Le Vent de la Chine Numéro 19

du 22 au 28 mai 2011

Editorial : Et l’inflation va…

Sur le front de l’inflation, les nouvelles se bousculent, confirmant que ce combat est bien l’objectif n°1 de l’État, nécessaire pour maintenir la paix sociale et lui permettre de «descendre du dos du tigre» -de souffler un peu.

Le 11 mai pour la 5e fois depuis janvier, le taux des réserves bancaires obligatoire est rehaussé. En avril, le yuan a pris 10,6% de hausse annuelle, causant l’échec de la 109e Foire de Canton avec 37millairds$ de contrats et +5,8% seulement. En avril encore, l’inflation était de 5,3%, après les 5,4% de mars. Pourtant, on voyait sentait en même temps des signaux inverses: l’import de minerai et la con-sommation d’acier stagner, la vente automobile baisser de 20% et l’immobilier de 10%: comme une fin de cycle…

Pourquoi cette résistance pied à pied de l’inflation à la campagne d’austérité ?

La réponse à cette énigme tient à l’abondance du crédit parallèle: fonds sociaux (les 16MM$ de prime aux constructions de HLM – logements sociaux – les prêts aux PME, 113,8MM$ en avril et+8,8% sur mars), les grands chantiers publics (+46% d’ investissements de janv. à avril) ou la finance «grise»qui ferait 30-/50% du crédit.

Pékin se comporte comme s’il voulait écrêter la surchauffe, mais pas rééquilibrer la croissance, tournant jugé trop risqué, et qu’on laisse à Xi Jinping dans 18 mois. Fin mars, Hu Jintao aurait tremblé, découvrant au 1er trimestre un déficit commercial à vrai dire infime (1milliard$, sur 400milliards$) mais rarissime et insupportable. Et l’on voit dans le taux d’intérêt imposé en mars, 6,91%, l’indice d’une volonté dure de préserver la croissance: 1,8% de moins qu’en 2008! On prête d’ailleurs à Pékin l’intention de relâcher bientôt le garrot sur le crédit, cédant aux pressions des industriels, cadres et promoteurs.

Autre fait nouveau: tandis qu’au Conseil d’État, CBRC (China Banking Regulatory Commission) et NDRC (National Development and Reform Commission) s’opposent sur l’origine de l’inflation et interviennent moins sur l’économie, la Banque centrale occupe le terrain. C’est elle qui impose toutes ces mesures anti-inflation sur le foncier, et sur le crédit.

Mais pour faire «rentrer dans sa cage l’oiseau de l’inflation» (mot de Wen Jiabao) et relancer l’économie en un cycle durable, il faudrait tenir le traitement 6 à 12 mois, renchérir le crédit, faire supporter aux provinces le risque de leurs chantiers, transférer le crédit des firmes d’État vers les PME et les particuliers—ce qui est exclu à ce jour.

Aussi les chances chinoises de vaincre l’inflation sont minces, quoiqu’elle grève le commerce (intérieur et extérieur) et gomme les hausses de salaires, lesquelles permettaient encore en avril aux ménages d’augmenter leurs achats de 18,3%. Mais nombre de groupes d’ agro alimentaire réduisaient les emballages (huile, riz, boissons…) de 10% en volume, sans changer les étiquettes, masquant ainsi la hausse des prix.

Pour franchir ces eaux agitées, l’État compte donc aussi sur le logement social, avec 10 millions d’unités neuves en 2011 et 36millions en 2015. Par ses contrats et marchés publics opaques, il maintiendra le train de vie des cadres. Mais il est aussi supposé casser la surchauffe d’un marché foncier jusqu’alors de luxe, et surtout livré à la spéculation. La machine est lancée: le ministère de tutelle envoie partout ses inspecteurs vérifier que les HLM se bâtissent conformément aux plans. Il subventionnera chaque appartement de +ou— 100.000¥ (10%), la ville fournissant le terrain et le privé, le reste de l’investissement.

Sur le terrain, on constate déjà de curieuses distorsions. A Shenzhen, les riches resquillent, réclamant pour eux-mêmes une place en logement social. Ailleurs les spoliations bondissent (+2,5% à Pékin au 1er trimestre) : les mairies en ont besoin, pour fournir les 77.400ha nécessaires. Quant aux riches, interdits d’acheter en Chine, ils accélèrent leurs placements sur Paris, New York ou Londres…

Au prix de ces bizarreries, la stabilisation recherchée pointe à l’horizon. En manque de cash, les promoteurs se mettent à brader (un peu) : -6% à Hangzhou. Le métier s’attend à une érosion de 10% d’ici fin 2011. Mais ceci n’attaque pas le moral des promoteurs qui, en quatre mois, ont investi 200MM$, +34%, criant ainsi leur certitude acquise par leur intimité avec les apparatchiks : loin d’être la fin de leur monde, cette austérité s’avérera éphémère !

 

 


A la loupe : Yahoo ! – Alibaba et ses 40 voleurs

En 2005, Yahoo! payait 1MM$ pour 43% d’Alibaba, la galerie en ligne de Jack Ma : deal cher, mais rentable, qui propulse Yahoo! 1er actionnaire de la plus grande galerie virtuelle sur terre, 100 millions de clients, 80.000 boutiques, d’une valeur de 10milliards$.

Depuis des années, J. Ma veut racheter sa liberté—ne serait-ce qu’en raison de la croissance bien plus faible de Yahoo!, handicap à sa propre progression vertigineuse. Une guéguerre dure depuis 2009 à ce sujet, avec la PDG, américaine, Carol Bartz.

Or, voilà que le 11 mai, Yahoo! révèle avoir appris un changement de structure financière chez sa filiale chinoise, depuis 7 mois à son insu. Alipay, branche de paiement en ligne d’Alibaba a été exfiltré, «racheté» 46M$ par une firme qui se trouve être propriété privée de Jack Ma.

La nouvelle fit l’effet d’une bombe, semblant un «coup d’Etat» hors contrat et hors loi, non sans analogie avec celui de Wahaha contre Danone, sa maison mère d’alors. Sous l’angle comptable, Alipay est inquantifiable. Encaissant quotidiennement des dizaines de millions de $ de transactions, presque sans commission, son service est «sans valeur» ajoutée directe, mais par contre d’une valeur immense si l’on s’en tient au volume d’affaires dégagé, et au marché potentiel de 457millions d’internautes. Sa valeur a été estimée à 5milliards$ par le Bureau d’analyse Gabelli.

Jack Ma répondait que la scission d’Alipay n’avait rien de plus légal, ayant été décidée en 2009 en Conseil d’Administration devant un homme de Yahoo!, pour lui permettre d’obtenir sa licence, légalement problématique en présence d’intérêts étrangers à bord. De toute manière, Yahoo! aurait été «partiellement compensé» et les palabres «resteraient ouvertes ».

On aboutit donc à une double mise en échec : Alibaba-le-nabab ne parvenant pas à recouvrer sa liberté, Yahoo-le-pauvre s’estimant dépossédé. On en est là.

Deux jours plus tard (16/05), nouveau coup de théâtre : les groupes publient un communiqué commun lapidaire, signifiant qu’ils tentent d’aplanir leur différend.

En clair, le temps d’un week-end aura suffi pour leur faire réaliser les dégâts qu’un conflit pourrait causer à chacun. A peine la fuite annoncée, la cotation de Yahoo! En bourse de New York (NYSE) fondait de 14% – ses actionnaires sachant que les trois-quarts de sa richesse sont dus à sa position dans Alibaba. Yahoo ne s’est jamais remis de l’échec de son rachat par Microsoft en 2009 et ne peut se permettre une guerre ouverte laminant plus encore son image. Mais Alibaba aussi a fort à perdre d’un procès intenté par Yahoo! ou pire, par l’un ou l’autre des fonds-actionnaires : une amende, des dommages immenses, voire l’exclusion du marché américain…

Le Ministère du commerce lui-même pourrait être discrète partie prenante. De janvier à avril, l’investissement américain en Chine a reculé de 28%, et le nombre d’établissements de firmes américaines de 3,85%. A ceci, plusieurs raisons fort raisonnables sont avancées, tel le déclin de l’activité manufacturière outre Pacifique, ou la hausse des coûts de fonctionnement en Chine. Mais d’autres raisons apparaissent, également plausibles : telle l’inquiétude de voir des groupes locaux rudoyer leurs partenaires étrangers avec des règles créées à la demande, hors concertation, contrat et cadre légal. Un comportement que Pékin ne peut tolérer indéfiniment…

 

 


Joint-venture : Du rififi chez Sinosteel

Soucis chez Sinosteel, dont le PDG Huang Tianwen, à 56 ans, est limogé. Jin Yang, n°2 de la SASAC, la State-Owned Assets Supervision and Administration Commission (son autorité de tutelle) dénonce de « gros problèmes ».

Après sept ans à la tête de Sinosteel, la disgrâce de Huang débuta l’an dernier après la critique de l’audit national, épinglant une série d’irrégularités. 50millions$ avaient été versés hors du pays sans facture. 1,4milliards$ (si-si!) avaient servi en 2009 à racheter le groupe australien AMC, qui avait aussitôt perdu 14,2millions$, sans pouvoir jusqu’à ce jour remplir sa promesse de livrer 30millions de tonnes de minerai de fer par an.

Plus ennuyeux encore : le rachat de Zhougyu (Shanxi) en 2009, s’était accompagné d’un « profit » de 614millions$, dû par un groupe tiers en échange d’une session d’actif. Mais l’autre ne paya jamais : convertissant le « profit » en trou de caisse, à la colère de Li Rongrong, alors Président de la SASAC : l’audit bloqua l’entrée en bourse de Hong Kong du groupe, pourtant autorisée depuis deux ans.

Huang, à ce que l’on sait, reste libre : le reproche étant donc d’incompétence, plus que de corruption.

Des analystes observent que Sinosteel se portait bien mieux, avant que la SASAC ne commence à forcer des concentrations entre ses ouailles, pour en diviser le nombre par deux, à environ 80. Conséquence probable, enfin, des malheurs de Huang : Sinosteel, le « fusionneur », risque de se retrouver « fusionné » sous un nouveau maître, parmi les groupes chinois actifs sur l’Australie, comme Minmetals ou Citic !

 

 

 

 

 

 

 

 

 


A la loupe : Canicule, et grand bond en avant nucléaire

Elles ont frappé plus tôt et plus dur, les coupures de courant, fléau des étés chinois. Dès mars entre Shanghai, Canton, Chongqing, mais aussi dans des régions pauvres, tel le Qinghai.

Le Conseil national de l’électricité (CEC) prédit un déficit de 40 Gw. Dès maintenant au Zhejiang, des usines chôment 3 jours sur 7, préparent leurs groupes électrogènes, décuplant la pollution par leurs pétarades. Xue Jing, directeur au CEC, s’attend à la «plus sévère pénurie depuis 2004», quand 24 provinces et régions en avaient pâti.

Pour la presse officielle, la faute en revient à une demande en hausse de 11%, des faiblesses du transport du charbon et du niveau des cours d’eau—le Yangtzé est à 154,8m au barrage des 3 Gorges, insuffisant pour le faire tourner à 100% de capacité. Tout cela est vrai, mais ignore une autre cause : le rejet tacite des consignes centrales par les provinces.

Le XII. Plan (2011-16) prévoit de punir les secteurs polluants et gourmands en électricité, tels chimie, métallurgie et matériaux de construction qui dévorent ensemble 30% du courant national. Mais depuis janvier, on voit une reprise des unités fermées par Pékin, rouvertes par les provinces qui les dispensent même des restrictions—car elles sont gros pourvoyeurs d’emplois et d’impôts. Bizarrement, les victimes sont les secteurs classés prioritaires au XII. Plan : PME, services et secteurs d’export.

Il faut l’admettre, l’État s’est mis en son tort en publiant une directive inapplicable. Pour lutter contre l’inflation, il interdit aux centrales de répercuter les hausses du charbon, qui faisaient 800¥/t en avril : en quatre mois, les cinq producteurs géants ont subi 10MM¥ de pertes, qu’ils ont limité… en mettant certaines centrales en veilleuse. Aussi un rattrapage des tarifs est déjà en cours. En avril, 16 provinces vivaient une hausse de 1,9%, et Jiangxi, Hunan et Guizhou vont bientôt subir de +4,5% à +6%, Hubei et Henan + 1,1%…

Ceci joue en faveur de la reprise du nucléaire, malgré la catastrophe de Fukushima au Japon. Depuis le séisme de mars, une hyperactivité s’est emparée du nucléaire chinois. Une inspection systématique des 34 sites approuvés et des 13 sites en fonction, a dévoilé que presque tous les réacteurs de trois grands sites (dont Qinshan et Daya Bay) souffriraient, en cas de désastre extrême. Les normes ont été révisées, portant par ex. les centrales futures de 10 à 25m au-dessus de la mer. Et à ce prix, les permis de construire reprendront à l’automne : Xu Yuming, n°2 de la CNEA (China Nuclear Energy Association) n’a aucun doute que la Chine atteindra l’objectif d’un parc de 70Gw en 2020, partant des 10,8Gw actuels.

Mieux encore : Tian Jiashu, directeur à la CNNC (China National Nuclear Corporation) lance le compte à rebours de l’export sous deux ans de son réacteur CP1000 de 1Gw, dérivé de la centrale Areva de 2de génération. Manquent encore, outre les chaînes d’usinage, les certifications de qualité et de sécurité et l’accord de licence du groupe français. Même son de cloche chez CGNPC, le groupe nucléaire cantonais (China Guangdong Nuclear Power Corp). Partout, des pays déclarent leur intérêt, vu le prix imbattable proposé : en Asie, au Moyen Orient, en Australie…

Entre-temps, les rivaux américains et français bâtissent en Chine leurs réacteurs de 3ème génération. Pékin négocie avec Moscou deux surgénérateurs, avec Paris un centre de retraitement. D’ici 10 ans au plus, elle disposera du cycle nucléaire civil complet : elle sera la seule au monde, et peut-être déjà, son 1er pourvoyeur en centrales conventionnelles.

 

 

 


Argent : Un monde paysan explosif

A Danyang (Jiangsu), une humble pastèque vient de mériter son surnom de «mine» : dès le 7/05, 25 ha du cucurbitacée se mirent à exploser, au désespoir d’une 20aine de fermiers. Le public a réagi avec virulence, se félicitant de ce châtiment du ciel pour leur bêtise et leur absence de scrupule, à jouer ainsi avec la santé : les melons avaient été traités au forchlorfenuron, hormone végétale de croissance.

La vérité cependant est-forcément-plus complexe.

Rien, estiment les experts, ne dit que la substance soit la cause de l’explosion des melons. Elle est de plus parfaitement légale, et inoffensive à l’homme. Mais l’affaire arrive à un moment où la Chine règle ses comptes avec sa nourriture. Trop d’incidents tantôt drôles, tantôt inquiétants se chevauchent, comme ces poivrons du Sichuan déteignant au lavage, ou haricots verts de Sanya traités à un pesticide banni. Président du Comité national de la sécurité alimentaire, Li Keqiang, probable futur 1er ministre, brandit récemment la «tolérance zéro» à l’encontre des fraudeurs.

Enfin, cette vague de scandales alimentaires démontre bien plus qu’une simple «magouille» pour s’enrichir. Elle parle de l’insuffisance de la production agricole face aux besoins d’une ville insatiable, de la faiblesse du revenu paysan face à l’urbain, et de celle dans l’application des lois. Autant dire qu’il faudra plus que de vagues appels à la fermeté, pour venir à bout du phénomène !

 

 


Temps fort : Chute de DSK—Pékin faiseur de roi (ou de reine)

Choquante, la chute de Dominique Strauss-Kahn a été suivie en Chine heure par heure, depuis la rue comme par le pouvoir.

Ne perdons pas de temps à décortiquer les réactions de la rue: mal informées, simplistes, elles relèvent du domaine du fantasme plus que de la réflexion politique. Certains mettent les violences sexuelles dont on accuse DSK, sur le compte d’un «romantisme» soi-disant français. D’autres observent goguenards les défaillances du management de la situation en pays «bourgeois», impensable en Chine où le leader aurait pu obtenir tout ce qu’il souhaitait, sans risque d’un retour de flamme judiciaire…

Plus probante est la vision du pouvoir chinois, qui voit dans toute l’affaire un «désastre».

D’abord, par tradition : briser la carrière d’un leader pour une affaire de sexe,- est angoissant, aux yeux d’un appareil largement au dessus des lois. Ensuite, la Chine voit ses efforts compromis en faveur d’un Fonds monétaire international FMI recapitalisé et où le «tiers monde» à commencer par elle, aurait plus de pouvoirs. En deux ans de pourparlers, le temps était au beau, avec 2 Français aux manettes, l’un patron du FMI, l’autre Président du G20 en 2011. Une seule condition gênait: en échange des concessions occidentales, le passage du yuan à la convertibilité: hostile à toute réforme d’envergure, Hu Jintao y oppose un «non-non» terminal («不不» ).  Mais ce détail ne semblait pas devoir faire capoter un accord au Sommet du G20 en octobre, vu la volonté de tous de doter le monde d’un cadre financier prévenant les crashes et offrant un ballon d’oxygène de croissance par les échanges et l’emploi.          ‘                               

A présent, la disparition de DSK bouleverse les pronostics pour le vote du G20, au Sommet de Cannes: en fonction de l’heureux élu à la tête du FMI, fin juin, de sa personnalité et de ses alliances, tout peut changer.

Autre manque à gagner, Pékin avait obtenu en février  un «conseiller spécial» auprès de DSK, Zhu Min, ancien de l’université J. Hopkins et de la Banque centrale. Mais trois mois au FMI, c’est trop court pour se faire connaître. D’autant que DSK n’a pas raté sa sortie : en démissionnant vite, il laisse aux Européens le temps de s’organiser face au monde émergent, dont le meilleur outsider pourrait être Agustin Carstens de la banque du Mexique. Mais la super favorite reste Christine Lagarde la ministre des finances, issue de Wall Street, acceptable pour les États-Unis, poulain de l’Europe qui mène sa campagne à la place de la France, laquelle fait profil bas. Bruxelles (par ses Présidents J. Barroso, Van Rompuy) fait valoir le besoin urgent de Lagarde à la tête du FMI pour accompagner la restructuration de ses États Membres en panne tel le Portugal.

La Chine a d’autant moins de chances, qu’elle n’a pas qu’un prétendant : Zhou  Xiaochuan, gouverneur de la Banque centrale est aussi cité—quoique un peu moins éligible, trop proche du sérail communiste. Aussi faisant contre mauvaise fortune bon coeur, elle s’est gardée de faire acte de candidature, se contentant d’espérer une sélection selon des critères d’«équité, de transparence et de capacité»; pour que l’élu « reflète mieux les marchés émergents »; tout en faisant remarquer par Zhao Xijun, de l’université Renmin que «la tradition (d’un directeur immuablement européen) n’est plus de mise.

Notons enfin que dans ce combat, la Chine ne perdra rien : elle s’apprête à jouer le rôle du faiseur de roi (ou de reine), à ses conditions, dont on verra peut-être la teneur, lors du G20 de Cannes  

 

 


Petit Peuple : Yangzhong : victoire sur l’oeuf qui tue !

Le poisson-globe qui hante les estuaires de Chine, a hérité de la gloire douteuse d’être sacré le «2d plus venimeux  vertébré de la Terre», en raison du poison dans son foie et dans ses oeufs  – 200 fois plus virulent que le cyanure. Au demeurant, en soupe ou en sashimi, sa chair bien préparée, est considérée dans toute l’Asie une délicatesse rare: le gastronome nippon comme le chinois, un rien macho, adore le rodéo d’une cuisine périlleuse, combinant l’épreuve du palais à celle de la mort.

A Yangzhong (Jiangsu), à 58 ans, le restaurateur Zhou Changshun s’enorgueillit d’avoir découvert comment désactiver le venin des oeufs du poisson globe.

Tout débuta en ’82, suite à un drame. Dans Yangzhong, le patron d’une jonque avait trouvé sur le quai un paquet de cette laitance abandonné par un pêcheur négligent. L’avait  remise à sa femme qui en avait régalé tout le monde à bord: envoyant ainsi ad patrès  4 des 6 parents. Ce cas avait traumatisé Zhou, qui connaissait la famille. A force de rabâcher l’affaire, il s’était rappelé comment son père, pêcheur de son état, détoxifiait l’oeuf délétère : dans la chaux vive 12 mois, à la façon des oeufs de 100 ans. Mais n’y avait-il pas meilleur moyen de faire, plus élégant?

Chez un ami à Shanghai, il tomba sur le Bencaogangmu, bible des médecins compilée par Li Shizhen (époque Ming). Avidement, il compulsa l’ouvrage génial de soins par les plantes, en quête d’une antidote à la tétrodotoxine, ce terrible venin.

De retour à Yangzhong, il se mit en piste, préparant des décoctions et bouillies vertes, dévalisant les pharmacies, les tiroirs aux senteurs mystérieuses. Jour et nuit, il étudiait le texte abscons, extrapolait, tentait  des variantes, contactait les chimistes, interpellait les biologistes. Téléphonait. Surfait. Faxait. Voyageait. Arpentait les monts. Macérait, infusait des précipités, qu’il faisait sauter avec les oeufs tueurs. Puis il donnait la funeste pâtée à des chats et poulets. Lesquels crevaient immuablement l’un après l’autre. Dans ses carnets, imperturbable, l’apprenti sorcier consignait chaque échec. Jusqu’à ce 25/05/88 où le 867ème poulet, gavé, continua à caqueter des heures durant comme si de rien était : pas de doute, à 37 ans, notre chercheur «en herbes» avait enfin trouvé la parade à ce fléau de l’humanité!

Il fallut 2 ans pour franchir l’étape suivante. Passant outre les supplications de sa femme éplorée, il se fit son propre cobaye, avalant du bout des lèvres 1 gr. d’oeufs qui lui causèrent dans l’instant les 1ers symptômes (langue insensible, vertiges): vite, il but son verre d’antidote et réchappa. Puis en 4 ans, il ingéra 20 doses toujours plus fortes avec pour résultat dès 1994, d’être acclimaté, pouvant consommer à satiété le caviar assassin, sans effets négatifs ni contrepoison.

Il lui fallut encore 10 ans pour oser inscrire ce plat au menu de son restaurant (à titre gratuit), puis quelques mois pour trouver son 1er client—un autrichien- qui consomma, et survécut, preuve par neuf. Après ce haut fait, son restaurant rebaptisé « Poisson globe de Yangzhong », accéda à la célébrité mondiale.

En’06 à la TV tokyoïte, une démonstration fit sensation. Pressentant la mine d’or, un chef nippon offrit 20.000$ pour la recette. Mais Zhou ne fit qu’en rire, d’un rire teinté de mépris. Même à «tout l’or du monde», la re-cette n’était pas à vendre. Que ce soit par animosité antinippone – encore assez courante en Chine – ou par fierté d’un auteur refusant de se séparer de son «bébé». Aujourd’hui, même son fils ne connaît pas la formule – Changshun craignant que ce dernier ne l’évente, sous l’effet de la boisson. Seul le BIPO, Bureau de la propriété intellectuelle en dispose, dans l’attente du dépôt du brevet.

Que voulez-vous, ce n’est pas si facile, de dévoiler « une épée qu’on a forgée durant 10 ans », 十年磨一剑shí nián mó yī jiàn, un bouquet de fleurs du mal que l’on a mis tant de temps et d’efforts douloureux à conquérir !

 

 


Rendez-vous : A Pékin et Canton – Salons du Vin

24-26 mai, Pékin : Salon du vin / 25-27 mai Canton : INTERWINE

25-27 mai, Pékin : Payment China, Conférence sur le marché des moyens de paiement

26-28 mai, Canton : Salon de la machine-outils et des moules

26-28 mai, Shanghai : Biofach, Salon et Congrès sur les produits bio

26-29 mai, Pékin : PALM Expo, Salon des technologies de l’audio, des lumières et de la musique

26-29 mai, Hong Kong : HK ART Fair