Sur le front de l’inflation, les nouvelles se bousculent, confirmant que ce combat est bien l’objectif n°1 de l’État, nécessaire pour maintenir la paix sociale et lui permettre de «descendre du dos du tigre» -de souffler un peu.
Le 11 mai pour la 5e fois depuis janvier, le taux des réserves bancaires obligatoire est rehaussé. En avril, le yuan a pris 10,6% de hausse annuelle, causant l’échec de la 109e Foire de Canton avec 37millairds$ de contrats et +5,8% seulement. En avril encore, l’inflation était de 5,3%, après les 5,4% de mars. Pourtant, on voyait sentait en même temps des signaux inverses: l’import de minerai et la con-sommation d’acier stagner, la vente automobile baisser de 20% et l’immobilier de 10%: comme une fin de cycle…
Pourquoi cette résistance pied à pied de l’inflation à la campagne d’austérité ?
La réponse à cette énigme tient à l’abondance du crédit parallèle: fonds sociaux (les 16MM$ de prime aux constructions de HLM – logements sociaux – les prêts aux PME, 113,8MM$ en avril et+8,8% sur mars), les grands chantiers publics (+46% d’ investissements de janv. à avril) ou la finance «grise»qui ferait 30-/50% du crédit.
Pékin se comporte comme s’il voulait écrêter la surchauffe, mais pas rééquilibrer la croissance, tournant jugé trop risqué, et qu’on laisse à Xi Jinping dans 18 mois. Fin mars, Hu Jintao aurait tremblé, découvrant au 1er trimestre un déficit commercial à vrai dire infime (1milliard$, sur 400milliards$) mais rarissime et insupportable. Et l’on voit dans le taux d’intérêt imposé en mars, 6,91%, l’indice d’une volonté dure de préserver la croissance: 1,8% de moins qu’en 2008! On prête d’ailleurs à Pékin l’intention de relâcher bientôt le garrot sur le crédit, cédant aux pressions des industriels, cadres et promoteurs.
Autre fait nouveau: tandis qu’au Conseil d’État, CBRC (China Banking Regulatory Commission) et NDRC (National Development and Reform Commission) s’opposent sur l’origine de l’inflation et interviennent moins sur l’économie, la Banque centrale occupe le terrain. C’est elle qui impose toutes ces mesures anti-inflation sur le foncier, et sur le crédit.
Mais pour faire «rentrer dans sa cage l’oiseau de l’inflation» (mot de Wen Jiabao) et relancer l’économie en un cycle durable, il faudrait tenir le traitement 6 à 12 mois, renchérir le crédit, faire supporter aux provinces le risque de leurs chantiers, transférer le crédit des firmes d’État vers les PME et les particuliers—ce qui est exclu à ce jour.
Aussi les chances chinoises de vaincre l’inflation sont minces, quoiqu’elle grève le commerce (intérieur et extérieur) et gomme les hausses de salaires, lesquelles permettaient encore en avril aux ménages d’augmenter leurs achats de 18,3%. Mais nombre de groupes d’ agro alimentaire réduisaient les emballages (huile, riz, boissons…) de 10% en volume, sans changer les étiquettes, masquant ainsi la hausse des prix.
Pour franchir ces eaux agitées, l’État compte donc aussi sur le logement social, avec 10 millions d’unités neuves en 2011 et 36millions en 2015. Par ses contrats et marchés publics opaques, il maintiendra le train de vie des cadres. Mais il est aussi supposé casser la surchauffe d’un marché foncier jusqu’alors de luxe, et surtout livré à la spéculation. La machine est lancée: le ministère de tutelle envoie partout ses inspecteurs vérifier que les HLM se bâtissent conformément aux plans. Il subventionnera chaque appartement de +ou— 100.000¥ (10%), la ville fournissant le terrain et le privé, le reste de l’investissement.
Sur le terrain, on constate déjà de curieuses distorsions. A Shenzhen, les riches resquillent, réclamant pour eux-mêmes une place en logement social. Ailleurs les spoliations bondissent (+2,5% à Pékin au 1er trimestre) : les mairies en ont besoin, pour fournir les 77.400ha nécessaires. Quant aux riches, interdits d’acheter en Chine, ils accélèrent leurs placements sur Paris, New York ou Londres…
Au prix de ces bizarreries, la stabilisation recherchée pointe à l’horizon. En manque de cash, les promoteurs se mettent à brader (un peu) : -6% à Hangzhou. Le métier s’attend à une érosion de 10% d’ici fin 2011. Mais ceci n’attaque pas le moral des promoteurs qui, en quatre mois, ont investi 200MM$, +34%, criant ainsi leur certitude acquise par leur intimité avec les apparatchiks : loin d’être la fin de leur monde, cette austérité s’avérera éphémère !
Sommaire N° 19