Politique : Pékin vante sa démocratie « aux caractéristiques chinoises »

Pékin vante sa démocratie « aux caractéristiques chinoises »

La Chine a longtemps attendu que les pays occidentaux paraissent aussi fragiles qu’aujourd’hui, pour clamer que son modèle est « supérieur » et plus « respectueux des désirs du peuple » que les leurs. Fort de son succès contre la Covid-19, Pékin a qualifié ce moment de « fenêtre d’opportunité stratégique ».  

Pourtant, Washington a coupé l’herbe sous le pied de Pékin en réunissant virtuellement une centaine de pays* lors d’un sommet des démocraties les 9 et 10 décembre, laissant la Chine sur le carreau…

Ajoutant de l’huile sur le feu, Washington a déroulé le tapis rouge à Taïwan, qui a été représenté par son ambassadeur de facto aux États-Unis et son ministre des Affaires digitales, Audrey Tang, mais aussi à l’ex-leader d’un mouvement démocrate hongkongais Nathan Law

Cet effort fédérateur inquiète Pékin. En effet, depuis l’arrivée de Joe Biden au pouvoir, le Président a mis un terme à l’isolationnisme de son prédécesseur et organise le retour des États-Unis sur la scène internationale. Après l’annonce du pacte Aukus et la relance du QUAD, cette « grand-messe de la démocratie » représente un nouvel effort des USA pour contrer la montée en puissance de la Chine. En invitant une palette de pays aussi large, les États-Unis tentent de regagner en influence auprès des pays en voie de développement, jusqu’à présent les meilleurs alliés chinois à l’ONU.

Sans surprise, Pékin a organisé la contre-attaque. Ce sommet ne serait qu’« une farce », « un produit évident d’une mentalité de guerre froide », « une démonstration d’hypocrisie pour promouvoir l’hégémonie américaine », d’après les dirigeants chinois.

La presse officielle s’est ensuite mise à tirer à boulets rouges sur la démocratie américaine, qui ne serait qu’un « jeu dysfonctionnel géré par une élite corrompue ».

Dans un rapport publié pour l’occasion par un think-tank pékinois, les auteurs décrivent une nation gouvernée par les « fake news », au système électoral défaillant, dont les pratiques chaotiques sont responsables des émeutes au Capitole en janvier dernier, un pays où 30 000 personnes sont tuées par arme à feu chaque année et où le racisme est profondément enraciné dans la société… Surtout, le rapport ne manque pas de souligner les 392 interventions militaires américaines à l’étranger depuis 150 ans, source d’instabilité et de chaos à travers le monde.

Malgré tous ces efforts, pointer les dysfonctionnements déjà bien connus – du système américain a peu de chances de rendre le modèle chinois plus attractif ou démocratique.

C’est pourtant ce que Pékin a voulu prouver en organisant son propre forum international sur la démocratie les 4 et 5 décembre, invitant politiciens et chercheurs « de plus de 120 pays » (le nombre a toute son importance).

Dans son discours d’inauguration, Huang Kunming, le tsar de la propagande, a présenté le concept de « démocratie à processus complet » (全过程民主) mis en avant par Xi Jinping, comme « une démocratie qui fonctionne ». C’est également le titre d’un livre blanc paru le même jour, qui affirme que « l’Occident n’a pas le monopole sur la démocratie (…) qui se manifeste sous diverses formes. C’est une valeur commune de l’humanité qui a toujours été chérie par le Parti et le peuple chinois ».

Pour appuyer ses dires, l’Etat-Parti avance plusieurs éléments censés prouver qu’il est démocratique. Seulement, l’enfer est dans les détails…

Certes, les citoyens chinois sont invités à voter pour élire leurs représentants locaux, sauf que seuls les candidats ayant reçu l’autorisation du Parti sont en mesure de se présenter.

Certes, l’Etat tient compte dans son processus législatif des opinions de différents acteurs, dont le grand public. Il est cependant difficile d’évaluer l’impact direct qu’ont les retours de la population sur les textes de loi.

Certes, le Parti prend en compte les intérêts de différents groupes, notamment à travers des organes consultatifs, comme la Conférence Consultative Politique du Peuple Chinois (CCPPC), mais ceux-ci rassemblent essentiellement d’influents hommes d’affaires et personnalités politiques…

Certes, il existe huit mini-partis politiques, mais ces derniers ne s’opposent jamais au Parti et leurs représentants n’obtiennent que très rarement des postes à haut niveau

Au final, le Parti ne tire pas tellement sa légitimité des urnes, mais plutôt de sa capacité à assurer l’ordre, la sécurité et le développement économique du pays.

Cependant, cet accent mis sur la performance n’est pas sans danger, puisque quand l’économie ralentit ou lorsque des crises surviennent, la légitimité du Parti peut rapidement être remise en cause. 

En fait, en orientant le débat sur la démocratie « aux caractéristiques chinoises », le Parti-Etat espère surtout neutraliser les critiques internationales.

En effet, le leadership est persuadé que les ambitions internationales de la Chine sont constamment contrecarrées par les critiques sur son système politique et le non-respect des droits humains. Voilà pourquoi la Chine tient tant à se présenter comme une démocratie.

Pour y arriver, elle part du principe que lorsqu’une affirmation est répétée dix mille fois, elle devient vérité. Une méthode qui sera probablement moins efficace auprès d’une audience étrangère

Il parait hautement improbable que les pays étrangers se laissent un jour convaincre que la Chine est véritablement démocratique, même parmi ses alliés…

Mais il faut reconnaitre que le modèle chinois d’un parti unique au pouvoir « au service » du développement économique, couplé à des promesses de non-ingérence, peut avoir un certain attrait auprès de quelques pays du Sud, fatigués des leçons et sanctions occidentales… C’est dans cette brèche que Pékin veut s’engouffrer.

************************

* La Chine n’est pas la seule à n’avoir pas été invitée. Russie, Egypte, Turquie, Hongrie, Singapour, Thaïlande, Cambodge, Laos, Birmanie, Thaïlande, Vietnam, Tunisie, Ouganda, Zimbabwe, Érythrée, Ethiopie, Soudan n’ont pas non plus été conviés… Par contre, Philippines, Malaisie, Indonésie, Pakistan, Irak, République Démocratique du Congo, ont reçu un carton d’invitation.

Avez-vous aimé cet article ?
Note des lecteurs:
3.28/5
11 de Votes
Ecrire un commentaire