Temps fort : Qian Xuesen—le dernier envol

Étonnante destinée que celle de Qian Xuesen, fils d’une grande famille nationaliste forcé par l’extrême droite américaine à émigrer en Chine « Rouge » en 1955 pour y fonder le programme spatial de Mao, avant de s’éteindre 54 ans après, à Pékin (31/10), à 98 ans.

Né en 1911 à Hangzhou (Zhejiang), il monta à Pékin à 3 ans, suivant son père nommé ministre de Chiang Kaichek. Eduqué aux meilleures écoles, il prit à 23 ans son diplôme d’ingénieur à Jiaotong (Shanghai). Invité aux USA pour un doctorat au MIT (Ministère des industries de l’information), son génie lui valut vite une place à l’institut stratégique Caltech, au sein de l’équipe de recherche en réacteurs. En 1944, il «débriefa» W. von Braun, l’ex-ingénieur-chef nazi, permettant aux Etats-Unis de progresser à pas de géant dans cette science naissante. Colonel à 33 ans, il était une des plus belles acquisitions chinoises de l’Amérique.

Les choses se gâtèrent quand Qian demanda sa naturalisation en ’49 en pleine chasse aux sorcières de Mc Carthy. Soupçonné de communisme, il perdit sa place de chercheur, sa fortune, sa liberté, avant d’être troqué avec la Chine contre des pilotes abattus en guerre de Corée.

Dès son arrivée, le Timonier et Zhou Enlai le mirent à la tête du programme spatial chinois et lui donnèrent tous les moyens disponibles. En 3 ans, il réalisa la fusée « Dongfang », puis le missile « Silkworm » lancé en 1964, juste avant les premiers tests nucléaires de la République populaire de Chine.

A l’Université des sciences et technologies de Chine – l’USTC de Hefei (Anhui), Qian forma des générations d’ingénieurs en technologies spatiales, à la base des actuels propulseurs «Longue Marche». Il ne pardonna jamais à cette Amérique qui l’avait reniée. C’est évidemment à cette rancoeur qu’il faut attribuer les articles qu’il écrivit en 1959 dans la presse stalinienne, où il prétendait «démontrer» la capacité agraire du régime, lors du Grand Bond en avant, à atteindre des rendements de 530kg/m². Ce mensonge de l’époque avait permis à Mao de lancer son pays dans une aventure qui se solderait par 30M de morts de faim en trois ans. Mais cette erreur, que bien d’autres commirent, n’ôte rien au génie de l’homme. La vraie leçon de cette destinée, est que par erreur, le pays le plus puissant du monde soutenait un futur rival, rééquilibrant ainsi la planète : la nature est bien faite.

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Une conséquence de cette époque, est l’annonce par Xu Qiliang, général en chef de l’armée de l’air, que ses forces se lancent dans la course à l’armement de l’espace pour (sic) « améliorer la capacité de frappe à longue distance, les guerres électroniques et l’internet avec logistique sur orbite». Xu justifie ce choix «irrévocable» par l’inévitabilité historique: «dans l’espace, seule la force garantit la paix». En 2007, l’APL, l’armée chinoise, avait déjà fait grincer les dents en détruisant un de ses satellites. Un débat est engagé, sur les répercussions de ce vieux rêve kaki d’une «grande muraille d’acier dans le grand ciel bleu ».

A notre avis, à ce jour, seule l’Amérique a officiellement mené un effort d’armement de l’espace (la «guerre des étoiles»). En pratique, on peut supposer que toutes les puissances spatiales disposent déjà de ce genre d’armes et investissent dans leur recherche. En cas de guerre mondiale, la quasi-totalité des satellites civils ou militaires disparaîtraient sans doute vite.

Détail significatif, Hu Jintao, alors (6/11), se dépêche de tempérer les propos de ses fougueux militaires : « la Chine milite pour l’usage pacifique de l’espace ».

 

 

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