Editorial : A l’ANP, Wen Jiabao annonce l’automne

Face aux 2981 édiles, c’est un discours de crise qu’a prononcé Wen Jiabao, le Président du Conseil d’Etat, au podium de l’Assemblée Nationale populaire (ANP) à Pékin le 5/03. Discours volontariste, patriote mais atone, aux «bravos» disciplinés et convenus, qui tenta moins que par le passé de se confronter aux graves soucis du moment, tel l’endettement des campagnes, mais se contenta d’exposer un budget d’austérité, préparant son opinion à un automne de la croissance en 2010, à 8% au lieu des 8,7% de 2009, et à 3% d’inflation rebaptisée « hausse des prix à la consommation ».

«Nul obstacle ne peut empêcher le grand renouveau de la nation chinoise», entonna-t-il. «2009 a été l’année «la plus extraordinaire et enthousiasmante», et (la reconstruction du Sichuan) «fait ressortir l’immense solidarité de la nation, ainsi que la supériorité du régime socialiste» : par ces propos glorieux, Wen vendait aux élus l’austérité de la suite de son message!

Tendances nouvelles : le traditionnel «culte des leaders» recule. Mao n’est plus cité, Deng ne l’est qu’une fois, Hu Jintao deux, et Jiang pas. La politique recule, relayée par un langage hyper économique, comme au Conseil de direction d’une banque. Relayée aussi par le thème de l’environnement, qui rebondit 18 fois hors de son chapitre spécifique. Wen Jiabao promet 6millions d’hectares de forêt nouvelle en 2010, un redéploiement sans précédent de l’optimisation énergétique de l’industrie, des transports et du bâtiment, et bien d’autres.

Ceci dit, 2010 paraît une année de rupture. Plus de stimulus, sauf à voir, comme les 200MM¥ que Pékin émettra en bons du trésor, 850MM¥ de déficit public pour laisser les provinces achever leurs grands chantiers en cours. Les maîtres-mots qui reviennent sont «financement propre» et «optimisation de la structure des investissements» des autorités locales et des usines polluantes ou en surcapacité.

Le Conseil d’Etat espère créer 9millions d’emplois urbains (2M de moins qu’en 2009), et donner la priorité aux PME, à l’agriculture, à l’environnement, aux innovations et aux régions retardées.

Les mesures en faveur des PME sont peut-être l’aspect le plus innovant. Si elles sont appliquées, elles feront volte-face vis-à-vis du «tout pour les grandes entreprises d’Etat (GEE)», de rigueur à ce jour. Pour elles, l’Etat veut créer des normes, des plateformes de services, une base internet, un crédit spécial de 1,06MM², un crédit d’impôt et faire la chasse aux taxes abusives. Il veut aussi lancer un fonds alimenté par une taxe (non imposable) sur les prêts aux PME, destiné à couvrir la fraction de ces crédits qui finira irrécupérable. Cela peut sembler vexatoire, mais ainsi les banques libérées de leur crainte de la fragilité de ces micro-clients, leur ouvriront plus grand leur coffre.

On est touché des efforts poursuivis en faveur du monde agricole qui croît toujours moins vite que la ville. Les 818MM¥ promis, les +15% en infrastructures telle l’irrigation, pour réduire ses 50% de consommation nationale d’eau. L’eau courante promise à 60M de fermiers, la généralisation promise du microcrédits, les 120¥/an offerts au compte médical de chaque paysan (+50%), les 23% de cantons couverts par un régime retraite. Mais sur les deux sujets qui gênent, l’abolition du hukou (permis de résidence) et la propriété étatique du sol, rien ne change.

De même, rien sur la hausse du ¥uan ou sur sa libre convertibilité, juste quelques bonnes paroles sur la «séparation d’organes d’intérêt public de l’administration»: allusion à l’indépendance de la banque centrale

Clairement le tandem Hu-Wen a choisi de « ne pas agiter la barque » (不折腾 bù zhéténg), sans audace excessive pour ses deux dernières années de mandat. Comme pour les huit premières.

 

 

 

 

 

 

 

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