maison de production l’avait approché pour participer à une (fausse) émission de télé-réalité. Trois répétitions lui avaient suffi pour entrer dans le rôle du traitre, avec les conseils du metteur en scène, pour que le public «le haïsse au 1 er regard». Après le tournage, il avait touché son ridicule cachet de 150 ¥. Mais après la diffusion, quant avaient commencé à tomber les commentaires, la télé l’avait laissé tomber, se contentant de lui fourrer dans la main 2000¥ de plus – pour le faire taire.

Su, alias Xu Feng, dut donc se débrouiller seul, ou plutôt, avec son père. Aux journalistes du Journal de la Jeunesse, il balança le bidonnage de TV3, stigmatisant au passage son flagrant manque d’éthique. Quatre jours après, le père à son tour reçut les journalistes pour donner foi au témoignage du fils. Xiaosu était un fils modèle, qui lui rendait souvent visite (il n’était pas conducteur d’engin, mais paysan à la retraite). Sans oublier de lui porter à chaque fois le flacon du spiritueux qu’il prisait et un peu de sous par-dessus le marché.

En fin de compte, le seul tort de Su avait été d’être trop convainquant dans son rôle : d’avoir déployé, en studio, «l’habileté qui mène à la catastrophe » (弄巧 成拙, nòng qiǎo chéng hūo).


Rendez-vous : Ouverture de la Foire de Canton

15-19 octobre : Foire de Canton (1ère phase)

17-23 octobre : 10ième anniversaire de la Semaine française de Shanghai,

18-19 octobre, Shanghai : Salon de la mode lingerie

18-21 octobre : Intertextile Shanghai,

18-21 oct, Pékin : BICES, Salon et Séminaire sur les machines de construction

20-22 octobre, Shanghai : Agrochemex, Salon de la protection de l’agriculture

21-23 oct. Xi’an : Avionichina, Salon sur l’avionique et équipements de test