A la loupe : Canicule, et grand bond en avant nucléaire

Elles ont frappé plus tôt et plus dur, les coupures de courant, fléau des étés chinois. Dès mars entre Shanghai, Canton, Chongqing, mais aussi dans des régions pauvres, tel le Qinghai.

Le Conseil national de l’électricité (CEC) prédit un déficit de 40 Gw. Dès maintenant au Zhejiang, des usines chôment 3 jours sur 7, préparent leurs groupes électrogènes, décuplant la pollution par leurs pétarades. Xue Jing, directeur au CEC, s’attend à la «plus sévère pénurie depuis 2004», quand 24 provinces et régions en avaient pâti.

Pour la presse officielle, la faute en revient à une demande en hausse de 11%, des faiblesses du transport du charbon et du niveau des cours d’eau—le Yangtzé est à 154,8m au barrage des 3 Gorges, insuffisant pour le faire tourner à 100% de capacité. Tout cela est vrai, mais ignore une autre cause : le rejet tacite des consignes centrales par les provinces.

Le XII. Plan (2011-16) prévoit de punir les secteurs polluants et gourmands en électricité, tels chimie, métallurgie et matériaux de construction qui dévorent ensemble 30% du courant national. Mais depuis janvier, on voit une reprise des unités fermées par Pékin, rouvertes par les provinces qui les dispensent même des restrictions—car elles sont gros pourvoyeurs d’emplois et d’impôts. Bizarrement, les victimes sont les secteurs classés prioritaires au XII. Plan : PME, services et secteurs d’export.

Il faut l’admettre, l’État s’est mis en son tort en publiant une directive inapplicable. Pour lutter contre l’inflation, il interdit aux centrales de répercuter les hausses du charbon, qui faisaient 800¥/t en avril : en quatre mois, les cinq producteurs géants ont subi 10MM¥ de pertes, qu’ils ont limité… en mettant certaines centrales en veilleuse. Aussi un rattrapage des tarifs est déjà en cours. En avril, 16 provinces vivaient une hausse de 1,9%, et Jiangxi, Hunan et Guizhou vont bientôt subir de +4,5% à +6%, Hubei et Henan + 1,1%…

Ceci joue en faveur de la reprise du nucléaire, malgré la catastrophe de Fukushima au Japon. Depuis le séisme de mars, une hyperactivité s’est emparée du nucléaire chinois. Une inspection systématique des 34 sites approuvés et des 13 sites en fonction, a dévoilé que presque tous les réacteurs de trois grands sites (dont Qinshan et Daya Bay) souffriraient, en cas de désastre extrême. Les normes ont été révisées, portant par ex. les centrales futures de 10 à 25m au-dessus de la mer. Et à ce prix, les permis de construire reprendront à l’automne : Xu Yuming, n°2 de la CNEA (China Nuclear Energy Association) n’a aucun doute que la Chine atteindra l’objectif d’un parc de 70Gw en 2020, partant des 10,8Gw actuels.

Mieux encore : Tian Jiashu, directeur à la CNNC (China National Nuclear Corporation) lance le compte à rebours de l’export sous deux ans de son réacteur CP1000 de 1Gw, dérivé de la centrale Areva de 2de génération. Manquent encore, outre les chaînes d’usinage, les certifications de qualité et de sécurité et l’accord de licence du groupe français. Même son de cloche chez CGNPC, le groupe nucléaire cantonais (China Guangdong Nuclear Power Corp). Partout, des pays déclarent leur intérêt, vu le prix imbattable proposé : en Asie, au Moyen Orient, en Australie…

Entre-temps, les rivaux américains et français bâtissent en Chine leurs réacteurs de 3ème génération. Pékin négocie avec Moscou deux surgénérateurs, avec Paris un centre de retraitement. D’ici 10 ans au plus, elle disposera du cycle nucléaire civil complet : elle sera la seule au monde, et peut-être déjà, son 1er pourvoyeur en centrales conventionnelles.

 

 

 

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