L’affaire Google s’approche de l’épilogue. Alléguant un hackage grave depuis la Chine, Google enjoignait le 12/01 le Parti communiste chinois de renoncer à censurer son réseau Google.cn, faute de quoi il quitterait la Chine. Il remettait ainsi en cause un des principes fondateurs du régime.
Or la presse croit savoir (19/03) que Google jette l’éponge. L’annonce du groupe de Mountain View serait pour le 22/03, la fermeture pour le 10/04, 10 jours après la date limite pour renouveler la licence.
Durant ces 9 semaines, les deux parties ont maintenu l’écran de fumée. Chez Google, Serguei Vrin et Eric Schmidt répétaient avec optimisme dégressif leur détermination à travailler librement, ou à partir. Pékin tantôt niait la tenue de palabres, tantôt avertissait que le groupe «n’aurait à s’en prendre qu’à lui-même, ayant trahi des promesses solennelles » de se conformer à la loi chinoise.
Et pourtant, selon toutes apparences, les deux parties ont sérieusement oeuvré pour trouver le compromis gagnant/ gagnant. Le 15/03, les internautes croyaient détecter sur Google.cn un allègement du filtre, permettant d’accéder à des données pour des mots clés hier interdits, tels « Tian An Men » ou « Beijing Spring ». Tout se passait comme si l’on était en train de retoucher les modalités de la censure, à défaut de toucher à son principe de manière à renoncer à des secrets « de Polichinelle », (telle la phase du printemps de Pékin’89), entièrement ignorés de la jeunesse. Tout en concentrant l’effort de silence sur les échecs des temps modernes -«hukou», santé, corruption, pollution, et sur les cadres du Parti.
Mais, sous réserve d’inventaire, c’est la tendance dure, qui l’a emportée. Et Google prouve dans les faits que ses principes (inspirés par Vrin, ancien dissident soviétique) comptent plus que les affaires.
La suite se devine. Les ex-rivaux de Google (Baidu, Tencent, Microsoft), se positionnent pour récupérer les 36% de Google, de parts de marché de la recherche en ligne. Google devrait tenter de préserver sa relation avec China Mobile (son système d’exploitation Android, pour téléphones 3G), son labo de R&D. Ses ennemis lui prédisent de n’être jamais «pardonné» par Pékin, et que son départ est irrévocable. Le fait est que des deux côtés, la «casse» est importante. Google perd d’ici 2013 un marché potentiel de 830M d’utilisateurs. Devant faire son deuil d’outils d’avenir tels Chrome ou business-Google, l’internet chinois risque de devoir croître comme toile de seconde zone—à moins que ses internautes optent de plus en plus pour l’équipement en proxy, pour surfer « en exil » hors du pays.
NB: Indice du besoin de la Chine en soutien technologique étranger, depuis 2008 apparaît le chancre d’une censure commerciale privée, tel Mr Unknown qui nettoie sur demande, les sites des données qui dérangent. Le hackage coûte 2 à 4000¥ l’action. La loi est absente, la justice expéditive et à portée de qui peut payer. Cette dérive croît, sans que le système puisse s’en défendre. En terme de technologie, seul l’étranger peut l’assister.
Sommaire N° 11