Le Vent de la Chine Numéro 36

du 9 au 15 novembre 2009

Editorial : En attendant Barak…

Au jour J-8, rien d’autre que la visite du Président Barak Obama (15-18 nov) ne semble brancher la Chine. Il est vrai que de cette relation stratégique, dépend plus que jamais une part de son avenir : les deux équipes gouvernementales devront trouver les moyens d’enrayer la guerre commerciale qui couve, poursuivre la politique de coopérations transpacifique tous azimuts, voire (comme hélas peu probable) se doter de quotas respectifs de réduction de leurs émissions de CO2, condition sine qua non d’un sauvetage du sommet COP 15 de Copenhague…

Sous cette ombre, les autres nouvelles du pays se détachent moins. Symbolisé par le 5. Forum Pékin-Tokyo (Dalian, 2-3/11), le rapprochement sino-japonais est une affaire de longue haleine, où ces géants de l’Asie s’efforcent de conjurer les monstres du passé, base pour construire ensuite un nouveau modèle de développement et d’entraîner une intégration régionale calquée sur le modèle de l’Union Européenne… vaste programme !

Avec l’Inde, le rapport est tout aussi malaisé, pétri de volonté de rapprochement que freine ici aussi les vieux démons. Delhi déplore que Pékin, tamponnant les visas de ses citoyens de l’Arunachal Pradesh sur feuille volante et non sur leur passeport, contestant de facto leur nationalité. Pékin s’indigne que le Dalai Lama se rende dans cette région frontalière, qu’elle revendique sous le nom de « Sud-Tibet ». Il dénonce aussi les permis de résidence au compte goutte en Inde, qui prétend ainsi rappeler aux firmes chinoises sur son sol, qu’elles peuvent aussi recruter des Indiens… Par contre, la volonté de coopérer est patente, notamment en politique environnementale : l’un et l’autre font un front du refus de toute baisse contraignante d’émissions carboniques, dictées par l’extérieur.

A Chongqing, les procès des bandes mafieuses se poursuivent d’arrache-pied. Le 4/11, c’était au tour de «grand-mère-marraine», alias «Soeur Xie». Xie Caiping, 46 ans, cheffe de bande tenait 30 salons de jeu et une kyrielle d’autres intérêts criminels, de holdup, drogue, soudoyait geôliers, police et juges sans difficulté : son beau-frère n’étant autre que Wen Qiang, sous-chef, puis chef de la justice. Xie en prend pour 18 ans. Cinq comparses dont un commissaire, pour 2 à 15 ans. Le 31/10, Zhou Yongkang, patron national de la sécurité publique jure (mais un peu tard) de démanteler les triades et mettre tous les parrains en prison. Sans oublier toutefois de leur tendre la main, promettant réhabilitation et recyclage, pourvu qu’ils acceptent de s’amender… On note ici ces rumeurs sourdes de Pékin qui critiquent la superbe de Bo Xilai, Secrétaire du Parti de Chongqing, auteur autoproclamé de cette purge. Selon d’autres, Bo aurait jeté ce pavé dans la mare, n’ayant plus rien à perdre, menacé par la limite d’âge, pour mettre en difficulté d’anciens compagnons du pouvoir central -qui se défend !

Enfin, la reprise économique poursuit son cours triomphal. S’ouvre en Birmanie le chantier d’un gazo et oléoduc en MM$, Maday-Ruili (Yunnan), pour libérer les imports d’hydrocarbures des aléas des pirates de Malacca et du blocus de la US Navy. Norinco, groupe d’armes, s’offre pour 5 ans 20.000t/mois d’aluminium de Rusal, le groupe russe ruiné. Novartis le pharmacien suisse place 1MM$ sur 5 ans en recherche et production en Chine, et le coréen LG annonce une usine d’écrans LCD à 4MM$ à Canton.

NB : la récession, qu’on ne s’y trompe pas, n’est pas finie pour tout le monde en Chine. A Canton, 40% des firmes publiques ont coupé les salaires ou s’apprêtent à le faire. La nouvelle enveloppe forcerait les employés à réduire leur train de vie d’au moins 10%. Ainsi, les PME (privées) souffrent, les grandes entreprises d’Etat prospèrent, moins par leur vertu que par le choix de l’Etat.

 

 


A la loupe : La fièvre automobile reprend

Dans le monde automobile chinois, toutes les marques présentes s’arrachent à la grande dépression et disent un grand «merci» à l’Etat, pour leurs pêches miraculeuses, nourries par le crédit des banques et du stimulus.

Nissan est un cas d’école. Son 3. trimestre est le premier à renouer avec le profit depuis octobre : 270M$, 65% de moins qu’en 2008, mais les ventes de six mois frisent les 400.000 (+48% en octobre). General Motors est le champion de l’année, bien parti pour vendre 1,6 million d’unités, y compris sa fourgonnette Wuling (JV), star du monde rural. Ce succès est peut-être pour quelque chose dans sa volte-face de la semaine passée, dénonçant la vente de sa filiale allemande Opel. Rétrospectivement BAIC, le constructeur pékinois peut pousser un grand « ouf » de soulagement d’avoir raté ce contrat et Geely, qui croit dur comme fer à sa tentative de rachat de Volvo, ferait peut-être bien de s’inquiéter – si Ford à son tour, décidait de garder son bien.

Ainsi en convalescence, ces groupes préparent un avenir qui, en Chine, sera dédié aux énergies propres, moins par choix que par nécessité, avec ses 23% de l’humanité, la faiblesse de ses réserves en pétrole et la gravité de sa pollution actuelle. L’Etat a déjà annoncé 2,9MM$ de soutien à cette filière. Il subventionne déjà l’achat de bus dans 13 métropoles -jusqu’à 60.000² par grands bus fonctionnant à l’hydrogène. Pékin veut avoir produit sur le sol chinois, sous 2 ans, 0,5 millions de véhicules propres.

BYD a ouvert le bal en décembre 2008, présentant sa F3DM hybride-électrique, suivi par Chery avec sa S18 (février). SAIC prétend dépenser 200M² d’ici 2011 en R&D de véhicules à énergie propre, et 400M² en production—les batteries seraient fournies par BYD. SAIC discute aussi avec BMW, pour assembler sa fameuse Série 7.

CNOOC aussi, « se tâte », pour voir s’il n’entrerait pas dans la danse, comme fournisseur d’un réseau de stations de charge. A cet effet, le pétrolier off-shore vient de mettre 500M² sur les batteries Lishen (de Tianjin).

Bien sûr les étrangers y vont tous de leurs projets en MM$ —sur leur sol ou en Chine : Renault-Nissan et l’Etat français, PSA avec Sanyo. PSA qui ne détient que 3,5% du marché, « beaucoup trop peu », rêve de remonter à 10%, grâce à un modèle en cours de développement, encore inconnu, « beaucoup plus chinois », annonce Nicolas Wertans, PDG adjoint.

Mais méfions-nous des effets d’annonce. Car à 83% de neuf, ces 10 millions de ventes donneraient 8 millions de véhicules de plus sur les routes. Or Sinopec, 1er distributeur de carburant, accuse au 3ème trimestre un recul de 9,32% des ventes à la pompe. CNPC l’autre grand pétrolier chinois, déclare 0,4% de recul. D’où la question : 36 millions de voitures (volume du parc chinois attendu en 2009) roulant avec autant ou moins d’essence que les 28 millions de l’an dernier, est-ce un miracle unique à la Chine ? Ou la méthode Coué ?

 

 

 

 


A la loupe : World of Warcraft, le jeu qui décoiffe—ou déchire

Incident très rare en ce pays, qu’un conflit ouvert entre deux instances tutélaires: le 3/11, la GAPP, tutelle chinoise de la presse , révoque la licence du jeu World of Warcraft au portail Netease, à qui il reproche des « manquements graves », tels ces ventes d’abonnements en ligne depuis le 17/09. Selon la firme, la mise en demeure n’a pas eu lieu par courrier, mais uniquement sur le site de la GAPP.

Or ce 3/11, le ministère de la culture convoque la presse pour taxer la GAPP d’abus de pouvoir et soutenir la légalité de l’exploitation du jeu par Netease.

Pour ce portail grand public, l’issue du conflit est question de vie ou de mort. Ce jeu du groupe américain Activision Blizzard est très populaire en Chine. Burning cruisade, son 4. épisode y compte 5 millions d’adeptes et rapportait 4M¥ /jour avant l’interdiction. Titulaire d’une licence provisoire de la GAPP depuis l’été, Netease avait estimé en septembre pouvoir s’en passer, ayant obtenu celle du ministère.

Le jeu en ligne passera cette année à 2,7MM² en Chine – contre 2MM² en 2008, selon le bureau d’analyse BDA. 227M de Chinois jouent sur internet, et 40M paient un abonnement. Cet engouement pour une vie «virtuelle» en ligne, est symptôme de son époque en mutation, d’un monde jeune, urbain, diplômé et en attente d’un emploi.

Ce conflit entre organes publics remonte à loin. En juillet 2008, le Conseil d’Etat octroyait à la GAPP la certification des jeux en ligne, et au ministère, leur licence d’exploitation. Partage confirmé le 7/09 par une instance d’arbitrage administratif qui réitéra la compétence du ministère pour les jeux en ligne et le dessin animé. Détail fascinant, la presse locale se rue dans la brèche, estimant avec le ministère que « les 2 parties devraient respecter la discipline du Conseil d’Etat »: ce qui est une manière de soutenir le ministère, ressenti comme le plus tolérant. Ainsi à travers cet incident, medias et groupes de l’audio-visuel peuvent rêver de profiter de la déchirure pour choisir leur censure «à la carte». Si cela se vérifiait, ce serait pour le système autoritaire, un début de la fin.

Ainsi épaulé, Netease qui a osé rouvrir son jeu après quelques heures de «maintenance», ne risque pas la fermeture immédiate. Mais vu la force de frappe des belligérants, aucune solution à court terme n’est possible: le Conseil d’Etat devra ré-arbitrer, ce qui prendra des mois.

L’incident en rappelle un autre, d’avant l’été. Le ministère des industries et technologies de l’information MIIT (encore une autre tutelle de l’internet!) avait voulu imposer à tout ordinateur un logiciel de censure, avant de renoncer sous le tollé intérieur et mondial —ledit logiciel étant lui-même soupçonné d’avoir été piraté. Dans les deux cas, un ordre brutal (non concerté) était mis en échec, induisant un processus de « démocratisation par défaut ». Ceci est révélateur d’une industrie encore naissante (sans règles), dans un pays lui-même émergent. Telle est d’ailleurs l’impression de Hu Yanping, directeur du Centre de données de l’internet chinois, qui conclut : « ces deux instances publiques se livrent une guerre de mots, mais aucune n’a suivi d’assez près la croissance de l’industrie locale du jeu en ligne » !

 

 


Argent : Chemin de croix pour AXA

Pourquoi, pour l’assureur AXA, aller vendre ses 15,6% de parts dans Taikang, n°5 (7,6% du marché chinois), très profitable, qui faisait 247M$ de revenu net l’an dernier? Pas par manque de fonds : AXA est n°1 en Europe. Peut-être parce que le moment est bon, alors que l’économie chinoise redémarre. La plus-value sera fructueuse aussi, si l’on en croit l’exemple de Carlyle qui avait de 2005 à 2007, repris pour 772M$ au total, 17% de China Pacific, la quatrième maison du pays : après son passage en bourse fin 2007, la position avait septuplé en valeur.

La part d’AXA dans Taikang vaudrait 1,05MM$ – mais elle montera, vu la qualité des candidats repreneurs: Temasek (gouvernement de Singapour, qui en a déjà 8%), Bain, Hopu, Blackstone, pour n’en citer que quelques uns.

Mais cela ne justifie toujours pas la cession des parts. La vraie raison semble être ici : dans Taikang, AXA est le 1er actionnaire, mais son Président Chen Dongsheng et d’autres actionnaires (Sinopec, groupe CITIC) lui barreraient la route à tout rôle décisionnel. Plutôt que de mener un combat perdu d’avance contre cette finance patriote, genre Jeanne d’Arc, AXA, raisonnablement, préférerait jeter l’éponge. Ce qui ne préjuge en rien de la suite de ses investissements en Chine…

 

 


Pol : Nettoyage d’hiver dans la maison Chine

La tendance est nette : le tandem Hu Jintao /Wen Jiabao fait un effort pour nettoyer les mauvaises pratiques des fonctionnaires.

[1] Le 3/11, un projet de directive du Juge suprême rendra toute administration passible de poursuites, pour avoir caché des informations à statut public. Suite au Code pratique d’accès à l’information gouvernementale de mai 2008, il entend saper la réglementation secrète locale (guiding), contre laquelle le citoyen est sans recours. Le nouveau texte interdira aux tribunaux d’enterrer les plaintes, pour obliger les coupables au bras-long.

[2] Le même jour, tombe à la trappe Zhou Ji, ministre de l’éducation, victime de l’ostracisme de 384 élus à la session de l’APL de mars. Ce limogeage satisfait la rue, qui lui reproche son incompétence: le bas niveau des écoles rurales, l’enveloppe rouge illégale mais trop fréquente pour transférer son enfant vers de meilleures écoles, voire meilleures fac…

[3] De même, le 6/11, une série de dirigeants de la Chinese Football Association (CFA) sont sous les verrous pour triche, dont Qi Wusheng, ex-entraîneur du onze national de football. Liu Yandong, Conseiller d’Etat, trouve intolérable le 102ème rang chinois entre Cap Vert et Estonie, ce qu’il attribue à ses mauvaises habitudes. Pour tout dire: l’élimination précoce de l’équipe à la Coupe du monde de 2010, ne passe pas, ni auprès de la rue, ni auprès du pouvoir.

 

 


Temps fort : Qian Xuesen—le dernier envol

Étonnante destinée que celle de Qian Xuesen, fils d’une grande famille nationaliste forcé par l’extrême droite américaine à émigrer en Chine « Rouge » en 1955 pour y fonder le programme spatial de Mao, avant de s’éteindre 54 ans après, à Pékin (31/10), à 98 ans.

Né en 1911 à Hangzhou (Zhejiang), il monta à Pékin à 3 ans, suivant son père nommé ministre de Chiang Kaichek. Eduqué aux meilleures écoles, il prit à 23 ans son diplôme d’ingénieur à Jiaotong (Shanghai). Invité aux USA pour un doctorat au MIT (Ministère des industries de l’information), son génie lui valut vite une place à l’institut stratégique Caltech, au sein de l’équipe de recherche en réacteurs. En 1944, il «débriefa» W. von Braun, l’ex-ingénieur-chef nazi, permettant aux Etats-Unis de progresser à pas de géant dans cette science naissante. Colonel à 33 ans, il était une des plus belles acquisitions chinoises de l’Amérique.

Les choses se gâtèrent quand Qian demanda sa naturalisation en ’49 en pleine chasse aux sorcières de Mc Carthy. Soupçonné de communisme, il perdit sa place de chercheur, sa fortune, sa liberté, avant d’être troqué avec la Chine contre des pilotes abattus en guerre de Corée.

Dès son arrivée, le Timonier et Zhou Enlai le mirent à la tête du programme spatial chinois et lui donnèrent tous les moyens disponibles. En 3 ans, il réalisa la fusée « Dongfang », puis le missile « Silkworm » lancé en 1964, juste avant les premiers tests nucléaires de la République populaire de Chine.

A l’Université des sciences et technologies de Chine – l’USTC de Hefei (Anhui), Qian forma des générations d’ingénieurs en technologies spatiales, à la base des actuels propulseurs «Longue Marche». Il ne pardonna jamais à cette Amérique qui l’avait reniée. C’est évidemment à cette rancoeur qu’il faut attribuer les articles qu’il écrivit en 1959 dans la presse stalinienne, où il prétendait «démontrer» la capacité agraire du régime, lors du Grand Bond en avant, à atteindre des rendements de 530kg/m². Ce mensonge de l’époque avait permis à Mao de lancer son pays dans une aventure qui se solderait par 30M de morts de faim en trois ans. Mais cette erreur, que bien d’autres commirent, n’ôte rien au génie de l’homme. La vraie leçon de cette destinée, est que par erreur, le pays le plus puissant du monde soutenait un futur rival, rééquilibrant ainsi la planète : la nature est bien faite.

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Une conséquence de cette époque, est l’annonce par Xu Qiliang, général en chef de l’armée de l’air, que ses forces se lancent dans la course à l’armement de l’espace pour (sic) « améliorer la capacité de frappe à longue distance, les guerres électroniques et l’internet avec logistique sur orbite». Xu justifie ce choix «irrévocable» par l’inévitabilité historique: «dans l’espace, seule la force garantit la paix». En 2007, l’APL, l’armée chinoise, avait déjà fait grincer les dents en détruisant un de ses satellites. Un débat est engagé, sur les répercussions de ce vieux rêve kaki d’une «grande muraille d’acier dans le grand ciel bleu ».

A notre avis, à ce jour, seule l’Amérique a officiellement mené un effort d’armement de l’espace (la «guerre des étoiles»). En pratique, on peut supposer que toutes les puissances spatiales disposent déjà de ce genre d’armes et investissent dans leur recherche. En cas de guerre mondiale, la quasi-totalité des satellites civils ou militaires disparaîtraient sans doute vite.

Détail significatif, Hu Jintao, alors (6/11), se dépêche de tempérer les propos de ses fougueux militaires : « la Chine milite pour l’usage pacifique de l’espace ».

 

 


Petit Peuple : Nanjing : l’homme au gosier d’or

Avec l’alcool, le Chinois a un rapport aussi passionné que l’Occidental, mais très différent. Du baijiu, rêche gnôle de grain, la compagnie des soiffards attend moins le brouhaha des chants paillards ou l’innocente extase d’un Noé s’enivrant avec sa servante, qu’un combat sans pitié dont le champ est la table, et l’arme le godet. Chaque minute, en des milliers de bistroquets en ville et au village, on joue au hua quan, selon des règles immuables au fil des millénaires. Au signal donné, chaque lutteur «dit» d’une main (selon une technique unique au pays) un nombre compris de 0 à 10. En même temps, il éructe un cri rauque un autre chiffre: son pari de la somme des deux mains, la sienne et celle de l’adversai-re. Le perdant paie en vidant un verre, puis le jeu reprend endiablé, jusqu’à 4 fois la minute. Le vainqueur est donc moins le meilleur devin, que celui à la meilleure encaisse. Bien vite, l’autre doit déclarer forfait, sous peine de subir l’abjection de rouler sous la table.

Souvent le jeu dépasse la dimension du passe-temps macho, pour viser un enjeu plus lourd. Au hua quan, des compagnies opposent leurs hérauts pour emporter un contrat. C’est le ciel qui décide, tel au temps des Trois Royaumes, les 2 généraux se livraient duel à mort, dont l’issue décidait du sort de la bataille, voire de la survie d’un royaume. C’est la survivance au XXI. siècle du «mandat du ciel», du signal révélé de la faveur des Dieux. Tout cela pour une lampée. Autant dire qu’un tel gosier, en Chine, vaut de l’or.

A Chongqing, le restaurant Qilong vient de tenir un concours de hua quan. A gagner : une place de héraut salarié 100.000¥/an, sans compter l’assurance-maladie-retraite et le plan épargne-logement. Pour rentrer dans ses frais, Li Xingjian le patron compte attirer à dîner les champions de tout le pays avec leurs supporters, pour se mesurer à son homme. En cas de victoire, ce challenger gagnera 50% de ristourne à vie sur ses repas: en Chine, pays joueur invétéré, telle promesse de duel d’alcool en permanence, est la voie royale de la fortune !

Du 3 au 6/10 dans l’arène du Qilong, le concours a attiré 89 gladiateurs de la fine. Après ces 4 jours de sirupeuses vapeurs éthyliques, Yu Weishou, boucher de 62 ans a emporté la palme. Sacré buveur-chef du Qilong, il a été dans la foulée confronté à plus de 100 autres challengers en 8 jours, qu’il a tellement battu à plate couture, que durant les dernières heures, parmi la foule dépitée, personne n’osait plus relever la tête ni le défi.

Parmi ces candidats s’est présentée une femme d’affaires en élégant tailleur, dirigeante d’un groupe immobilier. Face au boucher en tablier, elle a tenu une demi-heure, puis s’est retirée en titubant vers sa BMW. Avant de laisser le chauffeur redémarrer, à travers sa fenêtre baissée, elle a péroré une offre solennelle: loin d’elle l’idée de débaucher l’homme fort du Qilong, mais elle lui verserait 50.000¥ (hips), pas moins (hips), en échange de son secret. Détestant picoler, obligée de le faire pour rester tolérée dans ce monde de mecs, elle voulait s’approprier le moyen de boire efficace, pour réduire le supplice au strict minimum…

Hélas pour elle : sous le micro du journaliste venu couvrir l’événement, Yu a répliqué que de secret, il n’y en avait pas. A chaque joute, le stress l’aidait à laisser son instinct aux manettes, se concentrer avec force sur les doigts et les yeux de l’autre pour crier le chiffre venu du tréfonds de son âme. Le plus souvent, cela suffisait pour percer à jour la stratégie de l’autre, avec un minimum d’échec. Cette méthode, il l’avait mise au point pour ne pas se ruiner, car à son étal, il s’était engagé à offrir à quiconque le battrait, deux livres de boeuf. Cette tension proche de la transe, qui lui permet aujourd’hui de gagner à tout coup, porte un nom en chinois: 空手套白狼 kōng shŏu taò baí láng, «chasser le loup blanc à main nue » !

 

 

 


Rendez-vous : Pékin, le rendez-vous de la pharmacie

11-13 novembre : Shanghai, Paperworld, Salon des fournitures de bureau

11-13 novembre : Pékin, Interphex, Salon des fabricants d’équipements en pharmacie

11-13 nov. : Pékin, API, Salon chinois de l’industrie pharma

12-13 novembre, Shenzhen : ICC– China, sur les composants électroniques

13 novembre : Canton, Salon pour les tissus et fibres textiles