Depuis l’arrestation pour corruption, en février, du ministre Liu Zhijun, rien ne va plus aux chemins de fer chinois : béton de piètre qualité (carence en «cendres volantes»), fissures d’essieux, rails voués à se déformer…
Avant l’ouverture, le 30 juin, de la ligne TGV Pékin-Shanghai, la vitesse max avait été revue à la baisse (300 kms) sur l’ensemble du réseau TGV, « pour la sécurité ». Ce qui n’avait empêché de multiples retards (officiellement attribués à des coupures de courant. Ni, le 23/07 la collision fatale de deux rames près de Wenzhou (Zhejiang) – 40 morts, 191 blessés. Pertes lourdes, mais le coup porté à la crédibilité du réseau est plus grave encore !
Depuis 2004, l’État a lancé un programme d’une ambition extrême: se doter d’un réseau TGV «made in China, by China», le plus étendu et le plus rapide du monde.
Rattraper en 10 ans 50 ans de recherche et d’industrie d’Europe et du Japon. Carte blanche à Liu (financière, juridique, politique) pour acquérir, dupliquer les technologies étrangères, exproprier, bâtir. Une fois le projet sur les rails, ce TGV s’exporterait (USA, Inde, Thaïlande, Brésil), permettant de rembourser une mise de fond inimaginable.
Pour 313MM$ d’investissement, le ministère des chemins de fer a ouvert 13 lignes, 8358km de TGV- autant que l’Union Européenne entière. En décembre, un CRH chinois de série établissait un nouveau record du monde à 486km/h. Mais après l’accident, cette gloire disparaît en fumée. Zhou Yimin, ancien haut fonctionnaire rappelle l’impasse sur les tests, la qualité médiocre générale de cette filière. Le drame est imputé à un logiciel fautif remettant les sémaphores au « vert » après coupure de courant. Des systèmes d’alerte auraient aussi failli…
Classiquement, la catastrophe a été suivie d’une campagne de contrôles sévères et de rappels (comme ces 54 rames aux essieux fissurés). A Shenzhen le 23/08, sous les questions des inspecteurs centraux, Ma Cheng, chef de 58 chantiers de signalisation s’effondre -arrêt cardiaque. 48h plus tôt, Wen Qingliang, du bureau ferroviaire de Kunming, est arrêté pour corruption…
Chez les usagers, après la colère – suite à la maladroite tentative d’enfouir sur place des wagons accidentés- c’est la désertion. Sur le Pékin-Shanghai, l’occupation officielle de « 107% », tombe à 20%, au profit l’aviation, remplie alors à 90% – aubaine qui lui permet de mettre fin aux discounts lancés en juin (jusqu’à 410¥ le vol aller simple).
La confiance disparaît aussi chez l’investisseur, face au déluge d’obligations -cinq émissions en 2011, quoiqu’à taux bonifié à 5,25%, et à court terme (3 mois), elles ont du mal à trouver preneur. Le Ministère emprunte pour se refinancer avant la hausse pressentie des taux. Il doit aussi couvrir ses pertes (car il est déficitaire) et financer les chantiers – momentanément interrompus – de 26 autres lignes. Sa dette de 190MM² est réputée passer à 400 MM² d’ici2015.
Pourquoi tout ce gâchis ? En raison de l’objectif du plan, de prestige et non de marché. Mais aussi d’une défaillance de supervision du ministère, bastion post-maoïste de 2,1 millions d’âmes gérant sa police, ses tribunaux, et protégé, dit-on, par Jiang Zemin l’ex-Prsdt. Même l’inculpation du ministre Liu n’a pas permis de déclencher une restructuration. Pour rétablir la confiance, Pékin double l’indemnisation aux familles des victimes (99500 euros), limoge quelques hauts cadres…
Mais pour le nettoyage des écuries d’Augias, mettre fin aux mauvaises habitudes, restaurer fiabilité et rentabilité, on voit mal comment l’Etat pourrait se passer plus longtemps du savoir faire étranger: d’un partage du marché intérieur, pour permettre ensuite celui mondial !
Sommaire N° 27