Pol : Deux ombres chinoises pour 2012

Deux spéculations pessimistes sur le moyen terme paraissent en marge des Plenums : non inéluctables, mais qui aident à faire avancer la réflexion sur l’avenir :

[1] Victor Shih, professeur à la Northwestern University (Illinois), éclaire notre information du VdlC n°8 (p3) concernant le ban de la CBRC (China Banking Regulatory Commission) sur les prêts aux organes de base. Etudiant les emprunts de 8000 cantons ou mairies, Shih constate qu’ils ont contourné la loi pour emprunter via des sociétés-écrans, auprès des banques d’Etat complices. Fin 2009, ces fonds pouvaient atteindre 1100MM², l’endettement 400% et les mauvaises dettes 300MM². Le ban tenterait de bloquer 12,7MM² de crédits pas encore tirés. Il induit le risque de milliers de chantiers en faillite, mais l’alternative aurait été pire : plus de 15% d’inflation.

Au plan national, en 2012, la dette friserait 4000MM² (dont 25% contractés en 2009) et 96% du PIB escompté.

Selon un calcul du Fonds monétaire international (FMI), l’endettement chinois rejoindrait alors celui des USA (94%). Une telle prédiction invalide la prétention de Pékin de garder sa dette sous 20% du PIB. Il est vrai qu’il ne parle que du niveau central, et non de la dette des provinces… Mais vu la rigidité du système et les forts leviers d’intervention de l’Etat, l’effondrement de la finance céleste est improbable.

Un autre économiste, Michael Pettis, voit comme conséquence une croissance ramenée des 10% usuels à 5-7%. Il espère que par suite, l’Etat serait enfin forcé de libéraliser ses finances et de transférer les ressources des grandes entreprises d’Etat vers les PME, améliorant la tonicité de l’économie nationale… Voeu pieux?

 

[2] Au ton vif comme rarement, la 2de analyse provient de Yu Jianrong, directeur aux affaires rurales à la CASS (Académie chinoise des Sciences Sociales), qui conseille le régime sur les affaires d’instabilité sociale.

Au terme d’une série de sondage de terrain, et s’appuyant sur l’avis de “plusieurs ministres”, Yu croit voir le pays s’acheminer vers des “désordres révolutionnaires” (sic), sous l’effet d’une politique de sécurité publique à tolérance zéro et d’une “obsession du Parti de préserver son monopole du pouvoir”, par “violence d’Etat” et “idéologie plutôt que justice”. A des slogans de Hu Jintao tels “ne pas agiter la barque” ou “société harmonieuse”, Yu reproche de protéger des phénomènes tels la mafia et les expropriations massives, et de générer par réaction 90.000 émeutes en 2009. Même si Yu se dédouane en attribuant ce blocage, non aux leaders, mais à son entourage toujours plus corrompu, pratiquant l’absolutisme pour retarder la fin d’un système qui lui profite.

Censuré, ce discours du 26/12, n’a été publié sur internet que ces derniers jours, à temps pour inspirer des débats aux Plenums. Il exprime la déception de libéraux qui espéraient sous Hu Jintao/Wen Jiabao une réforme politique…

Observées de près, ces deux analyses aux origines si différentes, l’une sociologique chinoise et l’autre économiste étrangère, aboutissent à des conclusions parallèles. A tout le moins, elles nous offrent la rare vision d’un système pas si monolithique, et frissonnant sous ses contradictions.

 

 

 

 

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