Le Vent de la Chine Numéro 27

du 28 août au 3 septembre 2011

Editorial : Nicolas Sarkozy à Pékin—fructueux passage éclair

Le 25/08, le Président français Sarkozy était reçu à Pékin par Hu Jintao, en escale d’un voyage vers Nouméa.

Préparée depuis six semaines à peine – délai fort bref pour une Chine habituée à planifier en semestres, la visite suscitait sur place des réactions assez diverses !

Agacés, des conservateurs dénonçaient l’« auto-invitation » et brandissaient dans la presse des poncifs exhumés de 2008 (« France arrogante », « Petit Napoléon »). La vraie raison à cette ire étant peut-être la guerre de succession de Hu. Pour maintenir son influence après son départ en 2012, Hu nomme à tour de bras des fidèles à la tête des ministères et de l’APL (l’armée), en 2011 et écarte ses adversaires «petits princes» (fils de leaders) ou du « club de Shanghai », dans l’orbite de Jiang Zemin. Il le fait par un jeu de «promotions paralysantes », ou en les arrêtant pour corruption (cas de Liu Zhijun, ex-ministre des chemins de fer, protégé de Jiang).

Au Grand Palais du Peuple pourtant, la rencontre vivait l’ambiance inverse : radieuse, reflétée par le communiqué chinois : relations « excellentes », confiance « accrue », coopération « fructueuse »… Car depuis 2007, après des débuts électriques avec la Chine, N. Sarkozy a fini par devenir (suivant un cheminement similaire à celui de G.W. Bush 15 ans en arrière) un allié réel de ce pays, où il faisait ce jour-là sa 6ème visite présidentielle. Laquelle servait à Hu des arguments précieux face à son opposition, sur des dossiers tant nationaux qu’internationaux.

Une question urgente est la Libye. Un cadre d’Agoco, firme pétrolière des rebelles, parle en août de confisquer les avoirs chinois (cf p.3) -il n’est pas le seul, la tentation est grande. Comment, pour Pékin, redorer à Tripoli son image au plus bas après avoir longtemps misé sur le «mauvais  cheval»? Secondé de son conseiller J.B. Lévitte, Sarkozy invite Hu à « sa » conférence de Paris, début septembre, pour la reconstruction du pays libéré. Pour Hu, face à ses adversaires, c’est une victoire, car c’est suite à leur rigorisme que Kadhafi est si longtemps resté l’«allié», et ce sommet est pour la Chine une chance réelle d’offrir à la Libye des infrastructures à prix qu’on ne peut refuser…

Sarkozy croit d’ailleurs aussi lire une érosion du soutien chinois au Prsdt syrien Bashar al-Assad, l’autre dictateur, dont Pékin se détacherait à petits pas…

Le sujet de fond, était la préparation du G20 de Cannes de novembre. Président de cette initiative de réforme des flux financiers mondiaux, Sarkozy se garde de n’associer que la Chine, mais se fait le commis voyageur d’une tournée imminente chez d’autres décideurs qu’il veut entendre et dont il quête le soutien : B. Obama ( 22/09), la brésilienne Dilma Rousseff, l’italien Berlusconi. Accompagné notamment de François Baroin, le ministre de l’Economie et des Finances, il aborda avec Hu, deux dossiers :

– quelle stratégie chinoise pour relancer la consommation intérieure, industrielle et des ménages. Au plus bas, celle-ci n’atteint plus que 30% du PIB contre 60% en Europe, 70% aux USA. On avoue cependant mal voir ce que l’Europe pourrait faire pour aider la Chine dans cette voie qui n’aboutira qu’au prix d’une bouleversante réforme du droit du sol et de l’accès au crédit.

– le passage du Yuan à la convertibilité, souhaitée par les libéraux et combattue par tous les milieux partisans du protectionnisme. Sarkozy l’assure, France et Chine sont d’accord dans les grandes lignes sur l’objectif et un «sentier» pour y parvenir. Détail significatif, Li Keqiang, vice 1er donnait le même jour à Hong Kong, la même assurance aux milieux financiers, et le min. des finances publiait six projets destinés à renforcer l’usage transfrontalier du Yuan.

Enfin, ces efforts constants de Sarkozy pour aider la Chine dans son émergence politique, et à doter le monde de flux financiers assainis, visent certes l’intérêt bien compris de la planète et celui de son pays. Ils sont aussi un outil, dans le plan de campagne électorale présidentielle de 2012 : ce en quoi, en le recevant à si court terme, Hu s’est montré clairement prêt à le soutenir !


Transports : Catastrophe ferroviaire de Wenzhou—vers la fin de la « grande muraille de fer »?

Depuis l’arrestation pour corruption, en février, du ministre Liu Zhijun, rien ne va plus aux chemins de fer chinois : béton de piètre qualité (carence en «cendres volantes»), fissures d’essieux, rails voués à se déformer…

Avant l’ouverture, le 30 juin, de la ligne TGV Pékin-Shanghai, la vitesse max avait été revue à la baisse (300 kms) sur l’ensemble du réseau TGV, « pour la sécurité ». Ce qui n’avait empêché de multiples retards (officiellement attribués à des coupures de courant. Ni, le 23/07 la collision fatale de deux rames près de Wenzhou (Zhejiang) – 40 morts, 191 blessés. Pertes lourdes, mais le coup porté à la crédibilité du réseau est plus grave encore !

Depuis 2004, l’État a lancé un programme d’une ambition extrême: se doter d’un réseau TGV «made in China, by China», le plus étendu et le plus rapide du monde.

Rattraper en 10 ans 50 ans de recherche et d’industrie d’Europe et du Japon. Carte blanche à Liu (financière, juridique, politique) pour acquérir, dupliquer les technologies étrangères, exproprier, bâtir. Une fois le projet sur les rails, ce TGV s’exporterait (USA, Inde, Thaïlande, Brésil), permettant de rembourser une mise de fond inimaginable.

Pour 313MM$ d’investissement, le ministère des chemins de fer a ouvert 13 lignes, 8358km de TGV- autant que l’Union Européenne entière. En décembre, un CRH chinois de série établissait un nouveau record du monde à 486km/h. Mais après l’accident, cette gloire disparaît en fumée. Zhou Yimin, ancien haut fonctionnaire rappelle l’impasse sur les tests, la qualité médiocre générale de cette filière. Le drame est imputé à un logiciel fautif remettant les sémaphores au « vert » après coupure de courant. Des systèmes d’alerte auraient aussi failli…

Classiquement, la catastrophe a été suivie d’une campagne de contrôles sévères et de rappels (comme ces 54 rames aux essieux fissurés). A Shenzhen le 23/08, sous les questions des inspecteurs centraux, Ma Cheng, chef de 58 chantiers de signalisation s’effondre -arrêt cardiaque. 48h plus tôt, Wen Qingliang, du bureau ferroviaire de Kunming, est arrêté pour corruption…

Chez les usagers, après la colère – suite à la maladroite tentative d’enfouir sur place des wagons accidentés- c’est la désertion. Sur le Pékin-Shanghai, l’occupation officielle de « 107% », tombe à 20%, au profit l’aviation, remplie alors à 90% – aubaine qui lui permet de mettre fin aux discounts lancés en juin (jusqu’à 410¥ le vol aller simple).

La confiance disparaît aussi chez l’investisseur, face au déluge d’obligations -cinq émissions en 2011, quoiqu’à taux bonifié à 5,25%, et à court terme (3 mois), elles ont du mal à trouver preneur. Le Ministère emprunte pour se refinancer avant la hausse pressentie des taux. Il doit aussi couvrir ses pertes (car il est déficitaire) et financer les chantiers – momentanément interrompus – de 26 autres lignes. Sa dette de 190MM² est réputée passer à 400 MM² d’ici2015.

Pourquoi tout ce gâchis ? En raison de l’objectif du plan, de prestige et non de marché. Mais aussi d’une défaillance de supervision du ministère, bastion post-maoïste de 2,1 millions d’âmes gérant sa police, ses tribunaux, et protégé, dit-on, par Jiang Zemin l’ex-Prsdt. Même l’inculpation du ministre Liu n’a pas permis de déclencher une restructuration. Pour rétablir la confiance, Pékin double l’indemnisation aux familles des victimes (99500 euros), limoge quelques hauts cadres…

Mais pour le nettoyage des écuries d’Augias, mettre fin aux mauvaises habitudes, restaurer fiabilité et rentabilité, on voit mal comment l’Etat pourrait se passer plus longtemps du savoir faire étranger: d’un partage du marché intérieur, pour permettre ensuite celui mondial !


Environnement : Penglai-19-3, (Shandong), une marée noire « étrangère »

Depuis le 17/06, une marée noire sévit en mer de Bohai depuis 2 plateformes en zone Penglai 19-3, de ConocoPhillips (USA). 5500km² sont touchés dans cette mer intérieure. Les pertes sont lourdes chez les ostréiculteurs : 70% des coquilles StJacques, 60% des holothuries.

ConocoPhillips (CP) a-t-elle été négligente, comme l’en accuse la tutelle SOA, cachant d’abord l’accident, puis tardant à réparer?

Elle a certes trouvé et bouché les fuites, et promet de nettoyer d’ici fin août les 2500 barils de pétrole et de boues souillées. Mais elle a peut-être aussi été «dissuadée» par la faiblesse de l’amende, 200.000¥ max—sans proportion face aux 1 milliard ¥ de pertes publiques et privées alléguées par la State Oceanic Administration (SOA). Un autre souci révélé par la crise, est la faiblesse du corps des inspecteurs, de leur flottille et autres moyens pas du tout à la hauteur de la tâche, pour imposer la propreté des 6000km de côtes chinoises.

Le Conseil d’État prépare à toute vapeur une réactualisation de l’amende. ConocoPhillips elle, se prépare à la marée de procès que vont lui intenter la SOA et les éleveurs marins de deux villages regroupés en un syndicat de plaignants.

Autre problème : CNOOC (China National Off-shore Oil Corp.), partenaire de CP dans cette JV obligatoire, reçoit 51% de la production, sans risque ni investissement : « fait du prince », qui a pu tenter ConocoPhillips d’exacerber la course au profit, au détriment de la sécurité et de la déontologie. Hélas, une telle remise en cause d’un modèle économique, reste absent de la presse locale…


Diplomatie : Chute de Kadhafi—l’heure de vérité

Pour Pékin face à la Libye, la chute de Kadhafi sonne l’heure de vérité.

Qu’on ne s’y trompe pas : l’homme l’exaspérait par ses hâbleries et erreurs tactiques permanentes. Mais un allié est un allié, à Pékin plus qu’ailleurs… Face à ces sept mois de guerre civile, la Chine a fait le grand écart entre les sensibilités opposées au sommet de l’appareil.

En février 2011, avec une maîtrise technique admirée, elle évacuait ses 35.000 ressortissants, perdant sans sourciller 3MM$ de biens pillés sur ses chantiers. En mars, sans plaisir, elle acceptait la résolution 1970 du Conseil de Sécurité, ouvrant la voie aux frappes de l’OTAN (Organisation du Traité Atlantique Nord) qui détruiraient l’armée libyenne, au nom de la protection des civils. Depuis, elle accuse l’OTAN de jouer au gendarme du monde, et en guise d’information, sa presse muselée copia-colla le plus souvent les communiqués du fantasque colonel.

Juin, rebondissement: elle reçoit à Pékin Abdul Jalil, leader du CNT (rebelle), envoie un émissaire à Benghazi. Le 25/08, sans aller jusqu’à reconnaître le CNT (Conseil National de Transition), elle tend la main : «avec quiconque au pouvoir, elle développera des relations, sur base d’égalité et de profits mutuels».

La valse hésitation reflète les divisions entre passé maoïste et réforme «Deng’ienne» au sein du PCC, qui est :

[1] hostile à la démocratie qu’il croit ingérable et brouillonne,

[2] «anti-hégémonique», à savoir en lutte avec l’Ouest pour l’influence sur le Tiers monde et les émergents),

[3] conservateur farouche (méfiant de tout renouveau), mais aussi

[4] pragmatique, (dépendant pour 52% de l’import pour son pétrole, dont le cours fusa durant cette guerre à 115$/baril). Tout ceci contribua à mettre au pilori la «Révolution du jasmin» qui embrase le monde arabe.

Par contre, à mesure de l’avancée des rebelles, tout bascule. Désormais, les contrats chinois déjà engrangés en Libye (20 à 30MM$) sont vulnérables et les perspectives sont désastreuses pour tout contrat futur de reconstruction du pays. Depuis juin, les rebelles soufflent le chaud et le froid, alternant les promesses de respecter les contrats chinois et russes, les menaces de les abroger et les promesses de récompenser les «pays alliés».

La part du lion, disent les initiés, ira aux Emirats (les ports), Qatar (du gaz), aux groupes américains, britanniques et français (hydrocarbures) – Total a versé un acompte de 7M$ sur un contrat gazier de la NGOGC (Northern Global Oil and Gas Co), « avec l’appui de l’Elysée ».

Face à la pente à remonter, Pékin compte ses atouts : sa position à l’ONU, son savoir-faire low cost, sa richesse en crédits pour se refaire une image. Mais dans les autres conflits déjà ouverts ou qui couvent au Moyen Orient, elle y a encore plus à perdre.

Finalement, l’affaire libyenne éclaire l’obsolescence de la diplomatie chinoise de « non ingérence », soit de soutien de régimes oppresseurs. Dès que les populations commencent à s’exprimer, cette position dessert ses ambitions d’export et d’échanges mondiaux. Pour garder son image, elle va devoir considérer les pays, moins selon l’intérêt des maîtres, que de celui des habitants—ce qui sera un défi majeur de Xi Jinping, prochain patron du pays, passé octobre 2012… Dès le 25/08 à Pékin, Sarkozy croyait voir s’effilocher le soutien au despote B. al-Assad —la Chine commençant à retenir, pour la Syrie, la leçon de la Libye…


Diplomatie : Gambades sibériennes pour Kim jong-Il

Kim Jong Il est de nouveau en route, à bord de son train blindé de 17 wagons. Et pas n’importe quel voyage, presque une Odyssée : pousser jusqu’à Moscou étant trop long, le dictateur nord-coréen était rejoint en avion à Ulan Ude (Sibérie, 21/08 ), par D. Medvedev, le Président russe!

Après s’être recueilli devant un Lénine de bronze de 7m de haut, il proposa à son hôte de construire un gazoduc en milliards de dollars, de la Sibérie aux deux Corées.

Experts et diplomates prêtent peu foi en ce projet, y voyant une feinte comme tant d’autres auparavant. Le vrai but du voyage, était de  renouer avec Moscou après des décennies d’allégeance à la Chine, celle-ci insistant un peu trop ces derniers mois pour que « son pays du matin calme» cesse toute agressivité envers le grand rival sud-coréen. « Ingérence » qui irrite Pyongyang, lequel confisquait sur son sol (22/08) une JV de tourisme (Nord/Sud Corée), au mont Kumgang, manière de balayer la suggestion du trop pressant parrain…

Nonobstant, le 25/08, le cher leader passait en Chine où il visitait Qiqihar et Daqing – une usine de lait, une de machines-outils.

Au conseiller d’État Dai Bingguo, il réitérait une autre offre : reprendre les palabres de désarmement avec les quatre autres pays concernés (Corée du Sud, USA, Japon et Chine). Mais pour l’instant en tout cas, aucun Etat ne semble mordre à l’hameçon—le scénario est trop connu!


Environnement : Dalian, prémisses d’un dialogue « vert »

A Dalian (Liaoning), les patrons de Fujia Chemical soupiraient de soulagement le 8/08/2011 : l’orage tropical Muifa n’avait détruit qu’une digue, pas leur usine. Mais le 14, ils apprenaient la décision de fermer le site: fruit d’une manif de toute une métropole muée en activiste-écolo !

En fait, tout était joué avant l’orage, par ce qu’il faut bien appeler une bêtise de ce groupe semi-privé (1,5 milliard de $ d’investissement). En reportage sur les risques pour l’usine de cette tempête qui s’approchait, une équipe de TV s’était fait rosser aux portes de Fujia, qui avait aussi fait interdire l’émission. Fujia avait le bras long: co-propriétaire, la mairie touchait aussi 330M$ de taxes/an, sur les 700.000t de paraxylène (PX) produites sur le site, un composant du polyester. Or à Xiamen en 2007, une mobilisation populaire avait déjà fait échec à un projet similaire d’usine de PX.

En Occident, l’affaire aurait été gérée par la presse, permettant à l’opinion de mieux mesurer les risques. Car selon un militant de Greenpeace-Chine, la toxicité du PX n’aboutirait à guère plus que de simples irritations (yeux et peau). Mais quand la digue se brisa, la population au courant de la censure télé, imagina le pire : des profusions de naissances anormales, des morts en 8 minutes au contact de l’eau de mer… Bientôt, la ville bouillait, exigeant le départ immédiat de Fujia -question « de vie ou de mort ».

S’ensuivit un curieux bras de fer. Sur les forums internet, la censure s’activait. Mais sur Sina Weibo ou Renren, ces services de mini-blog et de rencontre sociale, on se donna Rendez-vous pour le dimanche suivant, sans que puisse être identifiée une source précise. A l’heure dite, malgré la présence de nombreux policiers, ils étaient 12.000 à crier «Fujia dehors», ou «rendez-nous Dalian». Certains arboraient même, typique d’un activisme «à la chinoise», un T-shirt imprimé par leur entreprise, soutenant la manif.

Dès 10h30, Tang Jun, le Secrétaire du Parti, montait sur une voiture, mégaphone en main, promettant la fermeture et le départ demandés. Faute d’entendre une date limite d’exécution de la promesse, les activistes maintinrent l’occupation jusqu’à l’après-midi, où le maire Li Wancai réitéra la promesse. Suite à quoi la foule se dispersa – apparemment sans être inquiétée.

En Chine, ce succès d’une foule sur une autorité est rare. A pu jouer la crainte d’un scénario-horreur remonté de la mer, style Fukushima. Probablement aussi, le renouvellement en cours de tout l’appareil d’ici oct. 2012. Pour les apparatchiks, c’est le moment de prouver leur capacité à gérer les crises et leurs vertus populistes. Toutes proportions gardées, cette atmosphère «pré-électorale» peut susciter chez les leaders une forme d’écoute plus permissive.

Sans nul doute, c’est de la rue que vient le changement : là, triomphe le syndrome nimby (de l’américain«not in my backyard »), le refus d’infrastructures d’intérêt public près de chez soi. En Chine, de source officieuse, les troubles sociaux sur fond de dégradation de l’environnement dépassent les 100.000 par an. A Dalian, cette sensibilité peut émerger plus vite qu’ailleurs, du fait de sa fonction (ballon industriel) et de sa géographie (à la pointe d’une péninsule, au coeur de la mer de Bohai). Du fait aussi d’incidents pétrochimiques à répétition (pollution de la Songhua en 2005, de la mer de Bohai depuis juin, cf. ci-dessous).

Ajoutons l’accès à la propriété d’une bourgeoisie émergente, prête à défendre son bien autant que sa santé, et le lancement depuis deux ans de Weibo, le «twitter» chinois aux 200 millions d’usagers de moins en moins contrôlables. Tous les ingrédients sont là pour permettre à un « lobby de rue » d’exercer un début de pression apolitique, non idéologique, impensable il y a seulement cinq ans !


Petit Peuple : Chengdu : le temps retrouvé, et mis en vente

En juin 2011 à Chengdu (Sichuan), Jiang Zhihui s’est lancée dans une expérience naïve en apparence mais qui par son principe faussement innocent, sème du poil à gratter au dos de sa société: si tout le monde détient à la naissance le même capital de temps (du principe même de l’existence), et jouissent du même droit à le gaspiller ou cultiver à leur gré, si donc tout s’achète et tout se vend, pourquoi ne pas vendre son temps aux autres, à défaut de le tuer ?

Drôle d’idée ! Pour tenter de l’expliquer, disons que Jiang Zhihui avait vécu 26 années dorées, née une cuillère en argent dans la bouche, et tout ce qu’une famille aisée peut donner pour la faire démarrer du bon pied : un mariage bourgeois avec Mo Jiabin, brillant officier de police, un bel appart, une voiture (VW Magotan), des fêtes et vacances à la pelle. A peine diplômée en 2009, elle avait pris (sans enthousiasme) le poste qu’on lui avait offert dans une grosse boite d’ Etat. Puis ne supportant pas l’absence de toute créativité et de tout contact au risque, elle en avait claqué la porte 6 mois plus tard. Baba devant sa fille, et ses bouffées de rébellion, le père avait alors financé (80.000¥) ses débuts dans la coiffure, un salon qui fermait quatre mois plus tard, puis (100.000¥) un essai de commerce de briques et de tuiles qui capotait bientôt à son tour. Le problème de Zhihui étant son ignorance totale du marché, de ses trucs comme de ses pièges. L’idée du commerce l’intéressait plus que sa réalité. Passant ses journées à se relever, puis à remordre la poussière sur un autre projet, elle commençait sérieusement à craindre de n’être qu’un fruit sec ou qu’une «kenlao» 啃老, «rongeuse de vieux» – profiteuse de ses pistons.

En janvier 2011, une petite annonce sur internet apparut pour la sauver. Quelqu’un recherchait un certificat de naissance «au pays», très loin de Chengdu. Affaire ardue. L’homme était prêt à payer ce qu’il faudrait. L’offre la fit réfléchir. Cinq mois après, elle ouvrait sa pratique sur le forum Yinbin, proposant à quiconque son temps, pour faire ses courses, rendre ses visites, faire la queue à sa place pour toute formalité.

L’accueil fut mitigé. Un importun appela pour conter fleurette, un autre pour la chambrer- ce ne serait pas la dernière fois. Deux ahuris vinrent aux nouvelles, et constatant son sérieux total, promirent de la recontacter. Huit jours plus tard, elle avait enfin son 1er profit: 10 ¥, plus 4 de frais pour aller acheter au marché un GSM d’occase. Puis elle fit des achats, livra des bouquets, causa avec une vieillarde pour le compte d’un futur héritier. Au bout d’un mois, elle avait vendu 70h et gagné 1000¥ : somme dérisoire, mais elle tenait le bon bout, pensait-elle. La demande était bel et bien là, et le travail s’avérait captivant, humain, créatif et diversifié.

Mo, son mari, ne tarit pas d’éloges : «la vie nous dévore, dans le stress et les démarches idiotes. Pour 3 sous Jiang lui en rend le temps : pour tous, c’est un trésor, un outil de relance des rêves. Et pour elle, c’est l’avenir!» – rien moins.

D’autres sont plus critiques : elle n’est qu’une de ces filles cherchant à faire son intéressante (chaozuo, 炒作). D’autres l’accusent de cracher dans la soupe d’une existence privilégiée.

Au fond, si son offre atypique fait tant de remous, c’est qu’elle écorne le modèle social dominant. Nombre la fustigent, et d’autres l’admirent pour refuser le trop facile: une vie superficielle et sans richesse spirituelle, se faisant mener par le bout du nez de la course à l’argent. L’émotion est grande, car l’on sent bien que les idées de Zhihui sont celles de toute une génération de jeunes, celle des années ’80 qui ne se satisfait plus des valeurs hypermatérialistes. La classe dominante s’en protège, rejetant Jiang Zhihui, traitant sa pensée de «digne d’un bandit de grand chemin» (匪夷所思, fěi yí suǒ sī : extravagance à marquer au fer rouge, parce qu’elle mena-ce l’ordre de vie présent !


Rendez-vous : A Shenzhen, le NEPCON, le Salon des semi-conducteurs
A Shenzhen, le NEPCON, le Salon des semi-conducteurs

30 août – 1er septembre, Shenzhen : NEPCON – Salon des semi conducteurs

30 août – 2 septembre, Pékin : MICONEX, Salon des automatismes industriels

1-30 septembre, Shenzhen : CIOE, Salon de l’optoélectronique

1-30 septembre, Dalian : Salon de l’habillement et du textile

1-2 septembre, Pékin : Wireless China, communications sans fil

1-2 sept., Shenyang, Salon des équipements pour la fabrication