Le Vent de la Chine Numéro 11

du 22 au 28 mars 2010

Editorial : Printemps 2010 : le grand réveil de la qualité

Longtemps encore, la Chine conservera son image d’empire du low-cost. Mais déjà se profile un tournant voulu par le pouvoir, série d’actions efficaces pour une montée en qualité des produits, et pour une protection des droits d’auteur.

Témoin l’accord bilatéral du 15/03 avec le Japon sur le copyright. Fruit de 7 ans de débats, il inclut des plans de formation et d’encadrement d’experts, des symposiums, échanges de techniques de conscientisation et de frappe des pirates, pour que les produits japonais puissent décupler leur flux sur le continent sans crainte d’être copiés. Vaste programme. Sur les 73M de copies saisies en 2006, 18M étaient nipponnes.

Comme pour marquer le tournant historique, la Cour n°2 de Pékin accorde (13/02) 9M¥ de dommages à Strix, marque anglaise de bouilloires électriques, payables par leurs pirates Jiatai Electric et FaDa (Leqing, Zhejiang). Fait remarquable, les «pies voleuses» avaient cru bon de refuser de coopérer avec la cour sur l’étendue du délit: le juge a repris les ventes citées sur leurs sites internet. Ce verdict pourrait fera date dans l’industrie chinoise: l’étranger reprenant confiance en la justice, et le local « ne s’y fiant plus ».

Les contrôles de qualité se renforcent. Au Zhejiang, visant le prêt-à-porter de luxe, des inspecteurs constatent des infractions aux normes dans 57% des lots testés. Versace, Hermès, Boss, Smalto, Hechter, Hilfiger, Zara, Verri et 22 autres sont en défaut d’étiquetage, teneur trop faible en fibre ou traces de formaldehyde nuisible à la peau. Les produits fautifs ont été retirés, les commerçants poursuivis. Mais pour ces maisons-fétiches, quel préjudice d’image! Il pourrait faire démentir les prévisions de Bain & Co pour 2009, de ventes du luxe à 6,6MM², +12%, contre -16% aux US, -10% au Japon et -8% en Europe…

La traque qualitative vaut aussi pour les produits locaux. Le 14/03, le MIIT émet une «ligne de conduite» aux constructeurs auto, les enjoignant d’accélérer la montée en technologie, un contrôle systématique de qualité et un service après-vente. A ceci, une raison urgente: l’an dernier furent vendus 13,6M de véhicules en Chine, dont un tiers en marques locales (+46%). Mais depuis 2005, ces véhicules, quoique moins solides que d’autres, n’ont subi que 7 rappels, sur les 212 émis dans ce pays. A l’évidence, un grand besoin de réparations est à l’horizon, sans réseau de mécanos et pièces pour y faire face… Les critiques remarquent que le dédommagement en cas de vice caché, n’est pas obligatoire, pas plus que ne le sont les rappels —pour l’instant encore…

Wang Chuanfu Président de BYD renonce (16/03) à sortir, exporter dans l’année sa E6 tout-électrique. Il n’en veut plus sortir que 100, à tester dans sa ville de Shenzhen. Il se recentre sur sa gamme essence, et veut en ’10 en vendre 0,8M d’unités (y-compris 4×4), contre 0,45M en 2009. Raison de la volte-face : BYD ne maîtrise pas des problèmes technologiques tels la surchauffe de la batterie, et attend toujours l’offre par l’Etat d’une prime à l’achat de cette E6, jusqu’à 20% des 300.000¥ du prix. En attendant de maîtriser ces fautes, il faut durer et vendre—même du polluant !

Coïncidence? Geely de Wuhu (Anhui) a du mal à boucler son rachat de Volvo (2,1MM$), pour ces mêmes raisons technologiques et financières. Ford, le revendeur (qui n’a à présent plus envie de revendre) ne veut pas céder la plateforme (commune à plusieurs de ses modèles). Tandis que dépassé par ses propres projets de développement, SAIC (Shanghai Automobile Industry Co), l’actionnaire principal de Geely ne peut le soutenir dans ses 1,4MM$ d’investissements supplémentaires, nécessaires pour la relance de Volvo. Tout ceci suggérant que cette Chine de la construction automobile n’a pas -encore- les moyens de ses ambitions.

 

 


A la loupe : Google – le couperet retombe ?

L’affaire Google s’approche de l’épilogue. Alléguant un hackage grave depuis la Chine, Google enjoignait le 12/01 le Parti communiste chinois de renoncer à censurer son réseau Google.cn, faute de quoi il quitterait la Chine. Il remettait ainsi en cause un des principes fondateurs du régime.

 Or la presse croit savoir (19/03) que Google jette l’éponge. L’annonce du groupe de Mountain View serait pour le 22/03, la fermeture pour le 10/04, 10 jours après la date limite pour renouveler la licence.

Durant ces 9 semaines, les deux parties ont maintenu l’écran de fumée. Chez Google, Serguei Vrin et Eric Schmidt répétaient avec optimisme dégressif leur détermination à travailler librement, ou à partir. Pékin tantôt niait la tenue de palabres, tantôt avertissait que le groupe «n’aurait à s’en prendre qu’à lui-même, ayant trahi des promesses solennelles » de se conformer à la loi chinoise.

Et pourtant, selon toutes apparences, les deux parties ont sérieusement oeuvré pour trouver le compromis gagnant/ gagnant. Le 15/03, les internautes croyaient détecter sur Google.cn un allègement du filtre, permettant d’accéder à des données pour des mots clés hier interdits, tels « Tian An Men » ou « Beijing Spring ». Tout se passait comme si l’on était en train de retoucher les modalités de la censure, à défaut de toucher à son principe de manière à renoncer à des secrets « de Polichinelle », (telle la phase du printemps de Pékin’89), entièrement ignorés de la jeunesse. Tout en concentrant l’effort de silence sur les échecs des temps modernes -«hukou», santé, corruption, pollution, et sur les cadres du Parti.

Mais, sous réserve d’inventaire, c’est la tendance dure, qui l’a emportée. Et Google prouve dans les faits que ses principes (inspirés par Vrin, ancien dissident soviétique) comptent plus que les affaires.

La suite se devine. Les ex-rivaux de Google (Baidu, Tencent, Microsoft), se positionnent pour récupérer les 36% de Google, de parts de marché de la recherche en ligne. Google devrait tenter de préserver sa relation avec China Mobile (son système d’exploitation Android, pour téléphones 3G), son labo de R&D. Ses ennemis lui prédisent de n’être jamais «pardonné» par Pékin, et que son départ est irrévocable. Le fait est que des deux côtés, la «casse» est importante. Google perd d’ici 2013 un marché potentiel de 830M d’utilisateurs. Devant faire son deuil d’outils d’avenir tels Chrome ou business-Google, l’internet chinois risque de devoir croître comme toile de seconde zone—à moins que ses internautes optent de plus en plus pour l’équipement en proxy, pour surfer « en exil » hors du pays.

NB: Indice du besoin de la Chine en soutien technologique étranger, depuis 2008 apparaît le chancre d’une censure commerciale privée, tel Mr Unknown qui nettoie sur demande, les sites des données qui dérangent. Le hackage coûte 2 à 4000¥ l’action. La loi est absente, la justice expéditive et à portée de qui peut payer. Cette dérive croît, sans que le système puisse s’en défendre. En terme de technologie, seul l’étranger peut l’assister.

 

 


Joint-venture : Rio Tinto/Chine -réconciliation conditionnelle

Lundi 22/03, s’ouvre à Shanghai le procès de l’australien Stern Hu, après 8 mois de préventive pour «vol de secrets commerciaux» et acceptation de bakchich. Il risque un maximum de 12 ans. En fait, ce patron en Chine du groupe minéralier australien Rio Tinto, aurait dérangé en dévoilant des ententes locales sur le prix du minerai de fer -source de fortunes aussi rapides et colossales qu’inavouables. Il aurait donc lésé des intérêts privés, mais au bras long, plutôt que ceux de la nation. Ce qui peut expliquer le souhait de Pékin, que ce procès ne soit pas «politisé», et ne prenne en otage les relations avec Canberra. Demande irréaliste pour le 1er ministre Kevin Rudd, qui avertit : « le monde aura les yeux fixés » sur ce procès.

Rio de son côté cherche à arrondir les angles. Déjà contrôlé à 9% par le chinois Chinalco, il avait indigné la Chine en 2009, en reniant une déclaration d’intention où le géant chinois de l’aluminium lui apportait20MM$ et préféré l’entente avec son compatriote BHP-Billiton. Rio offre à Chinalco d’investir 6MM$ (autant que lui-même) sur son site propriétaire guinéen de Simandou aux fabuleuses réserves de 2,25MMt de minerai.

Tom Albanese, PDG de Rio est à Pékin ce jour-là. On peut supposer que le bouclage du deal pourrait dépendre de l’issue du procès !

 

 


A la loupe : Universités : Pékin nettoie les écuries d’Augias

Le Plenum de l’Assemblée nationale populaire (ANP) qui vient de s’achever s’est penché sur une brillante malade, l’université. Brillante, avec ses 6 millions de nouveaux étudiants/an (6 fois plus qu’en 2000) dans ses plus de 1000 écoles et facultés, mais malade de dettes apocalyptiques et gangrenée par le plagiat de 60% des profs obligés de publier des fausses recherches pour avoir de l’avancement. Un symptôme remarqué, est l’absence de la RP de Chine parmi les rangs des Nobel, sauf en littérature, avec Gao Xingjian, dissident en exil.

La faillite tient à l’étranglement des universités par les cadres parachutés à leurs têtes, qui décident de tout, suivant des critères imposés par Pékin sans regard pour les situations locales. Le programme unique, de même, tue toute originalité et compétition : on «planche» les mêmes sujets de Haikou sous les tropiques, à Lhassa à 3600m d’altitude himalayenne. Autre perversion : les rangs (vice-ministre, gouverneur) de certains présidents d’université créent une solidarité de caste, mais font oublier la finalité d’étude et de recherche de l’établissement.

Avec son plan dit «réforme à moyen-long terme de l’éducation», le ministère veut réagir à ces tares, et rendre aux universités la liberté d’organisation et de recrutement, de programmes, de pédagogie.

Ce programme est complété par une expériencepilote: la création à Shenzhen d’une université des sciences et technologies de Chine du Sud, sous la houlette d’un précurseur Zhu Qingshi, ex-président de l’université nationale du même domaine. Pour tout recommencer, on part de rien. La 1ère promotion, en septembre 2010, ne comptera que 50 élèves. La direction sera élue par un conseil des autorités locales, des milieux patronaux, religieux etc., des enseignants et des élèves. Après le vote, cette direction autonome sera souveraine. La clé de voûte sera un règlement intérieur voté à la mairie, prenant ainsi force de «tables de la loi». Les profs seront recrutés sur le marché international avec salaires hongkongais-financés par les donations industrielles, selon le modèle anglo-saxon.

Ce projet qu’enseignants et étudiants attendent, est donc octroyé par un Etat bien conscient des besoins d’une Chine aux ambitions mondiales, de pouvoir se mesurer à armes égales avec les universités du monde démocratique. Au Plenum, Wen Jiabao, le 1er ministre, a validé la réforme, à matérialiser « au plus vite ».

Restent les grincements de dents des ronds de cuir-présidents, qui perdront leurs privilèges. Pour l’instant, leurs titres leur assurent un accès privilégié auprès des autres hauts cadres, pour défendre leur école. «Comment faire à l’avenir?», objectent-ils. Aussi, quelle pédagogie d’avenir, en remplacement du par-coeur de rigueur jusqu’à présent? Comment introduire dialogue? Démocratie? Peut-être ici, les universités d’Europe et d’Amérique auraient un modèle à venir présenter, une tradition occidentale à venir déployer. Si Pékin consent…

NB: Wen Jiabao a appelé à appliquer cette réforme, mais l’ANP (selon un agenda imposé d’en haut), ne l’a pas voté. Ce qui fait douter de l’unanimité du sommet, sur ce projet.

 

 


Pol : Shanxi—vaccination problématique

L’incident qui suit diffuse une lumière rare sur le rapport complexe entre administration, presse, Pékin et provinces. Après 6 mois d’enquête, China Economic Times dénonce à Taiyuan (Shanxi) une série périmée de vaccins périnataux contre encéphalite, hépatite B et rage, ayant causé entre 2008 et 2009, 4 morts et 74 cas de maladies.

Pour empêcher les hôpitaux d’utiliser des produits rivaux moins cher, l’office de santé provincial apposait aux boites des stickers. Mais comme ceux-ci ne collaient qu’à température ambiante, un dirigeant (non médecin de formation) avait fait stocker les vaccins hors climatisation. Chen Taoan, haut cadre, avait averti «30 fois en 2 ans» contre cette erreur sotte, puis en désespoir de cause, prévenu la presse locale. Laquelle, comme toujours en tel cas, pour se protéger, avait repassé le dossier à China Economic Times, à Pékin, hors de portée de représailles de la province. Dès décembre 2009, l’office avait démis le rond de cuir fautif. Après parution de l’article, il a nié en bloc et démis aussi Chen, l’homme par qui le scandale arrivait. Fort gêné, le ministère, qui apprenait l’affaire par la presse, annonce une contre-enquête.

NB: le cas ne doit pas remettre en cause l’acquis remarquable du pays en vaccination infantile. Selon les maladies périnatales, ses bébés sont vaccinés de 91 à 99%, source de l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

 

 


Temps fort : Miliband à Pékin : le dialogue de sourds

La visite en Chine de D.Miliband le ministre britannique des affaires étrangères, (15-17/03) s’est soldée par un échec. L’enjeu pourtant était tout sauf mince. Il s’agissait de remettre sur les rails une relation en crise et relancer une des plus puissantes coopérations sino-européennes. Depuis décembre 2009, les rapports sont tendus, suite :

[1] à l’exécution en Chine pour narcotrafic (30/12), d’Akmar Shaik, sujet britannique, et

[2] au sommet climatique de Copenhague, Miliband accusant Pékin de l’avoir torpillé par stratégie obstructionniste. Avec Bruxelles, Londres reproche aussi à la Chine une fermeture protectionniste de ses marchés aux produits des PME européennes.

Miliband espérait aussi convaincre Pékin d’accepter des sanctions contre l’Iran, pour contraindre le régime des mollahs à renoncer à sa course à la bombe. La Chine pour sa part semblait prête à donner de la face au ministre travailliste : en plus de Yang Jiechi son homologue, il fut reçu par Wen Jiabao et Dai Bingguo le Conseiller d’Etat, ce dernier rehaussant avec lui le «dialogue stratégique» à un niveau ministériel encore inédit. Mais l’innovation s’avéra plus cosmétique que fertile.

Sur l’Iran d’abord : Pékin reste sur sa position, que «la voie des négociations n’est toujours pas épuisée». Pour des raisons stratégiques, économiques et surtout historiques, la Chine est hostile à toute sanction de l’Ouest. Les experts lui prêtent l’intention, le moment venu d’ici quelques semaines, de tolérer des sanctions, mais dans les mêmes conditions qu’en 2006 et 2008 : après les avoir tant édulcorées qu’elles n’aient plus de sens.

Pomme de discorde, Miliband ne pouvait pas éviter le thème des droits de l’homme, du sort de l’avocat Gao Zhisheng, au secret depuis 6 mois -peut-être sous le coup d’une peine de 5 ans édictée en 2006, assortie d’un sursis aujourd’hui révoqué. Ce type de dialogue n’est pas fait pour arranger les choses, et Yang Jiechi n’offrit, en réponse, ni éclaircissement, ni élargissement.

Le seul point sur lequel le visiteur pouvait séduire ses hôtes, fut sa prise de distance vis-à-vis de l’attente montante des USA et de Bruxelles d’une réévaluation du Yuan, que Pékin rejette avec véhémence. Miliband émit aussi des sons sympathiques mais de plus en plus abstraits pour dire que « nos futurs sont liés », et « Chine et Royaume-Uni ne sont pas en conflit »…

Au terme de la rencontre, Yang préconisait que les 2 nations prennent la crise comme chance de renforcer la coopération en matière financière et d’énergies renouvelables. Aucun protocole diplomatique n’a été signé. Et de contrats, même en rêve, il n’était pas question. En fin de compte, la mission dévoile un manque de confiance entre les Etats. Chine et Royaume Uni, voire Chine et Occident. A sa presse, Miliband avouait sa crainte qu’à ne plus pouvoir s’entendre sur rien, la Chine et l’Ouest ne se condamnent à « une décennie de sur place ».

Pire : l’échec de Miliband est passé inaperçu ailleurs qu’en son pays – dans l’indifférence des nations – chacun pour soi. Il devrait pourtant frapper. En Chine, le Royaume-Uni n’est pas n’importe qui. Il est la puissance maritime qui lui imposa les Traités Inégaux, les métiers à tisser, les bicyclettes (Raleigh), l’évangélisation protestante et une grande part de son Etat moderne. Aussi, on se demande quelle panne doit inquiéter le plus -celle de Londres/Pékin, ou l’attention solidaire des autres ?

 

 


Petit Peuple : Hangzhou : la vie dans l’oeuf

Comparées à leurs soeurs d’Europe ou d’Amérique, les écoles chinoises ont souvent un problème d’autorité face aux enfants, dérivé de la tradition confucéenne de pouvoir absolu aux maîtres. Renforcé par les contingences matérielles, le nombre hyperbolique d’enfants à gérer avec un budget limité et une surface d’école inextensible, il ne reste plus aucune latitude aux éducateurs pour gérer les situations individuelles. Or, ces crises ou rebellions se multiplient avec le succès du planning familial : les enfants de la ville sont fils uniques, petits dragons habitués à voir prendre en compte leurs moindres désirs, et surprotégés, manquant de toute formation à la responsabilité. Comment donc, pour les enseignants, échapper aux deux excès de l’autoritarisme et du « tout est permis »? L’école populaire de Gongshu (Hangzhou) a trouvé la solution, moyennant une solide dose d’imagination et de maîtrise en psychologie enfantine. Lundi 1er mars, dans les classes, une surprise attendait les 800 garçons et filles. Une fois installés derrière leur pupitre, au lieu d’avoir comme d’habitude le droit de s’asseoir, ils durent entendre debout l’épreuve et la mission que leur assignait à tous le proviseur Zheng Zhilong.

Chaque enfant dut passer sur l’estrade, le foulard rouge autour du cou, et faire poing en l’air le salut des jeunes pionniers avant de recevoir de la maîtresse un oeuf tiré d’une bassine, enveloppé dans un sachet écarlate.«Protégez votre oeuf comme si c’était vous-même », avait dit Zheng, « il porte en lui la vie, comme chacun de vous. Vous devrez les apporter en classe chaque jour, chez vous chaque soir, et nous les rendre intacts vendredi soir». Parmi les enfants, les réactions furent des plus diverses, de l’incrédulité à la pure gourmandise : « c’est si petit et si fragile… le plus simple, serait que je le mange », fit Sun Zhiyu, fillette de 1ère A (3ème année, 11 ans), provoquant ainsi l’hilarité de sa classe.

Plus sérieusement, cent stratégies de protection de l’oeuf naquirent à la seconde. Les optimistes prétendirent le garder toujours en main. D’autres le stockèrent au centre du sac à dos, dans leur pull replié comme antichoc. Les plus inconscients le serrèrent dans la poche de l’anorak, ou le tiroir de leur table.

Le soir venu, de retour au bercail, dès le palier, la petite Sun cria à travers la por-te pour annoncer l’existence de la mission et exorciser le danger qui l’inquiétait depuis le matin: que sa mère distraite ne fasse cuire son oeuf.

Son voisin avait, lui, déployé une stratégie plus sophistiquée. Remplissant son casier de serviettes puis de coton, il en avait fait un incubateur. Retournant le soir à la maison, il avait poursuivi la couvée, tenant l’oeuf sous la chemise avant de foncer au poulailler pour confier l’oeuf à sa poule – il fut très déçu du désintérêt hautain que marqua le volatile vis-à-vis de son oeuf. D’autres, à la maison, le mirent au réfrigérateur. Tang Hanpin, (autre camarade de Sun) inventa avec son père une solution high-tech, protégeant l’oeuf au coeur d’une boite en fer remplie de grains de riz… Au bout de deux heures, la classe de Sun Zhiyu avait eu deux «tragédies», bien irriguées de pleurs : deux oeufs cassés par des mômes qui sortaient le leur à tout bout de champ pour vérifier qu’il était indemne. La 1ère A n’était pas la pire : la classe la plus brise-fer, avait sur son plancher une omelette de 10 oeufs. La semaine du défi permit de constater une nette diminution de l’agitation dans la cour et les couloirs, des courses poursuites et parties de marelle. La censeure Lu Honghua découvrit que les petits assuraient le plus, s’avérant plus soigneux et concentrés que les ados en pleine croissance, incapables de vivre sans crier ou sauter.

L’idée de la mission était venue d’elle. Le but était de concentrer l’attention des jeunes sur un autre être (en puissance), et de les arracher au cocon de la protection parentale, en les rendant eux-mêmes protecteurs d’autre vie que la leur.

C’est seulement le vendredi soir, en réceptionnant ce qui restait des oeufs, que Lu Honghua leur conseilla, par haut parleur, de tirer seul à seul le bilan de l’aventure : histoire d’apprendre par eux-mêmes à 以小见大 (yǐ xiǎo jiàn dà) : voir les grandes choses à travers les petites !

 

 

 


Rendez-vous : A Pékin, le salon de l’industrie nucléaire

22-24 mars, Pékin : CIPE/ CIPPE/ EXPEC / Salons sur les équipements, stockage, transport de pétrole, gaz, pétrochimie

23-26 mars, Pékin : NIC’2010, Salon de l’industrie nucléaire

23-25 mars, Qingdao : Salon pour l’industrie du métal

23-25 Shanghai : Domotex Asia/ ChinaFloor – Salon du revêtement de sol

26-28 Pékin : China Med, Salon des instruments médicaux