A la loupe : World of Warcraft, le jeu qui décoiffe—ou déchire

Incident très rare en ce pays, qu’un conflit ouvert entre deux instances tutélaires: le 3/11, la GAPP, tutelle chinoise de la presse , révoque la licence du jeu World of Warcraft au portail Netease, à qui il reproche des « manquements graves », tels ces ventes d’abonnements en ligne depuis le 17/09. Selon la firme, la mise en demeure n’a pas eu lieu par courrier, mais uniquement sur le site de la GAPP.

Or ce 3/11, le ministère de la culture convoque la presse pour taxer la GAPP d’abus de pouvoir et soutenir la légalité de l’exploitation du jeu par Netease.

Pour ce portail grand public, l’issue du conflit est question de vie ou de mort. Ce jeu du groupe américain Activision Blizzard est très populaire en Chine. Burning cruisade, son 4. épisode y compte 5 millions d’adeptes et rapportait 4M¥ /jour avant l’interdiction. Titulaire d’une licence provisoire de la GAPP depuis l’été, Netease avait estimé en septembre pouvoir s’en passer, ayant obtenu celle du ministère.

Le jeu en ligne passera cette année à 2,7MM² en Chine – contre 2MM² en 2008, selon le bureau d’analyse BDA. 227M de Chinois jouent sur internet, et 40M paient un abonnement. Cet engouement pour une vie «virtuelle» en ligne, est symptôme de son époque en mutation, d’un monde jeune, urbain, diplômé et en attente d’un emploi.

Ce conflit entre organes publics remonte à loin. En juillet 2008, le Conseil d’Etat octroyait à la GAPP la certification des jeux en ligne, et au ministère, leur licence d’exploitation. Partage confirmé le 7/09 par une instance d’arbitrage administratif qui réitéra la compétence du ministère pour les jeux en ligne et le dessin animé. Détail fascinant, la presse locale se rue dans la brèche, estimant avec le ministère que « les 2 parties devraient respecter la discipline du Conseil d’Etat »: ce qui est une manière de soutenir le ministère, ressenti comme le plus tolérant. Ainsi à travers cet incident, medias et groupes de l’audio-visuel peuvent rêver de profiter de la déchirure pour choisir leur censure «à la carte». Si cela se vérifiait, ce serait pour le système autoritaire, un début de la fin.

Ainsi épaulé, Netease qui a osé rouvrir son jeu après quelques heures de «maintenance», ne risque pas la fermeture immédiate. Mais vu la force de frappe des belligérants, aucune solution à court terme n’est possible: le Conseil d’Etat devra ré-arbitrer, ce qui prendra des mois.

L’incident en rappelle un autre, d’avant l’été. Le ministère des industries et technologies de l’information MIIT (encore une autre tutelle de l’internet!) avait voulu imposer à tout ordinateur un logiciel de censure, avant de renoncer sous le tollé intérieur et mondial —ledit logiciel étant lui-même soupçonné d’avoir été piraté. Dans les deux cas, un ordre brutal (non concerté) était mis en échec, induisant un processus de « démocratisation par défaut ». Ceci est révélateur d’une industrie encore naissante (sans règles), dans un pays lui-même émergent. Telle est d’ailleurs l’impression de Hu Yanping, directeur du Centre de données de l’internet chinois, qui conclut : « ces deux instances publiques se livrent une guerre de mots, mais aucune n’a suivi d’assez près la croissance de l’industrie locale du jeu en ligne » !

 

 

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