Temps fort : Chute de DSK—Pékin faiseur de roi (ou de reine)

Choquante, la chute de Dominique Strauss-Kahn a été suivie en Chine heure par heure, depuis la rue comme par le pouvoir.

Ne perdons pas de temps à décortiquer les réactions de la rue: mal informées, simplistes, elles relèvent du domaine du fantasme plus que de la réflexion politique. Certains mettent les violences sexuelles dont on accuse DSK, sur le compte d’un «romantisme» soi-disant français. D’autres observent goguenards les défaillances du management de la situation en pays «bourgeois», impensable en Chine où le leader aurait pu obtenir tout ce qu’il souhaitait, sans risque d’un retour de flamme judiciaire…

Plus probante est la vision du pouvoir chinois, qui voit dans toute l’affaire un «désastre».

D’abord, par tradition : briser la carrière d’un leader pour une affaire de sexe,- est angoissant, aux yeux d’un appareil largement au dessus des lois. Ensuite, la Chine voit ses efforts compromis en faveur d’un Fonds monétaire international FMI recapitalisé et où le «tiers monde» à commencer par elle, aurait plus de pouvoirs. En deux ans de pourparlers, le temps était au beau, avec 2 Français aux manettes, l’un patron du FMI, l’autre Président du G20 en 2011. Une seule condition gênait: en échange des concessions occidentales, le passage du yuan à la convertibilité: hostile à toute réforme d’envergure, Hu Jintao y oppose un «non-non» terminal («不不» ).  Mais ce détail ne semblait pas devoir faire capoter un accord au Sommet du G20 en octobre, vu la volonté de tous de doter le monde d’un cadre financier prévenant les crashes et offrant un ballon d’oxygène de croissance par les échanges et l’emploi.          ‘                               

A présent, la disparition de DSK bouleverse les pronostics pour le vote du G20, au Sommet de Cannes: en fonction de l’heureux élu à la tête du FMI, fin juin, de sa personnalité et de ses alliances, tout peut changer.

Autre manque à gagner, Pékin avait obtenu en février  un «conseiller spécial» auprès de DSK, Zhu Min, ancien de l’université J. Hopkins et de la Banque centrale. Mais trois mois au FMI, c’est trop court pour se faire connaître. D’autant que DSK n’a pas raté sa sortie : en démissionnant vite, il laisse aux Européens le temps de s’organiser face au monde émergent, dont le meilleur outsider pourrait être Agustin Carstens de la banque du Mexique. Mais la super favorite reste Christine Lagarde la ministre des finances, issue de Wall Street, acceptable pour les États-Unis, poulain de l’Europe qui mène sa campagne à la place de la France, laquelle fait profil bas. Bruxelles (par ses Présidents J. Barroso, Van Rompuy) fait valoir le besoin urgent de Lagarde à la tête du FMI pour accompagner la restructuration de ses États Membres en panne tel le Portugal.

La Chine a d’autant moins de chances, qu’elle n’a pas qu’un prétendant : Zhou  Xiaochuan, gouverneur de la Banque centrale est aussi cité—quoique un peu moins éligible, trop proche du sérail communiste. Aussi faisant contre mauvaise fortune bon coeur, elle s’est gardée de faire acte de candidature, se contentant d’espérer une sélection selon des critères d’«équité, de transparence et de capacité»; pour que l’élu « reflète mieux les marchés émergents »; tout en faisant remarquer par Zhao Xijun, de l’université Renmin que «la tradition (d’un directeur immuablement européen) n’est plus de mise.

Notons enfin que dans ce combat, la Chine ne perdra rien : elle s’apprête à jouer le rôle du faiseur de roi (ou de reine), à ses conditions, dont on verra peut-être la teneur, lors du G20 de Cannes  

 

 

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